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Publié le 11 mars 2025

La directive européenne sur la qualité de l’air ambiant fixe des objectifs plus stricts pour plusieurs polluants

Par : Sophie Sanchez

Modifié le : 11/03/2025
Réf . : 2025_03_04

La directive révisée sur la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, directive (UE) 2024/2881 en date du 23 octobre 2024 entrée en vigueur le 10 décembre 2024, aligne plus étroitement les normes de qualité de l’air de l’Union européenne sur les recommandations scientifiques.

Le Citepa revient sur ce texte déterminant qui fixe des objectifs en termes de qualité de l’air à atteindre en 2030 plus stricts pour plusieurs polluants à l’origine de troubles respiratoires dont les particules PM10 et PM2,5, le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de soufre (SO2).

iStock photo / Carlos Cairo

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Contexte

Depuis les années 1980, l’UE met en œuvre des politiques relatives à la qualité de l’air qui ont contribué à une diminution substantielle de la plupart des polluants atmosphériques au cours des dernières décennies. Toutefois, constate la Commission européenne, le problème de la qualité de l’air est loin d’être résolu. Bien que le nombre de personnes exposées à une pollution atmosphérique nocive ait considérablement diminué, « des dépassements persistants des niveaux d’exposition recommandés par l’Organisation mondiale de la santé [dits valeurs-guides, mise à jour 2021 – lire notre article] subsistent pour plusieurs polluants atmosphériques ».

La pollution de l’air cause ainsi « près de 250 000 décès prématurés en Europe » comme le rappelle l’exécutif européen, les enfants, les personnes âgées et les personnes à revenu modeste étant les plus affectés. Outre les effets sur la santé, la pollution de l’air endommage les cultures, les forêts et les écosystèmes.

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Jusque-là, la législation européenne en matière de qualité de l’air était constituée de quatre actes législatifs dont deux directives qui établissent les règles de surveillance, de gestion et d’évaluation de la qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés, y compris les normes de qualité de l’air qui leur sont applicables (valeurs limites de concentration, valeurs cibles, objectifs de qualité,…) :

  • directive 2008/50/CE (SO2, NO2 et NOx, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone) qui a remplacé plusieurs anciennes directives en la matière (la directive cadre 96/62/CE et les directives « filles » 1999/30/CE, 2000/69/CE et 2002/3/CE) ;
  • directive 2004/107/CE (arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P)),
  • décision 2011/850/CE (modalités d’application de la directive 2008/50/CE),
  • directive (UE) 2015/1480 (modifiant plusieurs annexes des deux directives de base [méthodes de référence, validation des données, emplacement des points de prélèvement,…]. Voir version consolidée de la directive 2008/50/CE modifiée par la directive (UE) 2015/1480).

Dans le cadre du « Pacte vert pour l’Europe », publié le 11 décembre 2019 (lire notre dossier de fond), la Commission européenne s’est engagée à améliorer davantage la qualité de l’air et à aligner plus étroitement les normes de l’Union européenne sur les valeurs-guides de l’OMS. Le plan d’action « zéro pollution », publié le 12 mai 2021 (lire notre article), vise, en outre, à réduire, d’ici à 2030, l’incidence de la pollution atmosphérique sur la santé de plus de 55 %. Ce plan d’action définit également une vision pour 2050, dans laquelle la pollution atmosphérique est réduite à des niveaux qui ne sont plus considérés comme nocifs pour la santé et les écosystèmes naturels.

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Objectifs de la nouvelle directive

Dans ce contexte, la nouvelle directive européenne concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, qui a été formellement adoptée par le Parlement européen le 24 avril 2024 (lire notre article) et par le Conseil de l’UE le 23 octobre 2024, représente une nouvelle étape. Elle aligne davantage les normes de qualité de l’air de l’UE pour 2030 sur les valeurs-guides de l’Organisation mondiale de la santé et fixe notamment des objectifs en termes de qualité de l’air à atteindre en 2030 plus stricts pour plusieurs polluants dont les particules PM10 et PM2,5, le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de soufre (SO2).

Ainsi le texte, qui fusionne les deux directives précédentes de 2004 et de 2008 en une seule et rationalise les dispositions afin de clarifier et de simplifier les règles, vise à

  • définir des méthodes communes pour surveiller, évaluer et informer sur la qualité de l’air ambiant dans l’UE ;
  • fixer des objectifs pour la qualité de l’air ambiant afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et l’environnement ;
  • orienter l’évaluation de la qualité de l’air en s’appuyant sur un réseau de surveillance représentatif et de qualité, avec plus de 4 000 stations de surveillance de la qualité de l’air dans l’UE et une utilisation accrue de la modélisation de la qualité de l’air ;
  • échanger des informations fiables, objectives et comparables sur la qualité de l’air, notamment à l’intention du grand public.

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Dispositions principales

Pour y parvenir, la directive s’accompagne d’une série de nouvelles mesures et de normes plus strictes qui permettront aux Européens de bénéficier d’un air plus sain

  • en réduisant de plus de moitié la valeur limite annuelle autorisée pour le principal polluant atmosphérique, les particules fines (PM2,5) désormais fixé à 10 µg/m³ par an (à comparer à 5 μg/m³ préconisés par l’OMS) ;
  • en actualisant les normes de qualité de l’air pour les niveaux autorisés dans l’air ambiant pour un total de 12 polluants atmosphériques, dits « polluants réglementés » : dioxyde de soufre, dioxyde d’azote/oxydes d’azote, particules (PM10, PM2,5), ozone, benzène, plomb, monoxyde de carbone, arsenic, cadmium, nickel et benzo(a)pyrène ;
  • en prévoyant de réviser régulièrement les normes de qualité de l’air, en fonction des dernières données scientifiques et des évolutions sociétales et technologiques ;
  • en veillant à ce que les personnes souffrant de problèmes de santé dus à la pollution de l’air aient le droit d’être indemnisées en cas de violation des règles de l’UE en matière de qualité de l’air.

Désormais un seuil unique d’évaluation par polluant est défini, assorti de l’augmentation du nombre de mesures fixes pour certains polluants.

Les valeurs cibles sur les métaux (As, Cd, Ni) et Benzo(a)pyrene deviennent à compter du 1er janvier 2030 des valeurs limites. L’indicateur d’exposition moyenne dans une unité territoriale doit respecter les valeurs guides OMS pour le NO2 et les PM2,5 ou à défaut une trajectoire de réduction.

Tableau 1. Les nouvelles normes de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine
fixées par la nouvelle directive révisant la directive 2008/50/CE et comparaison avec les valeurs guides de l’OMS (2021)
* valeurs cibles (et non valeurs limites) fixées par la directive 2004/107/CE (toutes les autres normes ayant été fixées par la directive 2008/50/CE)
** à atteindre en 2050 et non 2030.
Sources : directive (UE) 2024/2881 (annexe I), directives 2008/50/CE (annexe VII [ozone], annexe XI [PM10, NO2, SO2, CO, benzène et plomb] et annexe XIV [PM2,5]) et 2004/107/CE (annexe I) et OMS, 2021.

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En termes de règlementation, le nouveau texte

  • fixe les objectifs (niveau et calendrier) en concentration à atteindre sur le territoire, les seuils d’information et d’alerte, par polluant ;
  • définit les modalités d’évaluation de la qualité de l’air (dispositif de surveillance) :
  • polluants suivis (réglementés et « non réglementés » [lire notre article] : super sites),
  • mesures à effectuer (implantations, nombre de points de prélèvement, traitement des données) et utilisation de la modélisation ;
  • définit les actions à mettre en place en cas de risque de non atteinte – avant 2030 – ou en cas de non atteinte – passé 2030 – des valeurs limites ou valeurs cibles pour un polluant ;
  • impose des obligations pour l’information du public sur la qualité de l’air (populations sensibles et groupes vulnérables) ;
  • encadre les modalités d’accès à la justice et d’indemnisation.

En outre, des « super sites » de surveillance sont mis en place afin d’acquérir des données sur le long terme, à raison en France de six sites urbains et six sites ruraux.

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Sous réserve de fournir des plans d’action, des dérogations et des reports restent cependant possibles dans plusieurs cas : dans les zones où les conditions sont particulièrement difficiles, par exemple, ou lorsque les projections montrent que les valeurs limites ne peuvent être atteintes avant la date limite de réalisation.

La nouvelle directive prévoit en effet un certain nombre de flexibilités. Ainsi, les États membres pourront demander le report de l’échéance de 2030 pour atteindre les valeurs limites de qualité de l’air de 10 ans au maximum (soit jusqu’en 2040), si des conditions spécifiques sont remplies. Lorsque dans une zone donnée, les valeurs limites fixées pour les particules, le dioxyde d’azote, le benzène ou le benzo(a)pyrène ne peuvent pas être respectées dans le délai indiqué, les États membres peuvent reporter ce délai pour cette zone particulière […]:

a) jusqu’au 1er janvier 2040, si cela est justifié par les caractéristiques de dispersion du site, les conditions orographiques, les conditions climatiques défavorables, les contributions transfrontalières, ou si les réductions nécessaires ne peuvent être réalisées qu’en remplaçant une fraction considérable des systèmes de chauffage domestique existants qui sont à l’origine de la pollution entraînant des dépassements ;

b) jusqu’au 1er janvier 2035, si cela est justifié par des projections qui démontrent que, même en tenant compte de l’incidence attendue des mesures efficaces de lutte contre la pollution atmosphérique recensées dans la feuille de route sur la qualité de l’air, les valeurs limites ne peuvent pas être atteintes dans le délai imparti.

Par ailleurs, le texte renforce les droits des citoyens à être indemnisés en garantissant un accès juste et équitable à la justice aux personnes touchées ou susceptibles d’être affectées par la pollution de l’air. Les États membres doivent notamment s’assurer que les citoyens ont le droit de réclamer et d’obtenir une indemnisation lorsque leur santé a été dégradée en raison d’une violation des règles de qualité de l’air établies dans la directive.

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En savoir plus

Consulter la nouvelle directive (UE) 2024/2881 sur la qualité de l’air ambiant

Lire le communiqué de presse publié par le Parlement européen sur son adoption de la révision de la directive pour améliorer la qualité de l’air

Lire le communiqué de presse publié par le Conseil sur son adoption de la révision de la directive pour améliorer la qualité de l’air

Lire la fiche thématique sur la pollution atmosphérique et sonore établie par le Parlement européen

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