Les gaz à effet de serre
En bref
L’effet de serre est un phénomène naturel. Si l’effet de serre naturel n’existait pas, la température moyenne sur terre serait nettement inférieure aux 15 °C constatés. L’accroissement du phénomène d’effet de serre est, quant à lui, d’origine anthropique. Le 5e rapport du GIEC (GIEC, 2014) précise dans sa synthèse : « Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, qui ont augmenté depuis l’époque préindustrielle en raison essentiellement de la croissance économique et démographique, sont actuellement plus élevées que jamais, ce qui a entraîné des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et d’oxyde nitreux sans précédent depuis au moins 800 000 ans. Leurs effets, associés à ceux d’autres facteurs anthropiques, ont été détectés dans tout le système climatique et il est extrêmement probable qu’ils aient été la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle ».
Selon le résumé à l’attention des décideurs du dernier rapport spécial du GIEC sur le réchauffement de 1,5°C (IPCC, 2018), la hausse de la température moyenne mondiale observée à la surface de la Terre au cours de la décennie 2006–2015 était de +0,87°C (fourchette comprise entre 0,75°C et 0,99°C) supérieure à la température moyenne mondiale sur la période 1850-1900. Aujourd’hui, les experts estiment que le réchauffement d’origine anthropique augmente de 0,2°C par décennie (fourchette comprise entre 0,1°C et 0,3°C) du fait des émissions passées et actuelles. Les conséquences sont multiples : vagues de chaleur plus fréquentes et intenses, sécheresse accrue, évènements climatiques extrêmes plus fréquents (ouragans, vagues de froid intense, etc.), fonte des glaciers, montée des océans, etc. Le changement climatique présente un risque pour l’équilibre des systèmes naturels et humains. Ce résumé à l’attention des décideurs (IPCC, 2018) est la source par excellence à laquelle se référer pour avoir les principaux résultats du rapport spécial, basés sur une évaluation de la littérature scientifique, technique et socio-économique disponible sur le réchauffement climatique de 1,5°C afin de le comparer au réchauffement de +2°C par rapport aux niveaux pré-industriels. La fiche de synthèse du Citepa (FDS Citepa, 2018) explicite et présente les principales conclusions du rapport :
- Au rythme actuel du réchauffement, l’augmentation de température moyenne mondiale par rapport à la période préindustrielle (1750) atteindra 1,5°C entre 2030 et 2052.
- Atteindre et maintenir un niveau de zéro émission nette anthropique mondiale des GES empêcherait une hausse supplémentaire des températures moyennes mondiales sur plusieurs décennies.
- Pour limiter le réchauffement à +1,5°C, il faut :
- que la baisse des émissions mondiales de CO2 soit amorcée bien avant 2030,
- réaliser de fortes réductions des émissions de GES d’ici 2030 pour les ramener à un niveau en dessous de 35 Gt CO2e/an en 2030 (contre 52 Gt CO2e/an en 2016), soit une réduction de 32,7%,
- réduire les émissions de CO2 de 45% en 2030 (par rapport à 2010) pour atteindre zéro émission nette vers 2050,
- réduire de 35% les émissions de CH4 et de 35% des émissions de carbone suie d’ici 2050 (par rapport à 2010),
- ne pas dépasser un budget carbone mondial compris entre 580 et 770 Gt CO2 (probabilité de 50%) ou entre 420 et 570 Gt CO2 (probabilité de 66%).
Mécanismes mis en jeu et forçage radiatif des composés
Le bilan radiatif de la terre peut se résumer de la façon suivante : la terre reçoit une certaine partie du rayonnement solaire sous forme de rayonnement visible. Le flux solaire incident est de l’ordre de 340 W.m-2. Le sol absorbe environ 50% de cette énergie incidente dont l’autre portion a été absorbée par l’atmosphère (20%) ou réfléchie par les nuages et par les surfaces claires du sol, telles que les déserts et les glaciers (30%). La surface terrestre réémet cette énergie reçue sous forme de rayonnements infrarouge (IR).
L’effet de serre est principalement lié à l’absorption des rayonnements IR de grande longueur d’onde renvoyés par la surface terrestre, par les nuages et des composés présents dans l’atmosphère de façon naturelle tels que : vapeur d’eau (H2O), CO2, CH4, O3, N2O, gaz fluorés. Ces composés engendrent donc un effet de serre naturel. Sans ce dernier, la température moyenne sur terre serait de – 18°C.
Bien que présents à l’état de trace, l’accroissement des concentrations des composés à longue durée de vie (forceurs climatiques à longue durée de vie ou Long-Lived Climate Forcers) tels que le CO2, le N2O et certains gaz fluorés. conduit donc à un renforcement de l’effet de serre. L’étude des situations passées, par l’analyse des bulles d’air piégées dans les glaces profondes, est notamment riche d’enseignements. Les scientifiques ont mis en évidence que dans le passé, les épisodes froids ont généralement coïncidé avec de faibles teneurs de l’air en CO2 et CH4. Pour le CO2, les fluctuations des concentrations sont liées à des modifications de la circulation et de la productivité océanique, l’océan étant le grand régulateur à long terme du CO2. Pour le CH4, les modifications font intervenir les écosystèmes terrestres et les sols gelés des hautes latitudes.
La complexité des phénomènes mis en jeu est de mieux en mieux comprise par les scientifiques. L’accroissement de l’effet de serre ne se résume pas en fait aux seuls GES à longue durée de vie. Beaucoup d’autres composés à courte durée de vie (Short-Lived Climate Forcers ou SLCF) contribuent au réchauffement, de façon directe (ozone, composante carbone suie des particules, CH4, certains HFC) ou indirecte (cas du CO et des COV qui se transforment en CO2). Par ailleurs, certains polluants tels que le SO2 peuvent aussi avoir des effets refroidissants.
L’ozone (O3) présent dans l’atmosphère est un gaz à effet de serre. En fonction de l’altitude à laquelle il est présent, son forçage radiatif est différent. Selon le 5e rapport d’évaluation du GIEC (GIEC, 2014), l’ozone de la troposphère est considéré comme le troisième GES par ordre d’importance du forçage radiatif induit. L’ozone de la stratosphère contribue, au contraire, au refroidissement.
Le CO2 est lié principalement aux combustions industrielles et domestiques ainsi qu’aux transports. Le CH4 est en majorité lié aux pratiques agricoles : par exemple la riziculture, l’élevage. Le N2O a une origine principalement agricole avec l’usage des fertilisants minéraux et d’origine organique (engrais, fumier, lisier).
Des substances telles que les CFC, les HCFC, les HFC, principalement utilisés dans les secteurs de la réfrigération et de la climatisation, les PFC, le NF3, et le SF6 sont des GES puissants dont l’origine est totalement anthropique.
L’action de ces gaz se traduit par une perturbation du bilan énergétique global caractérisée par un piégeage additionnel. Sept de ces gaz (ou familles de gaz dans le cas des HFC et PFC) sont inscrits sur la liste du Protocole de Kyoto : CO2, CH4, HFC, PFC, SF6 (depuis la première période d’engagement 2018-2012) et le NF3 (pour la seconde période d’engagement 2013-2020). Les CFC et HCFC étant couverts, par ailleurs, par le Protocole de Montréal.
Le SO2, les NOx, le CO et les COVNM sont comptabilisés dans le rapportage des émissions de GES pour la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC 2019). Ces quatre gaz ont une action sur l’effet de serre en tant que polluants primaires intervenant dans la formation de polluants secondaires comme l’ozone ou les aérosols. Ils n’entrent pas dans le « panier » de Kyoto.
- Le CO et les COV, s’oxydent en CO2 et contribuent à la formation d’ozone. Ils ont tous deux un forçage radiatif positif contribuant donc au réchauffement.
- Les NOx conduisent à la formation d’ozone (forçage positif), mais aussi à la formation de particules de nitrate et oxydent le CH4 (forçage négatif). Au global ils ont un forçage négatif.
- Le SO2 a un effet refroidissant, en produisant des sulfates (forçage négatif).
- Le NH3 présente lui aussi un forçage négatif en produisant des nitrates et des ions ammonium.
Ce sont les émissions de ces sept gaz à effet de serre qui sont estimées dans l’inventaire national d’émission et présentés ci-après. Pour le rapportage, le SO2, les NOx, le CO et les COVNM sont comptabilisés comme des gaz à effet de serre indirect (CCNUCC 2019).
La figure suivante présente les coefficients de forçage des diverses espèces chimiques (IPCC-AR5-ch8-2014). Il est à noter que l’on ne trouve pas directement l’ozone puisqu’il est émis indirectement, mais sa contribution apparait indirectement par l’intermédiaire de ses précurseurs.
Pouvoir de réchauffement global (PRG)
Le PRG (ou GWP, Global Warming Potential, en anglais) a été défini par les experts du GIEC pour fournir une mesure simple des effets relatifs des émissions des divers gaz à effet de serre. L’indicateur est défini comme le forçage radiatif cumulé entre la situation actuelle et un horizon donné causé par une unité de masse de gaz émise aujourd’hui. Le CO2 sert de référence (PRG = 1).
Le tableau suivant présente les PRG de certains composés, d’après la dernière mise à jour du GIEC dans son 5e rapport (GIEC 2014). Ces PRG seront utilisés à partir de l’inventaire portant sur l’année 2021. Actuellement, ce sont les PRG du 4e rapport qui sont utilisés dans les inventaires jusqu’à cette date (CCNUCC 2019). Pour le besoin du rapportage CCNUCC, ce sont toujours les PRG à 100 ans qui sont pris en compte.
Substance |
PRG selon 5e rapport |
PRG selon 4e rapport |
|
horizon |
20 ans |
100 ans |
100 ans |
CO2 |
1 |
1 |
1 |
CH4 |
84 |
28 |
25 |
N2O |
264 |
265 |
298 |
NF3 |
12 800 |
16 100 |
17 200 |
SF6 |
17 500 |
23 500 |
22 800 |
CITEPA 2019 – rapport CCNUCC – Rapport National d’Inventaire pour la France au titre de la Convention cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques et du Protocole de Kyoto. Mars 2019 GIEC, 2014 : Changements climatiques 2014 : Rapport de synthèse. Contribution des Groupes de travail I, II et III au cinquième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Sous la direction de l’équipe de rédaction principale, R.K. Pachauri et L.A. Meyer]. GIEC, Genève, Suisse, 161 p. IPCC, 2018: Summary for Policymakers. In: Global Warming of 1.5°C. An IPCC Special Report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, H.-O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J.B.R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M.I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor, and T. Waterfield (eds.)]. IPCC-AR5-ch8-2014 – Myhre, G., D. Shindell, F.-M. Bréon, W. Collins, J. Fuglestvedt, J. Huang, D. Koch, J.-F. Lamarque, D. Lee, B. Mendoza, T. Nakajima, A. Robock, G. Stephens, T. Takemura and H. Zhang, 2013: Anthropogenic and Natural Radiative Forcing. In: Climate Change 2013: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Stocker, T.F., D. Qin, G.-K. Plattner, M. Tignor, S.K. Allen, J. Boschung, A. Nauels, Y. Xia, V. Bex and P.M. Midgley (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.