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Publié le 25 avril 2025

Mise à jour de la stratégie nationale hydrogène

Par : Sophie Sanchez

Modifié le : 25/04/2025
Réf . : 2025_04_17

Le gouvernement a rendu publique le 16 avril 2025 la deuxième stratégie nationale de l’hydrogène décarboné, cinq ans après la première.

Lancée en 2020 (lire notre article [Plan de relance : présentation de la stratégie hydrogène de la France – Citepa]), la Stratégie nationale hydrogène définit des objectifs de développement de l’hydrogène bas-carbone au service des souverainetés énergétique et industrielle de la France. La révision « prend acte des évolutions structurantes » intervenues ces cinq dernières années sur « une chaîne de valeur clé pour la réduction des émissions de dioxyde de carbone d’un ensemble d’industries lourdes et de modes de transports fortement émetteurs », fait valoir le gouvernement.

La production d’hydrogène « vert » par électrolyse de l’eau (sans combustibles fossiles) devra finalement atteindre « jusqu’à 4,5 gigawatts (GW) » installés en 2030, contre 6,5 GW visés jusqu’alors. Dans le même esprit, l’objectif 2035 est ramené de 10 GW minimum à un plafond de 8 GW disponibles en raison d’une maturation technico-économique « plus longue qu’initialement espérée ».

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Bilan à cinq ans

150 projets permettant le développement de 8.000 emplois

Cinq ans après le lancement de sa stratégie initiale, l’État a soutenu « plus de 150 projets concernant l’hydrogène », notamment avec France 2030, qui « permettront le développement, d’ici 2030, de 8 000 emplois directs », précise le ministère de l’Économie, chargé également de l’Industrie et de l’Énergie.

Ainsi du côté du soutien à la production d’hydrogène :

L’appel à projets « écosystèmes territoriaux », lancé en octobre 2020, a permis à date le soutien à 46 projets d’écosystèmes tournés principalement autour de la mobilité hydrogène, pour lesquels ont été soutenus de manière intégrée la production d’hydrogène, sa distribution et les véhicules consommateurs ;

Le programme « projets importants d’intérêt européen commun » (PIIEC), dans son volet production d’hydrogène, permettra également le déploiement sur le territoire français de six projets précurseurs de « production massive d’hydrogène » pour des usages industriels (chimie, ammoniac, raffinage…). Ces projets permettront d’installer les premières briques de production d’hydrogène au sein des zones industrielles françaises à Fos-Sur-Mer, au Havre-Estuaire de la Seine, ou encore dans la « Vallée de la Chimie » à Lyon, qui représentent des pôles de consommation majeurs d’hydrogène pour l’avenir.

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Comment produire l’hydrogène

Le 8 juillet 2020, la Commission européenne a présenté une stratégie sur l’hydrogène en vue de la neutralité climatique de l’Europe (lire notre article). La nouvelle stratégie a détaillé les différents procédés de production de l’hydrogène qui sont nombreux. Selon le procédé utilisé, la quantité d’émissions de gaz à effet de serre (GES) générée varie considérablement en fonction de la technologie et la source d’énergie utilisées. Les implications sur le plan des coûts et les exigences matérielles sont sujettes aux mêmes variations.

Pour y voir plus clair, la Commission a proposé une terminologie de ces procédés de production couverts par la stratégie :

▪ « hydrogène électrolytique » : l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau (dans un électrolyseur, alimenté par de l’électricité), quelle que soit l’origine de l’électricité. Pour la production d’hydrogène électrolytique, la quantité d’émissions de GES sur la totalité du cycle de vie dépend du mode de production de l’électricité. (Les émissions de GES de la production à l’utilisation (well-to-gate) pour le bouquet électrique de l’UE sont de 14 kg CO2e/kgH2 alors qu’elles sont de 26 kg CO2e/kgH2 pour le bouquet électrique mondial (source : Commission européenne, COM(2020)301 d’après AIE, 2019) ;

« hydrogène renouvelable (ou hydrogène propre ou encore hydrogène vert) » : l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau (dans un électrolyseur, alimenté par de l’électricité) et avec de l’électricité d’origine renouvelable. Pour la production d’hydrogène renouvelable à partir de l’électricité d’origine renouvelable, la quantité d’émissions de GES sur la totalité du cycle de vie est proche de zéro (source : AIE, 2019). L’hydrogène renouvelable peut également être produit par reformage du biogaz (au lieu du gaz naturel) ou par conversion biochimique de la biomasse, si le procédé est conforme aux exigences de durabilité ;

« hydrogène d’origine fossile » (ou hydrogène gris) : l’hydrogène produit par divers procédés utilisant des combustibles fossiles comme matières premières, principalement le reformage de gaz naturel ou la gazéification du charbon, ce qui représente la majeure partie de l’hydrogène produit aujourd’hui. Pour la production d’hydrogène d’origine fossile, la quantité d’émissions de GES générée sur la totalité du cycle de vie est élevée : de la production à l’utilisation, la quantité d’émissions de GES résultant du vaporeformage du gaz naturel est de 9 kg CO2e/kgH2 (source : AIE, 2019);

« hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 » (ou hydrogène bleu) : une sous-catégorie de l’hydrogène d’origine fossile, dans laquelle les GES émis au cours du processus de production sont captés. La production d’hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 ou pyrolyse génère moins d’émissions de GES que celle de l’hydrogène d’origine fossile, mais il convient de tenir compte de l’efficacité variable du captage des GES (90 % au maximum). De la production à l’utilisation, la quantité d’émissions de GES résultant du vaporeformage du gaz naturel avec captage et stockage du carbone (CSC) est de 1 kg CO2e/kgH2 pour un taux de captage de 90%, et de 4 kg CO2eq/kgH2 pour un taux de captage de 56% (source : AIE, 2019);

« hydrogène bas carbone » : terme englobant l’hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 et l’hydrogène électrolytique, avec une réduction significative de la quantité d’émissions de GES sur la totalité du cycle de vie par rapport à l’hydrogène produit avec les techniques existantes (NB. la Commission ne quantifie pas cette réduction) ;

« combustibles de synthèse dérivés de l’hydrogène » : divers combustibles gazeux et liquides dérivés de l’hydrogène et du carbone. Pour que les combustibles de synthèse soient considérés comme renouvelables, la composante « hydrogène » du gaz de synthèse devrait être renouvelable. Les combustibles de synthèse englobent, par exemple, le kérosène de synthèse pour l’aviation, le gazole de synthèse pour les voitures, et diverses molécules utilisées dans la fabrication de produits chimiques et d’engrais. Les niveaux d’émissions de GES associés aux combustibles de synthèse peuvent varier considérablement en fonction des matières premières et des procédés utilisés. Le niveau des émissions de polluants atmosphériques résultant de la combustion de combustibles de synthèse est semblable à celui des combustibles fossiles.

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Mise à jour de la stratégie

Demande pour l’hydrogène bas carbone par électrolyse de l’eau plus tardive qu’anticipé initialement

Pour autant, plusieurs évolutions significatives sont intervenues depuis 2020 : « la maturation technico-économique s’avère plus longue qu’initialement espérée par l’écosystème », constate le document. Ainsi « il est nécessaire d’accorder encore du temps à la filière pour mettre sur le marché des électrolyseurs fiabilisés avec des rendements performants et des coûts mieux maîtrisés ».

En outre, la filière est confrontée à la concurrence internationale avec des plans conséquents (US, Chine, Japon, Corée, zone Moyen-Orient et Afrique du Nord, Amérique du Sud) en faveur de la production d’hydrogène ou de ses dérivés vers l’export.

La technologie reste prometteuse, assure le document. « La production d’hydrogène décarboné par l’électrolyse sera essentielle pour l’industrie et le secteur des transports lourds non-routiers (aérien et maritime) ». Mais « ce chemin comprend des étapes qu’il faut franchir progressivement ».

L’hydrogène représente en effet un levier de décarbonation significatif pour certains usages industriels (notamment le raffinage et la chimie) générant plus de 4 MtCO2e. À cet égard, le secteur industriel reste, du point de vue du ratio coût sur émissions de CO2 évitées (€/tCO2e), le secteur le plus pertinent pour les usages de l’hydrogène décarboné, relève le document.

L’hydrogène décarboné constitue, en outre, une opportunité pour certains secteurs qui n’ont pas d’alternative pour se décarboner ou sont confrontés à des limites de disponibilité de la biomasse (notamment les carburants de synthèse pour l’aérien et le maritime).

Pour autant, les travaux de planification écologique, notamment l’exercice « 50 sites les plus émetteurs », ont confirmé que la demande pour l’hydrogène bas carbone généré par électrolyse de l’eau à destination de l’industrie serait « plus tardive qu’anticipé initialement ».

Dans ce contexte, le gouvernement a procédé à une « nécessaire mise à jour » de la stratégie nationale hydrogène.

La production d’hydrogène « vert » par électrolyse de l’eau (sans combustibles fossiles) devra finalement atteindre « jusqu’à 4,5 gigawatts (GW) » installés en 2030, contre 6,5 GW visés jusqu’alors. Cette évaluation tient compte des besoins actualisés des différents secteurs ainsi que « des calendriers de déploiement finalement moins rapides qu’initialement escomptés ».

Dans le même esprit, l’objectif 2035 est ramené de 10 GW minimum à un plafond de 8 GW disponibles. Cette cible intègre « un fonctionnement plus flexible des capacités additionnelles installées », alors que le stockage d’hydrogène pourrait se développer.

Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite réserver le soutien financier de l’État à une « filière de production d’hydrogène bas carbone par électrolyse de l’eau utilisant l’électricité du réseau métropolitain », à même de respecter les seuils réglementaires d’énergie décarbonée au sens des dernières directives Énergies renouvelables (RED III) et Gaz. Pour cela, il compte surtout « assurer l’industrialisation des projets précédemment soutenus », plutôt que d’en lancer de nouveaux.

Hydrogène renouvelable ou bas carbone

Le seuil d’émissions de gaz à effet de serre qui permet de qualifier l’hydrogène de renouvelable ou de bas carbone est fixé à 3,38 kilogrammes d’équivalent CO2 par kilogramme d’hydrogène (kgCO2e/kgH2), comme l’a défini l’arrêté du 1er juillet 2024 publié au Journal officiel le 4 juillet 2024.

Pour l’hydrogène renouvelable, la méthodologie de calcul des émissions générées par la production, la fourniture des intrants, la transformation, le transport, la distribution, l’utilisation finale est celle du règlement européen (UE) 2023/1185.

Pour l’hydrogène bas carbone, la méthodologie est précisée en annexe de l’arrêté. Cette méthodologie est ouverte sur les différents modes de production d’hydrogène bas carbone, incluant la possibilité de production s’appuyant sur la capture et le stockage de CO2.

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En outre, afin de « garantir son approvisionnement cible en hydrogène bas carbone », la France privilégiera à horizon 2035 la production sur son territoire national. Si, à long terme, la France n’exclut pas les importations d’hydrogène bas carbone ou de ses dérivés, spécifiquement pour les molécules de synthèse, dès lors que celles-ci seront disponibles de manière compétitive, les soutiens financiers publics à la production d’hydrogène resteront, pour les prochaines années, réservés à la production nationale d’hydrogène décarboné par électrolyse.

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Mécanisme de soutien à la production d’hydrogène

Mobilisation de 4 Md€ pour générer une capacité de 1 GW d’électrolyse à destination de l’industrie, hors raffinage

Pour permettre l’émergence d’une production nationale pour l’industrie, la France met en œuvre un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène.

Pour le secteur du transport et du raffinage, des efforts ont déjà été réalisés dans le domaine des biocarburants depuis plusieurs années. La taxe incitative relative à l’utilisation des énergies renouvelables dans le transport (TIRUERT) pourra inclure le soutien à l’hydrogène. L’hydrogène renouvelable est ainsi comptabilisé pour l’atteinte des objectifs de la TIRUERT depuis le 1er janvier 2023, et l’hydrogène bas carbone depuis le 1er janvier 2024.

Pour l’hydrogène à destination de l’industrie, hors raffinage, un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné par électrolyse de l’eau a été lancé. Il vise à améliorer la compétitivité de l’hydrogène électrolytique par rapport à l’hydrogène produit à partir de gaz fossile sur 15 ans maximum, apportant la stabilité nécessaire aux investissements. Ce mécanisme de soutien sera mené sous la forme d’une procédure de mise en concurrence en plusieurs phases. La première tranche, qui a été lancée le 19 décembre 2024, soutiendra une capacité de 200 MW. Il est prévu à terme de soutenir une capacité cumulée de 1 GW d’électrolyse en mobilisant environ 4 Md€.

 

Mettre en place des « hubs hydrogène »

500 km de canalisations

La France vise le développement de hubs d’hydrogène situés dans les principales zones industrielles. Les principales zones industrielles françaises doivent toutes pouvoir bénéficier de premières capacités de production d’hydrogène à l’horizon 2030, afin d’assurer leur décarbonation. La priorité française en matière de développement du réseau hydrogène reste donc le déploiement d’infrastructures au sein de hubs hydrogène (canalisations dites « intra-hubs »), connectant producteurs et consommateurs, et leur connexion aux infrastructures de stockage.

Cela représente à court terme environ 500 km de canalisations dans les principaux hubs. Ces hubs hydrogène seront déployés en priorité sur les bassins industriels, notamment de Fos-Marseille, de Dunkerque, du Havre-Estuaire de la Seine et de la Vallée de la chimie.

Source : Stratégie nationale hydrogène, avril 2025

 

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Évolution du cadre règlementaire

Règlementation ICPE

Pour soutenir ce développement, la France met en place un cadre règlementaire national permettant la production, le transport et l’utilisation d’hydrogène bas carbone. La France a adopté depuis début 2023 un ensemble d’évolutions règlementaires pour faciliter les procédures d’accès au foncier, d’autorisations, et de raccordement électrique des projets stratégiques à sa décarbonation, dont ceux impliquant l’hydrogène.

La loi Industrie Verte permet de diviser par deux les délais liés à l’autorisation environnementale et, pour les projets d’intérêt national majeur, d’adresser en amont de la vie des projets les procédures d’urbanisme et les obligations liées à la biodiversité. La loi d’accélération pour les énergies renouvelables (APER) permet d’accélérer et de prioriser les raccordements électriques des projets stratégiques, mais aussi de simplifier les procédures pour la construction ou la reconversion des infrastructures de transport de l’hydrogène.

En parallèle, les autorités françaises, par l’intermédiaire d’une feuille de route signée conjointement avec France Hydrogène en octobre 2021, travaillent notamment :

– sur la production, le stockage, et la distribution d’hydrogène au titre de la règlementation ICPE : des travaux sont engagés avec la filière afin de mettre à jour les prescriptions de l’arrêté ministériel relatifs aux stations de distribution d’hydrogène et accompagner le développement des activités plus conséquentes de production et de stockage d’hydrogène ;

– aux ajustements du cadre règlementaire concernant la construction ou la conversion de canalisations de transport existantes actuellement utilisées pour transporter d’autres produits, et aux suivis des actions menées par les opérateurs afin de lever les verrous techniques en particulier pour la conversion d’ouvrages : l’aptitude de ces canalisations à recevoir de l’hydrogène en toute sécurité doit être évaluée. Les opérateurs participent ainsi à des travaux normatifs et à des projets de recherches européens et procèdent aux essais nécessaires pour lever ces verrous.

France Hydrogène « accueille positivement » la nouvelle stratégie, qui offre « un cap clair pour la filière »

France Hydrogène, qui fédère les acteurs de la filière française, a fait savoir dans un communiqué publié le 16 avril 2025 (voir en fin d’article) son soutien à la révision de la stratégie nationale hydrogène dans lequel l’association professionnelle voit « un cap clair ». « Après une période d’incertitude conjuguée à un contexte économique difficile qui a fragilisé l’écosystème et freiné les investissements, la stratégie révisée constitue bien plus qu’un signal positif. Elle apporte un cadre structurant et rassurant pour les acteurs de la filière comme pour les investisseurs », précise Philippe Boucly, le président de France Hydrogène.

« Avec des objectifs réactualisés, le gouvernement réaffirme son soutien au travers de l’enveloppe de 9 milliards annoncée en 2020 et à engager d’ici 2030 », ajoute le responsable, qui voit dans les objectifs de 4,5 GW à horizon 2030 et 8 GW en 2035 « un cap réaliste ». « En alliant transition énergétique et compétitivité, la Stratégie nationale Hydrogène repositionne la France comme un acteur majeur de la décarbonation à l’échelle mondiale et de la réindustrialisation nationale », conclut-il.

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En savoir plus

Retrouvez l’Actualisation de la Stratégie nationale hydrogène | info.gouv.fr

Consultez le communiqué de France Hydrogène : la Stratégie Nationale Hydrogène : enfin un cap clair – France Hydrogène – France Hydrogène

Retrouvez la stratégie européenne et les différents types d’hydrogène : Hydrogène : la Commission adopte une stratégie européenne – Citepa

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