Programmation énergétique : consultation publique finale sur une version révisée de la PPE
Par : Sophie Sanchez
Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie, a lancé le 7 mars 2025 la consultation finale du public sur la troisième édition du projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3). La nouvelle version de la PPE 3 comprend de nouveaux éléments concernant notamment l’électricité, la flexibilité et les projets photovoltaïques. La consultation se terminera le 5 avril 2025. La version finale de la PPE sera ensuite adoptée par décret.

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Contexte et objectifs de la PPE
Conciliant la lutte contre le changement climatique pour atteindre la neutralité carbone, la maîtrise des prix de l’énergie, et la préservation de la sécurité d’approvisionnement énergétique, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « concrétise l’action du Gouvernement pour transformer notre système énergétique et doter la France d’une énergie décarbonée, compétitive et souveraine », fait valoir Marc Ferracci dans un communiqué de presse.
Le saviez-vous ?
Créée par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un outil de pilotage de la politique énergétique de la France. Elle fixe les priorités d’actions pour la politique énergétique qui permettront à la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050, une nécessité pour répondre au défi climatique.
Autrement dit, elle fixe des objectifs concrets dans les domaines de consommation et de production énergétique (baisse des consommations, développement des énergies renouvelables et du nucléaire, etc.) pour les dix années à venir.
Cette troisième PPE est établie pour la période 2025-2035. Comme les précédentes, elle sera revue
à mi-parcours, en 2030.
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À l’échelle nationale, comme le rappelle le document, le dérèglement climatique a déjà un impact tangible sur le quotidien des Français, avec une hausse de la température moyenne de +1,7 °C par rapport à l’ère préindustrielle et la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes.
Face à cette situation, le Gouvernement agit pour limiter au maximum les émissions de gaz à effet de serre qui en sont responsables, en cohérence avec les engagements internationaux de la France et adapter la société aux effets du dérèglement climatique.
Les trois feuilles de route correspondantes – le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – constituent « le socle d’une action cohérente, intégrée et ambitieuse en la matière, présentée sous l’intitulé « Stratégie française pour l’énergie et le climat » (SFEC) » (lire notre article).
Pour rappel, la deuxième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), portant sur la période 2019-2028, avait été formellement adoptée par le décret n°2020-456 du 21 avril 2020 (JO du 23) (lire notre article).
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Phasage des consultations
La préparation de la PPE 3 a débuté en 2021 par la mise en œuvre de modélisations techniques et des échanges avec les acteurs – experts, énergéticiens, filières, consommateurs, etc.
Plusieurs phases de participation du public et concertation s’en sont suivies :
- la concertation « Notre avenir énergétique se décide maintenant » lancée fin 2022 ;
- les groupes de travail co-présidés par des parlementaires et des élus locaux réunis par la Ministre Agnès Pannier-Runnacher en 2023 ;
- la concertation nationale organisée fin 2024, qui a mobilisé près de 50 000 participants, a permis de recueillir plus de 7 500 propositions et 1,2 million de votes sur celles-ci.
Plusieurs instances ont également été consultées : l’Autorité environnementale (AE), le Conseil national de la transition écologique (CNTE), le Conseil supérieur de l’énergie (CSE), le Comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE), le Comité du système de distribution publique d’électricité (CSDPE) et le Haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA) ainsi que le Haut conseil pour le climat (HCC), sur auto-saisine.
L’avis du public a été recueilli lors de la concertation préalable organisée sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) du 4 novembre au 16 décembre 2024.
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Principales modifications apportées depuis la mise en concertation en novembre 2024
Les commentaires reçus ont conduit à apporter plusieurs modifications au projet :
– ajout d’un chapitre dédié au suivi de la consommation électrique et d’un chapitre sur les coûts du système électrique dans son ensemble,
– ajout d’une dimension industrielle et développement des actions envisagées pour suivre et anticiper l’impact sur les emplois et compétences.
Ainsi les principales modifications apportées depuis la version du projet de PPE mis en concertation en novembre 2024 sont
– Ajout d’un chapitre dédié à l’électrification : comme relevé dans le bilan de la concertation établi par les garants de la CNDP, « le thème de l’électrification des usages apparaît […] comme un sujet controversé ». Le Conseil supérieur de l’énergie a quant à lui souligné le rôle essentiel de l’électrification dans la décarbonation des usages. En conséquence, un chapitre dédié à l’électrification, portant plusieurs actions, dont la mise en place d’un tableau de bord de suivi de la production, de la consommation d’électricité par secteur et des actions sectorielles, a été ajouté ;
– Choix d’une cible unique pour l’objectif 2030 : l’article L. 141-3 du code de l’énergie ne mentionne la possibilité de fixer des objectifs sous forme de fourchettes que pour la seconde période, du fait des incertitudes techniques et économiques plus marquées à cet horizon. Il en résulte que cette possibilité ne s’applique pas à la première période ;
– Modification des trajectoires pour le photovoltaïque (cible 2035) : certaines parties prenantes ont jugé les cibles proposées pour 2035 trop ambitieuses au regard du retard pris dans l’électrification des usages.
D’autres, dont les fédérations professionnelles des énergies renouvelables, signataires du Pacte solaire lancé par l’État en 2024, ont au contraire appelé au maintien voire au rehaussement de ces cibles. RTE, dans son bilan prévisionnel 2035, propose une trajectoire haute à 90 GW en 2035 (rythme porté à 7 GW/an) et une trajectoire basse à 65 GW (rythme maintenu à 4 GW/an). Le projet de PPE 3 révisé reprend la trajectoire étudiée par RTE.
En outre, il a été précisé que le rythme de développement du photovoltaïque pour la seconde période sera révisé d’ici 2030 en fonction de la demande en électricité ;
– Répartition des volumes par types de projets photovoltaïques : plusieurs instances consultatives (dont le CNTE et le CSE) ont considéré nécessaire de définir « une trajectoire globale équilibrée et pilotable entre les différentes formes de photovoltaïque ».
Par ailleurs, une des idées plébiscitées par les citoyens sur la plateforme de consultation make.org et dans certains cahiers d’acteurs est notamment de concentrer le développement des panneaux solaires en tant qu’énergie renouvelable sur des surfaces artificialisées comme les toitures et parkings, plutôt que sur des terres agricoles ou forestières. La répartition des panneaux entre grandes installations, petites installations et petites et moyennes toitures a été ajustée, après une concertation menée avec la filière, en relevant la part des grandes installations à 54 % (avec 38 % pour les grandes installations au sol et 16 % sur grandes toitures), et en ajustant la part à 5 % pour les petites installations au sol et 41 % pour les petites et moyennes toitures. La part exacte de l’agrivoltaïsme dans cet objectif reste à affiner, en fonction des possibilités de déploiement de ces installations, des autres installations photovoltaïques, et des besoins du monde agricole ;
– Hydrolien : le bilan de la concertation établi par les garants de la CNDP, sur la base de certains cahiers d’acteurs, met en lumière un appel au maintien d’une ambition de développement de l’hydrolien. Des modifications ont été apportées pour permettre un soutien public de cette filière, tout en maîtrisant l’impact en termes budgétaires ;
– Modification des cibles hydrogène : le bilan de la concertation établi par les garants de la CNDP présente le point de vue de certains acteurs, qui souhaitent une « reconnaissance du potentiel de l’hydrogène », tout en soulignant que son « manque de compétitivité […] reste un point bloquant à l’adoption de cette technologie dans les stratégies de décarbonation des industriels ». En complément, le Conseil supérieur de l’énergie a estimé « nécessaire de fixer des objectifs ambitieux de développement des capacités d’électrolyse à 2035, […] en phase avec le potentiel de la France ». Les objectifs de développement des capacités d’électrolyse ont été réévalués au regard du potentiel de déploiement de ce vecteur énergétique, tout en conservant une ambition forte pour la filière industrielle.
– Ajout de cibles industrielles plus précises : le Conseil supérieur de l’énergie et certains cahiers d’acteurs ont rappelé la nécessité d’apporter de la visibilité aux entreprises. Dans ce cadre, les objectifs industriels de production de certains équipements des filières d’énergies renouvelables ont été davantage détaillés ;
– Partie flexibilité : certains acteurs et certaines instances consultatives (dont le CSE) ont suggéré de préciser les objectifs en matière de flexibilité en détaillant divers sous-objectifs, ce qui semble prématuré au regard des travaux relatifs au mécanisme de capacité et à l’évaluation des besoins de flexibilité. Distinguer un objectif pour chaque technologie pourrait être non optimal d’un point de vue de la minimisation des coûts du système électrique et donc de la compétitivité des prix de l’électricité en France. Une analyse des besoins en flexibilités sera menée en 2025 par RTE puis soumise à l’approbation de la CRE, dans le cadre notamment de la publication du prochain bilan prévisionnel d’ici la fin de l’année 2025 et conformément à la mise en œuvre de la réforme européenne de 2024 du marché de l’électricité. Cette étude permettra de définir des indicateurs pertinents pour caractériser le besoin de modulation (consommation et production) auquel doit répondre le système électrique et développer les bouquets de flexibilités décarbonées adaptés ;
– Hiérarchisation des usages de la biomasse : plusieurs instances consultatives ont critiqué le fait que le tableau de hiérarchisation des usages de la biomasse n’indiquait pas de priorisation claire des usages non-énergétiques. Le tableau a été ajusté en conséquence ;
– Ajout d’une partie sur les coûts : plusieurs instances consultatives (dont le CNTE et le CSE) et les garants de la CNDP dans leur bilan ont recommandé que la PPE 3 donne davantage d’éléments sur les coûts de chaque technologie de production électrique et leur impact à l’échelle du système. Une partie dédiée, reprenant notamment des éléments de RTE, a été ajoutée, avec une action de mise à jour régulière ;
– Évaluation des charges de service public de l’énergie : outre l’intégration des recommandations de l’avis du CGCSPE, le chiffrage a été actualisé avec les objectifs de déploiement des énergies renouvelables ajustés après la concertation ;
– Développement de la partie dédiée aux impacts sur les emplois et compétences : plusieurs instances (dont le CNTE et le CSE) ont souligné l’importance d’anticiper les impacts de la transition sur les emplois et les besoins en compétences. La partie dédiée du projet de PPE 3 a été développée, en y faisant figurer des actions plus précises ;
– Effets du changement climatique sur le système électrique : en réponse à une recommandation du Haut Conseil pour le climat, une action a été ajoutée pour que l’analyse des effets du changement climatique sur le système électrique soit mise à jour ;
– Modification des scénarios d’obligations relatives aux certificats d’économie d’énergie : le CSE a recommandé la simplification du scénario bas avec un volume unique de CEE à la place d’une fourchette. Cette recommandation a été suivie pour la 6ème période. Par ailleurs, le scénario haut pour la 7ème période est passé de 2 500 TWh cumac à 2 250.
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Consultation finale
La consultation finale du public qui s’est ouverte est l’occasion de recueillir d’ultimes remarques sur le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie, dont la version finale sera ensuite adoptée par décret.
Un bilan de cette consultation sera établi et rendu public par le ministère de l’Industrie et de l’Énergie.
En savoir plus
Retrouvez le communiqué de presse sur la dernière étape pour la finalisation de la PPE
Consultez le projet de PPE 3
Retrouvez la présentation des changements apportés dans la PPE
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