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Le sommet de l’avenir de l’ONU a réussi à entériner les résultats clés du Bilan mondial, dont la transition vers la sortie des combustibles fossiles

  • Réf. : 2024_09_a03
  • Publié le: 24 septembre 2024
  • Date de mise à jour: 2 octobre 2024
  • International

A l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, le sommet de l’avenir s’est tenu à New York les 22-23 septembre 2024 dans le cadre de la 79e Assemblée générale des Nations Unies (dite UNGA-79). Lors de la plénière d’ouverture de ce sommet, les représentants des Etats membres de l’ONU présents (plus de 100 représentants de haut niveau, dont 51 Chefs d’Etat et de Gouvernement, source : IISD, 23 sept. 2024) ont adopté par consensus un Pacte pour l’avenir, document non contraignant de 66 pages qui comporte plusieurs chapitres, dont un sur « le développement durable et le financement du développement ». Parmi les 12 mesures énoncées dans ce chapitre, la mesure n°9 s’intitule : « Nous entendons renforcer les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques » (voir pp.8-10 de la version anglaise adoptée. Voir aussi pp.10-12 de la version française adoptée). Ce document adopté est la cinquième version d’un projet de texte qui avait fait l’objet de négociations intergouvernementales commencées en janvier 2024 et qui ont abouties à un consensus en amont du sommet sur cette cinquième version.

 

Genèse du sommet

À l’occasion du 75e anniversaire de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en septembre 2020, les États membres se sont engagés à renforcer la gouvernance mondiale dans l’intérêt de la génération actuelle et des générations futures. À l’occasion de cette session, ils ont prié le Secrétaire général, via la déclaration adoptée le 21 septembre 2020 (réf. A/RES/75/1), de leur formuler des recommandations pour pouvoir relever les défis actuels et futurs (cf. paragraphe 20 de la déclaration). Le 10 septembre 2021, devant la première partie de la 76e Assemblée générale de l’ONU, le Secrétaire général a présenté son rapport intitulé Notre Programme commun, (« Our Common Agenda ») qui constituait un appel à l’action pour atteindre les Objectifs de Développement Durable et faire respecter les engagements pris dans la déclaration des 75 ans de l’ONU. Parmi les propositions formulées dans son rapport, le Secrétaire général a préconisé que soit organisé en 2023 un Sommet de l’avenir (Summit of the Future) afin d’établir un nouveau consensus mondial sur la manière de se préparer à un avenir plein de risques, mais aussi de promesses (voir schéma p.8 et paragraphe 103p.66 du rapport Notre Programme commun). Voir également la page du site de l’ONU consacrée au sujet Notre programme commun.

Le 8 septembre 2022, lors de la deuxième partie de la 76e Assemblée générale de l’ONU, celle-ci a accueilli avec satisfaction la présentation de Notre Programme commun et adopté une résolution (réf. A/RES/76/307) sur les modalités d’organisation du Sommet de l’avenir. Ainsi, aux termes de cette résolution, les pays membres ont décidé que le Sommet de l’avenir se tiendrait les 22-23 septembre 2024 à New York et qu’il serait précédé d’une réunion ministérielle préparatoire le 18 septembre 2023 (cf. paragraphe 3 de la résolution). Par ailleurs, ils ont décidé que le thème exact du sommet sera : « Sommet de l’avenir : des solutions multilatérales pour un meilleur futur » et que le sommet déboucherait sur l’adoption d’un document concis et orienté vers l’action intitulé « Un pacte pour l’avenir » (« A Pact for the Future ») qui devait faire l’objet d’un consensus des pays membres au terme de négociations intergouvernementales (cf. paragraphe 4 de la résolution).

Le 10 octobre 2023, le Président de l’Assemblée générale de l’ONU, Dennis Francis, a nommé deux co-facilitateurs pour mener ces négociations intergouvernementales sur le processus de préparation du Pacte pour l’avenir : Antje Leendertse (Allemagne) et Neville Melvin Gertze (Namibie).

 

 

Objectif du sommet

L’objectif global du sommet était de renforcer la gouvernance mondiale, en réaffirmant les engagements pris dans le cadre de la Charte des Nations Unies, en redynamisant le multilatéralisme (mis à rude épreuve ces dernières années), en donnant une nouvelle impulsion à la mise en œuvre d’engagements existants pris dans le cadre de l’ONU (et notamment les objectifs de développement durable, ODD) et ce, afin de se mettre d’accord sur des solutions concrètes aux défis actuels et futurs, et de rétablir la confiance entre les pays membres de l’ONU. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a qualifié ce sommet d’« occasion qui survient une fois par génération » pour réaliser ces actions (voir p.1 du plaquette de l’ONU sur le Sommet, non datée).

Le document négocié et consensuel auquel le sommet a abouti au terme de huit mois de négociations intergouvernementales, le Pacte pour l’avenir, vise à renforcer la coopération mondiale pour réaliser les objectifs fixés et relever les défis actuels, émergents et futurs, dont le dérèglement climatique.

 

Que dit le Pacte pour l’avenir sur le changement climatique ?

La mesure n°9 « Nous entendons renforcer les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques » comporte un paragraphe (n°28), divisé en 11 alinéas, (a) à (k), dont l’alinéa 28(c). Celui-ci reprend en grande partie la formulation du paragraphe 28 [sic] de la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial (Global Stocktake) adoptée par la 5e réunion des Parties à l’Accord de Paris à Dubaï le 12 décembre 2023 (lire notre article sur les résultats de la COP-28 et notamment notre synthèse de la décision 1/CMA.5), qui inclut la mention de la transition hors les combustibles fossiles.

Le texte exact de l’alinéa 28(c) est reproduit ci-après :

« [Nous décidons de :]

(c ) Souligner la nécessité de réduire nettement, rapidement et durablement les émissions de gaz à effet de serre conformément aux trajectoires conduisant à une augmentation de la température de 1,5 degré Celsius, et demander aux parties de contribuer aux efforts mondiaux énumérés ci-après, d’une manière déterminée au niveau national, en tenant compte de l’Accord de Paris et de leurs différentes situations, trajectoires et approches nationales :

  • multiplication par trois des capacités en énergies renouvelables au niveau mondial et par deux du taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030 ;
  • accélération des efforts destinés à cesser progressivement de produire de l’électricité à partir de charbon sans dispositif d’atténuation ;
  • accélération des efforts déployés à l’échelle mondiale pour passer à des systèmes énergétiques à « zéro émission nette », en recourant à des combustibles zéro ou bas-carbone bien avant 2050 ou en 2050 au plus tard ;
  • abandon des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques au terme d’une transition juste, ordonnée et équitable, en accélérant le rythme des mesures prises en cette décennie critique, afin d’atteindre l’objectif « zéro émission nette » d’ici 2050, conformément aux données scientifiques ;
  • adoption rapide de technologies à zéro ou à faibles émissions [de GES], notamment des énergies renouvelables et le nucléaire et des technologies de réduction et d’élimination des émissions, comme le captage et l’utilisation et le stockage du CO2, en particulier dans les secteurs où il est difficile de réduire les émissions, et la production d’hydrogène bas-carbone ;
  • réduction forte et rapide des émissions de gaz autres que le CO2 dans le monde, en particulier les émissions de CH4 d’ici 2030 ;
  • accélération de la réduction des émissions induites par le transport routier par divers moyens, notamment grâce au développement des infrastructures et au déploiement rapide de véhicules à zéro ou à faibles émissions ; et
  • suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles qui sont source de gaspillage et qui ne permettent pas de lutter contre la pauvreté énergétique ou d’assurer des transitions équitables, dès que possible ».

 

 

Retour sur l’élaboration du projet de texte du Pacte

En amont du sommet, cinq versions du projet de texte du Pacte avaient été élaborées sous le pilotage du binôme Allemagne-Namibie (voir encadré ci-dessus) :

  • version zéro (zero draft) du 26 janvier 2024. À noter que le paragraphe 32 de cette version “appelle les Parties à contribuer à l’effort mondial [pour réaliser des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre], y compris via la transition hors des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques de manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie cruciale, afin d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050 conformément aux connaissances scientifiques» [donc reprise, en partie, de la formulation du paragraphe 28(d) de la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial (Global Stocktake)] ;
  • version première révision (Rev.1) du 14 mai 2024. L’action n°8 porte sur le changement climatique (atténuation, adaptation et financement). Cette première révision ne comportait aucune référence à la transition vers la sortie des combustibles fossiles. La référence dans la version zéro a donc été supprimée durant les négociations intergouvernementales ;
  • version 2e révision (Rev.2) du 17 juillet 2024. L’action n°9 porte sur le changement climatique. Cette deuxième révision ne comportait, elle non plus, aucune référence à la transition vers la sortie des combustibles fossiles.
  • version 3e révision (Rev.3) du 27 août 2024. L’action n°9 porte sur le changement climatique. Sous la pression d’un collectif de 77 anciens dirigeants mondiaux et lauréats du prix Nobel, qui ont vivement critiqué la suppression la mention de la transition vers la sortie des combustibles fossiles dans les première et deuxième versions (voir encadré ci-dessous), cette troisième version l’a réintroduite dans le paragraphe 28(e) : « Accélérer le développement, le transfert et le déploiement de technologies énergétiques propres et renouvelables, notamment pour tripler la capacité mondiale [de production] des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030, ainsi que d’accélérer le développement et le déploiement d’autres technologies à zéro ou à faibles émissions et de réaliser la transition vers la sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques d’une manière juste, ordonnée et équitable, afin de parvenir à un niveau d’émissions nettes nulles d’ici 2050, conformément aux connaissances scientifiques » [donc reprise, en partie, de la formulation des paragraphes 28 (a), 28(d) et 28(e) de la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial (Global Stocktake) adoptée par la 5e réunion des Parties à l’Accord de Paris à Dubaï le 12 décembre 2023] ,
  • version 4e révision (Rev.4) du 13 septembre 2024. L’action n°9 porte sur le changement climatique. Cette quatrième version a conservé la mention de la transition vers la sortie des combustibles fossiles : « Réaffirmer tous les éléments de notre appel aux Parties à l’Accord de Paris dans le consensus des Émirats arabes unis pour contribuer aux efforts mondiaux d’une manière déterminée au niveau national, en tenant compte de l’Accord de Paris et de leurs différentes circonstances, trajectoires et approches nationales, comme indiqué au paragraphe 28 du consensus des EAU, notamment pour tripler la capacité mondiale [de production] des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030, et pour réaliser la transition vers la sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie cruciale, de manière à parvenir à zéro émission nette d’ici 2050, conformément aux connaissances scientifiques ».

 

Levée de boucliers de 77 dirigeants mondiaux et lauréats du prix Nobel après la suppression de la mention des combustibles fossiles dans le projet de texte du Pacte pour l’avenir

Comme indiqué ci-dessous, la première version du projet de texte du Pacte pour l’avenir préconisait d‘ « accélérer la transition vers l’abandon des combustibles fossiles », une position sur laquelle les Parties de l’Accord de Paris se sont mises d’accord lors des négociations à Dubaï en décembre 2023. Toutefois, dans le cadre des négociations intergouvernementales pilotées par l’Allemagne et la Namibie et visant à parvenir à un consensus sur un projet de texte pour examen et adoption par les dirigeants mondiaux lors du Sommet pour l’avenir les 22-23 septembre 2024, la mention des « combustibles fossiles » a été supprimée dans la deuxième version (du 14 mai 2024) et la troisième version (du 17 juillet 2024).

En réponse à cette suppression, le 13 août 2024, un groupe de 77 anciens dirigeants mondiaux et lauréats du prix Nobel a envoyé une lettre aux Gouvernements à quelques semaines de leur réunion au siège des Nations Unies à New York, dans laquelle ils déclarent :

« Nous, anciens chefs d’État et lauréats du prix Nobel de la paix venus du monde entier, partageons notre sentiment d’urgence et de responsabilité face à l’avenir de notre planète. Nous saluons le souhait des Nations Unies d’organiser un Sommet de l’avenir au mois de septembre [2024]. Cette réunion historique des Nations Unies vise à garantir un avenir durable et équitable pour toutes et tous. Cependant, l’absence totale de référence aux combustibles fossiles dans le projet de Pacte pour l’avenir nous préoccupe grandement, dans la mesure où les fossiles constituent actuellement l’une des menaces les plus graves pour notre planète […] ».

Les signataires appellent donc les Nations Unies « à veiller à ce que le Pacte pour l’avenir comprenne de solides engagements en faveur de la gestion et du financement d’une transition mondiale rapide et équitable vers la fin de l’extraction du charbon, du pétrole et du gaz, conformément à l’objectif de +1,5 °C établie dans l’Accord de Paris ».

Parmi les signataires de la lettre figurent Muhammad Yunus, conseiller principal du Bangladesh, Mary Robinson, ancienne présidente de l’Irlande, Sa Sainteté le 14ème dalaï-lama et Stefan Löfven, ancien premier ministre de la Suède, et en ce qui concerne les signataires français : Jean-Pierre Sauvage (prix Nobel de la chimie en 2016), Françoise Barré-Sinoussi (prix Nobel de physiologie ou de médecine en 2008), Pierre Agostini (prix Nobel de physique en 2023) et Emmanuelle Charpentier (prix Nobel de chimie en 2020). Voir liste intégrale des signataires.

Les signataires concluent que « s’il n’évoque pas la menace que représentent les combustibles fossiles, le Sommet pour l’avenir portera mal son nom et risquera de compromettre une occasion unique de restaurer la confiance en la puissance de la coopération internationale ».

Voir communiqué de presse du collectif.

 

En savoir plus

La page en anglais et la page en français du site de l’ONU consacrée au Sommet de l’avenir

Programme du sommet

Le Pacte pour l’avenir tel qu’il a été adopté : version définitive en anglais et en français

Plaquette de l’ONU : Summit of the Future 2024: What will it deliver? Document non date.

 

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