Santé publique France (SPF) évalue l’impact de l’exposition à la pollution de l’air ambiant sur la survenue de maladies chroniques
Par : Sophie Sanchez
Pour la première fois, Santé publique France a mené une évaluation quantitative d’impact sur la santé (EQIS) de l’exposition au long cours de la population à la pollution de l’air ambiant en s’intéressant à la survenue de maladies chroniques respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques. Plusieurs dizaines de milliers de cas de maladies seraient évitables en réduisant les niveaux des particules fines et de dioxyde d’azote dans l’air ambiant.
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Santé publique France
Santé publique France est l’agence nationale de santé publique. Établissement public administratif sous tutelle du ministère chargé de la Santé, l’agence a été créée par ordonnance et décret n°2016-523 du 27 avril 2016.
Née du regroupement de quatre organismes (l’Institut national de veille sanitaire – InVS, l’Institut national de Prévention et d’éducation pour la Santé – INPES, l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – EPRUS et le groupement d’intérêt public Adalis – addiction, drogue, alcool info service), Santé publique France est un centre de référence en santé publique.
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Déclaration de Dr Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France
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Objet de l’étude et partenaires
Santé publique France a cherché à évaluer en France hexagonale, pour la période 2016-2019, l’impact pour la population de l’exposition à la pollution de l’air ambiant sur le développement de huit maladies qui ont un lien scientifiquement avéré avec les particules fines et le dioxyde d’azote, les deux polluants les plus étudiés, à savoir :
- au niveau respiratoire : cancer du poumon, broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), asthme de l’enfant et de l’adulte, pneumopathie et autres infections aiguës des voies respiratoires inférieures (grippe exclue) ;
- au niveau cardiovasculaire : accident vasculaire cérébral (AVC), infarctus aigu du myocarde, hypertension artérielle ;
- au niveau métabolique : diabète de type 2.
Ces travaux, rendus publics le 29 janvier 2025, s’inscrivent en complément de ceux publiés par l’Agence en 2021 selon lesquels la mortalité liée à la pollution de l’air ambiant reste un risque conséquent en France avec 40 000 décès attribuables chaque année aux particules fines.
Cette étude a été menée en partenariat d’une part sur le volet sanitaire avec l’Ineris, l’ORS Île-de-France, le Creai-ORS Occitanie, le Citepa et le Centre d’investigation clinique 1401 –épidémiologie Clinique (Inserm/CHU de Bordeaux), et d’autre part sur le volet économique avec Aix-Marseille School of Economics (Aix-Marseille Université/CNRS). Elle s’est appuyée sur la démarche conduite dans le cadre du projet EMAPEC « Estimation de la morbidité due à la pollution atmosphérique et de ses impacts économiques » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), auquel Santé publique France a également contribué.
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Résultats
Les résultats soulignent qu’au-delà de ses impacts sur la mortalité, l’exposition à la pollution atmosphérique d’origine anthropique (en lien avec les activités humaines) constitue « un fardeau important pour la santé en France hexagonale ».
Selon la maladie et le polluant étudié,
- entre 12 et 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant (soit entre 7 000 et presque 40 000 cas),
- et entre 7 et 13 % des nouveaux cas de maladies respiratoires, cardiovasculaires ou métaboliques chez l’adulte (soit entre 4 000 et 78 000 cas)
sont attribuables annuellement à une exposition à long terme aux particules fines (PM2,5, inférieures à 2,5 micromètres) et au dioxyde d’azote (NO2) d’origine anthropique.
Impact de l’exposition aux PM2,5
Émises par le chauffage au bois, le trafic routier, l’agriculture ou les activités industrielles, les PM2,5, qui pénètrent profondément dans l’organisme, ont l’impact le plus élevé sur la morbidité.
Ainsi, l’exposition aux PM2,5 représente près de 40 000 nouveaux cas d’asthme chaque année chez l’enfant.
Chez l’adulte, au niveau respiratoire, le poids total de ces particules représente :
- plus de 22 000 nouveaux cas de bronchopneumopathie chronique obstructive (soit 11 %) à partir de 40 ans,
- et plus de 4 100 nouveaux cas de cancers du poumon à partir de 35 ans (soit 10 %).
Au niveau cardiovasculaire, les incidences sont encore plus fortes :
- avec 78 000 nouveaux cas d’hypertension artérielle (11 %) à partir de 18 ans,
- plus de 10 000 nouveaux cas d’accident vasculaire cérébral (plus de 10 %) à partir de 35 ans,
- et plus de 8 100 nouveaux cas d’infarctus aigu du myocarde à partir de 30 ans (8,5 %).
Enfin, plus de 14 400 cas de diabète de type 2 (7 %) sont attribuables à l’exposition aux particules fines.
Impact de l’exposition au dioxyde d’azote (NO2)
L’impact de l’exposition au dioxyde d’azote (NO2), gaz toxique émis principalement par le trafic routier, est surtout observé dans les zones urbaines.
Dans ces zones, le poids du NO2 représente en moyenne :
- presque 16 % des nouveaux cas d’asthme chez l’adulte de 18 à 39 ans, soit plus de 10 000 cas,
- plus de 15 % des nouveaux cas d’asthme chez l’enfant de 0 à 17 ans, soit plus de 21 000 cas,
- et plus de 14 % des nouveaux cas de pneumopathies et infections aiguës des voies respiratoires inférieures chez les enfants de moins de 13 ans, ce qui correspond à plus de 6 000 cas.
À cet égard, l’étude souligne la nécessité d’une réduction des concentrations en PM et en NO2 à des niveaux équivalents aux valeurs guides de l’OMS publiées le 22 septembre 2021 (lire notre article sur les nouvelles valeurs-guides de l’OMS). Celles-ci définissent les niveaux de qualité de l’air nécessaires pour réduire les risques pour la santé de la population, soit 5 µg/m3 pour les PM2,5 et 10 µg/m3 pour le NO2.
Elles permettraient « d’éviter une grande partie de la morbidité attribuable à la pollution en lien avec les activités humaines, à hauteur de 75 % pour les PM2,5 et de près de 50 % pour le NO2 ». À titre d’illustration, le respect de la valeur guide de l’OMS pour les PM2,5 permettrait d’éviter presque 30 000 nouveaux cas d’asthme chez les enfants.
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Impact économique
L’étude estime également qu’en France hexagonale l’exposition de la population à la pollution de l’air ambiant représente un « impact économique majeur » en termes de santé et de bien-être pour les maladies étudiées.
Cet impact est estimé
- à 12,9 milliards d’euros en lien avec les PM2,5, soit presque 200 euros par an et par habitant,
- et à 3,8 milliards d’euros pour le NO2, soit 59 euros par an et par habitant.
À l’inverse, si les valeurs guides de l’OMS étaient respectées, des bénéfices importants seraient enregistrés en matière de santé publique.
- Ainsi, si la valeur-guide de l’OMS de 5 µg/m3 pour les PM2,5 était respectée en France hexagonale, les bénéfices annuels en termes de santé et de bien-être pour les maladies étudiées en lien avec les PM2,5 s’élèveraient à 9,58 milliards € (valeur 2018), soit 148 euros par habitant et par an.
- Si la valeur-guide de l’OMS de 10 µg/m3 pour le NO2 était respectée en France hexagonale, les bénéfices annuels en termes de santé et de bien-être pour les maladies étudiées en lien avec le NO2 s’élèveraient à 1,69 milliard €, soit 26 euros par habitant et par an.
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Conclusion
Les résultats de cette étude confortent l’importance en termes de santé publique de poursuivre et de renforcer les actions mises en place par les pouvoirs publics afin de répondre aux objectifs de la nouvelle directive européenne (directive (UE) 2024/2881) concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.
Dans le cadre du « pacte vert pour l’Europe », publié le 11 décembre 2019 (lire notre dossier de fond), la Commission européenne s’est engagée à améliorer davantage la qualité de l’air et à aligner plus étroitement les normes de l’Union européenne sur les recommandations de l’OMS. Dans son plan d’action « zéro pollution », publié le 12 mai 2021 (lire notre article), la Commission européenne s’engage ainsi à réduire, d’ici à 2030, l’incidence de la pollution atmosphérique sur la santé de plus de 55 %.
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En savoir plus
- Communiqué de presse
- Synthèse nationale de l’étude
Volume 1 – évaluation quantitative d’impact sur la santé
Volume 2 – évaluation des impacts économiques