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Guide du Citepa des enjeux de la COP-29 : l’essentiel pour comprendre le contexte des négociations

  • Réf. : 2024_11_a01
  • Publié le: 8 novembre 2024
  • Date de mise à jour: 14 novembre 2024
  • International

La Conférence de l’ONU sur le Climat se tient du 11 au 22 novembre 2024 à Bakou, Azerbaïdjan. La COP-29, qui fait partie de cette Conférence, est une COP à forts enjeux où la priorité absolue sera de parvenir à un accord solide sur le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 en matière de financement climat. L’accent sera également mis sur l’atténuation et l’adaptation et la finalisation, une fois pour toutes, des règles de mise en œuvre de l’article 6 (mécanismes de marché).

Rappel de l’articulation des différents organes de la CCNUCC

Les organes subsidiaires SBSTA et SBI sont des organes techniques mis à disposition de la COP, de la CMP et de la CMA.

 

COP-28 à Dubaï : rappel en bref des principaux résultats 

Au terme de deux semaines de négociations intenses, la Conférence de Dubaï sur le Climat (qui englobait notamment la COP-28, la CMP-18 [la 18e réunion des Parties au Protocole de Kyoto] et la CMA-5 [5e réunion des Parties à l’Accord de Paris]) s’est achevée le 12 décembre 2023. Les négociations ont surtout abouti, dans les dernières heures de la Conférence, à un accord sur une décision sur le Bilan mondial (Global Stocktake ou GST) dont la phase politique s’est déroulée à Dubaï dans le cadre des négociations de la CMA-5 (décision 1/CMA.5). Ainsi, la COP-28 a marqué une étape importante pour la mise en œuvre dynamique de l’Accord de Paris avec la conclusion de ce premier Bilan mondial, même si la décision finale de la CMA-5 est un texte de compromis basé sur le consensus entre les 195 Parties. Les attentes étaient très fortes en amont de Dubaï (plus de 100 Parties, les ONG, la communauté scientifique, la société civile) pour que le résultat du GST envoie un signal politique fort en faveur de la sortie progressive des énergies fossiles. La décision sur le GST fixe des objectifs collectifs pour la transition énergétique dans les sept prochaines années (au cours de cette décennie « cruciale ») autour de trois piliers : énergies renouvelables, efficacité énergétique et transition hors des combustibles fossiles. La COP-28 a donné lieu à une décision qualifiée d’« historique » puisqu’elle lève un tabou en intégrant pour la première fois en 28 ans de COP une référence explicite aux combustibles fossiles dans leur ensemble (pétrole, gaz et charbon), dont la combustion est à l’origine du dérèglement climatique [même si la décision ne comporte que deux mentions, § 28(d) et § 28(h)].

La Conférence de Dubaï a permis une deuxième avancée majeure : l’adoption, par la COP-28 et la CMA-5, des modalités de fonctionnement du fonds pertes et préjudices (décision 1/CP.28 et décision 5/CMA.5) et ce, à peine deux heures après l’ouverture de la Conférence. Cette décision permet donc l’opérationnalisation de ce fonds, dont le principe avait été acté lors de la CMA-4 en novembre 2022 à Charm el-Cheikh.

En revanche, le bilan est mitigé sur quatre volets clés :

  • adaptation : la décision 2/CMA.5 sur l’objectif mondial est peu ambitieuse. Elle n’a pas réussi à donner de signaux forts alors que cette question était cruciale pour les pays africains ;
  • atténuation : peu d’avancées concrètes dans le programme de travail sur l’atténuation (MWP) ;
  • mécanismes de marché (articles 6.2 et 6.4) : toujours pas d’accord sur l’intégralité des règles techniques encadrant les échanges de « crédits carbone », huit ans après l’adoption de l’Accord de Paris ;
  • financement et notamment financement de l’adaptation. Malgré les nombreuses annonces de contributions aux divers fonds (fonds d’adaptation, fonds vert et nouveau fonds pertes et préjudices), on est loin du compte par rapport aux besoins réels des pays en développement vulnérables (petit Etats insulaires et pays les moins avancés, mais pas uniquement…). La Conférence de Dubaï a débouché sur peu d’avancées concrètes sur la définition d’un nouvel objectif collectif chiffré post-2025 : la plupart des pays industrialisés ne sont pas disposés à se mettre d’accord sur le fond du sujet (c’est-à-dire de chiffrer l’objectif) avant l’échéance de la COP-29. On note toujours de fortes divergences et tensions entre pays en développement et pays industrialisés, surtout sur ce sujet de financement.

Lire notre article sur les résultats de la Conférence de Dubaï « COP-28 : malgré un premier pas vers la sortie des combustibles fossiles et l’adoption des règles sur le fonds pertes et préjudices, le bilan global est mitigé », publié le 14 février 2024.

 

Le Citepa vous propose un guide pour comprendre où en étaient restées, avant l’ouverture de la Conférence de Bakou sur le Climat, les négociations sur les sujets à forts enjeux, en particulier le financement climat ; les mécanismes de marché (article 6) ; les pertes et préjudices ; l’adaptation ; l’atténuation ; et le bilan mondial.

 

1)     Financement climat (article 9)

Le financement des actions climat des pays en développement par les pays industrialisés, sujet très controversé, voire clivant, constitue le « nerf de la guerre » des négociations au sein de la CCNUCC et surtout une source de tensions vives, voire de blocages lors des négociations depuis de très nombreuses années, surtout entre pays du Sud et pays du Nord.

Les négociations à Bakou vont se dérouler sur fond de l’atteinte, toutefois avec deux ans de retard, de l’objectif des 100 Md$ par an, fixé en 2009 et confirmé en 2010. La non-atteinte de l’objectif des 100 Md$ en son année cible de 2020 et en 2021 a eu pour conséquence d’éroder sérieusement la confiance des pays en développement vis-à-vis des pays industrialisés et de freiner les progrès dans les autres axes de négociation (notamment l’atténuation). Pour rétablir la confiance entre les pays du Sud et les pays du Nord, ces derniers devraient faire preuve d’efforts renforcés pour accroître le financement climat public et privé et ce, sous forme de dons (subventions) plutôt que des prêts pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires.

Le financement climat joue également un rôle crucial dans le renforcement de l’ambition des pays en développement. Ceux-ci ne manqueront pas de soulever, lors de la COP-29, l’atteinte tardive de l’objectif et notamment le déséquilibre persistant entre atténuation et adaptation, et de critiquer vivement le manque d’ambition des pays industrialisés en termes de financement climat.

 

Contexte : historique de l’objectif de 100 Md$ par an en 2020

Lors de la COP-15 (2009 à Copenhague), les pays industrialisés s’étaient mis d’accord sur un objectif collectif : ils s’étaient engagés à mobiliser et à fournir, avant 2020, 100 milliards de $ US par an, à partir de sources publiques et privées, bilatérales et multilatérales, pour répondre aux besoins des pays en développement (PED) en matière d’atténuation et d’adaptation. Cet engagement avait été inscrit dans le paragraphe 8 de l’Accord de Copenhague (décision 2/CP.15) et formalisé dans le cadre des Accords de Cancún adoptés lors de la COP-16 (2010) et plus précisément au paragraphe 98 de la décision 1/CP.16. Une part appréciable de ce financement doit être acheminée via le Fonds vert [de Copenhague] pour le climat (Green Climate Fund ou GCF), établi également par l’Accord de Copenhague (paragraphe 10).

Lors de la COP-21 (2015 à Paris), l’objectif collectif avait été réitéré et prolongé jusqu’en 2025 (cf. paragraphe 53 de la décision 1/CP.21 accompagnant l’Accord de Paris). Au titre de l’article 9 paragraphe 4 de l’Accord de Paris, les Parties doivent viser à parvenir à un équilibre pour le financement climat des deux volets de l’action climat (atténuation et adaptation).

Pour les pays en développement, la concrétisation intégrale de l’engagement des 100 Md$/an par les pays industrialisés est considérée comme une condition sine qua non pour rétablir la confiance entre les deux catégories de pays. Ainsi, le dossier financement climat constitue depuis près de 20 ans une véritable pierre d’achoppement des négociations climat dans le cadre de la CCNUCC. Le sujet financement est crucial lors des COP car il constitue un préalable à toute avancée sur les autres sujets de négociation. Même si les experts s’accordent à reconnaître que les besoins financiers réels des pays en développement sont bien plus élevés que 100 Md$ par an, cet objectif sert surtout à démontrer un principe de solidarité qui constitue la clé d’un engagement collectif à agir. Il convient de garder à l’esprit que cet objectif de 100 Md$/an est symbolique car c’est un chiffre purement politique, négocié et adopté à la COP-15 à Copenhague en 2009. Il ne se base sur aucune évaluation technique des besoins financiers réels des pays en développement pour s’adapter au changement climatique et faire face à ses impacts irréversibles (pertes et préjudices). Ce chiffre de 100 Md$/an avait initialement été proposé en amont de la COP-15 par le Premier Ministre du Royaume-Uni de l’époque, Gordon Brown dans un discours intitulé « le chemin vers Copenhague » (The Road to Copenhagen), prononcé le 29 juin 2009.

Le montant de 100 Md$/an représenterait au bas mot un dixième du montant réel nécessaire (voir plus loin).

 

Les rapports d’évaluation de l’OCDE au regard de l’objectif des 100 Md$/an

Depuis 2015, l’OCDE produit, à la demande des pays donateurs, des analyses des progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $. Ces analyses reposent sur un cadre comptable robuste, conforme aux conclusions de la COP-24 convenues par toutes les Parties à l’Accord de Paris en ce qui concerne les sources de financement et les instruments financiers permettant de comptabiliser les ressources financières fournies et mobilisées par des interventions publiques (cf. décision 18/CMA.1). Les chiffres de l’OCDE rendent compte de quatre composantes distinctes du financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés :

  • le financement climat public bilatéral fourni par les institutions des pays développés, notamment les agences d’aide bilatérale et les banques de développement,
  • le financement climat public multilatéral fourni par les banques multilatérales de développement et les fonds multilatéraux pour le climat, attribué aux pays développés,
  • les crédits à l’exportation liés au climat bénéficiant d’un soutien public fournis par les agences officielles de crédit à l’exportation des pays développés, et
  • le financement climat privé mobilisé par les financements climat publics bilatéraux et multilatéraux, attribués aux pays développés.

L’OCDE a publié précédemment plusieurs rapports sur le thème financement climat :

Cette 5e évaluation présentait les chiffres définitifs, tant pour 2020, année cible de l’objectif, que pour l’ensemble de la période 2013-2020 et permet donc d’évaluer définitivement l’atteinte ou non de l’objectif des 100 Md$ (lire notre article). Ainsi, selon ce rapport, en 2020, le financement climat total fourni et mobilisé par les pays développés pour les pays en développement n’a pas atteint 100 Md$ mais s’est élevé à 83,3 Md$. L’OCDE pointe très clairement un écart de 16,7 Md$ entre le résultat 2020 et l’objectif 2020 de 100 Md$, lequel n’a donc pas été atteint à son échéance.

 

Le plan de mise en œuvre pour accélérer la réalisation de l’objectif 2020

Lors de la réunion ministérielle informelle à Londres, convoquée les 25-26 juillet 2021 par la Présidence britannique de la COP-26, celle-ci a mandaté Jochen Flasbarth, alors Secrétaire d’État à l’Environnement de l’Allemagne, et Jonathan Wilkinson, alors Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, pour établir un plan clarifiant la façon dont les pays développés pourraient collectivement intensifier leurs efforts pour atteindre l’objectif des 100 Md $ par an jusqu’en 2025. Cette démarche a été jugée très importante pour regagner la confiance des pays en développement, pays bénéficiaires du soutien international.

Résultat : le 25 octobre 2021, la Présidence britannique de la COP-26 a publié un plan de mise en œuvre (delivery plan) établi par MM. Flasbarth et Wilkinson conformément à leur mandat. Ce plan clarifie « quand et comment les pays développés atteindront l’objectif des 100 Md $ ». Le plan s’appuie sur des scénarios prospectifs du financement climat fourni par les pays développés sur la période 2021-2025, élaborés par l’OCDE et publiés le 25 octobre 2021 dans une note technique. Ces scénarios montrent que, si les engagements annoncés par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux sont respectés, cet objectif [des 100 Md $] devrait être atteint en 2023 et surpassé dans la période jusqu’à 2025. Sur cette base, l’analyse des deux Ministres « fournit la confiance que l’objectif serait atteint en 2023 », soit trois ans après son échéance et 13 ans après avoir été fixé.

Rapport d’étape de ce plan de mise en œuvre : le 28 octobre 2022, le Ministère canadien de l’environnement et du changement climatique et le Ministère allemand de l’Environnement ont publié un rapport d’étape (progress report). Le rapport conclut entre autres que bien que des progrès significatifs aient été réalisés depuis le lancement du Plan de mise en œuvre du financement climat en amont de la COP-26, des efforts supplémentaires sont encore nécessaires pour améliorer l’ampleur, l’efficacité et l’accès au financement climat, et pour atteindre l’objectif de 100 Md$. Le rapport d’étape visait à contribuer à faire avancer le débat lors de la COP-27 et au-delà, alors que l’attention se porte d’ores et déjà sur l’objectif post-2025 pour le financement du climat.

Enfin, dans une lettre ouverte des deux Ministres actuels de l’Environnement de l’Allemagne et du Canada (respectivement Jennifer Morgan et Stephen Guilbeault) en date du 15 septembre 2023, ceux-ci se sont montrés confiants que l’objectif sera atteint cette année, soit avec trois ans de retard.

 

Le 6e bilan de l’OCDE sur les progrès vers la réalisation de l’objectif 2020 : objectif toujours non atteint

Le 16 novembre 2023, l’OCDE a publié sa sixième évaluation des progrès accomplis par les pays industrialisés en vue de la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ (Md$) par an avant 2020 pour aider les pays en développement à mettre en œuvre l’action climat (mesures d’atténuation et d’adaptation). En 2021, une année après l’année cible initiale de l’objectif de 100 Md$ dans le cadre de la CCNUCC, le financement climat total fourni et mobilisé par les pays développés pour les pays en développement s’est élevé à 89,6 Md$ (somme des quatre composantes) et donc n’a toujours pas atteint l’objectif de 100 Md$ initialement prévu pour 2020. Ce montant est néanmoins en hausse de 6,3 Md$ (+7,6%) par rapport aux 83,3 Md$ de 2020. Cette hausse de 7,6% est par ailleurs supérieure à la hausse de 4% entre 2019 et 2020 et à celle entre 2018 et 2019 (+2%). Cependant, ces deux dernières hausses contrastent nettement avec la progression de 10% entre 2017 et 2018 et de 21,5% entre 2016 et 2017.

Malgré les hausses d’ampleur différente entre 2016 et 2021, l’OCDE pointait très clairement un écart de 10,4 Md$ entre le résultat 2021 et l’objectif 2020 de 100 Md$, lequel n’a donc pas été atteint à son échéance.

 

Le 7e bilan de l’OCDE sur les progrès vers la réalisation de l’objectif 2020 : objectif enfin atteint

Le 29 mai 2024, l’OCDE a publié sa septième évaluation des progrès accomplis par les pays industrialisés en vue de la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ (Md$) par an avant 2020. En 2022, deux ans après l’année cible initiale de l’objectif, le financement climat total fourni et mobilisé par les pays développés pour les pays en développement s’est élevé à 115,9 Md$ (somme des quatre composantes). Selon l’OCDE, les pays industrialisés ont ainsi atteint pour la première fois leur objectif annuel collectif de 100 Md$ initialement prévu pour 2020. Ce montant est en hausse de 26,3 Md$ (+30%) par rapport aux 89,6 Md$ de 2021. Cette réalisation intervient certes deux ans après l’année cible initiale de 2020, mais un an plus tôt que selon les projections établies par l’OCDE avant la COP-26, fondées sur les engagements et estimations des fournisseurs publics bilatéraux et multilatéraux de financement de la lutte contre le changement climatique. En raison de la hausse très importante (la plus forte hausse observée à ce jour d’une année sur l’autre (+26,3 Md$, soit +30% de plus qu’en 2021), le total pour 2022 a atteint un niveau qui, selon les projections de l’OCDE, n’était pas attendu avant 2025 (source : Scénarios prospectifs du financement climat fourni et mobilisé par les pays développés en 2021-2025, note technique de l’OCDE, 25 octobre 2021).

Ce 7e bilan a montré également :

  • que même si le financement privé a connu une hausse de 7,5 Md$ entre 2021 et 2022 (+52%) après plusieurs années de relative stagnation, sa part dans le total fourni reste faible (19% en 2022) ;
  • que, malgré l’intensification de la crise de l’endettement de nombreux pays en développement, la plus grande partie du financement climat public demeure sous forme de prêts (69%). Quant aux dons (subventions), ils représentent 28%, tandis que les volumes de prises de participation (dans des entreprises, projets et fonds) sont restés modestes (4%). Entre 2016 et 2022, le niveau annuel des subventions a augmenté de près de 13,4 Md$, en passant de 12,3 Md$ à 25,6 Md$ (soit plus du double) avec une croissance de 109%, dépassant la croissance de 91% des prêts publics, qui ont augmenté de 30,3 Md$ ;
  • que le déséquilibre du soutien financier apporté par les pays industrialisés aux pays en développement entre l’atténuation (60% du total fourni) et l’adaptation (28%) persiste alors que l’adaptation représente pour les pays en développement, et notamment les pays vulnérables (petits Etats insulaires et pays les moins avancés en tête), un enjeu beaucoup plus important que l’atténuation.

 

Financement climat pour les pays en développement : quels sont les besoins réels ?

Deux rapports de référence, l’un publié lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh (Egypte) fin 2022 et l’autre, plus récent, publié le 2 novembre 2023 quantifient des estimations concernant les besoins en termes de financement climat des pays en développement.

Rapport commandé par les Présidences de la COP-26 et de la COP-27 : 1 000 Md $ par an en 2030

Le 8 novembre 2022, un rapport intitulé « Finance for Climate Action : Scaling up investment for climate and development » [Financement pour l’action climat : accélérer et accroître l’investissement en faveur du climat et du développement] a été publié par le Groupe d’experts indépendants de haut niveau sur le financement climat, (Independent High-Level Expert Group on Climate Finance). Ce groupe a été lancé en juillet 2022 par les Présidences de la COP-26 (Royaume-Uni) et de la COP-27 (Egypte) et il est co-présidé par l’économiste britannique Nicolas Stern. Ce rapport a été établi à la suite de la demande conjointe des deux Présidences (voir lettre du 19/07/2022).

Le rapport, qui vise à fournir un cadre pour le financement de l’action climat, conclut notamment :

  • que l’action actuelle est trop lente et trop faible, et que retarder l’action est dangereux,
  • que le monde a besoin d’une nouvelle feuille de route sur le financement climat qui soit en mesure de mobiliser les 1 000 Md$/an nécessaires en 2030 pour aider les pays en développement et émergents (hors la Chine qui n’est pas prise en compte dans cette analyse),
  • que les politiques publiques et les mesures gouvernementales ont un rôle important à jouer pour stimuler les investissements,
  • que le secteur privé, les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales ont également un rôle complémentaire à jouer,
  • qu’à la différence du chiffre des 100 Md$/an, qui a été négocié lors de la COP-15 à Copenhague et qui ne se basait pas sur des analyses du montant réellement nécessaire, le chiffre de 1 000 Md$/an est le montant nécessaire pour permettre aux pays en développement de s’adapter au changement climatique et de faire face à ses impacts irréversibles (pertes et préjudices), montant basé sur une analyse des investissements et actions climat nécessaires et sur le financement national potentiellement disponible.

Lire notre article sur ce sujet.

Rapport du PNUE : Estimation des coûts annuels de l’adaptation d’ici 2030 – entre 160 et 340 Md$

Le 2 novembre 2023, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié son rapport annuel sur l’adaptation Adaptation Gap Report (à l’instar de son rapport annuel sur les émissions de GES, Emissions Gap Report). Ce rapport évalue l’écart entre les efforts consentis par les Etats pour s’adapter au dérèglement climatique (dont les flux de financement fournis par les pays industrialisés aux pays en développement) et les besoins réels nécessaires des pays en développement pour y faire face. Parmi ses conclusions :

  • l’estimation des coûts actualisés de l’adaptation pour les pays en développement se situe dans une fourchette centrale plausible entre 215 à 387 milliards de dollars (Md$) par an au cours de la décennie 2021-2030;
  • les besoins de financement pour l’adaptation des pays en développement sont 10 à 18 fois plus importants que les flux de financement public international en 2021, soit en hausse de plus de 50% par rapport à la fourchette d’estimation précédente (flux de financement international en 2020 estimés à 5 à 10 inférieurs aux besoins réels, voir p.32 de notre dossier de fond sur la COP-27)
  • les flux publics multilatéraux et bilatéraux de financement de l’adaptation vers les pays en développement ont diminué de 15% pour atteindre environ 21 Md$ en 2021. Cette baisse, jugée inquiétante par le PNUE, intervient malgré l’objectif fixé en novembre 2021 de doubler le soutien financier à l’adaptation en 2019 pour atteindre environ 40 Md$ par an d’ici à 2025 (dans le cadre du Pacte de Glasgow pour le climat, adopté lors de la CMA-3, décision 1/CMA.3, §18) ;
  • en raison de l’augmentation des besoins de financement de l’adaptation et de l’affaiblissement des flux, l’estimation du déficit actuel de financement de l’adaptation est désormais comprise entre 194 et 366 Md$ par an.

Voir rapport intégral | synthèse | messages clés.

Enfin, selon le Secrétaire général de l’OCDE, Matthias Cormann, d’ici 2025, il est estimé que les pays en développement auront des besoins d’investissements liés à l’action climat d’environ 1 000 Md$, et que ce chiffre passera à environ 2 400 Md$ par an entre 2026 et 2030 (source : avant-propos du 6e bilan de l’OCDE, publié le 16 novembre 2023).

 

Enjeu n° 1 : Nouvel objectif collectif chiffré à partir de 2025 en matière de financement climat

La COP-29 a d’ores-et-déjà été qualifiée de « COP du financement climat » car c’est à la COP-29, ou plutôt à la CMA-6, que les Parties doivent se mettre d’accord sur un nouvel objectif collectif quantifié pour le financement climat à partir de 2025. La nouvelle évaluation de l’OCDE, publiée le 29 mai 2024 montrant que l’objectif des 100 Md$ par an en 2020, fixé en 2009, a enfin été atteint en 2022, toutefois avec deux années de retard (lire notre article), devrait donner une nouvelle impulsion à ces négociations sur le nouvel objectif à partir de 2025 et rétablir une certaine confiance des pays en développement vis-à-vis des pays industrialisés.

L’enjeu prioritaire n°1 pour la Présidence est d’obtenir un accord solide des Parties sur un nouvel objectif collectif chiffré 2025 qui est indispensable pour rétablir la confiance entre pays du Sud et pays du Nord qui a été sérieusement érodée, en partie puisque les pays du Nord ont atteint l’objectif des 100 Md$/an avec deux ans de retard. Le manque à gagner pour les deux ans où l’objectif n’a pas été atteint : 2020 (16,7 Md$) et 2021 (10,4 Md$) risque d’être soulevé par les pays en développement.

Un accord solide sur ce dossier est un préalable pour débloquer les négociations afin d’avancer dans les autres axes de négociation (atténuation en tête). Le financement climat joue un rôle crucial dans le renforcement de l’ambition des pays en développement (notamment en matière de transition énergétique). Il faut créer une dynamique forte sur le financement climat dans la perspective des NDC 3.0

 

Contexte

Conformément à la décision 1/CP.21 (paragraphe 53), la Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA) doit fixer, avant 2025, un nouvel objectif collectif chiffré post-2025 (New collective quantified goal [NCQG] on climate finance) en matière de financement des actions climat à partir d’un niveau plancher de 100 milliards de $ par an. Ce niveau correspond à l’objectif initial fixé en 2009, sachant que celui-ci n’a pas été atteint en son année cible (2020).

 

Organisation et structure des discussions sur le nouvel objectif post-2025

Conformément à la décision 14/CMA-1, adoptée par la CMA à Katowice, en Pologne en décembre 2018 dans le cadre des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, les « discussions » (à noter, le choix du mot « discussions » [« deliberations » en anglais], moins fort que « négociations ») sur le nouvel objectif post-2025 ont été lancées lors de la CMA-3 (qui s’est tenue en parallèle à la COP-26, à Glasgow, en novembre 2021). Par la décision 9/CMA.3, adoptée lors de la CMA-3, les Parties se sont mises d’accord sur l’organisation et la structure des discussions sur le nouvel objectif post-2025. Elles s’articulent autour :

  • d’un programme de travail ad hoc (ad hoc working group ou ADWG) sur une période de trois ans 2022-2024 sous l’égide de la CMA, pour encadrer les discussions techniques,
  • de contributions à soumettre par les Parties et les parties prenantes non-étatiques (régions, villes, secteur privé,…),
  • des dialogues ministériels de haut niveau sur la période 2022-2024, et
  • des bilans et des lignes directrices élaborées par la CMA.

Dialogues techniques d’experts (TED)

Dans le cadre du programme de travail ad hoc, la CMA a décidé d’organiser quatre dialogues techniques d’experts (Technical Expert Dialogues ou TED) par an (cf. décision 9/CMA.3, § 5), soit 12 en tout au cours des trois ans 2022-2024. L’un de ces dialogues doit se tenir en même temps que la première session des organes subsidiaires de l’année et un autre à l’occasion de la session de la CMA, et les deux dialogues restants seront organisés dans des régions distinctes en vue de faciliter une participation géographique inclusive et équilibrée.

La première réunion de ce Dialogue technique d’experts (TED 1) a eu lieu les 24-25 mars 2022 au Cap (Afrique du Sud). La 2e réunion (TED 2) a eu lieu à Bonn les 13-14 juin 2022. La 3e réunion (TED 3) s’est tenue à Mandaluyong, Metro Manila (Philippines) du 6 au 9 septembre 2022. La 4e réunion (TED 4) s’est tenu à Charm el-Cheikh le 5 novembre 2022. La 5e réunion (TED 5) a eu lieu du 8 au 10 mars 2023 à Vienne (Autriche) (voir note de synthèse des résultats rédigée par les deux co-présidents du programme de travail). La 6e réunion (TED 6) a eu lieu les 12-13 juin 2023 à Bonn (voir note de synthèse des résultats rédigée par les deux co-présidents), la 7e réunion (TED 7) s’est tenue du 30 sept. au 2 oct. à Genève (voir note de synthèse des résultats rédigée par les deux co-présidents). La 8e réunion (TED 8) a eu lieu le 28 novembre 2023 à Dubaï, deux jours avant l’ouverture de la COP-28/CMA-5.Voir programme et note de synthèse des résultats. La 9e réunion (TED 9) a eu lieu à Cartagena (Colombie) les 23-24 avril 2024. Voir programme et note de synthèse des résultats. La 10e réunion (TED 10) a eu lieu à Bonn le 3 juin 2024. Voir programme et note de synthèse des résultats. La 11e réunion (TED 11) a eu lieu à Bakou (Azerbaïdjan) du 9 au 12 septembre 2024  – il s’agit du dernier cycle de négociations techniques avant la CMA-6 à Bakou. Voir programme. La synthèse des résultats n’est pas encore disponible.

 

Réunions du groupe de travail ad hoc (ADWG)

La 1ère réunion du programme de travail ad hoc (MADWP1) a eu lieu les 25-26 avril 2024 à Cartagena. Voir programme et note de synthèse des résultats. La 2e réunion (MADWP2) a eu lieu lors des sessions SB-60 à Bonn les 5,6,8 et 10 juin 2024. Voir programme et note de synthèse des résultats. La 3e réunion (MADWP3) a eu lieu à Bakou du 9 au 12 sept. 2024.

 

Dialogue ministériel de haut niveau 

La première réunion du dialogue ministériel de haut niveau a eu lieu le 9 novembre 2022 à Charm el-Cheikh lors de la CMA-4, lançant ainsi le processus pour définir, d’ici fin 2024, le nouvel objectif collectif chiffré sur le financement climat pour la période post-2025 (voir programme et note de synthèse des résultats rédigée par le Président de la CMA-4). La 2e réunion du dialogue ministériel de haut niveau a eu lieu le 3 décembre 2023 à Dubaï lors de la CMA-5. Voir programme et note de synthèse des résultats rédigée par le Président de la CMA-5. La 3e réunion du dialogue ministériel de haut niveau a eu lieu à Bakou le 9 octobre  2024. Voir programme. La synthèse des résultats n’est pas encore disponible.

Voir la page du site de la CCNUCC consacrée au nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement.

 

Avancées à Charm el-Cheikh lors de la CMA-4

A Charm el Cheikh, dans une décision purement procédurale, la CMA-4 a confirmé que les discussions en cours sur le nouvel objectif chiffré collectif sur le financement post-2025 devront déboucher sur la définition de ce nouvel objectif en 2024 (paragraphe 8 de la décision 5/CMA.4 sur le nouvel objectif). Les discussions sur ce sujet ont été difficiles et plusieurs Parties ont souligné qu’il était encore trop tôt pour parler « chiffres », c’est-à-dire quantifier le futur objectif. Les discussions ont donc peu avancées sur le fond de ce sujet crucial lors de la CMA-4.

 

Avancées à Dubaï lors de la CMA-5

A Dubaï, lors de la CMA 5, les Parties ont adopté la décision 8/CMA.5 sur le nouvel objectif. Ils ont décidé de passer à un mode de travail permettant l’élaboration d’éléments de base d’un projet de texte de négociation à examiner par la CMA 6 (Bakou, Azerbaïdjan, 11-22 novembre 2024). Les Parties ont également demandé aux co-Présidents du programme de travail ad hoc d’élaborer et de publier avant mars 2024 un plan de travail pour 2024, en tenant compte des soumissions qui seront faites par les Parties. En outre, le CMA-5 a demandé aux co-Présidents de mener au moins trois dialogues techniques entre les experts en 2024 pour permettre des discussions techniques approfondies sur les éléments du nouvel objectif post-2025, parallèlement à trois réunions en 2024 dans le cadre du programme de travail ad hoc. Enfin, la CMA-5 a demandé aux co-Présidents du programme de travail d’élaborer les grandes lignes d’un projet de texte de négociation qui doit reprendre les progrès réalisés jusque-là et ce, pour examen par la CMA-6 (qui aura lieu en parallèle à la COP-29).

 

Avancées à Bonn lors des SB-60 (juin 2024)

A Bonn, les discussions sur ce volet des négociations ont été axées sur la 2e réunion du programme de travail ad hoc (qui a eu lieu les 12-13 juin 2024). Ces travaux sont destinés à produire un texte constituant la base de négociation lors de la CMA-6 à Bakou (Azerbaïdjan). En amont de Bonn, trois groupes de Parties avaient soumis leurs contributions écrites présentant leurs positions – souvent très divergentes – sur ce sujet (pays arabes, alliance des petits Etats insulaires, pays les moins avancés). S’appuyant sur ces contributions et les discussions menées lors de la première réunion du groupe de travail ad hoc (23-26 avril, Cartagena, Colombie), ses deux co-Présidents (Zaheer Fakir, Emirats arabes unis, et Fiona Gilbert, Australie) ont élaboré un document de synthèse pour alimenter les discussions de cette 2e réunion (synthèse des contributions ou input paper du 24 mai 2024 (63 p.). Ce document visait à représenter toute la diversité des points de vue des Parties. Au cours de la première semaine, les Parties ont demandé aux deux co-Présidents de resserrer et rationaliser le texte, ce qui a donné lieu, le 7 juin 2024, à une première mise à jour de ce document (45 p.). Suite à de nouvelles contributions, une 2e mise à jour a été diffusée le 9 juin 2024 (35 p.). Malgré la réduction de son volume, cette 2e mise à jour restait une synthèse de l’ensemble des propositions soumises, parmi lesquelles plusieurs qui étaient en flagrante contradiction les unes avec les autres. Lors de la dernière session de négociations sur ce sujet, ce document a été qualifié de « déséquilibré » par certains négociateurs (source : Climate Home News, 11 juin 2024).

Les discussions ont fait ressortir de profondes divergences d’opinion entre les Parties, et surtout entre pays en développement et pays développés, sur plusieurs questions clés. Ces divergences d’opinion entre ces deux catégories de pays, où chacune campait fermement sur ses positions, ont entravé toute possibilité de progrès.

Une des principales pierres d’achoppement entre les Parties était le montant de l’objectif de soutien financier à fournir aux pays en développement par les pays développés. Plusieurs évaluations des besoins réels en termes de financement climat pour les pays en développement (voir encadré plus haut « Financement climat pour les pays en développement : quels sont les besoins réels ?) chiffrent le montant nécessaire à 1 000 Md$ par an d’ici 2030. Les contributions soumises en amont de Bonn proposaient les montants suivants :

  • l’Inde : 1 000 Md$/an essentiellement sous forme de subventions et de financement à des taux préférentiels (cf. contribution de l’Inde soumise à la CCNUCC le 13 février 2024 , en amont de la 1ère réunion du programme de travail ad hoc),
  • le groupe de négociation des pays arabes (« groupe arabe ») : 441 Md$/an en subventions publiques dans le cadre d’un montant global de 1 100 Md$/an à fournir sur 2025-2029 par les pays industrialisés, le solde devant provenir d’autres sources (prêts à des taux préférentiels,…) (cf. contribution du groupe arabe soumise à la CCNUCC le 6 mai 2024),
  • le groupe de négociation des pays en développement ayant une vision similaire (Like-Minded Developing Countries ou LMDC) : 1 000 Md$/an (contribution du groupe LMDC soumise à la CCNUCC en amont de la 2e réunion du programme de travail ad hoc).

 

Certaines Parties ont appelé les pays développés à honorer le montant non fourni en 2020 (soit 16,7 Md$) et en 2021 (soit 10,4 Md$) par rapport à l’objectif des 100 Md$/an (à savoir les années où celui-ci n’a pas été respecté. Total fourni en 2020 : 83,3 Md$ ; total fourni en 2021 : 89,6 Md$ – lire notre article).

A l’autre extrême, les pays développés ont refusé jusque-là de parler « chiffres », c’est-à-dire de quantifier le futur objectif sous forme de proposition chiffrée (appelée en anglais le « quantum » ou montant), soulignant le fait qu’il soit trop tôt encore, alors qu’en réalité, il leur reste désormais à peine cinq mois pour fixer le montant. Ils insistent sur l’importance de se mettre d’accord sur les éléments structurels qui sous-tendent l’objectif avant de fixer le montant lui-même.

Malgré ces profondes divergences, les opinions des Parties ont pu se rapprocher sur certaines questions, comme par exemple, le besoin d’améliorer l’accès des pays en développement au financement et de mettre à jour le cadre de transparence renforcée pour réaliser le rapportage sur le financement climat fourni et reçu (modalités de suivi de ce financement).

 

Où en est-on dans les négociations sur le nouvel objectif à la veille de la CMA-6 ?

De nombreuses options sont sur la table mais en même temps, les négociations de 2024 dans les TED et le groupe de travail ad hoc ont fait ressortir de profondes divergences d’opinion entre pays développés et pays en développement, sur plusieurs questions clés où chacun de ces deux catégories campe fermement sur ses positions. Cette situation de blocage a entravé toute possibilité de progrès concrets lors des négociations techniques en 2024 et donc il n’y a toujours pas de consensus sur ces questions clés :

  • quel montant (quantum) de l’objectif ? A la différence de l’objectif de 100 Md$ (dont le montant est le résultat de négociations politiques), l’objectif post-2025 doit se baser sur une évaluation technique et scientifique des besoins réels :
    • pour l’instant, aucun pays industrialisé n’a soumis de proposition chiffrée,
    • plusieurs pays en développement ont proposé que le montant soit au moins 1 000 Md$/an,
    • à moins d’une semaine avant la COP-29 et après trois ans de négociations techniques, on n’a pas la moindre idée du montant que les pays industrialisés vont proposer à Bakou.
  • qui va contribuer ?
    • les pays développés souhaitent élargir la base des pays contributeurs (contributor base) pour inclure les pays à revenu élevé : grands pays émergents (Chine, Corée du Sud,…) et pays du Golfe,…. Ils préconisent une approche équitable basée non seulement sur la responsabilité historique, mais aussi sur les capacités financières actuelles des pays. Ils veulent régler cette question avant de se mettre d’accord sur un montant ;
    • cette question renvoie directement à la division binaire du monde en deux catégories établie par la Convention Climat en 1992 (et confirmé en 1997 par le Protocole de Kyoto), basée sur la croissance économique des pays en 1992 (il y a 32 ans donc) et au principe des responsabilités communes mais différenciées(CBDR, cf. article 3.1 de la Convention). Or, aujourd’hui, certains des pays en développement, notamment les grands pays émergents (Chine, Brésil, Arabie saoudite,…) ont un PIB plus élevé et sont de grands émetteurs de GES ;
    • les pays en développement ne soutiennent cette option et les grands pays émergents visés, soutenus par le groupe arabe et Singapour, s’y opposent fermement, en soulignant que l’Accord de Paris oblige les pays développés à fournir un financement climat aux pays en développement pour l’atténuation et l’adaptation (§9.1) et à continuer d’être les moteurs du financement climat (§9.3). Il invite les pays émergents et en développement à fournir un financement climat mais à titre volontaire (§9.2).
  • quelles sources de financement ?
    • les pays en développement préconisent d’axer l’objectif sur le financement public international alors que les pays développés sont d’avis qu’en plus du financement public international, il faut élargir la base des sources contributrices pour inclure le secteur privé, le financement philanthropique, le financement national, le financement issu de la réforme des banques multilatérales de développement, et les taxes mondiales (transport aérien et maritime international, énergies fossiles, transactions financières, superprofits…) afin de lever des ressources financières nouvelles et innovantes. Compte tenu de la crise sans précédent de la dette publique des économies de l’OCDE, leur capacité à augmenter fortement l’aide bilatérale est incertaine ; ce contexte accroît la pression en faveur de l’élargissement de la base des contributeurs pour inclure le secteur privé ;
  • quel volet de l’action climat financer ?
    • selon les pays en développement, le nouvel objectif doit viser l’atténuation, l’adaptation et intégrer un sous-objectif formel pour les pertes et préjudices tandis que les pays développés sont formels : l’objectif doit voiser uniquement l’atténuation et l’adaptation au motif que le financement des pertes et préjudices ne relève pas du mandat du NCQG. Puisque le financement fourni par les pays industrialisés au titre du fonds pertes et préjudices (à ce jour : 661,9 M$ issus de 18 pays et de l’UE dans son ensemble, source : NRDC, juin 2024) est bien en deçà des besoins réels, les pays en développement exigent un sous-objectif formel pour le financement climat consacré aux pertes et préjudices ;
  • quelles catégories de pays seront bénéficiaires du financement climat au titre du nouvel objectif ?
    • les pays en développement estiment que les pays en développement dans leur ensemble doivent être bénéficiaires alors que les pays développés souhaitent restreindre le financement aux pays en développement particulièrement vulnérables (pour reprendre la formulation de la décision 2/CP.27 et de la décision 2/CMA.4) actant la création du fonds pertes et préjudices). Les pays industrialisés souhaitent que le soutien financier soit attribué sur la base de la vulnérabilité. Cependant, il n’existe pas de définition claire et précise de cette notion. Il faudrait donc surtout définir des critères de vulnérabilité ;
  • quelle période cible ? Sur quelle période le nouvel objectif s’appliquera-t-il ?  5 ans ? 10 ans ?
  • qualité du financement fourni : le soutien financier serait-il apporté sous forme de dons (subventions) plutôt que des prêts ? Quelle sera la part de ces deux types de financement ? Les pays en développement (PMA et AOSIS en tête), ainsi que les ONG, insistent sur l’importance de privilégier la première option pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires ;
  • quelles modalités de transparence pour assurer le suivi et l’évaluation des contributions ? Il faut mettre en place des mécanismes de suivi et d’évaluation pour garantir que les fonds promis sont bien versés ;
    • cette question soulève un problème majeur : il n’existe aucune définition précise consensuelle et formellement reconnue du financement climat. Aujourd’hui, les pays développés utilisent des métriques différentes pour mesurer le montant de financement qu’ils fournissent, ce qui a suscité une grande méfiance de la part des pays en développement qui ont critiqué la méthodologie appliquée par l’OCDE pour établir son bilan annuel;
    • la plupart des pays en développement font pression pour qu’une définition commune, ainsi que des règles strictes de comptabilisation, soient intégrées dans le dispositif à adopter à Bakou sur le nouvel objectif post-2025, afin que les données soient précises, fiables, comparables et cohérentes.

 

Les dernières évolutions et les prochaines étapes

Le 9 octobre 2024, lors de la 3e réunion du dialogue ministériel de haut niveau à Bakou, quelques progrès ont été enregistrés avec une convergence progressive des positions des Parties sur la structure de l’objectif : beaucoup de Parties sont d’accord que l’objectif devrait intégrer la mise à disposition de financements publics (« couche intérieure ») et la mobilisation de financements privés (« couche extérieure), soit en un objectif chiffré unique, soit en deux objectifs chiffrés distincts.

En raison des fortes divergences de position sur les questions clés (voir plus haut) et puisque les négociateurs techniques ne peuvent pas trancher à leur niveau, il faudra une prise en main politique des négociations. La première semaine de la COP-29, dans le cadre des sessions SB-61, les négociateurs techniques devront donc réduire les nombreuses options sur la table pour soumettre aux négociateurs politiques de la 2e semaine un projet de décision proposant un cadre concret assorti d’un nombre limité d’options claires, précises et viables pour chaque question clé en vue de faciliter les arbitrages politiques finaux.

Voir rapport de synthèse du Président de la COP-29, publié le 10 nov. 2024.

A noter enfin que le 15 octobre 2024, les deux co-Présidents du programme de travail ad hoc sur le NCQG ont publié un rapport de synthèse des discussions techniques menées en 2024, pour examen et adoption par la CMA-6. Ce rapport comporte une annexe (addendum) présentant un cadre concret (substantive framework) d’un projet de texte de négociation synthétisant les progrès réalisés dans les discussions en 2024, pour examen par la CMA-6. Ce cadre concret présente :

  • plusieurs options pour le montant global : au moins 1 000 / 1 100 / 1 200 / 1 300 Md$ par an en subventions/dons,
  • plusieurs options pour l’année cible : 2025-2029 / 2025-2030 / 2025-2035 / 2026-2035 / d’ici 2030,
  • une proposition d’objectif pour les pays industrialisés : au moins 441 Md$/an en subventions/dons. Ce chiffre très précis vient de la contribution du groupe des pays arabes soumise à la CCNUCC le 6 août 2024 dans le cadre des négociations sur ce sujet. Selon leur proposition, les pays développés doivent mobiliser 1 100 Md$/an aux pays en développement sur la période 2025-2029, en fournissant un minimum de 441 Md$/an.

Tous ces chiffres et toutes ces propositions sont entre crochets dans le texte, ce qui indique des éléments non encore tranchés et que donc il n’y a pas encore consensus sur le choix des options ou la formulation de texte.

Enjeu prioritaire n°1 de la Conférence de Bakou (CMA-6) : obtenir un accord solide des Parties sur un nouvel objectif collectif chiffré 2025 (montant et structure : les pays qui y contribuent, les pays qui en bénéficient, les sources de financement, la période cible, les volets de l’action climat auxquels le financement sera destiné, la forme du financement [subventions/dons et/ou prêts], les modalités de rapportage) ; obtenir des pays industrialisés des engagements concrets en termes de financement climat.

 

Enjeu n° 2 : Nouveaux engagements financiers

Le 2e enjeu pour la CMA-6 sur le sujet financement est d’obtenir des pays industrialisés de nouveaux engagements concrets et ambitieux des Etats en matière de financement climat international pour les pays en développement, via le Fonds vert pour le climat ou non, et ce, pour rétablir la confiance entre pays du Sud et pays du Nord. Cela constituerait la véritable clé pour faire avancer les négociations sur les autres sujets problématiques (atténuation en tête).

 

Enjeu n° 3 : Article 2.1(c)

Le 3e enjeu pour la CMA-6 sur le sujet financement est de réaliser des avancées concrètes dans le cadre des discussions du dialogue de Charm el-Cheikh sur l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris : rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’émissions bas-carbone et résilient aux changements climatiques.

Contexte

L’article 2.1 de l’Accord de Paris fixe trois objectifs à long terme :

  • (a) température: contenir la hausse de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels et en poursuivant l’action menée pour atteindre 1,5°C,
  • (b) adaptation : renforcer les capacités d’adaptation et promouvoir la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre,
  • (c) financement : rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

 

Dialogue de Charm el-Cheikh et ses ateliers

A Charm el-Cheikh, lors de la première journée de la COP-27 et de la CMA-4, l’UE avait demandé (sans succès) que le sujet de l’article 2.1(c) soit ajouté à leur ordre du jour formel. Les Parties ont toutefois convenu que ce sujet fasse l’objet de consultations informelles pendant la Conférence. Ces consultations informelles ont abouti à un consensus parmi les Parties réunies au sein de la CMA-4 : celle-ci a décidé de lancer le dialogue de Charm el-Cheikh entre les Parties, organisations et autres parties prenantes sur l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris (paragraphe 68 de la décision 1/CMA-4).

Par ailleurs, les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI,…) ont été invitées à réformer leurs pratiques et à redéfinir leurs priorités, à aligner leurs financements avec l’objectif de l’article 2.1(c) et à accroître leur financement climat (paragraphes 61 et 62 de la décision 1/CMA-4).

La mission du dialogue de Charm el-Cheikh est d’échanger les points de vue et de mieux comprendre l’article 2.1(c). Le Secrétariat de la CCNUCC a été chargé, sous le pilotage de la Présidence de la COP-27, d’organiser deux ateliers (workshops) en 2023 et d’élaborer un rapport pour la CMA-5 sur les résultats de ces deux ateliers (paragraphe 68 de la décision 1/CMA-4).

Le premier atelier a eu lieu les 19-20 juillet 2023 à Bangkok, Thaïlande. Son objectif était de donner un aperçu des travaux antérieurs et existants qui ont été réalisés en rapport avec l’article 2.1(c), dans le cadre du processus intergouvernemental et en dehors de celui-ci, ainsi que de recueillir les avis, les perspectives et les expériences des Parties et des organisations et parties prenantes concernées sur le champ d’application de l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris et sur sa complémentarité avec l’article 9 de l’Accord de Paris (portant sur le financement). Voir ordre du jour.

Le 2e atelier a eu lieu les 3-4 octobre 2023 à Genève. Son objectif était de s’appuyer sur les discussions du premier atelier et de faire progresser la compréhension du champ d’application de l’article 2.1(c) et de sa complémentarité avec l’article 9 de l’Accord de Paris. L’atelier visait à tirer parti d’un ensemble diversifié de points de vue des secteurs financiers public, privé et non gouvernemental.

Un rapport de synthèse des discussions menées lors des deux ateliers a été élaboré par le Secrétariat de la CCNUCC sous la direction de la Présidence de la COP-27. Il a été publié le 20 novembre 2023.

Le 3e atelier dans le cadre du dialogue sur l’article 2.1(c) a eu lieu les 12-13 juin 2024. Voir programme et message des co-Présidents de ce dialogue (du 9 mai 2024). Il a été axé sur les investissements pour l’adaptation et la compatibilité des flux financiers avec une trajectoire de développement résiliente au climat. Les discussions ont fait ressortir les aspects suivants :

  • les approches intégrant les risques climatiques ne devraient pas accroître le coût du capital pour les pays jugés à haut risque ;
  • les banques centrales ont un rôle à jouer dans la promotion de l’intégration des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la prise de décision financière ;
  • le recours à des incitations directes dans le cadre de la participation ESG des acteurs corporatifs, par exemple pour soutenir l’agroforesterie et les cultures intercalaires ;
  • la non-mise en œuvre de cadres politiques tels que la Déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres, adoptée le 2 novembre 2021 lors de la COP-26 à Glasgow (lire notre dossier de fond sur la COP-26, p.17). ;
  • le réinvestissement des recettes de la fiscalité carbone en soutien à la transition de l’industrie et pour minimiser les remises en cause de la politique climat ;
  • le recours au financement mixte, notamment pour mobiliser des financements privés.

Puisque les pays développés n’ont pas encore proposé de chiffres concrets pour le nouvel objectif financement climat à partir de 2025 et, plus précisément, en l’absence de propositions chiffrées en matière de financement public, les pays en développement sont réticents à s’engager sur d’autres aspects de l’objectif, en particulier sur l’alignement des flux financiers au titre de l’article 2.1(c).

Le 4e atelier dans le cadre du dialogue sur l’article 2.1(c) a eu lieu les 6-7 octobre 2024. Voir programme. Il a été principalement axé sur le rôle du système financier international et des différents acteurs au sein et en dehors de l’Accord de Paris, ainsi que sur la transparence et la crédibilité, en mettant l’accent sur la prévention de l’écoblanchiment et de la mal-adaptation. L’atelier s’est appuyé sur des exemples concrets et des actions entreprises et visait à faciliter le partage d’expériences et de bonnes pratiques entre les différentes parties prenantes.

 

Dialogue de Charm el-Cheikh : les avancées réalisées à Dubaï (déc. 2023)

A Dubaï en décembre 2023, la CMA-5 a adopté la décision 9/CMA.5 qui porte sur les questions relatives au Comité permanent sur le financement (Standing Committee on Finance ou SCF). Dans cette décision, la CMA-5 décide de poursuivre et de renforcer le dialogue de Charm el-Cheikh sur l’article 2.1(c) sur la période 2024-2025 (paragraphe 8). Deux co-Présidents, chargés d’animer ce dialogue, seront nommés, l’un devant provenir d’un pays industrialisé et l’autre d’un pays en développement (paragraphe 9).

En outre, le Secrétariat de la CCNUCC est chargé d’organiser deux ateliers par an (sur la période 2024-2025) et d’élaborer un rapport sur les résultats de chacun des quatre ateliers (paragraphe 10). Les deux co-Présidents du dialogue sont également chargés d’élaborer un rapport sur les discussions (« déliberations » en anglais, terme moins fort que « negotiations ») en 2024 et 2025 dans le cadre du dialogue de Charm el-Cheikh et ce, pour examen par la CMA-6 (11-22 novembre 2024 à Bakou, Azerbaïdjan) (paragraphe 13).

Enfin, les deux co-Présidents du dialogue sont chargés d’élaborer, dans le cadre de leur rapport de 2025, une synthèse de l’ensemble des travaux réalisés au titre du dialogue de Charm el-Cheikh et ce, pour examen par la CMA-7 (fin 2025) pour que celle-ci prenne une décision sur les prochaines étapes concernant les discussions sur ce sujet.

Par lettre du 20 février 2024, le Président de la COP-28, Sultan Al Jaber a nommé les deux co-Présidents : Gabriela Blatter (Suisse) et Mohamed Ibrahim Nasr Salem (Egypte).

 

2)     Mécanismes fondés sur le marché (article 6)

Le 2e enjeu pour Bakou affiché par la Présidence est d’aboutir à la finalisation définitive des règles de mise en œuvre de l’article 6 (et notamment les sous-volets article 6.2 et article 6.4), presque 10 ans après l’adoption de l’Accord de Paris (2015) et quatre ans après l’adoption de la quasi-totalité de ses règles de mise en œuvre (lors de la CMA-1 en 2018 à Katowice).

 

Contexte

En vertu de l’article 6 de l’Accord de Paris, les Parties peuvent décider de coopérer sur une base volontaire dans la mise en œuvre de leurs NDC pour relever le niveau d’ambition de leurs mesures d’atténuation et d’adaptation via des approches dites « coopératives ». Ainsi, l’article 6.4 prévoit la mise en place d’un nouveau mécanisme de marché pour contribuer à la réduction des émissions de GES et qui prend le relais du mécanisme pour un développement propre ou MDP (établi par l’article 12 du Protocole de Kyoto) : le mécanisme de développement durable ou MDD (ou Sustainable Development Mechanism [SDM]). Ce volet très important de l’Accord de Paris est donc le seul qui fait participer le secteur privé à l’action climat.

L’article 6 comporte trois sous-volets :

  • 6.2 : approches coopératives (transferts de réduction directs [crédits carbone] entre pays à titre bilatéral ou multilatéral, connus sous l’acronyme anglais ITMO),
  • 6.4 : mécanisme de développement durable ou MDD (marché carbone centralisé),
  • 6.8 : approches non fondées sur le marché (pour renforcer les liens et créer des synergies entre atténuation, adaptation, financement, transfert de technologies et renforcement des capacités).

En particulier, l’article 6 établit donc la base juridique d’un nouveau mécanisme de flexibilité pour que les pays qui le souhaitent puissent atteindre une partie de leurs objectifs de réduction en fournissant un soutien financier dans le cadre de projets de réduction d’émissions dans d’autres pays (sur une base volontaire donc) et ce, à l’instar des mécanismes établis par le Protocole de Kyoto (mécanisme pour un développement propre [MDP] et mise en œuvre conjointe [MOC]). Les principes du nouveau « mécanisme pour contribuer à l’atténuation des émissions de GES et promouvoir le développement durable » (mécanisme de développement durable ou MDD) sont ainsi posés.

 

Adoption des règles de mise en œuvre : pas de consensus à Katowice (2018), ni à Madrid (2019)

Ce volet (article 6) des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris dans le cadre du manuel des règles d’application (Rulebook), adopté à Katowice en 2018 lors de la CMA-1, y est resté en suspens (faute de consensus sur les modalités techniques complexes et en raison de l’opposition du Brésil), puis une nouvelle fois à la COP-25 de Madrid (en raison des profondes divergences politiques entre les Parties et surtout du blocage du Brésil de nouveau, mais aussi de l’Australie et de l’Arabie saoudite) et ce, alors que le régime de Paris a formellement démarré le 1er janvier 2021.

 

Adoption des règles de mise en œuvre : consensus à Glasgow (2021)

Après d’intenses et longues négociations lors de la COP-26 à Glasgow (Ecosse, novembre 2021), les Parties de la CMA-3 ont enfin pu parvenir à un accord sur la finalisation de ces règles sur les modalités pour recourir aux marchés carbone via trois décisions :

  • décision 2/CMA.3 relative aux approches coopératives visées à l’article 6.2 de l’Accord de Paris. Les lignes directrices sur les approches coopératives adoptées sont établies à l’annexe de la décision,
  • décision 3/CMA.3 relative aux règles, modalités et procédures applicables au mécanisme établi en vertu de l’article 6.4 de l’Accord de Paris,
  • décision 4/CMA.3 relative au programme de travail dans le cadre des approches non fondées sur le marché visées à l’article 6.8 de l’Accord de Paris.

Les règles adoptées évitent notamment l’écueil du double comptage des crédits d’émission. Les crédits d’émission issus des projets menés au titre du Protocole de Kyoto enregistrés après le 1er janvier 2013 peuvent être transférés dans le mécanisme de Paris. Ces crédits doivent être identifiés comme étant des « réductions d’émission pré-2020 ». Ils peuvent être utilisés pour contribuer à atteindre les objectifs uniquement de la première NDC.

Au titre de l’article 6.4, une part obligatoire de 5% des recettes issues des échanges sera prélevée pour alimenter le Fonds d’adaptation pour aider les pays en développement à couvrir les coûts d’adaptation, tandis qu’au minimum 2% des crédits d’émission devront être annulés afin d’assurer une « atténuation globale des émissions mondiales » (overall mitigation of global emissions ou OMGE). Un « organe de supervision » (Supervisory body) de l’article 6.4 est établi et devait commencer à travailler en 2022 via deux réunions, au cours desquelles il devait commencer à élaborer des méthodologies et des exigences administratives pour le marché.

 

Comité de Glasgow sur les approches non fondées sur le marché (cf. article 6.8)

Le Comité de Glasgow sur les approches non fondées sur le marché (Glasgow Committee on Non-Market Approaches ou GCNMA) a été créé par la décision 4/CMA.3 (cf. chapitre III de l’annexe, paragraphes 4 et 5) pour mettre en œuvre le cadre des approches non fondées sur le marché et le programme de travail associé, en offrant aux Parties des possibilités de coopération non fondée sur le marché pour la mise en œuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation prévues dans leurs NDC.

Le Comité de Glasgow est convoqué par le Président du SBSTA et fonctionne conformément aux procédures applicables aux groupes de contact et sous la direction du Président. Il se réunit au moment de la tenue des deux sessions annuelles du SBSTA (en juin et lors de la COP/CMA en novembre ou décembre de chaque année), la première réunion devant avoir lieu en même temps que la 56e session du SBSTA (juin 2022).

Première réunion (GCNMA-1) (Bonn juin 2022) | Deuxième réunion (GCNMA-2) (Charm el-Cheikh, nov. 2022) | Troisième réunion (GCNMA-3) (Bonn, juin 2023) | Quatrième réunion (GCNMA-4) (Dubaï, déc. 2023).

Voir aussi Plateforme sur les approches non fondées sur le marché.

 

Adoption des règles de mise en œuvre : avancées à Charm el-Cheikh (2022) sur la finalisation des derniers détails techniques

Même si avec ces trois décisions, qui ont constitué une avancée majeure à Glasgow, les règles d’application de l’article 6 sont arrêtées dans leur ensemble, il restait néanmoins à peaufiner certains détails et à étoffer certains éléments lors les sessions suivantes du SBSTA (SBSTA-57 et après) pour que l’article 6 soit intégralement opérationnel et pour que les échanges puissent véritablement démarrer sur la base de règles robustes, d’où la poursuite des travaux sur l’article 6 lors de la session SBSTA-56 à Bonn (juin 2022). Ainsi, des consultations informelles ont été menées à Bonn sur les sujets confiés au SBSTA pour lesquels la CMA avait demandé (via la décision 3/CMA.3) d’élaborer des recommandations, parmi lesquels les règles, modalités et procédures applicables au MDD.

Lors de la CMA-4 (Charm el-Cheikh, nov. 2022), les négociations au titre de l’article 6 se sont poursuivies discrètement en arrière-plan pendant les deux semaines et sont parvenues, via trois nouvelles décisions, à fournir un certain nombre de recommandations et orientations qui devraient contribuer à opérationnaliser les trois volets de l’article 6.

  • article 6.2 : la décision 6/CMA.4 précise entre autres les grandes lignes du rapport à soumettre par les Parties. Elle prévoit la possibilité pour ces informations rapportées de revêtir un caractère confidentiel. Ainsi, elle laisse aux Etats la liberté de décider de garder ces informations confidentielles ou non, avec l’option pour eux de fournir des explications motivant leur choix, ce qui a engendré de vives critiques de la part des ONG en raison du manque de transparence et du manque de redevabilité (accountability) ;
  • article 6.4: la décision 7/CMA.4 établit des lignes directrices relatives au MDD. La CMA-4 n’a pas entériné les recommandations de l’organe de supervision de l’article 6 (A 6.4 Supervisory Body), publiées le 6 novembre 2022, au terme de sa 3e réunion (éligibilité des activités anthropiques portant sur l’absorption de CO2 (et le stockage dans des réservoirs géologiques [donc le captage et stockage du CO2], terrestres ou océaniques) à des crédits d’émission à échanger sur le marché international. Elles ont été vivement critiquées par les ONG qui craignent qu’elles ne nuisent à l’intégrité de l’Accord de Paris, tout en pointant leur manque de protection des droits humains et de l’environnement. Plusieurs Parties se sont également opposées à ces recommandations. La CMA-4 a donc demandé à l’organe de supervision de reprendre le dossier et de retravailler leurs recommandations initialement proposées, afin de soumettre de nouvelles propositions de recommandations pour examen et adoption par la CMA-5 (déc. 2023) ;
  • article 6.8 : la décision 8/CMA.4 demande au Comité de Glasgow sur les approches non fondées sur le marché (Glasgow Committee on Non-Market Approaches [NMAs]), établi par la décision 4/CMA.3, de poursuivre la mise en œuvre des activités du programme de travail prévues par la décision 4/CMA.3 ( annexe, chapitre V) sur 2023-2026 en deux phases (2023-2024, puis 2025-2026). Le Secrétariat de la CCNUCC est également prié de développer et de rendre opérationnelle la plateforme web de la CCNUCC destinée à enregistrer et à échanger les informations sur les approches non fondées sur le marché. La décision définit la finalité de cette plateforme web.

 

Adoption des règles de mise en œuvre : avancées à Dubaï (2023) sur la finalisation des derniers détails techniques

Même si les règles d’application de l’article 6 ont été arrêtées dans leur ensemble lors de la CMA-3 à Glasgow en nov. 2021, il restait néanmoins à peaufiner certains détails techniques (définitions, procédures, logistique,…) et à étoffer certains éléments pour que l’article 6 soit intégralement opérationnel et pour que les échanges puissent donc véritablement démarrer sur la base de règles robustes (art. 6.4 : autorisation des unités de réduction A6.4ER ; interconnexion entre registres art. 6.2 et 6.4 ; éligibilité des projets qui évitent les émissions et améliorent la conservation de la nature,…). L’article 6 n’était donc plus un sujet politique prioritaire.

A Dubaï, le projet de décision 6.2 et le projet de décision 6.4 sont restés bloqués faute de consensus entre les Parties et n’ont pas pu donc être adoptés. Les négociations ont été renvoyées aux sessions SB-60 à Bonn (juin 2024).

Article 6.2 – approches coopératives : Les négociations à Dubaï ont fait ressortir un désaccord total entre, d’une part, l’UE, les pays africains et latino-américains et, d’autre part, les Etats-Unis sur des questions clés : l’intégrité environnementale et la protection des droits humains, ainsi que la transparence (surtout la question des clauses de confidentialité des informations rapportées par les Parties après les échanges d’ITMO, qui empêcheraient la vérification de ces informations). Alors que les Etats-Unis voulaient à tout prix mettre en œuvre le plus rapidement possible une approche minimaliste et basique (« light-touch, no frills »), s’appuyant sur le marché volontaire, l’autre camp avait une vision diamétralement opposée : des règles robustes avec vérification renforcée.

 

Article 6.4 – mécanisme de développement durable : à Dubaï, la CMA-5 n’a pas entériné les recommandations finalisées le 27 nov. 2023 par l’organe de supervision de l’art. 6.4 (Art. 6.4 Supervisory Body) sur les exigences pour l’élaboration et l’évaluation de méthodologies et pour les activités liées à l’absorption de CO2. Leur approbation est essentielle pour l’opérationnalisation du marché. Ces deuxièmes versions des recommandations ont été rejetées par les Parties en raison de leur manque d’ambition et de robustesse (tout comme les premières versions à Charm el-Cheikh où la CMA-4 avait demandé à l’organe de supervision de revoir sa copie).

Ce résultat décevant a envoyé un signal très négatif aux acteurs du marché carbone de l’art 6.4, ce qui a pour conséquence de laisser ce marché dans un état d’incertitude et d’instabilité persistant. Cependant, ce non-résultat a évité l’adoption de règles insuffisantes et évité de reproduire les erreurs des marchés carbone volontaires (cf. polémique sur le certificateur de crédits carbone Verra en 2023). En effet, une absence d’accord reste mieux qu’un mauvais accord selon plusieurs observateurs, dont l’ONG Carbon Market Watch. L’opérationnalisation du marché carbone de l’art. 6.4 subira donc probablement un retard supplémentaire d’au moins 12 mois. Un effet pervers de cet échec (selon Carbon Market Watch, source : Climate Home News, 20 déc. 2023) est le risque que les acteurs du marché volontaire en profitent pour saisir l’opportunité de combler le vide juridique concernant les règles de l’art. 6.2 et 6.4. Cela devrait dans tous les cas doper le marché volontaire.

Sur les articles 6.2 et 6.4, les négociations ont donc repris à Bonn en juin 2024 (lire notre article).

 

Article 6.8 – approches non fondées sur le marché : en revanche, un consensus a pu être trouvé à Dubaï sur ce sous-volet de l’article 6. La décision 17/CMA.5 adoptée reste une décision plutôt procédurale qui encourage les Parties à continuer à identifier des possibilités pour concevoir et mettre en œuvre des approches non fondées sur le marché.

Voir la page du site de la CCNUCC sur les approches fondées et non fondées sur le marché.

Voir la page du site de la CCNUCC sur la mise en œuvre coopérative (article 6).

 

Adoption des règles de mise en œuvre : avancées à Bonn (2024) sur la finalisation des derniers détails techniques

Lors des consultations informelles dans le cadre des sessions SB-60 à Bonn (3-13 juin 2024), les co-facilitateurs Maria Al-Jishi (Arabie Saoudite) et Peer Stiansen (Norvège) ont présenté une note informelle rédigée par le Président du SBSTA, Harry Vreuls, en amont de sessions SB-60 (en date du 29 mai 2024). Cette note reflétait les différents points de vue exprimés par les Parties dans les négociations du SBSTA-59 à Dubaï sur les sous-volets article 6.2 et article 6.4. Ils ont expliqué que le mandat du groupe était d’élaborer un projet de texte de décision pour chacun de ces deux sous-volets, à soumettre à la CMA-6 à Bakou, et de se concentrer sur les « questions cruciales », y compris les autorisations, les registres et le format électronique.

La Présidence azerbaïdjanaise a indiqué très clairement qu’une des priorités de la COP-29 (et de la CMA-6) serait de régler une fois pour toutes les questions techniques des articles 6.2 et 6.4. Dans son discours sur la vision et la stratégie de la Présidence azerbaïdjanaise de la COP-29 pour Bakou, le négociateur en chef de la COP-29, Yalchin-Rafiyev, s’est fixé comme objectif de la Présidence de rendre l’article 6 pleinement opérationnel à Bakou.

Malgré cette ambition forte, les négociations techniques ont progressé lentement et ont globalement débouché sur peu de résultats concrets.

Des avancées significatives ont néanmoins été enregistrées sur deux questions spécifiques :

  • les activités qui évitent des émissions: la question était de savoir si de telles activités peuvent compter pour générer des crédits d’émission pour échange au titre de l’article 6.2 et de l’article 6.4 (par exemple, si une entité n’entreprend pas une activité émettrice de GES (telle que l’extraction de combustibles fossiles), elle pourrait se voir octroyer des crédits d’émission). Malgré l’opposition des Philippines, dans leur ensemble, les Parties se sont accordées à reconnaître que cette option ne devrait pas être retenue. A Bonn, après des discussions intenses, les Parties se sont mises d’accord sur le fait que ces activités ne doivent pas générer des crédits au titre des articles 6.2 et 6.4.

Le SBSTA a décidé de poursuivre l’examen de cette question à sa 68e session (2028). Le SBSTA a noté qu’en l’absence de nouvelles recommandations de la part de la CMA, les recommandations actuelles s’appliquent, sachant que l’option de compter les émissions évitées n’est pas incluse dans les recommandations actuelles (cf. paragraphe 6 du projet de conclusions adopté à Bonn sur ce sous-volet, en date du 13 juin 2024). Par conséquent, cette question a été supprimée de l’ordre du jour de la CMA-6 en amont de Bakou, renvoyant ainsi un signal clair aux marchés.

  • la question de la confidentialité des informations rapportées par les Parties après les échanges d’ITMO sans qu’il n’y ait besoin pour celles-ci de justifier leur décision. Les négociations à Bonn ont pu avancer sur cette question. Ainsi, le SBSTA a demandé au Secrétariat de la CCNUCC d’élaborer, de publier et de mettre en œuvre les procédures administratives nécessaires, y compris un code de conduite spécifique pour les équipes d’experts techniques de l’article 6, pour le traitement et l’examen des informations identifiées comme confidentielles par les Parties participantes. A noter toutefois que ce code de conduite devra être approuvé par l’ensemble des Parties, ce qui est loin d’être acquis à ce stade.

Si ces avancées ne permettent pas une rapide opérationnalisation de l’article 6, elles contribueront néanmoins à garantir son intégrité environnementale. Elles pourront aider les Parties à se concentrer sur les questions cruciales, telles que les modalités d’autorisation du transfert des réductions d’émission en vertu de l’article 6.2 ou la question de savoir si les pays qui ne disposent pas de registres nationaux pourront utiliser le registre international pour enregistrer et transférer leurs réductions d’émission.

Voir le projet de conclusions du Président du SBSTA sur l’article 6.2 (en date du 13 juin 2024).

Voir le projet de conclusions du Président du SBSTA sur l’article 6.4 (en date du 13 juin 2024).

 

Adoption des règles de mise en œuvre : avancées réalisées par l’organe de supervision de l’article 6.4 en 2024

En amont de la CMA-6 à Bakou, des travaux supplémentaires sur l’Article 6.4 ont été réalisés. L’organe de supervision de l’article 6.4 (Article 6.4 Supervisory Body), chargé de rendre opérationnel le nouveau marché mondial du carbone dans le cadre de l’Accord de Paris, s’est réuni deux fois avant les négociations à Bakou, pour finaliser les recommandations sur les méthodologies et les absorptions d’émissions.

Enfin, l’organe de supervision de l’article 6.4 visait également à finaliser un outil de développement durable (Sustainable Development Tool) en amont de la CMA-6, afin d’établir des garanties environnementales et sociales dans le cadre des échanges qui seront effectués sur le marché mondial du carbone.

Ainsi, du 5 au 9 octobre 2024 a eu lieu à Bakou (Azerbaïdjan), : 14e réunion de l’organe de supervision de l’article 6.4 (Art. 6.4 Supervisory Body), organe technique créé par la décision 3/CMA.3 relative aux règles, modalités et procédures applicables au mécanisme établi en vertu de l’article 6.4 de l’Accord de Paris (décision adoptée lors de la CMA-3 à Glasgow, 2021). Cet organe de supervision est désormais connu sous le nouvel acronyme SBM. Voir rapport de la réunion (réf. réunion SBM014).

Résultats 

1ère avancée : les normes SBM. Contre toute attente, cette réunion à Bakou a débouché sur une grande avancée vers la mise en place d’un marché carbone mondial. Le SBM a examiné les 2 projets de version révisée des recommandations, l’un pour les absorptions de CO2 et l’autre sur les méthodologies. Plutôt que d’attendre l’approbation par les diplomates lors de la CMA-6 (à Bakou, nov. 2024) dans le cadre du processus formel en vertu de l’Accord de Paris, le SBM a directement adopté, lui-même, ces deux projets de version révisée des exigences sous forme de deux normes SBM :

Ces deux normes sont entrées en vigueur le 9 octobre 2024. Le SBM a demandé à la CMA-6 à Bakou d’avaliser cette démarche, de fournir toute recommandation complémentaire et d’acter le fait que le SBM mette en œuvre ces normes.

Il s’agit d’une démarche inédite pour le SBM qui ne souhaitait pas prendre le risque de voir ses recommandations rejetées à Bakou, pour la 3e année consécutive, ce qui aurait constitué une entrave majeure à l’opérationnalisation concrète du mécanisme de l’article 6.4, désormais baptisé mécanisme d’octroi de crédits d’émission au titre de l’Accord de Paris (Paris Agreement Crediting Mechanism, PACM).

Les 12 membres du SBM ont donc pris les devants, en décidant de passer outre, sans passer par la CMA, évitant ainsi des négociations lourdes et complexes, et sans attendre le feu vert de la CMA – stratégie un peu risqué « à prendre ou à laisser ». Le but de cette démarche était évidemment d’accélérer le processus qui a traîné trop longtemps, de permettre ainsi une opérationnalisation rapide du mécanisme de l’article 6.4, de permettre au SBM de réexaminer, de mettre à jour et d’améliorer ces normes en fonction du développement du marché, et donc de permettre au PACM de rester dynamique et évolutif.

Les porteurs de projets vont pouvoir s’appuyer sur ces normes pour définir et soumettre des méthodologies pour étayer leurs projets en vue de les faire enregistrer dans le cadre du mécanisme PACM

 

2e avancée : l’outil de développement durable. Lors de sa 14e réunion, le SBM a également approuvé un nouvel outil de développement durable (le Sustainable Development Tool ou SD Tool). Son objectif est de garantir que les projets qui seront menés au titre de l’article 6.4 favorisent le développement durable et n’induisent pas d’impacts socio-environnementaux négatifs. L’outil prévoit une approche structurée pour permettre aux porteurs de projets de démontrer qu’ils ont rempli les obligations pour identifier et minimiser les risques et éventuels impacts socio-environnementaux de leurs projets. Par le biais d’une évaluation des risques (eau, sols, droits humains, santé,…), ils devront préciser comment ils prévoient d’éviter ces impacts, ou à défaut préciser les mesures qu’ils comptent mettre en œuvre pour les réduire. Les porteurs de projet devront en outre préciser les procédures qu’ils comptent mettre en place pour suivre la mise en œuvre de leurs projets et pour rapporter les résultats obtenus. Enfin, les évaluations des risques seront soumises à un audit par des auditeurs externes.

Prochaines étapes : lors de la Conférence de Bakou, la CMA-6 pourrait rejeter intégralement les nouvelles normes SBM en vigueur ou bien elle pourrait tout simplement demander au SBM d’apporter de modifications complémentaires.

Enjeu prioritaire n°2 de la Conférence de Bakou (CMA-6) :

  • article 6.2 : régler les questions en suspens en vue de finaliser les règles de mise en œuvre (intégrité environnementale, protection des droits humains et transparence) et adopter le code de conduite spécifique pour les équipes d’experts techniques
  • article 6.4 : approuver les deux normes adoptées le 9 octobre 2024 par l’organe de supervision de l’article 6.4, évitant ainsi de rouvrir la boîte de Pandore…
  • article 6.8 : poursuivre les discussions pour identifier des possibilités pour concevoir et mettre en œuvre de telles approches.

 

 

3)     Pertes et préjudices (article 8)

 

Enjeu n° 1 : Modalités de fonctionnement du fonds pertes et préjudices

Le principal enjeu pour la CMA-6 (et pour la COP-29) sur le sujet pertes et préjudices est d’approuver conjointement les modalités définitives de fonctionnement du fonds pertes et préjudices adoptées par son Conseil d’administration (Board) lors de sa 3e réunion, et notamment les modalités d’hébergement et d’administration du fonds (auprès de la Banque mondiale pour une durée provisoire de quatre ans). L’approbation de ces modalités de fonctionnement constituera une étape clé pour l’opérationnalisation concrète du fonds, afin qu’il puisse verser ses premiers financements en 2025.

La CMA-6 et la COP-29 doivent également conjointement examiner et adopter le rapport du Conseil d’administration du fonds à la CMA.

 

Contexte et enjeux généraux

Le sujet des pertes et préjudices (en anglais Loss and damage ou L&D), très clivant entre pays du Nord et pays du Sud, constitue le troisième volet de l’action climat, après l’atténuation et l’adaptation. Il se réfère aux pertes et dommages irréversibles induits par le changement climatique qui dépassent les capacités des sociétés et des écosystèmes à s’y adapter, ainsi qu’aux impacts socio-économiques qui en résultent. Parfois, ce sujet est appelé les « réparations climatiques ».

Ce sujet est étroitement lié, d’une part, à la question très controversée de la responsabilité historique des émissions de GES qui incombe en premier lieu aux pays industrialisés, et d’autre part, à la justice climatique. Le sujet des pertes et préjudices est très cher aux pays vulnérables (dont les petits Etats insulaires et les pays les moins avancés) qui sont les moins responsables du changement climatique (ils y ont contribué le moins), qui sont en première ligne face aux impacts du changement climatique et qui sont les moins bien équipés pour y faire face.

Quant aux pays industrialisés, ils s’opposent depuis plusieurs années à accorder une grande attention politique sur cette question dans le cadre des négociations de la CCNUCC, craignant, d’une part, des actions en justice qui les tiendraient pour responsables de leurs contributions historiques au changement climatique et, par extension, de ces pertes et préjudices déjà subis, et d’autre part, de se voir contraints à verser des indemnisations financières aux pays vulnérables. Il faut néanmoins garder à l’esprit que la décision 1/CP.21 (paragraphe 51), qui accompagnait l’Accord de Paris, précise que l’article 8 « ne peut donner lieu, ni servir de fondement à aucune responsabilité, ni indemnisation ». Jusque-là, les pays industrialisés ont toujours refusé de céder aux demandes de financement des pays vulnérables pour les pertes et dommages, demandes qui vont croissant. En effet, depuis plusieurs années, les pays en développement et les ONG demandent aux pays industrialisés de faire preuve de solidarité internationale en mettant en place un mécanisme de financement spécifique pour canaliser les ressources financières pour les pertes et dommages, dispositif qui serait distinct du financement de l’adaptation (financement nouveau et additionnel donc). La question des pertes et préjudices cristallise l’important écart qui demeure entre la position des pays du Nord et celle des pays du Sud. Au lieu d’être comblé ces dernières années, il n’a fait que s’agrandir.

Le rapport de référence ( « Finance for Climate Action : Scaling up investment for climate and development ») publié lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh, le 8 novembre 2022, par le Groupe d’experts indépendants de haut niveau sur le financement climat (Independent High-Level Expert Group on Climate Finance) quantifie des estimations concernant les besoins en termes de financement climat des pays en développement. Selon ce rapport, les estimations visant quantifier en termes monétaires les pertes et préjudices futurs sont sujettes à de fortes incertitudes mais des événements récents suggèrent qu’elles pourraient atteindre 150 à 300 Md$ d’ici 2030 pour faire face aux impacts immédiats et à la reconstruction ultérieure.

Si la toute première référence au sujet des pertes et préjudices dans les négociations climat internationales remonte à….1991, soit un an avant l’adoption de la Convention Climat, il fallait attendre 2013 pour le début des travaux concrets en la matière au sein de la CCNUCC, avec le lancement du mécanisme international de Varsovie sur les impacts associés au changement climatique (Warsaw International Mechanism ou WIM) (cf. décision 2/CP.19). Ce mécanisme promeut la mise en œuvre d’approches pour faire face aux pertes et dommages. Le sujet a été juridiquement formalisé dans l’article 8 de l’Accord de Paris mais cet article n’oblige pas les Parties (pays industrialisés ou non) à fournir un soutien financier pour aider les pays en développement (vulnérables ou non) à faire face aux pertes et préjudices.

La décision 2/CMA.2 (adoptée à Madrid en 2019) a établi, dans le cadre du WIM, le réseau de Santiago pour la prévention, la réduction et la prise en compte des pertes et dommages, afin de catalyser l’assistance technique des organisations, organes, réseaux et experts compétents pour la mise en œuvre d’approches pertinentes aux niveaux local, national et régional dans les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique. Malgré ces avancées ces dernières années, le volet pertes et dommages n’a pas bénéficié d’autant d’attention technique ou politique dans le cadre des négociations de la CCNUCC que les deux autres volets (surtout l’atténuation et, dans une moindre mesure, l’adaptation).

A Glasgow, le Pacte de Glasgow sur le climat (cf. décision 1/CMA.3) a défini les fonctions du réseau de Santiago et a lancé un processus pour concrétiser ses modalités institutionnelles et opérationnelles. Les Parties, réunies au sein de la CMA, ont décidé que le réseau de Santiago recevrait des ressources financières afin de soutenir l’assistance technique aux pays en développement pour éviter, minimiser et traiter les pertes et dommages. La CMA a exhorté les pays développés à fournir des ressources financières pour le fonctionnement de ce réseau.

Par ailleurs, toujours via la décision 1/CMA.3 (§ 73), la CMA a décidé d’établir le Dialogue de Glasgow entre les Parties, les organisations et parties prenantes pertinentes pour discuter des modalités de financement des activités pour éviter, minimiser et traiter les pertes et dommages liés aux effets néfastes du changement climatique. Ce Dialogue, comme son nom l’indique, n’est pas investi de pouvoirs de prise de décision. Il doit se tenir lors des sessions inter-COP du SBI (et non pendant les sessions de la CMA) et terminer ses travaux lors de sa 3e réunion (en juin 2024 lors des sessions SBI-60). Sa première réunion a eu lieu à Bonn, les 7, 8 et 11 juin 2022 (dans le cadre du SBI-56 – lire notre article).

Au titre de la décision 2/CMA.4, adoptée à Charm el-Cheikh lors de la CMA-4, les Parties avaient décidé que le 2e réunion du Dialogue de Glasgow s’appuierait sur la première réunion, et que cette 2e réunion serait axée :

  • sur la mise en place des nouvelles modalités de financement (pour aider les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique à traiter les pertes et préjudices, et à mobiliser des ressources nouvelles et additionnelles) et du nouveau fonds pour les pertes et préjudices,
  • sur l’optimisation du soutien apporté par les modalités de financement en place, notamment pour faire face aux pertes économiques, aux phénomènes qui se manifestent lentement et aux phénomènes météorologiques extrêmes.

La 2e réunion du Dialogue a eu lieu du 8 au 10 juin 2023 à Bonn lors des sessions SBI-58, et non pas pendant la CMA-4. Les discussions se sont concentrées sur le soutien aux différentes phases des pertes et préjudices, et les préférences respectives des Parties pour un fonds autonome ou une approche « en mosaïque ». Sur ce dernier point, selon Carbon Brief, les discussions ont fait ressortir une divergence d’opinions entre, d’une part, les Parties qui préfèrent mettre l’accent sur les « modalités de financement » en dehors du nouveau fonds dédié (les pays industrialisés) et, d’autre part, les Parties qui souhaitent cibler les discussions sur le fonds dédié lui-même (les pays en développement en tête). Les pays en développement souhaitent voir la mise en place du fonds spécifique pour les pertes et préjudices comme une entité fonctionnant sous l’égide de la CCNUCC, financé par des contributions des pays industrialisés et fournissant des dons et/ou des subventions plutôt que des prêts. Parmi la mosaïque de solutions préconisée lors de la COP-27 par l’UE et les Etats-Unis (lire notre article), figurent notamment le financement des banques multilatérales de développement, des régimes d’assurance, et des organisations humanitaires.

Les Parties ont également réfléchi à la question de savoir comment il pourrait y avoir une coopération entre, d’une part, les nouvelles modalités de financement et le nouveau fonds et, d’autre part, les acteurs non étatiques, y compris le secteur privé.

Lors des discussions en sous-groupes le deuxième jour (9 juin 2023), les Parties ont échangé leurs points de vue sur les capacités des institutions existantes à répondre aux pertes et aux préjudices et sur la meilleure façon dont il convient de traiter les pertes et préjudices pour que le financement ne réponde pas seulement aux besoins immédiats mais aussi aux besoins de reconstruction et de redressement des communautés locales à moyen et à long terme, et pour que ce financement n’alourdisse pas le fardeau de la dette des pays en développement.

Enfin, des discussions ont été menées sur les nouvelles sources de financement (dites les « sources innovantes de financement ») pour compléter le financement qui serait issu du nouveau fonds, à savoir d’éventuelles taxes sur le transport maritime et aérien international, les combustibles fossiles et les transactions financières.

Voir compte rendu de la 2e réunion du Dialogue de Glasgow.

Dans le cadre de la session SBI-60 à Bonn, les 6-7 juin 2024, a eu lieu la 3e et dernière réunion du dialogue de Glasgow sur les pertes et préjudices (réunion dite GD3). Voir programme. Les Parties ont mené des discussions sur les modalités de coordination du fonds pertes et préjudices, elles ont évalué les progrès accomplis et formulé de nouvelles recommandations.

 

Modalités de financement des pertes et préjudices : le fonds pertes et préjudices et sa mise en place

 

Fonds pertes et préjudices : avancées à Charm el-Cheikh (2022)

Les attentes sur le dossier du financement des pertes et préjudices étaient très fortes en amont de la COP-27 et de la CMA-4 (Charm el-Cheikh, Egypte, novembre 2022) puisque c’était le continent africain qui l’accueillait. L’avancée la plus importante issue de cette conférence concernait incontestablement le sujet pertes et préjudices. Ainsi, la COP-27 et la CMA-4 ont décidé de mettre en place de « nouvelles modalités de financement » pour aider les « pays en développement particulièrement vulnérables », en fournissant et en aidant à mobiliser des ressources nouvelles et additionnelles (paragraphe 2 de la décision 2/CP.27 et paragraphe 2 de la décision 2/CMA.4).

Dans ce contexte, la COP-27 et la CMA-4 ont établi un fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices, et un comité de transition pour rendre ce fonds opérationnel. Ce comité a été chargé de formuler des recommandations en ce sens pour examen et adoption lors de la COP-28 et de la CMA-5 (30 nov.-13 déc. 2023) (paragraphes 3 et 4 de la décision 2/CP.27 et paragraphes 3 et 4 de la décision 2/CMA.4). Selon le paragraphe 3 du cahier des charges (terms of reference) du comité de transition), établi à l’annexe de ces deux décisions, les travaux dudit comité devaient s’achever avec l’adoption au plus tard lors de la COP-28 et de la CMA-5 d’une décision relative aux nouvelles modalités de financement des pertes et préjudices. L’objectif était donc que le fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices soit opérationnel à la COP-28/CMA-5.

Le comité de transition était composé de 24 membres qui devaient être nommés avant le 15 décembre 2022 (cf. annexe de la décision 2/CP.27 et de la décision 2/CMA.4). La répartition des membres de ce comité, définie en annexe de la décision 2/CP.27 et de la décision 2/CMA.4, était la suivante :

  • 14 des pays en développement (PED)
  • 3 membres du groupe régional Afrique de l’ONU (dont 1 représentant de la COP-27),
  • 3 membres du groupe régional Asie-Pacifique (dont 1 représentant de la COP-28),
  • 3 membres du groupe régional Amérique latine et Caraïbe,
  • 2 membres des petits Etats insulaires,
  • 2 membres des pays les moins avancés, et
  • 1 membre d’un pays en développement n’entrant pas dans une des catégories précitées [en l’occurrence l’Arménie] ;
  • 10 des pays industrialisés.

 

Le comité était donc composé d’une majorité de PED.

 

La décision 2/CP.27 et la décision 2/CMA.4 adoptées à Charm el-Cheikh ont établi en annexe le cahier des charges du nouveau comité de transition. Ainsi, le comité devait se réunir au moins trois fois en 2023 et achever ses travaux de préparation du fonds dédié aux pertes et préjudices à la COP-28/CMA-5. L’objectif affiché était donc que le fonds soit opérationnel à la COP-28/CMA-5. Le principal enjeu pour ce comité était de concrétiser l’opérationnalisation du nouveau fonds afin qu’il ne reste pas une coquille vide car au terme de la COP-27, il y avait tout simplement un accord de principe sur la création du fonds pour les pertes et préjudices conclu au terme de la COP-27 : tout restait à construire.

 

Fonds pertes et préjudices : les réunions du comité de transition

La première réunion du comité de transition (dite TC 1) s’est tenue à Louxor du 27 au 29 mars 2023 (lire notre article). La composition du Comité, qui devait être décidée avant le 15 décembre 2022, a pris du retard en raison de la nomination tardive des trois membres provenant du groupe régional Asie-Pacifique des pays membres de l’ONU. Sur les cinq groupes régionaux, celui d’Asie-Pacifique a été le dernier à nommer ses membres en raison d’un manque de consensus entre les différents pays d’Asie sur le choix des 3 membres représentant leur région. Ils ont fini par trouver un compromis mi-mars 2023, en nommant des représentants de six pays qui se partageront la participation aux trois réunions prévues du comité en 2023 : l’Inde, les Philippines et l’Arabie saoudite partagent un siège alors que la Chine, la Corée du Sud et le Pakistan partagent l’autre. Le 3e membre de ce groupe, un représentant de la Présidence de la COP-28 (Emirats arabes unis), n’a pas fait l’objet du désaccord entre les pays de la région.

Voir liste complète des 24 membres, dont Jean-Christophe Donnellier de la France.

Lors de cette première réunion, les deux co-Présidents du comité ont été élus : Richard Sherman (Afrique du Sud) et Outi Honkatukia (Finlande). Par ailleurs, les modalités de travail (voir note des co-Présidents du 28 mars 2023) et le programme de travail ont été adoptés (voir note des co-Présidents du 29 mars 2023). Selon Mohamed Nasr, négociateur en chef du gouvernement égyptien, il y avait une ambiance constructive et les membres du comité ont fait preuve de coopération, d’entente et de responsabilité (source : Climate Home News, 31 mars 2023). Les discussions ont fait ressortir une certaine convergence sur une feuille de route en vue de la mise en place du Fonds.

Face à la perspective de manquer de temps pour faire aboutir les travaux sur des résultats concrets, le comité a décidé de programmer une 4e réunion (TC 4) du 17 au 20 octobre 2023.

Les positions des pays n’avaient pas changé depuis la COP-27 et la CMA-4. Les discussions à Louxor ont surtout fait ressortir des divergences sur les deux questions clés :

  • quels pays doivent bénéficier du Fonds : les pays en développement « particulièrement vulnérables » ou tous les pays en développement ?
  • qui va contribuer au Fonds ?

Voir note de synthèse des résultats.

La 2e réunion du comité a eu lieu à Bonn du 25 au 27 mai 2023. Voir note de synthèse des résultats.

La 3e réunion s’est tenue du 29 août au 1er septembre 2023 à Santo Domingo, République dominicaine. Voir note de synthèse des résultats.

La 4e réunion s’est tenue du 17 au 20 octobre 2023 à Aswan, Egypte. Voir note de synthèse des résultats.

Le matin du dernier jour de cette 4e réunion, le 20 octobre 2023, les deux co-Présidents ont remis aux membres du comité un projet de texte de négociation c(draft negotiating text) de 17 pages pour examen :

  • la partie I de ce projet de texte de négociation porte sur les questions relatives à la localisation (à l’hébergement) du fonds : quatre options ont été proposées :
  • option 1 : la Banque mondiale,
  • option 2 : la Banque mondiale (assortie de conditions),
  • option 3 : nouvelle institution autonome
  • option 4 : procédure ouverte et transparente pour sélectionner une institution internationale appropriée pour héberger le fonds.
  • la partie II constitue le projet de cahier des charges sur la gouvernance du fonds.

En raison des fortes divergences surtout entre pays du Sud et pays du Nord et faute de temps pour examiner en détail le projet de texte de négociation, les membres du comité de transition ne sont pas parvenus à un consensus pour l’avaliser en vue de le soumettre à la COP-28 et à la CMA-5 pour examen et adoption.

Première grande divergenceAuprès de quel organisme le fonds sera-t-il hébergé et donc qui va le contrôler ?

Les Etats-Unis ont proposé que le fonds soit hébergé auprès de la Banque mondiale mais les pays en développement s’y sont fermement opposés, soulignant que le fonds ne sera pas indépendant de la Banque mondiale sur les plans juridique ou opérationnel et que donc les Etats-Unis, son plus grand actionnaire (et donc les pays industrialisés), auront la mainmise sur le fonds. En outre, selon les pays en développement, la Banque mondiale est trop lente, inefficace et inadaptée à leurs besoins. Elle n’est pas adaptée à garantir un accès rapide et direct au financement du type nécessaire pour faire face aux pertes et préjudices. Une question clé était de savoir comment, sous l’égide de la Banque mondiale, le fonds pourrait rendre des comptes à la COP et à la CMA. Les pays en développement craignent notamment que le processus de prise de décision soit dominé par les grands contributeurs au fonds pertes et préjudices et non par les pays touchés en première ligne (pays en développement), que l’accès au financement soit difficile, voire impossible pour les pays non-membres de la Banque mondiale et que les prêts soient privilégiés par rapport aux subventions (ou dons). En outre, les frais d’hébergement et de gestion du fonds pourrait se chiffrer à plus de 20% du revenu qu’il génèrerait (source : Climate Home News, 3 nov. 2023). Pour ces raisons, les pays en développement ont préconisé que le fonds relève d’une nouvelle structure indépendante ou qu’il soit établi dans le cadre du mécanisme financier de la CCNUCC.

Deuxième grande divergence – A quels pays accorder la priorité pour bénéficier du fonds ?

Cette question renvoie directement à la définition des pays « particulièrement vulnérables » pour reprendre la formulation des deux décisions de la COP-27 et de la CMA-4 (décision 2/CP.27 et la décision 2/CMA.4). Les pays industrialisés souhaitent que le fonds soit attribué sur la base de la vulnérabilité, mais il n’existe pas de définition claire et précise de cette notion. Il faudrait surtout définir des critères de vulnérabilité (niveaux d’exposition, de sensibilité et de capacité d’adaptation). Si ces critères devaient s’appliquer, le fonds ne pourrait sans doute pas répondre aux besoins des pays à revenu intermédiaire, comme le Pakistan ou la Libye qui ont connu d’importantes inondations en 2023. Les pays en développement craignent qu’en pratique tout critère de vulnérabilité se limite aux pays les moins avancés et aux petits Etats insulaires.

Enfin, les pays en développement se sont prononcés pour la fixation d’un objectif chiffré sous forme de somme plancher du fonds ou d’engagement minimum : atteindre 100 Md$ par an d’ici 2030 pour alimenter le fonds (cf. proposition des membres du comité de transition provenant des pays en développement, soumise le 23 août 2023).

Malgré ces divergences, les membres du comité de transition ont pu néanmoins se mettre d’accord sur la composition du Conseil (Board) du fonds :

  • 14 des pays en développement (PED)
  • 3 membres du groupe régional Afrique de l’ONU,
  • 3 membres du groupe régional Asie-Pacifique,
  • 3 membres du groupe régional Amérique latine et Caraïbe,
  • 2 membres des petits Etats insulaires,
  • 2 membres des pays les moins avancés, et
  • 1 membre d’un PED n’entrant pas dans une des catégories précitées ;
  • 12 des pays industrialisés.

 

Ainsi, les pays contributeurs au fonds (pays industrialisés) pourront siéger au Conseil, qui est toutefois composé d’une majorité de PED.

Etant donné le retard accusé dans l’avancement des discussions lors de la 4e réunion du comité de transition, les ses membres ont convenu de tenir une 5e réunion d’urgence les 3-4 novembre 2023 à Abu Dhabi, Emirats arabes unis. Le principal objet de cette réunion supplémentaire était d’adopter le rapport final du comité avant de le soumettre à la COP-28 et à la CMA-5 pour examen et adoption. Ce rapport devrait intégrer la version finale du projet de texte de négociation précité, une fois avalisée par les membres du comité de transition.

La 5e réunion a ainsi eu lieu les 3-4 nov. 2023 à Abu Dhabi. Elle a vu resurgir de fortes dissensions entre pays du Sud et du Nord, mais aussi entre pays du Nord eux-mêmes. Ainsi, alors que les Etats-Unis et le Japon campaient sur leur position ferme (aucune obligation de contribution), l’Allemagne, la France, la Norvège et le Canada ont adopté une position plus ouverte et constructive. Après d’âpres discussions, les membres du comité sont parvenus à un pré-accord sur les modalités de mise en place du comité et ce, malgré les réserves des Etats-Unis et de plusieurs pays en développement. Une version révisée du projet de texte de négociation rédigée par les deux co-présidents du comité (17 pages) a été soumis tard dans la soirée du 4 novembre 2023 à ses membres. Ils ont fini par l’avaliser. Il devait être soumis pour examen et adoption formelle par la COP-28/CMA-5. Il s’agissait d’un texte de compromis fragile adopté à contre-cœur des pays en développement qui ont fait d’importantes concessions : il restait bien en deçà de leurs attentes et bien loin de l’ambition nécessaire, étant donné l’urgence climatique :

  • dans un premier temps (période provisoire de quatre ans), le fonds sera hébergé par la Banque mondiale : les pays en développement ont accepté ce compromis mais sous conditions (ainsi, par exemple, les Parties à la CCNUCC et à l’Accord de Paris qui ne sont pas membres de la Banque mondiale pourront avoir accès au fonds sans que soit nécessaire une décision ou une franchise de la part du Conseil d’administration de la Banque mondiale à l’égard de décisions de financement prises à titre individuel – paragraphe 20(g)). En clair, selon les pays en développement, les pays du Nord conserveront le contrôle du fonds, du moins pendant cette période provisoire;
  • la contribution au fonds est basée sur le volontariat : aucune obligation de contribution au fonds ne figure dans le texte de compromis sous la pression des Etats-Unis et du Japon, alors que les pays en développement défendaient une contribution obligatoire des pays industrialisés en vertu de leur responsabilité historique. Les pays industrialisés sont simplement « invités» à fournir en premier des contributions financières au fonds (cf. paragraphe 13 de la version révisée du projet de texte de négociation). Les pays industrialisés sont également « exhortés » [« urged »] à continuer de fournir du soutien pour les pertes et préjudices (paragraphe 12) ;
  • la version finale du projet de texte de négociation ne spécifie pas quelles catégories de pays pourraient être bénéficiaires du fonds mais elle précise que le conseil du fonds élaborera un système d’attribution des ressources (resource allocation system) qui devra prendre en compte notamment les priorités et besoins des pays en développement particulièrement vulnérables et l’ampleur des impacts des épisodes climatiques spécifiques en lien avec les circonstances nationales, tout en garantissant un plancher minimum d’attribution (en pourcentage) pour les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires ( annexe I, section IX, paragraphe 59). Ce sera donc le conseil et non les pays donateurs qui décideront quels pays seraient bénéficiaires du fonds (paragraphe 12);
  • aucun objectif chiffré sur le montant du fonds à terme n’a été fixé, aucun chiffre n’a été avancé sur les éventuelles contributions des pays donateurs ;
  • aucune échéance n’a été fixée pour alimenter le fonds ;
  • il n’y a pas de précisions sur les sources de financement, la version finale du projet de texte de négociation se limitant à préciser que « le fonds peut recevoir des contributions d’une grande variété de sources » ( paragraphe 20(i)) ;
  • il n’y a pas de capitalisation immédiate, ni de plan de capitalisation clair ;
  • aucune stratégie de sortie du giron de la Banque mondiale n’est définie.

 

Les pays industrialisés souhaitaient élargir la base des donateurs au secteur privé, s’appuyant sur une « mosaïque » de solutions en termes de sources de financement, pour reprendre le terme utilisé par l’ancien vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans lors de la COP-27. Pour leur part, les pays en développement insistaient sur l’importance de privilégier le financement à base de subventions ou de dons (plutôt que des prêts) pour ne pas alourdir davantage le fardeau de leurs dettes.

 

Même si le fonds sera hébergé auprès de la Banque mondiale pendant la période provisoire de quatre ans, le fonds sera géré par un Secrétariat nouveau, indépendant dédié (cf. paragraphe 3). La version finale du projet de texte de négociation prévoit, en attendant l’installation de ce Secrétariat, la mise en place d’un Secrétariat provisoire du Fonds pour fournir un soutien administratif et logistique au conseil du fonds. Les Secrétariats de la CCNUCC, du Fonds vert pour le climat et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sont priés de constituer conjointement ce Secrétariat provisoire (cf. paragraphe 26).

 

Le fonds devra rendre des comptes à la COP et à la CMA et fonctionner sous l’égide de ces deux organes (cf. paragraphe 4). Le Conseil (Board) doit soumettre des rapports annuels à la COP et à la CMA pour examen (cf. annexe I, section IV.B(c)). Sa première réunion devra se tenir au plus tard le 31 janvier 2024 (paragraphe 10).

 

Le fonds fera l’objet d’une reconstitution (replenishment) tous les quatre ans, à l’instar de la période quadriennale de reconstitution du Fonds vert pour le climat (lire notre article), mais pourra recevoir des contributions financières sur une base permanente (cf. annexe I, section VIII, paragraphe 54).

 

Enfin, les modalités de fonctionnement définitives du Fonds devront être approuvées lors de la COP-29 et de la CMA-6 (novembre 2024) (cf. paragraphe 5), et non lors de la COP-28/CMA-5.

Même si le projet de texte issu des cinq réunions est loin d’être parfait, il représentait le meilleur compromis auquel les membres du comité pouvaient parvenir. Il constituait donc, pour les Parties réunies à Dubaï, une base de discussion, voire une base d’une décision finale à adopter par la COP-28 et la CMA-5.

Pour rappel, il a fallu cinq ans pour rendre opérationnel le Fonds vert pour le climat (GCF) qui a été formellement créé à Cancún en 2010 et a été opérationnel en 2015. Par conséquent, l’objectif de rendre opérationnel le fonds pertes et préjudices au bout d’un an est très ambitieux.

A noter enfin que le Secrétariat de la CCNUCC a été chargé d’organiser deux ateliers en 2023 pour éclairer le travail du comité de transition destiné à élaborer les recommandations (paragraphe 7(a) de la décision 2/CP.27 et paragraphe 7(a) de la décision 2/CMA.4). Le premier atelier a eu lieu à Bonn les 29-30 avril 2023 (voir rapport des résultats) et le 2e atelier a eu lieu les 15-16 juillet 2023 à Bangkok (voir rapport des résultats).

 

Fonds pertes et préjudices : les avancées à Dubaï (2023)

Après la première grande avancée de la Conférence de Dubaï sur le climat, et plus précisément de la CMA-5 (la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial), la 2e grande avancée, a été l’adoption, lors de la plénière d’ouverture, environ deux heures après le début de la Conférence, et contre toute attente, de la décision 1/CP.28 et de la décision 5/CMA.5 concrétisant les modalités de fonctionnement du fonds spécifique pour les pertes et préjudices. Ainsi, les Parties ont adopté tel quel le projet de texte, préalablement approuvé par le comité de transition, sans remise en cause, sans blocage, sans réouverture à la négociation. Cette avancée majeure, dès le début de la COP-28, a été reçue par des applaudissements et une ovation debout par les délégués réunis dans la salle. C’est la première fois qu’une décision de fond a été adoptée lors d’une plénière d’ouverture d’une COP. Les points clés des modalités sont les suivants :

  • pendant une période provisoire de 4 ans, le fonds sera hébergé par la Banque mondiale,
  • la contribution au fonds est basée sur le volontariat : aucune obligation pour les pays industrialisés de fournir une contribution, sous pression surtout des Etats-Unis et du Japon, alors que les pays en développement défendaient l’obligation faite aux pays industrialisés en vertu de leur responsabilité historique,
  • le fonds est administré et supervisé par un Conseil d’administration (Board) composé de 26 membres (14 membres des pays en développement + 12 membres des pays industrialisés) – il doit rendre compte de ses activités à la CMA,
  • la Banque mondiale est priée de prendre les mesures nécessaires pour rendre le fonds opérationnel en tant que fonds d’intermédiation financière et de soumettre au Conseil d’administration du fonds au plus tard le 12 août 2024 les modalités d’hébergement approuvées par le Conseil de la Banque mondiale.

La 3e grande avancée de la Conférence de Dubaï sur le climat, et plus précisément de la CMA-5, a été plusieurs annonces d’engagements pour alimenter le nouveau fonds constituent une troisième avancée de la COP-28. Après l’adoption de la décision phare sur les modalités de fonctionnement du fonds, le Président de la COP-28 a annoncé que les Emirats seraient le premier pays à fournir une contribution : 100 M$. D’autres Parties leur ont emboîté le pas : Allemagne (100 M$), Royaume-Uni (40 M£), UE [en tant que Partie représentant l’UE-27 dans son ensemble] (25 M€) ; Etats-Unis (17,5 M$, sous réserve d’approbation par le Congrès, ce qui est peu probable), Japon (10 M$). A noter l’écart quantitatif entre les deux premières contributions et les quatre autres. La contribution des Etats-Unis, deuxième émetteur de GES au monde, est presque six fois moins que celle des Emirats arabes unis.

Au 26 septembre 2024, 23 Parties (dont la France) avaient annoncé des contributions au fonds pertes et préjudices totalisant 702,01 M$. Voir la liste des pays contributeurs et le montant de leur contribution annoncée.

 

Fonds pertes et préjudices : les réunions du Conseil d’administration du fonds en 2024

1ère réunion du Conseil d’administration, 29 avril-2 mai 2024, à Abu Dhabi. Voir ordre du jour. Lors de cette 1ère réunion, les membres du Conseil d’administration ont élu ses 2 co-Présidents : Jean-Christophe Donnellier (France) et Richard Sherman (Afrique du Sud) pour un mandat d’un an. Le Conseil d’administration a demandé aux co-Présidents de préparer un programme de travail pour 2024 assorti d’un calendrier, pour examen et adoption lors de la 2e réunion du Conseil. Voir décisions adoptées

2e réunion du Conseil d’administration, 9-12 juillet 2024, à Songdo-Incheon (Corée du Sud). Voir ordre du jour. Les membres du Conseil d’administration ont choisi le pays hôte de celui-ci parmi les pays candidats (Antigua et Barbuda, Arménie, Bahamas, Barbade, Eswatini, Kenya, Philippines, Togo) : Philippines. Il s’agissait d’une étape importante car avec cette décision le Conseil est devenu une entité juridique et il était désormais en mesure de conclure un accord formel avec la Banque mondiale sur les modalités d’hébergement.

Le Conseil d’administration a également adopté son programme de travail pour 2024-2025 (cf. annexe VII de la synthèse des décisions) et le cahier des charges et le processus de sélection du directeur exécutif du fonds (voir cahier des charges, annexes IV et V de la synthèse des décisions). La décision devait être actée lors de la 3e réunion du Conseil. Voir synthèse des décisions adoptées

3e réunion du Conseil d’administration, 18-20 sept. 2024 à Bakou. Voir ordre du jour. Le Conseil d’administration a choisi le directeur exécutif du fonds : Ibrahima Cheikh Diong, Sénégalais/Américain avec plus de 30 ans d’expérience dans le domaine du changement climatique, du financement et du développement. La durée de son mandat est de quatre ans à partir du 1er nov. 2024.

Le Conseil d’administration a également :

  • approuvé l’accord formel avec la Banque mondiale sur les modalités d’hébergement et d’administration du fonds (auprès de la Banque mondiale pour une durée provisoire de quatre ans),
  • adopté des règles de fonctionnement supplémentaires (pour le Conseil d’administration),
  • adopté le projet de rapport du Conseil d’administration du fonds à soumettre à la COP-29 et à la CMA-6 pour examen et adoption,

Synthèse des décisions adoptées non encore disponible sur le site de la CCNUCC.

Les résultats de ces 3 premières réunions, et surtout la 3e, constituent des étapes clés pour l’opérationnalisation du fonds, en jetant les bases pour que le fonds verse ses premiers financements en 2025.

Enjeu prioritaire n°3 de la Conférence de Bakou (CMA-6) : adopter une décision de la COP/CMA sur les modalités de fonctionnement définitives du fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices pour le rendre opérationnel ; obtenir des pays industrialisés des engagements concrets en termes de contributions financières pour alimenter et capitaliser ce fonds.

 

4)     Adaptation (article 7)

 

Enjeu n° 1 : Objectif mondial en matière d’adaptation

Le premier enjeu pour la CMA-6 sur le sujet adaptation est de faire aboutir les négociations pour définir et adopter les modalités de mise en œuvre du programme de travail biennal Emirats-Belém (2025-2026), dont la mise en place a été décidée à Dubaï lors de la CMA-5 (décision 2/CMA.5,§39). L’objectif de ce programme sera d’identifier et d’élaborer des indicateurs et éléments chiffrés pour mesurer les progrès accomplis dans la réalisation, d’ici 2030, des sept objectifs qualitatifs thématiques fixés par le cadre des Emirats pour la résilience climatique mondiale (décision 2/CMA.5,§6 à 11) : eau ; agriculture et agroalimentaire ; écosystèmes et biodiversité ; santé ; infrastructures et villes ; élimination du pauvreté ; patrimoine culturel.

La CMA-6 doit donc approuver ces modalités (plan, calendrier, participants, etc.) à Bakou pour que les Parties puissent démarrer début 2025 les discussions techniques de fond.

 

Contexte

Le sujet de l’adaptation est désormais placé sur le même rang d’importance que l’atténuation depuis l’Accord de Paris.

L’article 7.1 de l’Accord de Paris prévoit la fixation d’un objectif mondial en matière d’adaptation (Global Goal on Adaptation, GGA) consistant à renforcer les capacités d’adaptation, à accroître la résilience aux changements climatiques et à réduire la vulnérabilité à ces changements. Si le principe d’un objectif mondial est ainsi énoncé dans l’Accord de Paris, il incombe aux Parties de le définir concrètement. Or, depuis la COP-21, la concrétisation de cet objectif n’avait pas figuré parmi les sujets prioritaires des CMA et n’avait donc pas fait l’objet de discussions plus poussées et ce, malgré les demandes des pays en développement, les pays africains en tête. Le groupe de négociation des pays africains (African Group) avait proposé dès 2013, soit deux ans avant l’adoption de l’Accord de Paris, une démarche pour quantifier un objectif mondial.

S’il existe des méthodologies bien établies pour suivre et évaluer les émissions de GES et les efforts et actions menés pour les réduire, il est plus difficile de définir des paramètres communs pour l’adaptation, et plus précisément de définir, de mesurer, de suivre, d’évaluer et de financer les actions d’adaptation. Ces difficultés ont eu pour conséquence de freiner les progrès en la matière, alors qu’en même temps, les risques climatiques s’accélèrent et s’intensifient. En amont de la Conférence de Glasgow sur le Climat (COP-26 et CMA-3, novembre 2021), les seules références à l’adaptation dans l’ordre du jour provisoire de la CMA concernaient le Fonds d’adaptation et le Comité d’adaptation. Le sujet de l’objectif global a été ajouté à l’ordre du jour de la CMA-3 le premier jour de la Conférence, sous la pression des pays africains notamment. Depuis plusieurs années, les pays africains (qui consacrent déjà une part importante de leur PIB à l’adaptation, entre 2 et 9% selon les pays, source : PNUD, 2017) font pression lors des négociations de la CCNUCC pour qu’un objectif quantitatif et qualitatif concret sur l’adaptation soit adopté.

 

Concrétisation de l’objectif mondial adaptation : avancées réalisées à Glasgow (2021)

Ce n’est qu’à Glasgow (lors de la CMA-3) en 2021 que les Parties se sont mises d’accord pour renforcer l’action sur l’adaptation. La décision 7/CMA.3, adoptée au terme de la CMA-3 à Glasgow, a chargé le SBI et le SBSTA de déterminer conjointement les finalités et les modalités d’un objectif mondial en matière d’adaptation.

En soulignant le besoin de renforcer l’action sur l’adaptation, les Parties de la CMA-3 ont reconnu l’importance de l’objectif mondial en matière d’adaptation pour la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris, et se sont mises d’accord pour lancer un programme de travail de deux ans (2022-2023) dit « Glasgow-Charm el-Cheikh sur l’objectif mondial en matière d’adaptation » (Glasgow-Charm el-Cheikh Work Programme on the Global Goal on Adaptation) (cf. paragraphes 11 et 12 de la décision 1/CMA.3) et ce, sous l’égide conjointe du SBSTA et du SBI. La mise en œuvre de ce programme de travail a commencé après la CMA-3. Le programme de travail vise notamment à améliorer la compréhension de l’objectif mondial en matière d’adaptation (définition et choix de métriques, de méthodologies, d’indicateurs et de données,..) et, sur ces bases, à mieux quantifier les progrès accomplis par les Parties.

Dans le cadre de ce programme de travail, quatre ateliers par an ont été prévus, soit au total, huit sur les deux années du programme. En 2022, quatre ateliers ont ainsi été programmés : le premier les 8-9 juin 2022 à Bonn lors des sessions de négociation intermédiaires du SBSTA-56 et du SBI-56, le deuxième en virtuel les 30-31 août 2022, le troisième en virtuel les 17-18 octobre 2022 et le quatrième le 5 novembre 2022 lors de la CMA-4 à Charm el-Cheikh. Voir synthèse des résultats des quatre ateliers de 2022. En 2023, quatre ateliers ont également été programmés : le 5e atelier, 20-22 mars 2023 à Malé, Maldives – voir synthèse des résultats, le 6e atelier, 4-5 juin 2023 à Bonn – voir synthèse des résultats, le 7e atelier, 31 juillet-2 août 2023 à Buenos Aires, Argentine – voir synthèse des résultats, et le 8e et dernier atelier, 27-29 septembre 2023 à Gabarone, Botswana – voir synthèse des résultats.

Sous la pression des pays en développement lors des sessions intermédiaires de négociation à Bonn (juin 2022 – lire notre article), les Parties sont parvenues à un accord pour inscrire le sujet à l’ordre du jour formel de la CMA-4 à Charm el-Cheikh (cf. voir ordre du jour provisoire en date du 26 août 2022, agenda item 6(c)). Ceci a constitué une avancée non négligeable en amont de cette Conférence.

 

Concrétisation de l’objectif mondial adaptation : avancées réalisées à Charm el-Cheikh (2022)

A Charm el Cheikh (nov. 2022), la CMA-4 avait décidé de lancer un cadre (framework) pour l’objectif mondial sur l’adaptation à mettre en œuvre en 2023 au sein du programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh. Ce cadre devait être adopté à Dubaï lors de la CMA-5. Il vise à aider les Parties à atteindre l’objectif mondial et à évaluer les progrès collectifs accomplis à cet effet (paragraphe 8 de la décision 3/CMA.4).

 

Concrétisation de l’objectif mondial adaptation : avancées réalisées à Dubaï (2023)

A Dubaï (déc. 2023) lors de la CMA-5, dans les négociations sur la concrétisation du cadre de l’objectif mondial, les deux questions les plus épineuses soulevées par les pays en développement étaient le financement de l’adaptation, ainsi que le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives.

Dans ce contexte, conformément à ce que demandait la décision 3/CMA.4, § 8) la décision adoptée à Dubaï sur l’adaptation (décision 2/CMA.5) établit le cadre des Emirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale (UAE Framework for Global Climate Resilience) [§ 6].

Ce cadre vise à orienter la réalisation de l’objectif mondial et l’évaluation des progrès pour l’atteindre [§ 7]. Il vise à orienter et renforcer les efforts consentis pour réduire la vulnérabilité et à accroître la capacité adaptive et la résilience, le bien-être collectif de l’humanité, la protection des économies, la préservation et la régénération de la nature [§ 8].

Le cadre fixe sept objectifs qualitatifs thématiques non assortis d’échéances :

  • eau,
  • agriculture et agroalimentaire,
  • santé,
  • écosystèmes et biodiversité,
  • infrastructure et villes,
  • élimination de la pauvreté,
  • patrimoine culturel [§ 9].

Il précise aussi un dispositif de gouvernance, avec la planification, mise en œuvre, suivi et évaluation des efforts d’adaptation d’ici 2030 [§ 10 et 11].

Les observateurs ont souligné des lacunes et insuffisances dans cette décision sur l’adaptation : un langage faible sur les objectifs qualitatifs thématiques ; une absence d’objectifs quantitatifs [cf. version du 5 déc.2023 : maintenir, améliorer ou restaurer au moins 30% des écosystèmes], avec uniquement des objectifs qualitatifs ; un report de plusieurs échéances du dispositif de gouvernance de 2025 à 2030.

Dans la décision 2/CMA.5 adoptée à Dubaï, la CMA a décidé de conclure le programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh [§ 5] ; et de lancer un nouveau programme de travail de deux ans (2025-2026) (UAE-Belém work programme) sur les indicateurs pour mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs, en vue d’identifier et d’élaborer des indicateurs et des éléments quantifiés pour ces objectifs [§ 39], c’est-à-dire des mesures pertinentes pour suivre et évaluer les actions d’adaptation mises en œuvre (superficie des terres destinées à la culture des produits alimentaires, nombre de morts liés au dérèglement climatique,…).

Ce programme de travail sera mené conjointement par les deux organes subsidiaires SBSTA et SBI [§ 40].

Plusieurs indicateurs ont déjà été définis et mis en œuvre dans d’autres contextes hors CCNUCC mais le défi dans le cadre de la CCNUCC sera d’identifier et d’approuver un ensemble d’indicateurs qui pourront s’appliquer au niveau mondial dans le cadre du GGA.

 

Concrétisation de l’objectif mondial adaptation : avancées réalisées à Bonn (juin 2024)

Lors des 60èmes sessions du SBSTA et du SBI à Bonn du 3 au 13 juin 2024, les Parties ont repris les négociations sur la concrétisation de l’objectif mondial en matière d’adaptation (Global Global on Adaptation ou GGA), et plus particulièrement concernant l’organisation du futur travail sur les indicateurs. A Bonn, la question du financement de l’adaptation était omniprésente et a engendré de vives tensions entre pays en développement et pays industrialisés. Comme à Dubaï en décembre 2023, le groupe des 77+Chine (134 pays en développement et pays émergents) a insisté à Bonn sur la nécessité d’intégrer un volet financement de l’adaptation dans le GGA.

Un des axes majeurs des négociations sur l’adaptation à Bonn portait sur le programme de travail Emirats-Belém sur les indicateurs (2025-2026), et plus spécifiquement sur ses modalités de mise en œuvre (plan global, calendrier, participants,…). Ces éléments de base doivent être approuvés par la CMA-6 à Bakou avant que les Parties ne puissent entamer les travaux techniques dans le cadre de ce programme.

 

Les questions qui ont donné lieu à des divergences de position

  • le financement de l’adaptation: les pays en développement exigent qu’il constitue un des indicateurs clés. Le Président du groupe 77+Chine, Adonia Ayebare (Ouganda) était formel : « sans financement, rien ne peut se passer du point de vue d’un pays en développement. C’est dans l’Accord de Paris. Nous nous sommes mis d’accord sur cela. Nous devrions le faire » (source : Carbon Brief, 14 juin 2024). Les pays en développement insistent sur le fait que traiter l’adaptation est indissociable du besoin urgent d’investissements pour renforcer l’adaptation. Selon le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui évalue l’écart entre les efforts consentis par les Etats pour s’adapter au dérèglement climatique (dont les flux de financement fournis par les pays industrialisés aux pays en développement) et les besoins réels nécessaires de ces derniers pour y faire face, les besoins de financement pour l’adaptation des pays en développement sont 10 à 18 fois plus importants que les flux de financement public international en ce sens en 2021 (source : PNUE, Adaptation Gap Report, 2 novembre 2023).
  • quel organisme doit être chargé de recenser et décrire les indicateurs existants ? Les pays industrialisés ont indiqué leur préférence pour le Comité d’adaptation au sein de la CCNUCC mais les pays du groupe G77+Chine souhaitaient voir la mise en place d’un nouveau groupe d’experts mandaté pour le faire. Dans le projet de conclusions issu de Bonn, les Parties sont parvenus à un compromis : la note en bas de page n°4 indique que les négociateurs examineront les deux options lors de la prochaine session.

 

In fine, les Parties ont pu se mettre d’accord pour :

  • lancer des travaux de fond visant à définir des indicateurs efficaces, transparents et fondés sur les connaissances scientifiques pour chacun des sept objectifs qualitatifs thématiques fixés par la décision 2/CMA.5 (paragraphe 9) au titre du cadre des Emirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale ;
  • définir les prochaines étapes nécessaires dans ce cadre pour les Parties et les experts, y compris la manière dont ces indicateurs seront décidés, ainsi que sur les futurs travaux techniques à effectuer.

 

Voir projet de conclusions conjointes SBSTA/SBI sur le GGA adopté à Bonn (en date du 13 juin 2024).

Un premier résultat de ces travaux a été publié le 25 septembre 2024 avec une compilation de tous les indicateurs d’adaptation utilisés et fournis par les Parties : Compilation of existing indicators, UAE-Belém work programme on indicators | UNFCCC.

 

Enjeu de la Conférence de Bakou (CMA-6) : approuver ces modalités de mise en œuvre (plan global, calendrier, participants,…) pour que les Parties puissent démarrer début 2025 les discussions techniques de fond.

 

Enjeu n° 2 : Objectif de doubler le financement adaptation d’ici 2025 par rapport à 2019

Le 2e enjeu pour la CMA-6 sur le sujet adaptation est de faire le point sur les progrès réalisés vers l’atteinte de l’objectif d’au moins doubler le financement adaptation d’ici 2025 (par rapport au niveau de 2019), fixé par la CMA-3 à Glasgow (2021).

 

Contexte

Le Pacte de Glasgow pour le Climat, adopté le 13 novembre 2021 par la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3) dans la ville écossaise a exhorté les pays développés à au moins doubler, d’ici 2025, leur soutien financier collectif aux pays en développement pour leurs actions d’adaptation (par rapport aux niveaux de 2019), en s’efforçant de parvenir à un équilibre entre l’atténuation et l’adaptation (cf. paragraphe 18 de la décision 1/CMA.3). Cela correspond, en se basant sur le financement consacré à l’adaptation fourni par les pays industrialisés en 2019 (20,3 Md$ – source : OCDE, 16 nov. 2023, p.10) à environ 40,6 Md $ en 2025 (lire notre article). Pour rappel, l’article 9 de l’Accord de Paris demande aux Parties de parvenir à un équilibre entre atténuation et adaptation dans le financement climat.

Les travaux menés dans le cadre du Comité permanent sur le financement (Standing Committee on Finance ou SCF) de la CCNUCC ont abordé, dans un rapport sur le doublement du financement de l’adaptation publié le 20 novembre 2023, les questions relatives au niveau de référence pour le doublement, aux défis méthodologiques et aux données disponibles jusqu’en 2020.

Les résultats de la phase politique du premier Bilan mondial (Global Stocktake) de l’Accord de Paris débouchant sur la décision phare de la CMA-5, adoptée le 13 décembre 2023, ont réitéré l’appel au doublement (décision 1/CMA.1, paragraphe 86) et ont exhorté les pays développés à préparer un rapport en 2024 pour évaluer les progrès réalisés (décision 1/CMA.1, paragraphe 100).

 

Progrès réalisés vers la réalisation de l’objectif : bilan 2024 de l’OCDE

Le 29 mai 2024, l’OCDE a publié sa septième évaluation des progrès accomplis par les pays industrialisés en vue de la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ (Md$) par an avant 2020 pour aider les pays en développement à mettre en œuvre l’action climat (mesures d’atténuation et d’adaptation) (lire notre article).

Ce 7e bilan souligne Le financement total de l’adaptation fourni et mobilisé par les pays développés a augmenté depuis 2016, malgré une légère baisse en 2021, atteignant 32,4 Md$ en 2022 contre 10,1 Md$ en 2016. Ce montant total en 2022 comprend 28,9 Md$ provenant de sources publiques bilatérales et multilatérales. Le financement climat pour l’adaptation mobilisé auprès du secteur privé a également augmenté, passant de 0,4 Md$ en 2016 à 3,5 Md$ en 2022.

L’OCDE souligne que le montant du financement de l’adaptation mesuré par l’OCDE en 2019 sur la base des données déclarées par les fournisseurs bilatéraux et multilatéraux s’élevait à 18,8 Md$ (sur le total de 20,3 Md$ pour l’adaptation en 2019). Si l’on prend les chiffres du financement public publiés par l’OCDE comme référence, en 2022, à mi-chemin entre 2019 et 2025, les pays développés avaient à peu près réalisé la moitié de l’objectif de doubler le financement de l’adaptation. En outre, entre 2019 et 2022, le financement de l’adaptation mobilisé auprès du secteur privé a plus que doublé, passant de 1,5 Md$ à 3,5 Md$.

Pris dans son ensemble (c’est-à-dire toutes composantes confondues), le financement climat de l’adaptation en 2022 s’élevait à 32,4 Md$, soit un niveau à mi-chemin environ entre celui de 2019 et l’objectif pour 2025. Il reste donc trois ans pour atteindre cet objectif. A noter que les chiffres définitifs pour 2025 ne seront disponibles qu’en 2027 du fait du dispositif de rapportage du financement climat en place.

Enjeu de la Conférence de Bakou (CMA-6) : établir un plan pour clarifier comment les pays industrialisés comptent concrétiser la mise en œuvre de l’objectif fixé en novembre 2021 par le Pacte de Glasgow pour le climat (2021) de doubler d’ici 2025 le soutien financier à l’adaptation en 2019 ; obtenir des pays industrialisés de nouveaux engagements concrets en matière de financement de l’adaptation pour contribuer à la réalisation de cet objectif.

 

Enjeu n° 3 : Plans nationaux d’adaptation

Contexte

Le processus des Plans nationaux d’adaptation (NAP) a été établi en vertu du cadre de Cancún pour l’adaptation (cf. Accords de Cancún, décision 1/CP.16, adoptés lors de la COP-16 (2010). Il s’agit d’un processus continu, progressif et itératif qui vise à faciliter la planification des mesures d’adaptation par les pays en développement. Ils constituent une forme d’opérationnalisation du volet « adaptation » de plus en plus intégré aux NDC des Parties, qui leur permet de définir les priorités et objectifs nationaux en matière d’adaptation. Le but des PNA est d’identifier les besoins et priorités en matière d’adaptation et de gestion des risques climatiques à moyen et à long terme et d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies et plans pour répondre à ces besoins.

La décision 1/CMA.5, issue de la phase politique du bilan mondial (Global Stocktake ou GST), adoptée le 13 décembre 2023 à Dubaï, appelle les Parties qui ne l’ont pas encore fait à mettre en place leurs plans, politiques et processus nationaux de planification et de suivi, évaluation et apprentissage en matière d’adaptation d’ici 2025 et à avoir avancé dans leur mise en œuvre d’ici 2030 (cf. décision 1/CMA.5,§ 59).

Au 12 juillet 2024, 58 des 155 Parties hors annexe I (PED), soit 37%, avaient soumis leur PNA (voir liste des NAP soumis).

 

Avancées sur le sujet réalisées à Bonn (juin 2024)

En ce qui concerne les discussions menées sur le volet adaptation lors des 60èmes sessions du SBSTA et du SBI à Bonn, le 2e axe a porté sur les plans nationaux d’adaptation. Dans le cadre de l’objectif mondial en matière d’adaptation, une couverture plus exhaustive de ces plans est visée d’ici 2030. Une évaluation du processus d’élaboration et de mise en œuvre des NAP est envisagée mais les discussions sur les modalités de cette évaluation avancent lentement.

Les discussions à Bonn ont fait ressortir des divergences d’opinion sur le rôle du financement du secteur privé dans l’adaptation et les retards importants accusés par les pays en développement pour recevoir un soutien financier pour élaborer leur NAP. Les co-facilitateurs des négociations ont rédigé une note informelle en guise d’avant-projet de décision de la CMA-6. A noter qu’en termes de statut, une note informelle des SB a moins de poids que des projets de conclusions des SB en tant qu’étape clé vers l’élaboration d’un projet de décision.

Le sujet sera repris lors de la session SBI-61 à Bakou (parallèlement à la COP-29, 11-22 nov. 2024).

Voir note informelle du SBI sur les NAP adoptée à Bonn (en date du 12 juin 2024 @17h30).

A Bakou, l’enjeu sera donc de poursuivre ces discussions mais la question du financement de l’adaptation va être omniprésente car elle est cruciale pour les pays en développement : ceux-ci ne cessent de souligner qu’ils ont besoin d’un soutien financier non seulement pour mettre en œuvre leur NAP, mais aussi, et surtout, pour les élaborer.

Enjeu de la Conférence de Bakou (CMA-6) : renforcer le soutien à l’élaboration et à la mise en œuvre des NAP, en mettant l’accent sur l’assistance financière et technique.

 

5)     Atténuation (article 4)

 

Enjeu n° 1 : Renforcement de l’ambition pré-2030 : niveau d’ambition individuelle

Le principal enjeu pour la CMA-6 sur le sujet atténuation est de renforcer l’ambition des Parties dans le contexte de la remise prochaine des NDC mises à jour ou NDC nouvelles. Ces nouvelles NDC dans cette prochaine série ont été baptisées les NDC 3.0). Celles-ci devraient être alignées, dans leur ensemble, avec une trajectoire d’émissions de GES compatible avec les objectifs +1,5°C et +2°C, en s’appuyant sur les enseignements tirés du premier Bilan mondial, dont la phase politique s’est déroulée à Dubaï lors de la CMA-5.

 

Contexte

Les contributions nationales (NDC) et les stratégies bas-carbone à long terme (LTS) sont au cœur du régime de Paris (article 4). Les objectifs actuels des NDC sont insuffisants au regard des objectifs +1,5°C et de +2°C (voir section contexte scientifique pus haut). Compte tenu de cette insuffisance, le renforcement de l’ambition pré-2030 des Etats via leur prochaine NDC (NDC 3.0) à soumettre à la CCNUCC est donc un enjeu majeur à la COP-29, d’autant plus que les Parties devront soumettre leur nouvelle NDC ou leur NDC mise à jour, ainsi que leur LTS, en 2025 (cf. décision 1/CP.21, § 23 et 24 [NDC] et § 35 [LTS]) couvrant la période jusqu’en 2035 et ce, conformément au mécanisme de révision quinquennale des NDC, juridiquement contraignant (article 4.2).

A Glasgow, lors de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3), celles-ci avaient été priées de revoir et d’améliorer les objectifs fixés pour 2030 dans leurs NDC pour qu’ils soient compatibles avec les objectifs de +2°C et +1,5°C (cf. Pacte de Glasgow : décision 1/CMA.3, § 29). Or :

  • 15 Parties (sur les 195 Parties à l’Accord de Paris) n’ont toujours pas remis de NDC mise à jour ou de NDC nouvelle (voir registre des NDC). Le 4e rapport de synthèse du Secrétariat de la CCNUCC, publiée le 28 octobre 2024, recense 153 NDC mises à jour ou NDC nouvelles (couvrant 180 Parties dont les 27 Etats membres de l’UE) ;
  • seulement 74 Parties (sur les 195 Parties à l’Accord de Paris) avaient soumis leur LTS (au 6 nov. 2024), soit 38% (source : CCNUCC, liste des LTS soumises).

 

Echéance officielle pour la remise des NDC 3.0

Les Parties devront soumettre leur prochaine NDC (appelées NDC 3.0) au moins neuf à 12 mois en amont de la CMA-7 (le 10 novembre 2025), soit entre le 10 novembre 2024 et le 10 février 2025 (cf. paragraphe 166 de la décision 1/CMA.5 et paragraphe 25 de la décision 1/CP.21).

En amont de la CMA-6 à Bakou, de fortes attentes de la société civile et des ONG ont été observées. Elles font pression pour que des grands pays émetteurs volontaristes soumettent leur NDC 3.0 renforcée à Bakou, en créant ainsi une dynamique pour inciter d’autres Etats à en faire de même en amont de l’échéance prévue. Selon Carbon Brief, site britannique spécialisé dans l’analyse des questions climat, au moins quatre grands émetteurs ont prévu de soumettre leur NDC 3.0 lors de la CMA-6 : Brésil, Emirats arabes unis, Etats-Unis et Royaume-Uni (source : Carbon Brief, bulletin Debriefed, 25 oct. 2024).

A noter que le Secrétariat de la CCNUCC a lancé un outil « NDC 3.0 Navigator » [Navigateur CDN 3.0 en français] pour aider les Parties à élaborer leur NDC 3.0.

Enjeu de la Conférence de Bakou (CMA-6) : les pays grands émetteurs qui n’ont pas renforcé leurs objectifs climat dans leur NDC-2 devraient soumettre rapidement une NDC 3.0 avec des objectifs renforcés.

 

Enjeu n° 2 : Renforcement de l’ambition pré-2030 : niveau d’ambition collective

Les Parties vont reprendre les négociations dans le cadre du programme de travail sur l’ambition et la mise en œuvre en matière d’atténuation (MWP). Les négociations avancent très lentement en raison de fortes divergences observées à Dubaï (décembre 2023) et à Bonn (juin 2024), surtout entre pays industrialisés et pays en développement. Les Parties devront surmonter leurs fortes divergences pour faire aboutir les négociations sur une décision à la hauteur des enjeux de l’atténuation. In fine, il s’agira pour la CMA-6 de faire déboucher le programme MWP sur des résultats concrets, tant en matière de réduction collective des émissions qui soient compatibles avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C, qu’en matière de mise en oeuvre.

 

Contexte : Le programme de travail sur l’ambition en matière d’atténuation

Avancées réalisées à Glasgow (2021), Bonn (2022) et Charm el-Cheikh (2022)

A Glasgow, lors de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3), celles-ci s’étaient mises d’accord pour lancer un programme de travail pour relever de façon urgente le niveau d’ambition collectif en matière d’atténuation (cf. Pacte de Glasgow : décision 1/CMA.3, § 27). La CMA-3 avait également demandé conjointement au SBSTA et au SBI de lui soumettre un projet de décision sur cette question pour examen et adoption à la CMA-4 à Charm el-Cheikh. Or, les sessions intermédiaires de négociations intermédiaires du SBSTA-56 et du SBI-56 de Bonn (6-16 juin 2022 – lire notre article) n’ont abouti à aucune avancée concrète. C’était donc retour à la case départ à Charm el-Cheikh (nov. 2022) : ainsi, lors de la CMA-4, les Parties sont parvenues à adopter la décision 4/CMA.4 pour amorcer la concrétisation de ce programme de travail, désormais dénommé programme de travail sur l’ambition et la mise en œuvre en matière d’atténuation (Mitigation ambition and implementation work programme ou MWP). Ce programme est mené conjointement sous l’égide du SBSTA et du SBI.

La décision 4/CMA.4 était faible car elle précisait essentiellement les modalités procédurales pour la mise en œuvre du programme de travail :

  • la mise en œuvre du programme doit démarrer après la fin de la Conférence de Charm el Cheikh,
  • il sera mené sous l’égide de la CMA,
  • le programme de travail prévoit au moins deux dialogues par an.

 

Surtout, la décision soulignait que les résultats qui en découleront seraient « non-coercitifs, non-punitifs, basés sur la facilitation, respectueux de la souveraineté nationale et des circonstances nationales, en prenant en compte le fait que les NDC sont déterminées au niveau national et n’imposeront pas de nouveaux objectifs ou de nouvelles cibles ».

 

Par ailleurs, comme à Bonn en juin 2022, les négociations ont fait ressortir fortes divergences d’opinion entre les Parties sur la durée de ce programme :

  • d’un côté, l’UE, les Etats-Unis et les pays vulnérables soutenaient une date de fin des travaux en 2030 pour produire des résultats concrets,
  • de l’autre côté, la Chine, l’Inde, et le groupe des pays arabes préféraient une durée de 12 mois (2023).

 

Les Parties ont fini par trouver un compromis : 2026, toutefois avec la possibilité pour la CMA-8 en 2026 de décider de poursuivre ce programme de travail.

 

La CMA-4 a également décidé, via la décision 4/CMA.4 (paragraphe 8), de tenir au moins deux dialogues mondiaux (Global Dialogues) chaque année dans le cadre du programme de travail, l’un avant la première session des organes subsidiaires à Bonn, à partir de la 58e session (SB-58, 5-15 juin 2023), et l’autre avant la 2e session des organes subsidiaires (en même temps que la COP), à partir de la 59ème session (30 nov. – 6 déc. 2023).

Le premier dialogue mondial s’est tenu les 3-4 juin 2023 à la veille de l’ouverture des SB-58. Voir programme et note d’information des co-Présidents du programme de travail MWP (du 2 juin 2023).

Le 2e dialogue mondial a eu lieu à Abu Dhabi les 15-16 octobre 2023. Voir programme et note d’information.

Le 3e dialogue mondial a eu lieu à Bonn le 27-29 mai 2024. Voir programme et synthèse des résultats.

Le 4e dialogue mondial a eu lieu à Charm el-Cheikh les 4-5 octobre 2024. Voir programme et note d’information.

Enfin, le Secrétariat de la CCNUCC a publié le 29 octobre 2024 le rapport annuel 2024 du programme MWP qui synthétise l’ensemble des travaux menés en 2024 dans le cadre du MWP.

 

Avancées réalisées à Dubaï (2023)

Lors de la CMA-5, à Dubaï en décembre 2023, il y a eu de vifs débats sur le mandat du programme de travail MWP, et notamment sur la question de savoir s’il couvre le sujet des combustibles fossiles et si la décision finale devait contenir des messages politiques. Il n’y a donc pas eu d’avancées concrètes sur le fond du problème. La décision finale (décision 4/CMA.5) est plutôt de nature procédurale (axée sur la forme plutôt que sur le fond) en raison du manque de consensus sur le mandat du programme de travail et sur la question de savoir qui doit assumer la responsabilité de réduction des émissions et comment. Les références à l’objectif +1,5°C qui figuraient dans la version précédente du projet de décision (version du 9 déc. @00h30) ont été supprimées : « la CMA note l’évaluation du Giec, selon laquelle les impacts du changement climatique seront beaucoup plus faibles avec un réchauffement à +1,5°C qu’à +2°C et en notant la détermination [collective] de poursuivre les efforts pour limiter le réchauffement à +1,5°C » [7e considérant] ;  « la CMA souligne l’importance d’accélérer la transition énergétique juste pour maintenir le réchauffement bien en dessous de +2°C, tout en poursuivant les efforts pour le limiter à +1,5°C » [§ 5]. A également été supprimé le passage suivant : [11e considérant] : « la CMA note qu’il est urgent que les Parties renforcent leurs efforts collectifs de réduction des émissions par la mise en œuvre accélérée des mesures de réduction nationales » (NDC). Ainsi, le texte final de la décision 4/CMA.5 a été vidé de toute substance.

 

Avancées réalisées à Bonn (juin 2024)

Malgré des négociations intenses, les Parties ne sont pas parvenues à un consensus sur un projet de conclusions en raison des divergences sur la question de savoir s’il fallait viser un résultat procédural (sur la forme) ou un résultat sur le fond. Comme lors de la CMA-5, à Dubaï en décembre 2023, les divergences entre Parties portaient en grande partie sur le mandat du programme de travail, et notamment à l’égard des résultats du bilan mondial (Global stocktake ou GST) obtenus au terme de sa phase politique qui s’est déroulée à Dubaï.

D’un côté, plusieurs groupes de négociation (AOSIS, pays de l’Amérique latine [AILAC], UE,) ou Parties individuelles (Japon,…) se sont prononcés pour un projet de décision qui refléterait et s’appuierait sur les résultats du GST. En effet, aux termes du paragraphe 186 de la décision 1/CMA.5 sur le GST, « la CMA invite les responsables des programmes de travail et des organes constitués relevant de l’Accord de Paris à prendre en considération les résultats pertinents du GST dans la planification de leurs futurs travaux, dans le respect de leurs mandats ».

Pour une explication des différents groupes de négociation, se reporter à l’annexe 3 de notre dossier de fond sur la COP-27 (p.65).

De l’autre côté, le groupe de négociation des pays en développement ayant une vision similaire (Like-Minded Developing Countries ou LMDC), Chine en tête, et le groupe de négociation des pays arabes (le groupe arabe), Arabie saoudite en tête, ont refusé de participer constructivement aux discussions sur le volet MWP. Ainsi, ils ont soutenuque le paragraphe 186 de la décision 1/CMA.5 ne s’applique pas au MWP et se sont opposés à ce que les résultats du GST (et notamment toute mention de la nécessité de s’éloigner des combustibles fossiles [« transitioning away from fossil fuels »[1]], cf. décision 1/CMA.5, paragraphe 28d) soient repris dans le projet de décision à élaborer pour examen lors de la CMA-6 à Bakou.  

Ce sujet à l’ordre du jour (agenda item) des travaux des SB et de la CMA est le seul qui soit explicitement axé sur l’atténuation, d’où l’importance de débloquer et d’accélérer les négociations, étant donné le besoin urgent de réduire les émissions mondiales de GES. Selon Fernanda Carvalho, chargée de politique climat et énergie mondiale auprès du WWF International, « il faut accélérer radicalement les travaux sur le MWP et sur les discussions sur les contributions nationales (NDC)… Les discussions sur l’atténuation à Bonn – ou manque de discussions – sont complétement déconnectées d’une réalité triste : la fenêtre de tir pour respecter l’objectif +1,5°C se ferme rapidement… » (propos rapportés par Carbon Brief, 13 juin 2024).

Le groupe de négociation LMDC, le groupe africain et le groupe arabe ont souligné que le MWP ne devrait pas imposer d’objectifs aux pays, soutenant au contraire que l’objectif du programme était de faciliter les dialogues. De nouveaux objectifs via l’intégration de messages clés iraient au-delà du mandat du MWP et imposeraient des charges supplémentaires aux pays en développement.

Ces divergences de position – entre les Parties en faveur d’un projet de texte portant sur le fond du sujet, assorti d’objectifs concrets, et celles préférant un projet de texte de nature strictement procédurale – ont continué pendant toute la durée des négociations sur ce volet.

Le dernier jour des négociations sur ce volet, le 12 juin 2024, les co-facilitateurs ont présenté un texte sous forme de projet de conclusions, ainsi qu’une note informelle (les deux documents datent du 11 juin 2024). Le groupe LMDC et le groupe arabe ont refusé de les examiner, soutenant que les co-facilitateurs n’avaient pas reçu de mandat pour les rédiger.

En raison de ces profondes divergences, les Parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur un projet de conclusions. Les négociations reprendront donc lors des sessions SB-61 à Bakou. A noter que si ces documents avaient été adoptés par les Parties à Bonn, cela aurait constitué un point de départ concret pour de plus amples discussions à Bakou.

Enjeu de la Conférence de Bakou (CMA-6) : avancer sur la concrétisation du programme de travail MWP pour qu’il débouche sur des résultats concrets en matière d’ambition et mise en œuvre.

 

 

6)     Bilan mondial (Global Stocktake ou GST, article 14)

 

Enjeu n° 1 : Mise en œuvre des résultats de la phase politique du Bilan mondial

Le premier enjeu pour la CMA-6 est de donner des suites concrètes aux résultats finaux actés à Dubaï, issus de la phase politique du Bilan mondial (décision 1/CMA.5), c’est-à-dire de traduire les nombreux engagements pris au titre de cette décision phare en actions et résultats concrets dans l’économie mondiale, et notamment les objectifs du § 28 :

  • § 28(e) : assurer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques,
  • § 28(a) : tripler la capacité mondiale de production des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030,
  • § 28(f) : accélérer une réduction forte des émissions de GES hors CO2, en particulier les émissions de CH4.

Un sujet de blocage probable est la question primordiale de la transition vers une sortie des combustibles fossiles actée par le paragraphe 28(e) de la décision 1/CMA.5. Les Parties vont-elles mener des discussions à Bakou sur ce sujet brûlant ? Lors des sessions inter-COP à Bonn en juin 2024, le sujet a été quasiment totalement absent des négociations. Quoi qu’il en soit, à Bakou, une chose est sûre : d’une part, les pays en développement vulnérables (petits Etats insulaires, pays les moins avancés,…) insisteront sur l’importance d’en discuter, mais d’autre part, ils devront très probablement faire face  à une opposition ferme de la part des pays du groupe de négociation LMDC (Chine, Inde, Arabie saoudite,…).

 

Enjeu n° 2 : Modalités du dialogue annuel sur les résultats du Bilan mondial

Le 2e enjeu pour la CMA-6 sur le sujet bilan mondial est de définir et d’adopter les modalités (éléments pratiques) du dialogue annuel sur les résultats du Bilan mondial (prévu par la décision 1/CMA.5, § 97 et 98) pour le rendre opérationnel afin que les négociations techniques sur ce sujet puissent démarrer début 2025. Ce dialogue annuel se déroulera sur quatre ans (2025-2028). Ce sous-volet des négociations sur le bilan mondial est très important car les résultats de la phase politique du 1er Bilan mondial doivent éclairer les travaux d’élaboration de la prochaine série des NDC (qui devront couvrir la période jusqu’en 2035), à soumettre par les Parties en 2025.

 

Enjeu n° 3 : Processus de déroulement du Bilan mondial

Le 3e enjeu pour la CMA-6 sur le sujet Bilan mondial est de mener des discussions, dans la perspective du 2e Bilan mondial qui aura lieu en 2028, sur l’éventuelle amélioration du processus de déroulement du bilan mondial (procédures et logistique) en vue d’adopter une décision à Bakou.

 

Enjeu de la Conférence de Bakou (CMA-6) : traduire les engagements pris par les Parties au titre de la décision 1/CMA-5 en actions concrètes pour mettre en œuvre les résultats de la phase politique du Bilan mondial ; adopter les modalités du dialogue annuel sur les résultats du Bilan mondial pour le rendre opérationnel dès début 2025.

 

Bilan mondial : contexte et enjeux généraux

L’article 14 de l’Accord de Paris prévoit la réalisation tous les cinq ans, à commencer par 2023, d’un bilan mondial (Global Stocktake ou GST). La décision 19/CMA.1 (adoptée lors de la Conférence de Katowice du 2 au 16 décembre 2018) est venue préciser les modalités de réalisation de ce bilan (lire pp. 30-34 de notre dossier de fond sur les résultats de Katowice). Il s’agit d’un bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris afin d’évaluer les progrès collectifs, et non ceux des pays individuels, vers la réalisation de ses objectifs à long terme [articles 2 et 4]. Le bilan mondial doit servir de catalyseur pour renforcer le niveau d’ambition collective dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Il est destiné à éclairer la prochaine série de contributions nationales que doivent soumettre les Parties à l’Accord de Paris en 2025 et ce, conformément au mécanisme de révision quinquennale des NDC, juridiquement contraignant (au titre de l’article 4.2 de l’Accord de Paris), sachant que les engagements nationaux inscrits dans ces NDC-3 devraient être plus ambitieux que ceux des NDC-2 (cf. article 4.3 de l’Accord de Paris).

Conformément à la décision 19/CMA.1, le bilan mondial est composé de trois éléments :

  • collecte et traitement d’informations,
  • évaluation technique dont l’objectif est de dresser un bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris pour évaluer, d’une part, les progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord et, d’autre part, les possibilités de renforcer l’action et le soutien,
  • volet politique : examen des résultats de l’évaluation technique et de ses conséquences en vue, d’une part, d’éclairer les Parties dans la mise à jour et le renforcement de leurs objectifs, actions et soutien déterminés au niveau national et, d’autre part, de renforcer la coopération internationale en faveur de l’action climat.

Par ailleurs, la décision 19/CMA.1 précise que le bilan mondial devait être réalisé avec l’aide du SBSTA et du SBI, qui devaient mettre en place un groupe de contact conjoint à cette fin et que celui-ci devait être soutenu par un dialogue technique (technical dialogue ou TD). Ce dernier a été chargé de réaliser son travail par des échanges de points de vue, d’informations et d’idées dans le cadre de tables rondes et d’ateliers qui devaient se tenir lors des sessions de négociation de la CMA. Ainsi, à la différence des négociations politiques, le GST a été caractérisé par des échanges et débats informels, inclusifs et dynamiques entre Etats, acteurs non étatiques, experts du climat et société civile.

Ce dialogue a axé son travail sur trois domaines thématiques :

  • atténuation,
  • adaptation et pertes et préjudices,
  • moyens de mise en œuvre (soutien financier, transfert de technologies, renforcement des capacités).

 

Calendrier du Bilan mondial

La décision 19/CMA.1 a défini le calendrier pour le premier bilan mondial (établi avant la survenue de la pandémie de Covid-19) :

nov. 2021 – juin 2022 : collecte et traitement d’informations,

nov. 2022 – juin 2023 : évaluation technique,

nov-déc. 2023 : examen des résultats dans le cadre du volet politique (avec la contribution des Ministres).

 

Dialogue technique

Trois réunions du premier dialogue technique (dit TD 1) ont eu lieu :

▪ le premier (TD1.1) lors des sessions SB-56 (Bonn, 6-16 juin 2022). Voir rapport de synthèse du 1er dialogue technique (du 26 sept. 2022),

▪ le deuxième (TD1.2) lors des sessions SB-57 (Charm el-Cheikh, 6-12 novembre 2022). Voir rapport de synthèse du 2e dialogue technique (du 31 mars 2023), et

▪ le troisième (TD1.3) lors des sessions SB-58 (SBSTA-58 et SBI-58, 5-15 juin 2023). Voir rapport de synthèse du 3e dialogue technique (du 15 août 2023).

 

Le 3e dialogue technique (TD1.3) du GST s’est déroulé sur plusieurs jours (du 6 au 13 juin 2023) et dans trois formats différents :

  • deux sessions plénières (d’ouverture et de clôture) (respectivement les 6 et 13 juin 2023),
  • trois tables rondes structurées autour des trois domaines thématiques du GST : atténuation (7 juin 2023) ; adaptation et pertes et préjudices (8 juin 2023) ; moyens de mise en œuvre (soutien financier, transfert de technologies, renforcement des capacités) (9 juin 2023) ; ainsi qu’une 4e table ronde transversale sur le thème « intersections» (approches intégrées et holistiques) (10 juin 2023),
  • un Café du monde (World Café), cadre interactif informel. Le Café du monde est un processus de participation qui utilise un cadre informel pour permettre aux participants d’explorer des sujets dans le cadre du GST, dans une grande salle avec plusieurs petites tables. Le cadre facilite les échanges interactifs, car les participants peuvent tourner et circuler, avec des signaux toutes les 30 ou 45 minutes. Un expert et un rapporteur restent à chaque table (6 juin 2023).

Voir note d’information sur le TD1.3 (du 2 mai 2023)

 

Dans le cadre des travaux du dialogue technique, au total, plus de 1 600 documents totalisant plus de 170 000 pages d’informations ont été chargés dans le portail d’information du bilan mondial. Un outil dédié, permet de rechercher les informations soumises.

 

Les 58èmes sessions SB-58 à Bonn (5-15 juin 2023) ont marqué l’achèvement des négociations de la phase technique du GST. Lors de celles-ci, la veille de leur clôture, le 14 juin 2023, les deux co-facilitateurs des négociations sur le bilan mondial (Harald Winkler, Afrique du Sud, et Farhan Akthar, Etats-Unis) ont élaboré une note informelle sur la base des discussions menées par les Parties à Bonn sur le sujet du bilan mondial. Ils l’ont soumise aux Parties pour avis et c’est sa deuxième version @ 20h) qui a été adoptée. Il s’agit d’un projet de structure indicative pour une décision de la CMA-5 (déc. 2023, Dubaï, Emirats arabes unis). Ce texte, qui visait à faciliter les discussions avant la mise au point de la version finale du projet de décision à soumettre pour examen et adoption par la CMA-5, comportait cinq volets :

▪ A. Préambule ;

▪ B. Contexte et aspects transversaux ;

▪ C. Progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris, compte tenu de l’équité et des meilleures connaissances scientifiques disponibles, et en vue d’informer les Parties pour qu’elles mettent à jour et renforcent leurs actions et soutien, déterminés au niveau national. Ce volet comporte cinq sous-volets :

C.1 – Atténuation,

C.2 – Adaptation,

C.3 – Ce sous-volet comporte quatre options [alternatives ou « alt »], les crochets indiquant le manque de  consensus sur ces points lors des SB-58 à Bonn :

[alt 1 : C.3 – Flux financiers et moyens de mise en œuvre et soutien,

alt 2 : C.3 – Moyens de mise en œuvre et soutien, y compris les flux financiers,

alt.3 : C.3 – Moyens de mise en œuvre et soutien,

alt 4 : C.3 – rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’évolution vers un développement à

faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques,

C.3 bis – moyens de mise en œuvre et soutien],

C.4 Efforts liés aux pertes et préjudices,

C.5 Efforts liés aux mesures de riposte ; 

▪ D. Renforcement de la coopération internationale ;

▪ E. Recommandations et prochaines étapes.

 

Le volet C.3 sur les flux financiers, les moyens de mise en œuvre et le soutien a fait l’objet de vifs débats lors des discussions à Bonn au sein du 3e dialogue technique du bilan mondial. Selon Carbon Brief, ce sujet était clairement une pomme de discorde. Le sujet du financement climat est étroitement lié à celui de la responsabilité historique des pays industrialisés vis-à-vis de la crise climatique (voir analyse de Carbon Brief, publiée le 5 octobre 2021). Comme lors de chaque session de négociation dans le cadre de la CCNUCC, cette responsabilité historique a cristallisé l’important écart entre la position des pays du Nord et celle des pays du Sud et a constitué à Bonn, une fois de plus, une source de vives tensions entre ces deux groupes de pays.

Cette 2e version de la note informelle reflétait ces divergences d’opinion sur le sujet du financement, la section C étant désormais déclinée en quatre options [alternatives ou « alt »], les crochets indiquant le manque de consensus sur ces points.

 

Rapport de synthèse du dialogue technique du Bilan mondial

Le Secrétariat de la CCNUCC a publié le 8 septembre 2023 un rapport de synthèse présentant les principaux résultats des trois réunions du premier dialogue technique (Technical Dialogue ou TD1). Ce rapport de synthèse a été réalisé conformément à une demande des Parties à l’Accord de Paris formulée lors de la CMA-1 (première réunion de celles-ci parallèlement à la COP-24, Katowice, Pologne, 2018). Cette demande a été formalisée dans une décision de la CMA-1, à savoir la décision 19/CMA.1 qui définit les modalités de mise en œuvre du GST (cf. chapitre I, paragraphe 6(c).

Le rapport a été réalisé par les deux co-facilitateurs des négociations sur le GST (Harald Winkler, Afrique du Sud, et Farhan Akthar, Etats-Unis), en collaboration avec les deux organes subsidiaires de la CCNUCC, le SBI (mise en œuvre) et le SBSTA (conseil scientifique et technologique). La publication de ce rapport marque l’achèvement de la phase technique du GST.

Ce rapport synthétise les principaux résultats des trois réunions du dialogue technique qui ont eu lieu sur 2022-23 dans le cadre du GST. Il est basé sur les contributions reçues au cours du processus et sur les discussions qui ont eu lieu lors de chacune des trois réunions du dialogue technique. Le rapport vise à fournir une vue d’ensemble des discussions menées, en identifiant les domaines clés dans lesquels il faut renforcer l’action. Il fournit une évaluation des progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris. Il comporte également des informations techniques, des bonnes pratiques, les lacunes d’information, les enseignements tirés, ainsi que les prochaines étapes, afin d’aider les Parties à rectifier le tir pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

 

Les résultats sont présentés pour chacun des trois domaines thématiques couverts par le GST :

  • atténuation,
  • adaptation et pertes et préjudices,
  • moyens de mise en œuvre (soutien financier, flux de financement, transfert de technologies, renforcement des capacités).

Sur la base de l’ensemble des contributions soumises et des discussions menées dans le cadre du dialogue technique, les deux co-facilitateurs ont fait ressortir 17 messages clés. (Pour plus de précisions, lire notre article).

Conclusions

Les résultats techniques présentés dans le rapport de synthèse montrent que des actions beaucoup plus importantes sur tous les fronts et par tous les acteurs sont nécessaires pour atteindre les objectifs à long terme de l’Accord de Paris.

 

Vers l’élaboration d’une décision et/ou d’une déclaration à Dubaï lors de la phase politique

Les travaux du premier GST se sont achevés lors de la CMA-5. Après la fin de la phase technique, la CMA-5 a vu le déroulement de la phase politique, très attendue, qui a été centrée sur un examen, par les Parties, des résultats de l’évaluation technique et de ses conséquences en vue :

  • d’une part, d’éclairer la mise à jour et le renforcement des NDC (ambition, actions et soutien), et
  • d’autre part, de renforcer la coopération internationale en faveur de l’action climat.

La phase politique devait déboucher sur une décision de la CMA et/ou sur une déclaration politique par les Ministres ou les Chefs d’Etat et de Gouvernement, réunis à Dubaï.

Concrètement, pendant la première semaine de la CMA-5 (30 nov. – 5 nov. 2023), le comité de haut niveau du GST (composé des Présidences britannique, égyptienne et émiratie de la CMA [respectivement de la CMA-3, de la CMA-4 et de la CMA-5], ainsi que des Présidents du SBI et du SBSTA) a organisé une série d’évènements de haut niveau pour débattre des conséquences de ces résultats de l’évaluation technique.

Le comité de haut niveau a publié, le 28 juillet 2023, une note présentant sa vision et l’organisation de ces évènements de haut niveau dans le cadre de la phase politique du GST. En particulier, il prévoit de les organiser lors du sommet mondial pour l’action climat (World Climate Action Summit) qui a eu lieu les 1er et 2 décembre 2023 à Dubaï, et auquel les dirigeants mondiaux ont été conviés. D’abord, le comité de haut niveau a prévu une séquence politique de haut niveau, suivie d’une série d’évènements traitant des trois domaines thématiques du dialogue technique du GST, en vue d’évaluer les progrès collectifs et d’éclairer l’action, le soutien et la coopération internationale en faveur de la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris.

Le comité a fait une synthèse de ces évènements sous forme de messages et recommandations politiques clés, identifiant les leviers d’action, les lacunes et les obstacles, et mettant en exergue les bonnes pratiques, en vue de renforcer l’action et le soutien en faveur du climat. Cette synthèse était destinée à éclairer les discussions finales des Parties de la CMA-5 pour qu’elles aboutissent à une décision et à une déclaration politique.

Si les trois réunions du dialogue technique en 2022-2023 se sont déroulées en très grande partie sans heurt, ne prêtant pas à controverse, la phase politique a été une étape déterminante, mais bien plus délicate. La question clé était de savoir comment les résultats techniques de cet état des lieux global allaient se concrétiser sur le plan politique et quel niveau d’ambition allait y être associé.

 

Rapport de synthèse des contributions des Etats en amont de la phase politique du Bilan mondial à Dubaï

Le 4 octobre 2023, le Secrétariat de la CCNUCC a publié un rapport de synthèse présentant une analyse des contributions soumises par les Parties (Etats) et les acteurs non-étatiques (provinces, Etats fédérés, régions, villes, secteur privé [entreprises, institutions financières, investisseurs,…], ONG, société civile, etc.) en amont de la phase politique du Bilan mondial

Ce rapport très complet (701 paragraphes sur 65 pages) synthétise les points de vue des Parties et acteurs non-étatiques exprimés dans leurs contributions soumises au Secrétariat de la CCNUCC sur les éléments à prendre en compte, lors de la phase politique du GST à Dubaï, dans l’examen des résultats de l’évaluation technique du GST. Il s’appuie sur la note informelle (deuxième version @ 20h) rédigée par les deux co-facilitateurs des négociations sur ce sujet (Harald Winkler, Afrique du Sud, et Farhan Akthar, Etats-Unis) sur la base des discussions menées par les Parties lors des sessions SB-58 à Bonn sur le sujet du bilan mondial. Cette note informelle présente le projet de structure indicative (indicative draft structure) pour une décision à adopter par la CMA-5, lequel a été avalisé – non sans difficulté – par les Parties à Bonn en juin 2023.

Au total, au 2 octobre 2023, le Secrétariat de la CCNUCC avait reçu des contributions :

  • de 24 Parties au nom des groupes de négociation ou à titre individuel et représentant 180 Parties (sur les 195 Parties à l’Accord de Paris) et
  • de 44 acteurs non-étatiques.

Le rapport de synthèse présente les points de vue des Parties et des acteurs non-étatiques en suivant le projet de structure indicative avalisé par les Parties en juin 2023 lors des sessions SB-58 à Bonn. Ce projet de structure comporte cinq volets (A à E). Le Secrétariat de la CCNUCC a ajouté un 6e volet (F : Autres sujets à examiner) :

  1. Préambule (§ 14 à § 28) ;
  2. Contexte et aspects transversaux (§ 29 à § 67) ;
  3. C. [le chapitre clé] Progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris, compte tenu de l’équité et des meilleures connaissances scientifiques disponibles, et en vue d’informer les Parties pour qu’elles mettent à jour et renforcent leurs actions et soutien, déterminés au niveau national. Ce volet comporte cinq sous-volets :

C.1 – Atténuation (§ 68 à § 118),

C.2 – Adaptation (§ 119 à § 157),

C.3 – Dans un souci de simplification, le nouveau rapport de synthèse rassemble les points de vue des Parties sur le sujet soutien/moyens de mise en œuvre/financement en trois sous-volets (qui correspondent aux « mesures de mise en œuvre », terme largement utilisé par la CCNUCC depuis de nombreuses années) :

  • Financement et flux de financement (161 à § 309),
  • Développement et transfert de technologies (310 à § 333),
  • Renforcement des capacités (334 à § 347) ;

C.4 – Efforts en matière de pertes et préjudices (§ 348 à § 421),

C.5 – Efforts en matière de mesures de riposte (§ 422 à § 445),

  1. Renforcement de la coopération internationale en faveur de l’action climat (§ 446 à § 534) ;
  2. Recommandations et prochaines étapes (§ 535 à § 693)
  3. Autres sujets à examiner (§ 694 à § 701).

 

C’est le volet E qui contient le plus grand nombre de paragraphes (158), suivi du volet C.3(a) (148).

Ce rapport de synthèse constituait un « schéma directeur » de ce que pouvait contenir le résultat final du GST, basé sur les propres contributions des Parties. En bref, il faut retenir de ce rapport que s’il y a divergence des points de vue des Parties sur la façon d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, les contributions des Gouvernements nationaux font ressortir un large consensus sur le fait que l’action climat jusque-là n’a pas été suffisante et que toutes les Parties doivent renforcer leur action climat et qu’il faut renforcer le soutien en faveur des pays en développement, afin de limiter le réchauffement à +1,5°C, d’éviter les pertes et préjudices et de s’adapter au dérèglement climatique.

 

Phase politique du Bilan mondial à Dubaï : la décision finale –forces, faiblesses et réactions

A Dubaï, trois tables rondes de haut niveau ont eu lieu dans le cadre du sommet mondial pour l’action climat (1-2 déc. 2023), chacune portant sur un des trois domaines thématiques du bilan mondial :

 

Les négociations dans le cadre de la phase politique du Bilan mondial ont abouti – non sans difficulté – à la décision 1/CMA.5 sur le bilan mondial, adoptée après 12 heures de navettes diplomatiques intenses par les Parties de la CMA-5, le 13 décembre 2023 juste après 8h.

Cette décision (de 23 p, et de 196 paragraphes), qui constitue la décision phare de la Conférence de Dubaï, est un texte de compromis. La décision fait office de décision chapeau, en établissant une vision d’ensemble, en englobant tous les sujets de négociation clés (atténuation, adaptation, pertes et préjudices, financement, développement et transfert de technologies, renforcement des capacités, coopération internationale, prochaines étapes) et en traçant la voie à suivre au cours de cette décennie cruciale pour « rectifier le tir » afin de rendre la trajectoire d’émissions de GES compatible avec l’objectif +1,5°C.

Cette décision fixe plusieurs objectifs notamment dans le cadre d’un paquet sur la transition énergétique (il s’agit d’objectifs non contraignants) pour accélérer les mesures d’atténuation des pays : [§ 28] la CMA invite [calls on] les Parties à contribuer à huit efforts mondiaux dont :

  • [§ 28a] tripler la capacité mondiale de production des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030. Dans la version finale, les objectifs ne sont pas assortis d’indicateurs chiffrés, ni d’année de référence alors que dans les versions du 8 déc. et du 5 déc. : tripler la capacité de production des énergies renouvelables au niveau mondial par rapport à 2022 pour atteindre 11 000 GW [chiffre repris de la mise à jour de la feuille de route zéro émission nette 2050 publiée par l’AIE le 26 septembre 2023] et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique par rapport à 2022 pour atteindre 4,1% d’ici 2030 ;
  • [§ 28b] accélérer les efforts en vue de la réduction progressive [phase down] de l’électricité produite à partir du charbon sans captage/stockage du CO2 [unabated] [aucune mention de pétrole ou de gaz] ;
  • [§ 28d] assurer une transition pour s’éloigner [transitioning away from] des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques [uniquement dans le secteur de la production/transformation d’énergie, et non pas dans le secteur industriel], d’une manière juste, ordonnée et équitable [impliquant ainsi la responsabilité des pays développés], en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, de manière à atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 [aucun objectif chiffré pour 2030];

 

La question des combustibles fossiles à la COP-28

Cette question était au cœur des négociations sur le GST et était un sujet central qui a fortement mobilisé la société civile à la COP-28. Le 30 nov. 2023 : le 1er jour de la COP-28, 107 Parties ont publié une déclaration conjointe signée par l’UE et 106 Etats : 27 Etats membres et 79 Etats de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OACPS). Dans cette déclaration, les 107 signataires soulignent entre autres que « la transition vers la neutralité climatique, compatible avec l’objectif de +1,5°C, nécessitera l’élimination progressive, à l’échelle mondiale, des combustibles fossiles non adossés à des dispositifs de captage/stockage du CO2 et un pic de leur consommation au cours de la présente décennie ». Cette liste de pays est passée à 127 (sur les 194 pays Parties à l’Accord de Paris, soit 65%) selon une analyse du Réseau Action Climat des Iles Pacifiques (PICAN) et l’ONG Oil Change International publiée le 11 déc. 2023. A noter qu’à la COP-27 : ‘seulement’ 80 pays s’étaient engagés pour une « réduction progressive » des fossiles (source : Citepa, p.24)

Le 6 déc., le lendemain de la publication de la 2e version du projet de décision, Haitham Al Ghais, Secrétaire-Général de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole, OPEC en anglais) a adressé une lettre à chacun des 13 pays membres de l’OPEP (dont les Emirats arabes unis, hôte de la COP-28). Cette lettre critique :« la pression indue et disproportionnée contre les fossiles pourrait atteindre un point de non-retour avec des conséquences irréversibles ». Il a exhorté ces 13 pays à « proactivement rejeter tout texte ou toute formulation qui vise l’énergie, c’est-à-dire les combustibles fossiles, plutôt que les émissions [de GES] ». La lettre a fait l’objet d’une fuite dans la presse (Guardian du 8 déc., puis Bloomberg, Reuters,…). Elle a eu un effet catalyseur à Dubaï, en mobilisant davantage de pays à appeler à intégrer dans le projet de décision sur le GST une référence au « FFPO » (élimination progressive des combustibles fossiles). Dans le camp opposé : le groupe des pays arabes (dont l’Arabie saoudite), Russie, Iraq, groupe LMDC.

Evolution du langage sur les combustibles fossiles dans les différentes versions du projet de décision

Source : Carbon Brief d’après les versions précédentes du projet de décision :

Version finale du projet de texte du 13 déc. (@04h05)  A noter : entre la version du 11 et celle du 13 : suppression de « consommation/production des fossiles »

Version du projet de texte du 11 déc. 2023 @16h30

Version du projet de texte du 8 déc. 2023 @ 15h30

Version du projet de texte du 5 déc. 2023 @ 05h00

Voir aussi : Version du projet de texte du 1er déc. 2023 @ 02h00

 

  • [§ 28e] accélérer les technologies à zéro émission nette ou à faibles émissions, y compris les énergies renouvelables, le nucléaire, les technologies de réduction et d’élimination, comme le captage et le stockage du CO2, en particulier dans les secteurs où il est difficile de réduire les émissions, et la production d’hydrogène à faible teneur en carbone [A noter par ailleurs que c’est la première fois qu’une décision de la COP fait référence à l’énergie nucléaire] ;
  • [§ 28f] accélérer une réduction forte des émissions de GES hors CO2, en particulier les émissions de méthane, d’ici 2030 [NB les objectifs chiffrés d’au moins -30% d’ici 2030 et -40% d’ici 2035 proposés dans les versions du 8 déc. et du 5 déc. ont été supprimés dans la version du 11 déc. et la version finale] ;
  • [§ 28h] éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles [objectif G20 depuis la déclaration du sommet de Pittsbsurgh, 2009] qui ne ciblent pas la précarité énergétique, ni les transitions justes [nouvelle précision];
  • [§ 27] la CMA reconnaît également que pour limiter le réchauffement à +1,5°C, il faut réaliser des réductions profondes, rapides et soutenues des émissions de GES au niveau mondial de 43% d’ici à 2030 et de 60% d’ici à 2035 par rapport à 2019, et atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050 [chiffres repris du 6e rapport d’évaluation du Giec]. La référence au besoin d’atteindre un pic d’émissions d’ici 2025, dans la version précédente (version du 11/12/2023 @ 16h30), a été supprimée : « la CMA reconnaît que pour limiter le réchauffement à +1,5 °C il faut atteindre un pic des émissions mondiales de GES au plus tard avant 2025 et réaliser des réductions rapides, profondes et soutenues…..  [§ 29] ». La CMA reconnaît certes les dernières connaissances scientifiques du Giec mais ne les relie pas à l’action à réaliser par les Etats. Il n’y a pas de « la CMA invite/appelle les Parties à réaliser des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions » (« invites/calls on » etc.) ;
  • [§ 29] la CMA reconnaît que les combustibles de transition [comprendre le gaz naturel] peuvent jouer un rôle pour faciliter la transition énergétique, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement énergétique [NB ce constat n’est pas lié à un appel à l’action mais on peut dire que la CMA « promeut » ces combustibles]. La décision ne comporte aucune définition des « combustibles de transition ». Cette référence aux combustibles de transition ne figurait pas dans la version précédente du projet de texte sur le GST (version du 11/12/2023 @ 16h30) mais figurait bien comme une option dans la version du 8/12/2023 @ 15h30 ( paragraphe 38 option 1). Elle a été réinsérée dans la version finale sous pression de la Russie, pays producteur et exportateur de gaz (source : Climate Home News, 15 déc. 2023). Dans sa contribution à la phase politique du bilan mondial, la Russie avait proposé en février 2023 que le gaz naturel soit considéré comme un combustible de transition ;
  • [§ 37] la CMA […] demande aux Parties, qui ne l’ont pas encore fait, de revoir et de renforcer, d’ici 2024, leurs objectifs 2030 inscrits dans leurs NDC pour être compatible avec « l’objectif en matière de température fixé par l’Accord de Paris» [aucune mention explicite de l’objectif +1,5°C ou +2°C] ;
  • [§ 39] la CMA encourage les Parties à présenter, dans leurs prochaines NDC, des objectifs ambitieux de réduction des émissions couvrant tous les gaz à effet de serre, tous les secteurs et toutes les catégories et compatibles avec l’objectif +1,5 °C, sur la base des données scientifiques les plus récentes, en tenant compte des différentes situations nationales [à noter le choix du verbe « encourage » qui, dans le jargon de la CCNUCC, constitue, selon Carbon Brief, un langage à caractère faible pour ce genre de disposition juridique des décisions de l’ONU, bien loin de l’obligation  (source : tweet de Carbon Brief du 14 nov. 2021)]
  • [§ 33] la CMA souligne l’importance de conserver, de protéger et de restaurer la nature et des écosystèmes dans l’atteinte de « l’objectif en matière de température fixé par l’Accord de Paris» [aucune mention explicite de l’objectif +1,5°C ou +2°C], y compris via des efforts renforcés pour arrêter et inverser la déforestation et la dégradation des forêts d’ici 2030, ainsi que d’autres écosystèmes terrestres et marins fonctionnant comme des puits et réservoirs de GES [c’est la 1ère fois que cet engagement fait l’objet d’une reconnaissance formelle dans le cadre de la CCNUCC] ;
  • [§ 166] la CMA rappelle que conformément à la décision 1/CP.21 (§ 25), les Parties soumettent (« shall submit ») au secrétariat de la CCNUCC leur prochaine NDC au moins 9 à 12 mois en amont de la CMA-7 (le 10 nov. 2025), soit entre le 10 novembre et le 10 février 2025) ;
  • [§ 97 et 98] la CMA décide d’établir un dialogue sur la mise en œuvre des résultats du bilan mondial et ce, à partir de la CMA-6 (nov. 2024) sur quatre ans, les travaux devant s’achever en 2028, lors de la CMA-10. Le SBI est prié d’élaborer les modalités du programme de travail de ce dialogue lors de sa 60e session (SBI-60, Bonn, juin 2024) ;
  • [§ 191] la CMA décide de lancer, sous l’égide des Présidences de la CMA-5 [Emirats arabes unis], de la CMA-6 [Azerbaïdjan] et de la CMA-7 [Brésil], une feuille de route Mission +1,5°C, afin de renforcer la coopération internationale pour stimuler l’ambition dans le prochain cycle des NDC et renforcer l’action et la mise en œuvre au cours de cette décennie cruciale. Lors de la plénière de clôture, la future Présidence brésilienne de la COP-30 (et de la CMA-7) a déclaré que cette mission travaillerait à réduire la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles (source : IISD, 13 décembre 2023)

 

Sur la question du financement, deux paragraphes de la décision sur le GST sont à noter :

  • [§ 68] la CMA souligne que les besoins en financement de l’adaptation des pays en développement sont estimés entre 215 et 387 Md$/an jusqu’en 2030 (chiffres repris de l’Adaptation Gap Report, PNUE, 2023) et qu’il faut investir 4 300 Md$/an dans l’énergie bas-carbone jusqu’en 2030 (AIE/IRENA, 2023) ;
  • [§ 99] la CMA décide de convoquer un dialogue ministériel de haut niveau, lors de la CMA-6, sur le besoin urgent d’accroître le financement de l’adaptation, en prenant en compte les résultats du bilan mondial portant sur l’adaptation, et sur le besoin pour les pays industrialisés de respecter leur engagement en matière de financement de l’adaptation pris lors de la COP-26 à Glasgow, à savoir un doublement du financement de l’adaptation d’ici 2025 par rapport aux niveaux de 2019.

 

Dans ce texte final de la décision sur le GST, on peut retenir des lacunes et insuffisances soulignées par de nombreux observateurs. Aucune définition du terme « unabated » [§ 28(e)] ou « bas-carbone » [§ 28((c) et § 28e)] n’est fournie. Par ailleurs, globalement dans la décision, le langage est faible : peu d’appels à l’action (8 x « decides » | 8 x « calls on » | 14 x « invites » | 16 x « requests »). Ainsi, dans le [§ 28] l’utilisation du verbe « calls on » (« invite/appelle à ») est utilisé pour introduire les huit types d’efforts de réduction. Dans le jargon de la CCNUCC, il s’agit d’une invitation ou une demande, terme faible pour ce genre de disposition juridique des décisions de l’ONU, bien loin de l’obligation, mais plus fort que « could include » utilisé dans la version précédente (version du 11/12/2023 @ 16h30). Le langage est lui-aussi faible sur le financement de la transition pour s’éloigner des fossiles, surtout par rapport à l’équité : il n’y a pas d’indication forte que les pays industrialisés devront jouer un rôle de chef de file. Ainsi, dans les [§ 71 et § 73], il n’y a qu’un simple rappel de l’obligation pour les pays industrialisés de fournir [« shall provide »] des ressources financières pour aider les pays en développement à mettre en œuvre (i) des actions d’atténuation/adaptation [cf. art. 9.1 de l’Accord de Paris] et (ii) leur NDC [cf. art. 4.5].

 

Les réactions à cette décision ont été nombreuses, parmi lesquelles :

Laurence Tubiana, co-architecte de l’Accord de Paris, aujourd’hui directrice de la Fondation européenne pour le climat (ECF) a affirmé : « la fin de l’ère des combustibles fossiles est lancée. On savait que la COP-28 allait être difficile mais au moins ‘l’éléphant dans la pièce’ – l’élimination des combustibles fossiles – a enfin été abordée » (source : tweet de Laurence Tubiana, 13 déc. 2023).

Simon Stiell, Secrétaire exécutif de la CCNUCC a souligné : « Bien que nous n’ayons pas complètement tourné la page de l’ère des combustibles fossiles à Dubaï, ce résultat marque clairement le début de la fin » (source : communiqué de la CCNUCC du 13 déc. 2023).

Wopke Hoestra, Commissaire européen à l’action climat, a déclaré : « le monde vient d’adopter une décision historique lors de la COP-28 afin d’amorcer une transition irréversible et accélérée pour s’éloigner des combustibles fossiles » (source : tweet de Wopke Hoekstra du 13 déc. 2023).

Dans sa déclaration lors de la plénière de clôture de la COP-28, le 13 déc. 2023, Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a directement interpellé les pétro-Êtats (Arabie saoudite et Iraq en tête), en déclarant « à ceux qui s’opposent à une référence explicite à l’élimination progressive des combustibles fossiles dans le texte de la COP-28 [décision GST], je veux dire qu’une élimination progressive des combustibles fossiles est inévitable, qu’ils le veuillent ou non ».

Valérie Masson-Delmotte, climatologue et ancienne vice-Présidente du WGI du Giec (2015-2023) a déclaré : « Face [aux réalités de l’intensification du réchauffement et de la hausse continue des émissions de GES], le décalage entre l’objectif affiché de « maintenir l’objectif de 1,5 °C à portée de main » et la faiblesse des engagements concrets mis sur la table témoigne d’une incohérence majeure » (source : tribune dans Le Monde du 29 déc. 2023). Elle a ajouté : « la faiblesse de ces engagements implique la poursuite du réchauffement planétaire au-delà de +1,5 °C d’ici une décennie, avec des conséquences immédiates » (source : tribune dans Le Monde du 29 déc. 2023).

Anne Rasmussen (Iles Samoa), représentante de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), a fustigé le manque d’ambition et le langage faible, surtout sur les combustibles fossiles. « La correction de la trajectoire d’émissions de GES nécessaire [au cours de cette décennie cruciale] n’a pas été assurée [par la décision sur le GST] » (source : tweet d’IISD du 13 déc. 2023). Elle a souligné que ce 1er bilan mondial est le seul qui permettrait de garder l’objectif de +1,5°C à portée de main (car le 2e GST n’est prévu qu’en 2028, date à laquelle il serait trop tard pour mettre la planète sur une trajectoire d’émissions de GES compatible avec cet objectif). L’intervention de Anne Rasmussen a été accueillie par de longs applaudissements, une ovation debout et des cris d’encouragements, venus de la société civile au fond de la salle (source : tweet d’IISD du 13 déc. 2023).

Al Gore, ancien vice-Président américain :

  • « c’est le strict minimum dont nous avons besoin et qui aurait dû être atteint depuis longtemps. L’influence des pétro-Etats est encore évidente dans les demi-mesures et les lacunes de l’accord final. La question de savoir s’il s’agit d’un tournant qui marque véritablement le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles dépend des actions à venir et de la mobilisation des financements nécessaires à leur réalisation » (source : Reuters du 13 déc. 2023)

Madeleine Diouf, Ministre de l’Environnement du Sénégal (au nom du groupe des PMA) :

  • l’accord « reflète l’ambition la plus faible possible que nous pourrions accepter plutôt que ce que nous savons, d’après les meilleures données scientifiques disponibles, être nécessaire pour faire face d’urgence à la crise climatique ». L’accord « met en évidence l’énorme écart entre les besoins des pays en développement et les financements disponibles, ainsi que la diminution rapide de la marge de manœuvre budgétaire due à la crise de la dette. Pourtant, il n’apporte pas de réponse crédible à ce défi »» (source : Reuters du 13 déc. 2023)

 

Mise en œuvre des résultats de la phase politique du GST : avancées réalisées à Bonn (juin 2024)

A Bonn, lors des sessions SB-60 (3-13 juin 2024), les négociations sur les suites à donner au bilan mondial ont été menées dans le cadre de consultations informelles sur deux aspects :

(1) les éléments procéduraux et logistiques du processus du GST et

(2) les modalités du dialogue annuel sur le GST.

 

Eléments procéduraux et logistiques du processus GST

L’objectif de Bonn était de débattre de la question de savoir comment affiner les éléments procéduraux et logistiques du processus du GST sur la base de l’expérience acquise dans le cadre du premier GST, en vue d’adopter une décision à Bakou. Les consultations informelles ont été co-animées par Patrick Spicer (Canada) et Thureya Al Ali (Emirats arabes unis). Les principaux points de discussion ont porté sur les points suivants :

  • la question de savoir s’il faut aligner la publication du 7e cycle d’évaluation du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le deuxième GST (2028) afin d’inclure les meilleures connaissances scientifiques disponibles ;
  • l’amélioration de la transition entre les phases d’évaluation technique et l’examen des résultats du GST (phase politique) ; et
  • la composition du Comité de haut niveau des GST à venir (le 2e GEST est prévu en 2028).

 

Etant donné les objections du groupe de négociation LMDC et du groupe arabe, les Parties n’ont pas pu se mettre d’accord pour inviter formellement le Giec à réfléchir à la meilleure façon d’aligner ses travaux sur le cycle du GST, et surtout sur le 2e GST.

Les Parties n’ont pas pu parvenir à un consensus sur l’ensemble du sujet « éléments procéduraux et logistiques du processus GST ».

Dans leurs conclusions conjointes, le SBSTA et le SBI « prennent note » de la note informelle rédigée par les deux co-facilitateurs, indiquant qu’elle ne fait pas l’objet d’un consensus entre les Parties. Celles-ci reprendront le sujet à Bakou en novembre 2024 lors des sessions SB-61 en vue d’aboutir à un projet de décision pour adoption par la CMA-6 à Bakou.

Voir les conclusions conjointes SBSTA/SBI et la note informelle.

 

Modalités du dialogue annuel sur le GST

L’objectif de Bonn était de mener des discussions sur les modalités (éléments pratiques) du premier dialogue annuel sur le GST (cf. décision 1/CMA.5, paragraphes 97 et 98) pour le rendre opérationnel lors de la CMA-6 à Bakou et ce, en vue de mettre en œuvre concrètement les résultats du premier GST. Ce sous-volet des négociations est très important car les résultats de la phase politique du 1er GST doivent éclairer les travaux d’élaboration de la prochaine série des NDC (qui devront couvrir la période jusqu’en 2035), à soumettre par les Parties en 2025.

Les consultations informelles ont été co-animées par Ricardo Marshall (Barbade) et Patrick Spicer (Canada).

Sur ce volet, une des pommes de discorde majeures entre les Parties était de savoir comment donner suite à la décision 1/CMA.5 et aux engagements des Parties qu’elle énonce, surtout au paragraphe 28. Les discussions ont fait ressortir des désaccords entre les Parties, et surtout entre pays développés et pays en développement. Les premiers (UE, Norvège, Etats-Unis, Japon en tête), ainsi que le groupe des petits Etat insulaires (AOSIS), soutenaient que ces discussions devraient être centrées sur tous les aspects des résultats du bilan mondial, dont les efforts à consentir pour réduire les émissions de GES. En revanche, le groupe de négociation LMDC, les pays d’Amérique latine (groupe AILAC), et les pays les moins avancés (surtout les pays africains) souhaitaient qu’elles soient axées sur le financement climat, affirmant qu’il leur serait impossible de réduire leurs émissions sans soutien financier de la part des pays développés pour les aider à assurer leur transition énergétique. Ces pays font remarquer que le paragraphe 97 de la décision 1/CMA.5, qui établit le dialogue sur la mise en œuvre des résultats du GST, est placé dans la section C.1 consacrée au financement.

Les Parties n’ont pas pu parvenir à un consensus sur ce sujet. Dans leurs conclusions conjointes, le SBSTA et le SBI « prennent note » de la note informelle rédigée par les deux co-facilitateurs, indiquant qu’elle ne fait pas l’objet d’un consensus entre les Parties. Celles-ci reprendront le sujet à Bakou en novembre 2024 lors des sessions SB-61 en vue d’aboutir à un projet de décision pour adoption par la CMA-6 à Bakou.

Voir les conclusions conjointes SBSTA/SBI et la note informelle.

Voir page du site de la CCNUCC consacrée au bilan mondial.

 

 

 

[1] En français : « Opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques. » (source : CCNUCC).

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