Reprise des négociations climat : absence quasi-totale de progrès sur les sujets clés sur fond de profondes divergences entre pays du Nord et pays du Sud
Après deux semaines de négociations intenses (3-13 juin 2024), les 60èmes sessions des deux organes subsidiaires de la CCNUCC (SBI-60 [mise en œuvre] et SBSTA-60 [conseil scientifique et technologique]), connues sous le nom SB-60, se sont terminées à 1h06 samedi 14 juin 2024. Ces sessions intermédiaires ont marqué la reprise des négociations climat formelles dans le cadre de la CCNUCC pour la première fois depuis la Conférence de Dubaï sur le Climat, qui incluait la COP-28 (du 30 nov. au 12 déc. 2023). Elles sont généralement l’occasion d’avancer sur les points techniques des négociations entre deux COP et permettent de faciliter l’avancée des négociations politiques lors des COP.
Lire notre article sur les résultats de la Conférence de Dubaï « COP-28 : malgré un premier pas vers la sortie des combustibles fossiles et l’adoption des règles sur le fonds pertes et préjudices, le bilan global est mitigé », publié le 14 février 2024.
Rappel de l’articulation des différents organes de la CCNUCC
Les organes subsidiaires SBSTA et SBI sont des organes techniques mis à disposition de la COP, de la CMP et de la CMA.
Au total, les sessions SB-60 ont réuni en présentiel 8 606 participants, dont 3 444 délégués gouvernementaux (équipes de négociation nationales) des 197 Parties à la Convention Climat (CCNUCC), 2 467 représentants d’ONG ayant le statut « d’observateur », ainsi que 225 journalistes (source : IISD, 17 juin 2024).
Outre les sessions plénières et les réunions des deux organes subsidiaires SBI et SBSTA dans le cadre des négociations formelles, 30 réunions et ateliers dits mandatés (car mandatés par des décisions de la COP-28, celles de la CMP-18 ou celles de la CMA-5, adoptées lors de la Conférence de Dubaï sur le Climat), ont également eu lieu pendant ces deux semaines, voire pendant la période dite de « pré-session » (du 27 mai au 2 juin 2024).
Que retenir de ces sessions SB-60 ?
Le Citepa vous propose un tour d’horizon des principaux résultats par sujet de négociation clé :
- financement climat,
- bilan mondial (Global Stocktake),
- pertes et préjudices,
- adaptation,
- atténuation,
- mécanismes de marché,
- transition juste.
Financement climat
Le sujet très controversé du financement des actions climat des pays en développement par les pays industrialisés constitue le « nerf de la guerre » des négociations au sein de la CCNUCC et surtout une source fréquente de vives tensions diplomatiques et de blocage lors de celles-ci depuis de nombreuses années. Alors que l’objectif des 100 Md$ par an à fournir aux pays en développement par les pays industrialisés avait pour échéance initiale 2020, il n’a été atteint qu’en 2022, soit avec deux ans de retard. Cela a eu pour conséquence d’entamer la confiance des pays en développement vis-à-vis des pays industrialisés et de freiner les progrès dans les autres axes de négociation (notamment l’atténuation). Le financement climat joue également un rôle crucial dans le renforcement de l’ambition des pays en développement.
A Bonn lors des sessions SB-60, il a été, comme à l’accoutumé, le sujet dominant des négociations formelles en anticipation de la COP-29. En effet, celle-ci a d’ores-et-déjà été qualifiée de « COP du financement climat » car c’est à la COP-29 que les Parties doivent se mettre d’accord sur un nouvel objectif collectif quantifié pour le financement climat post-2025.
Evènements mandatés
- SBI 3 juin 2024: 10e dialogue technique entre les experts (Technical Expert Dialogue ou TED 10) sur le nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement climat (New Collective Quantified Goal ou NCQG) ( décision 9/CMA.3 § 5).
Voir programme.
- SBI 5, 8 et 10 juin 2024 : 2e réunion dans le cadre du programme ad hoc sur le nouvel objectif quantifié collectif en matière de financement climat.
Voir programme du 5 juin, du 8 juin et du 10 juin.
- SBI/SBSTA 12-13 juin 2024: 3e atelier dans le cadre du dialogue de Charm el-Cheikh entre les Parties pour échanger les points de vue et mieux comprendre le champ d’application de l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris (voir 3e encadré de cette section, ci-dessous).
Voir programme et message des co-Présidents de ce dialogue (du 9 mai 2024).
Résultats
Nouvel objectif collectif chiffré post-2025 (New collective quantified goal [NCQG]
A Bonn, les discussions sur ce volet des négociations ont été axées sur la 2e réunion du programme de travail ad hoc (voir encadré ci-dessus). Ces travaux sont destinés à produire un texte constituant la base de négociation lors de la CMA-6 à Bakou (Azerbaïdjan). En amont de Bonn, trois groupes de Parties avaient soumis leurs contributions écrites présentant leurs positions – souvent très divergentes – sur ce sujet (pays arabes, alliance des petits Etats insulaires, pays les moins avancés). S’appuyant sur ces contributions et les discussions menées lors de la première réunion du groupe de travail ad hoc (23-26 avril, Cartagena, Colombie), ses deux co-Présidents (Zaheer Fakir, Emirats arabes unis, et Fiona Gilbert, Australie) ont élaboré un document de synthèse pour alimenter les discussions de cette 2e réunion (synthèse des contributions ou input paper du 24 mai 2024 (63 p.). Ce document visait à représenter toute la diversité des points de vue des Parties. Au cours de la première semaine, les Parties ont demandé aux deux co-Présidents de resserrer et rationaliser le texte, ce qui a donné lieu, le 7 juin 2024, à une première mise à jour de ce document (45 p.). Suite à de nouvelles contributions, une 2e mise à jour a été diffusée le 9 juin 2024 (35 p.). Malgré la réduction de son volume, cette 2e mise à jour restait une synthèse de l’ensemble des propositions soumises, parmi lesquelles plusieurs qui étaient en flagrante contradiction les unes avec les autres. Lors de la dernière session de négociations sur ce sujet, ce document a été qualifié de « déséquilibré » par certains négociateurs (source : Climate Home News, 11 juin 2024).
Les discussions ont fait ressortir de profondes divergences d’opinion entre les Parties, et surtout entre pays en développement et pays développés, sur plusieurs questions clés. Ces divergences d’opinion entre ces deux catégories de pays, où chacune campait fermement sur ses positions, ont entravé toute possibilité de progrès.
Les principales pierres d’achoppement entre les Parties
Le montant de l’objectif de soutien financier à fournir aux pays en développement par les pays développés
Plusieurs évaluations des besoins réels en termes de financement climat pour les pays en développement (voir encadré ci-dessous) chiffrent le montant nécessaire à 1 000 Md$ par an d’ici 2030. Les contributions soumises en amont de Bonn proposaient les montants suivants :
- l’Inde : 1 000 Md$/an essentiellement sous forme de subventions et de financement à des taux préférentiels (cf. contribution de l’Inde soumise à la CCNUCC le 13 février 2024 , en amont de la 1ère réunion du programme de travail ad hoc),
- le groupe de négociation des pays arabes (« groupe arabe ») : 441 Md$/an en subventions publiques dans le cadre d’un montant global de 1 100 Md$/an à fournir sur 2025-2029 par les pays industrialisés, le solde devant provenir d’autres sources (prêts à des taux préférentiels,…) (cf. contribution du groupe arabe soumise à la CCNUCC le 6 mai 2024),
- le groupe de négociation des pays en développement ayant une vision similaire (Like-Minded Developing Countries ou LMDC) : 1 000 Md$/an (contribution du groupe LMDC soumise à la CCNUCC en amont de la 2e réunion du programme de travail ad hoc).
Pour une explication des différents groupes de négociation, se reporter à l’annexe 3 de notre dossier de fond sur la COP-27 (p.65).
Certaines de ces Parties appellent les pays développés à honorer le montant non fourni en 2020 (soit 16,7 Md$) et en 2021 (soit 10,4 Md$) par rapport à l’objectif des 100 Md$/an (à savoir les années où celui-ci n’a pas été respecté. Total fourni en 2020 : 83,3 Md$ ; total fourni en 2021 : 89,6 Md$ – lire notre article) .
A l’autre extrême, les pays développés ont refusé jusque-là de parler « chiffres », c’est-à-dire de quantifier le futur objectif sous forme de proposition chiffrée (appelée en anglais le « quantum » ou montant), soulignant le fait qu’il soit trop tôt encore, alors qu’en réalité, il leur reste désormais à peine cinq mois pour fixer le montant. Ils insistent sur l’importance de se mettre d’accord sur les éléments structurels qui sous-tendent l’objectif avant de fixer le montant lui-même. p
Qui va contribuer au financement à fournir aux pays en développement par les pays développés ?
Sur cette question, les discussions ont fait ressortir de profondes divergences entre pays en développement et pays développés. Les pays développés souhaitent également élargir la base des pays donateurs pour inclure les pays à revenu élevé (Chine, Corée du Sud, pays du Golfe,…), ce que refusent catégoriquement le groupe G77+Chine. Ces Parties campent fermement sur leur position : les pays développés se sont engagés au titre de l’Accord de Paris (article 9.1) à fournir un financement climat aux pays en développement. Elles insistent également sur l’importance d’intégrer dans le nouvel objectif le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives (voir encadré ci-après), ce que refusent les pays développés.
Quelles sources de financement ?
Alors que les pays en développement insistent sur l’importance d’axer les négociations uniquement sur le financement public, les pays développés souhaitent élargir le flux de financement pour inclure le financement du secteur public et celui issu de la réforme des banques multilatérales de développement, en s’appuyant sur une « mosaïque » de solutions en termes de sources de financement, pour reprendre le terme utilisé par l’ancien vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans lors de la COP-27.
Quel volet d’action climat financer ?
L’objectif doit-il viser l’adaptation et l’atténuation uniquement (conformément à l’article 9.1 de l’Accord de Paris) ou faut-il définir un sous-objectif pour les pertes et préjudices ? Les discussions à Bonn ont, là encore, fait ressortir de profondes divergences de position entre les pays en développement et les pays industrialisés.
D’un côté, les pays en développement ont insisté sur le fait que l’objectif devrait prévoir une « fenêtre » séparée du montant, spécifiquement consacrée au financement climat pour les pertes et préjudices et ce, en plus des deux « fenêtres » pour l’atténuation et l’adaptation. Puisque le financement fourni par les pays industrialisés au titre du fonds pertes et préjudices (à ce jour : 661,9 M$ issus de 18 pays et de l’UE dans son ensemble, source : NRDC, juin 2024) est bien en deçà des besoins réels, les pays en développement exigent un sous-objectif formel pour le financement climat consacré aux pertes et préjudices.
De l’autre côté, les pays industrialisés soulignent que le financement des pertes et préjudices ne relève pas du mandat du nouvel objectif collectif chiffré post-2025.
Autres questions qui ont donné lieu à des divergences de position
- quelles catégories de pays seront bénéficiaires du financement climat au titre du nouvel objectif ? (Les pays en développement dans leur ensemble ? Quels critères d’éligibilité?
- quelle échéance fixer pour atteindre l’objectif (2030 ?), c’est-à-dire sur quelle période le nouvel objectif s’appliquera-t-il ? 5 ans ? 10 ans ?
- qualité du financement: le soutien financier serait-il apporté sous forme de dons (subventions) plutôt que des prêts ? Quelle sera la part de ces deux types de financement ? Les pays en développement et les ONG insistent sur l’importance de privilégier la première option pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires. Ainsi, les pays les moins avancés (PMA) et l’alliance des petits Etats insulaires (AOSIS) insistent sur le fait que les ressources financières fournies et mobilisées pour l’adaptation et les pertes et préjudices doivent être essentiellement publiques et basées sur des subventions. Cette exigence figure dans une contribution conjointe soumise par les PMA et l’AOSIS le 11 juin 2024 au Secrétariat de la CCNUCC ;
- comment définir le financement climat : aucune définition précise officielle et formellement reconnue de ce concept n’existe. Aujourd’hui, les pays développés utilisent des métriques différentes pour mesurer le montant de financement qu’ils fournissent, ce qui a suscité une grande méfiance de la part des pays en développement, et notamment l’Inde qui a critiqué à plusieurs reprises la méthodologie appliquée par l’OCDE pour établir son bilan annuel.
Malgré toutes ces profondes divergences, les opinions des Parties ont pu se rapprocher sur certaines questions, comme par exemple, le besoin d’améliorer l’accès des pays en développement au financement et de mettre à jour le cadre de transparence renforcée pour réaliser le rapportage sur le financement climat fourni et reçu (modalités de suivi de ce financement).
Prochaines étapes
Les deux co-Présidents du programme de travail ont invité les Parties à soumettre leurs points de vue consolidés et actualisés sur le nouvel objectif. Ils ont également convenu de :
- produire un compte rendu de la 2e réunion du programme de travail ad hoc, avec des informations sur les progrès réalisés ;
- lancer les préparatifs en vue de sa 3e réunion (octobre 2024) ;
- publier des questions d’orientation pour la remise des contributions des Parties en amont de cette 3e réunion ; et
- préparer une nouvelle synthèse des contributions (input paper) pour la 3e réunion sur la base des nouvelles contributions qui seront soumises suite à la demande des deux co-Présidents (voir plus haut).
Une réunion des chefs de délégation est prévue en juillet 2024. La 11e réunion du dialogue technique entre les experts (TED11) se tiendra en octobre 2024 avant la 3e réunion du programme de travail ad hoc. Un dialogue ministériel de haut niveau sur le nouvel objectif se tiendra également en octobre 2024 afin d’ouvrir la voie à un résultat concret et concluant lors de la CMA-6 à Bakou.
En parallèle, les chefs de délégation doivent maintenant redoubler d’efforts pour finaliser des options claires, précises et viables, ainsi qu’un cadre concret d’un projet de décision avant la CMA-6 et la COP-29 pour examen et adoption à Bakou.
Article 2.1(c)
Les délégués ont abordé le sujet de l’article 2.1(c) à Bonn au cours d’un dialogue spécifique.
Le 3e atelier dans le cadre du dialogue sur l’article 2.1(c) a eu lieu les 12-13 juin 2024. Il a été axé sur les investissements pour l’adaptation et la compatibilité des flux financiers avec une trajectoire de développement résiliente au climat. Les discussions ont fait ressortir les aspects suivants :
- les approches intégrant les risques climatiques ne devraient pas accroître le coût du capital pour les pays jugés à haut risque ;
- les banques centrales ont un rôle à jouer dans la promotion de l’intégration des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la prise de décision financière ;
- le recours à des incitations directes dans le cadre de la participation ESG des acteurs corporatifs, par exemple pour soutenir l’agroforesterie et les cultures intercalaires ;
- la non-mise en œuvre de cadres politiques tels que la Déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres, adoptée le 2 novembre 2021 lors de la COP-26 à Glasgow (lire notre dossier de fond sur la COP-26, p.17). ;
- le réinvestissement des recettes de la fiscalité carbone en soutien à la transition de l’industrie et pour minimiser les remises en cause de la politique climat ;
- le recours au financement mixte, notamment pour mobiliser des financements privés.
Puisque les pays développés n’ont pas encore proposé de chiffres concrets pour le nouvel objectif financement climat post-2025 et, plus précisément, en l’absence de propositions chiffrées en matière de financement public, les pays en développement sont réticents à s’engager sur d’autres aspects de l’objectif, en particulier sur l’alignement des flux financiers au titre de l’article 2.1(c).
Bilan mondial (Global Stocktake ou GST)
Pour des éléments de contexte détaillés sur le sujet Bilan mondial (GST), lire notre article « Guide du Citepa des enjeux de la COP-28 : l’essentiel pour comprendre le contexte des négociations », publié le 28 nov. 2023 et notre article sur les résultats de la COP-28 publié le 14 février 2024
- SBI/SBSTA 6-7 juin 2024 : premier dialogue annuel sur le GST.
Voir programme et note de cadrage (concept note, mai 2024).
Résultats
Les négociations sur les suites à donner au bilan mondial ont été menées dans le cadre de consultations informelles sur deux aspects : (1) les éléments procéduraux et logistiques du processus du GST et (2) les modalités du dialogue annuel sur le GST.
Eléments procéduraux et logistiques du processus GST
L’objectif de Bonn était de débattre de la question de savoir comment affiner les éléments procéduraux et logistiques du processus du GST sur la base de l’expérience acquise dans le cadre du premier GST, en vue d’adopter une décision à Bakou. Les consultations informelles ont été co-animées par Patrick Spicer (Canada) et Thureya Al Ali (Emirats arabes unis). Les principaux points de discussion ont porté sur les points suivants :
- la question de savoir s’il faut aligner la publication du 7e cycle d’évaluation du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le deuxième GST (2028) afin d’inclure les meilleures connaissances scientifiques disponibles ;
- l’amélioration de la transition entre les phases d’évaluation technique et l’examen des résultats du GST (phase politique) ; et
- la composition du Comité de haut niveau des GST à venir (le 2e GEST est prévu en 2028).
Etant donné les objections du groupe de négociation LMDC et du groupe arabe, les Parties n’ont pas pu se mettre d’accord pour inviter formellement le Giec à réfléchir à la meilleure façon d’aligner ses travaux sur le cycle du GST, et surtout sur le 2e GST.
Les Parties n’ont pas pu parvenir à un consensus sur l’ensemble du sujet « éléments procéduraux et logistiques du processus GST ».
Dans leurs conclusions conjointes, le SBSTA et le SBI « prennent note » de la note informelle rédigée par les deux co-facilitateurs, indiquant qu’elle ne fait pas l’objet d’un consensus entre les Parties. Celles-ci reprendront le sujet à Bakou en novembre 2024 lors des sessions SB-61 en vue d’aboutir à un projet de décision pour adoption par la CMA-6 à Bakou.
Voir les conclusions conjointes SBSTA/SBI et la note informelle.
Modalités du dialogue annuel sur le GST
L’objectif de Bonn était de mener des discussions sur les modalités (éléments pratiques) du premier dialogue annuel sur le GST (cf. décision 1/CMA.5, paragraphes 97 et 98) pour le rendre opérationnel lors de la CMA-6 à Bakou et ce, en vue de mettre en œuvre concrètement les résultats du premier GST. Ce sous-volet des négociations est très important car les résultats de la phase politique du 1er GST doivent éclairer les travaux d’élaboration de la prochaine série des NDC (qui devront couvrir la période jusqu’en 2035), à soumettre par les Parties en 2025.
Les consultations informelles ont été co-animées par Ricardo Marshall (Barbade) et Patrick Spicer (Canada).
Sur ce volet, une des pommes de discorde majeures entre les Parties était de savoir comment donner suite à la décision 1/CMA.5 et aux engagements des Parties qu’elle énonce, surtout au paragraphe 28. Les discussions ont fait ressortir des désaccords entre les Parties, et surtout entre pays développés et pays en développement. Les premiers (UE, Norvège, Etats-Unis, Japon en tête), ainsi que le groupe des petits Etat insulaires (AOSIS), soutenaient que ces discussions devraient être centrées sur tous les aspects des résultats du bilan mondial, dont les efforts à consentir pour réduire les émissions de GES. En revanche, le groupe de négociation LMDC, les pays d’Amérique latine (groupe AILAC), et les pays les moins avancés (surtout les pays africains) souhaitaient qu’elles soient axées sur le financement climat, affirmant qu’il leur serait impossible de réduire leurs émissions sans soutien financier de la part des pays développés pour les aider à assurer leur transition énergétique. Ces pays font remarquer que le paragraphe 97 de la décision 1/CMA.5 qui établit le dialogue sur la mise en oeuvre des résultats du GST (voir encadré plus haut) est placé dans la section C.1 consacrée au financement.
Les Parties n’ont pas pu parvenir à un consensus sur ce sujet. Dans leurs conclusions conjointes, le SBSTA et le SBI « prennent note » de la note informelle rédigée par les deux co-facilitateurs, indiquant qu’elle ne fait pas l’objet d’un consensus entre les Parties. Celles-ci reprendront le sujet à Bakou en novembre 2024 lors des sessions SB-61 en vue d’aboutir à un projet de décision pour adoption par la CMA-6 à Bakou.
Voir les conclusions conjointes SBSTA/SBI et la note informelle.
Pertes et préjudices
- SBI 6-7 juin 2024: 3e et dernière réunion du dialogue de Glasgow sur les pertes et préjudices (réunion dite GD3). Mis en place par la décision 1/CMA-3 (adoptée à Glasgow), ce dialogue est mené entre les Parties pour discuter des modalités de financement des activités pour éviter, minimiser et traiter les pertes et préjudices liés au changement climatique. Le dialogue de Glasgow n’est pas investi de pouvoirs de prise de décision. Sa première réunion s’était tenue à Bonn, les 7, 8 et 11 juin 2022 dans le cadre du SBI-56, sa 2e réunion avait eu lieu du 8 au 10 juin 2023 lors de la session SBI-58. Il doit terminer ses travaux lors de sa 3e réunion dans le cadre de la session SBI-60.
Voir programme.
Pour en savoir plus sur le sujet pertes et préjudices, lire notre article « Guide du Citepa des enjeux de la COP-28 : l’essentiel pour comprendre le contexte des négociations », publié le 28 nov. 2023 et notre article sur les résultats de la COP-28 publié le 14 février 2024
Résultats
Les modalités de fonctionnement du fonds pertes et préjudices (dont le principe avait été acté lors de la CMA-4 à Charm el-Cheikh, novembre 2022) ayant été établies via les décisions 1/CP.28 et 5/CMA.5 adoptées respectivement lors de la COP-28 et de la CMA-5 à Dubaï (décembre 2023), les discussions à Bonn ont été moins axées sur le sujet pertes et préjudices. Une plus grande attention a été accordée au sujet brûlant du nouvel objectif collectif chiffré post-2025 pour le financement climat.
Le troisième dialogue de Glasgow sur les pertes et préjudices, qui s’est tenu les 6-7 juin 2024, a permis d’aborder les modalités de coordination du fonds pertes et préjudices, d’évaluer les progrès accomplis et de formuler de nouvelles recommandations.
A noter que pendant les sessions SB-60 à Bonn, le Conseil des directeurs généraux (Board of Executive Directors) de la Banque mondiale a annoncé le 10 juin 2024 qu’il a approuvé le rôle de celle-ci qui lui avait été confié par la CMA-5 à Dubaï le 30 novembre 2023 (cf. décision 5/CMA.5, paragraphes 20 et 21). Ce rôle consiste à héberger le fonds pertes et préjudices et à être son administrateur et ce, pendant une période provisoire de quatre ans.
Le Conseil du fonds pertes et préjudices et la Banque mondiale
Le Conseil d’administration (Board) du fonds pertes et préjudices est indépendant de la Banque mondiale et dispose de sa propre structure de gouvernance. Il déterminera les principales priorités, notamment les décisions de financement, les critères d’éligibilité et les politiques de gestion des risques. Le fonds devrait être opérationnel au cours des prochains mois. En tant qu’administrateur, la Banque mondiale ne jouera aucun rôle dans la collecte de fonds, les décisions d’allocation de fonds ou l’identification, la préparation, l’évaluation, la mise en œuvre ou le suivi des projets financés par le fonds. Les entités chargées de la mise en œuvre et les bénéficiaires directs resteront seuls responsables de l’utilisation finale des fonds, notamment en ce qui concerne les aspects fiduciaires, environnementaux et sociaux, vis-à-vis du conseil d’administration du fonds (source : Banque mondiale, 10 juin 2024).
Adaptation
Résultats
Financement de l’adaptation
A Bonn, dans le cadre des négociations sur le sujet adaptation, la question du financement de celle-ci était omniprésente et a engendré de vives tensions entre pays en développement et pays industrialisés. Comme à Dubaï, le groupe des 77+Chine (134 pays en développement et pays émergents) a insisté à Bonn sur la nécessité d’intégrer un volet financement de l’adaptation dans l’objectif mondial en matière d’adaptation (Global Goal on Adaptation ou GGA)
Un des axes majeurs des négociations sur l’adaptation à Bonn portait sur le programme de travail EAU-Belém sur les indicateurs (2024-2026) (voir encadré ci-dessus), et plus spécifiquement sur ses modalités de mise en œuvre (plan global, calendrier, participants,…). Ces éléments de base doivent être approuvés par la CMA avant que les Parties ne puissent entamer les travaux techniques dans le cadre de ce programme.
Les questions qui ont donné lieu à des divergences de position
- le financement de l’adaptation: les pays en développement exigent qu’il constitue un des indicateurs clés. Le Président du groupe 77+Chine, Adonia Ayebare (Ouganda) était formel : « sans financement, rien ne peut se passer du point de vue d’un pays en développement. C’est dans l’Accord de Paris. Nous nous sommes mis d’accord sur cela. Nous devrions le faire » (source : Carbon Brief, 14 juin 2024). Les pays en développement insistent sur le fait que traiter l’adaptation est indissociable du besoin urgent d’investissements pour renforcer l’adaptation. Selon le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui évalue l’écart entre les efforts consentis par les Etats pour s’adapter au dérèglement climatique (dont les flux de financement fournis par les pays industrialisés aux pays en développement) et les besoins réels nécessaires de ces derniers pour y faire face, les besoins de financement pour l’adaptation des pays en développement sont 10 à 18 fois plus importants que les flux de financement public international en ce sens en 2021 (source : PNUE, Adaptation Gap Report, 2 novembre 2023).
- quel organisme doit être chargé de recenser et décrire les indicateurs existants ? Les pays industrialisés ont indiqué leur préférence pour le Comité d’adaptation au sein de la CCNUCC mais les pays du groupe G77+Chine souhaitaient voir la mise en place d’un nouveau groupe d’experts mandaté pour le faire. Dans le projet de conclusions issu de Bonn, les Parties sont parvenus à un compromis : la note en bas de page n°4 indique que les négociateurs examineront les deux options lors de la prochaine session.
In fine, les Parties ont pu se mettre d’accord pour :
- lancer des travaux de fond visant à définir des indicateurs efficaces, transparents et fondés sur les connaissances scientifiques pour chacun des sept objectifs qualitatifs thématiques fixés par la décision 2/CMA.5 (paragraphe 9) au titre du cadre des Emirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale ;
- définir les prochaines étapes nécessaires dans ce cadre pour les Parties et les experts, y compris la manière dont ces indicateurs seront décidés, ainsi que sur les futurs travaux techniques à effectuer.
Voir projet de conclusions conjointes SBSTA/SBI sur le GGA adopté à Bonn (en date du 13 juin 2024).
Les plans nationaux d’adaptation
Le 2e axe des discussions à Bonn sur le volet adaptation a porté sur les plans nationaux d’adaptation. Dans le cadre de l’objectif mondial en matière d’adaptation, une couverture plus exhaustive de ces plans est visée d’ici 2030. La question de financement est cruciale pour les pays en développement : ceux-ci soulignent qu’ils ont besoin d’un soutien financier non seulement pour mettre en œuvre leur NAP, mais aussi, et surtout, pour les élaborer.
Les plans nationaux d’adaptation
Le processus pour élaborer les plans nationaux d’adaptation (National Adaptation Plans ou NAP) a été établi en vertu du cadre de Cancún pour l’adaptation (Cancún Adaptation Framework ou CAF) qui fait partie des Accords de Cancún adoptés lors de la COP-16 (2010). Il permet aux Parties de formuler et de mettre en œuvre des NAP comme moyen d’identifier les besoins d’adaptation à moyen et long terme et de développer et mettre en œuvre des stratégies et des programmes pour répondre à ces besoins. Il s’agit d’un processus continu, progressif et itératif qui suit une approche axée sur les pays, sensible au genre, participative et totalement transparente. Afin d’améliorer la disponibilité du soutien à l’adaptation, la COP de 2015 a demandé au Fonds vert pour le climat d’accélérer le soutien à la formulation et à la mise en œuvre des plans nationaux d’adaptation.
Au 27 juin 2024, 57 Parties (sur les 198 Parties à la CCNUCC, soit 29%) avaient soumis leur NAP (voir liste des NAP soumis).
Une évaluation du processus d’élaboration et de mise en œuvre des NAP est envisagée mais les discussions sur les modalités de cette évaluation avancent lentement.
Les discussions ont fait ressortir des divergences d’opinion sur le rôle du financement du secteur privé dans l’adaptation et les retards importants accusés par les pays en développement pour recevoir un soutien financier pour élaborer leur NAP. Les co-facilitateurs des négociations ont rédigé une note informelle en guise d’avant-projet de décision de la CMA-6. A noter qu’en termes de statut, une note informelle des SB a moins de poids que des projets de conclusions des SB en tant qu’étape clé vers l’élaboration d’un projet de décision.
Le sujet sera repris lors de la session SBI-61 à Bakou (parallèlement à la COP-29, 11-22 nov. 2024).
Voir note informelle du SBI sur les NAP adoptée à Bonn (en date du 12 juin 2024 @17h30).
Atténuation
- SBI/SBSTA 27-29 mai 2024: 3e dialogue global dans le cadre du programme de travail sur l’ambition et la mise en œuvre en matière d’atténuation de Charm el Cheikh (Sharm el-Sheikh Mitigation Ambition and Implementation Programme).
Voir programme et note d’information du 21 mai 2024.
Résultats
A Bonn, les Parties ont repris les négociations sur ce programme (voir encadré ci-dessous) dans le cadre de consultations informelles co-animées par Kay Harrison (Nouvelle-Zélande) et Carlos Fuller (Belize).
Malgré les négociations intenses, les Parties ne sont pas parvenues à un consensus sur un projet de conclusions en raison des divergences sur la question de savoir s’il fallait viser un résultat procédural (sur la forme) ou un résultat sur le fond. Comme lors de la CMA-5, à Dubaï en décembre 2023, les divergences entre Parties portaient en grande partie sur le mandat du programme de travail, et notamment à l’égard des résultats du bilan mondial (Global stocktake ou GST) obtenus au terme de sa phase politique qui s’est déroulée à Dubaï.
D’un côté, plusieurs groupes de négociation (AOSIS, pays de l’Amérique latine [AILAC], UE,) ou Parties individuelles (Japon,…) se sont prononcés pour un projet de décision qui refléterait et s’appuierait sur les résultats du GST. En effet, aux termes du paragraphe 186 de la décision 1/CMA.5 sur le GST, « la CMA invite les responsables des programmes de travail et des organes constitués relevant de l’Accord de Paris à prendre en considération les résultats pertinents du GST dans la planification de leurs futurs travaux, dans le respect de leurs mandats ».
Pour une explication des différents groupes de négociation, se reporter à l’annexe 3 de notre dossier de fond sur la COP-27 (p.65).
De l’autre côté, le groupe de négociation des pays en développement ayant une vision similaire (Like-Minded Developing Countries ou LMDC), Chine en tête, et le groupe de négociation des pays arabes (le groupe arabe), Arabie saoudite en tête, ont refusé de participer constructivement aux discussions sur le volet MWP. Ainsi, ils ont soutenu que le paragraphe 186 de la décision 1/CMA.5 ne s’applique pas au MWP et se sont opposés à ce que les résultats du GST (et notamment toute mention de la nécessité de s’éloigner des combustibles fossiles [« transitioning away from fossil fuels »[1]], cf. décision 1/CMA.5, paragraphe 28d) soient repris dans le projet de décision à élaborer pour examen lors de la CMA-6 à Bakou.
Ce sujet à l’ordre du jour (agenda item) des travaux des SB et de la CMA est le seul qui soit explicitement axé sur l’atténuation, d’où l’importance de débloquer et d’accélérer les négociations, étant donné le besoin urgent de réduire les émissions mondiales de GES. Selon Fernanda Carvalho, chargée de politique climat et énergie mondiale auprès du WWF International, « il faut accélérer radicalement les travaux sur le MWP et sur les discussions sur les contributions nationales (NDC)… Les discussions sur l’atténuation à Bonn – ou manque de discussions – sont complétement déconnectées d’une réalité triste : la fenêtre de tir pour respecter l’objectif +1,5°C se ferme rapidement… » (propos rapportés par Carbon Brief, 13 juin 2024).
Le groupe de négociation LMDC, le groupe africain et le groupe arabe ont souligné que le MWP ne devrait pas imposer d’objectifs aux pays, soutenant au contraire que l’objectif du programme était de faciliter les dialogues. De nouveaux objectifs via l’intégration de messages clés iraient au-delà du mandat du MWP et imposeraient des charges supplémentaires aux pays en développement.
Ces divergences de position – entre les Parties en faveur d’un projet de texte portant sur le fond du sujet, assortis d’objectifs concrets, et celles préférant un projet de texte de nature strictement procédurale – ont continué pendant toute la durée des négociations sur ce volet.
Le dernier jour des négociations sur ce volet, le 12 juin 2024, les co-facilitateurs ont présenté un texte sous forme de projet de conclusions, ainsi qu’une note informelle (les deux documents datent du 11 juin 2024). Le groupe LMDC et le groupe arabe ont refusé de les examiner, soutenant que les co-facilitateurs n’avaient pas reçu de mandat pour les rédiger.
En raison de ces profondes divergences, les Parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur un projet de conclusions. Les négociations reprendront donc lors des sessions SB-61 à Bakou. A noter que si ces documents avaient été adoptés par les Parties à Bonn, cela aurait constitué un point de départ concret pour de plus amples discussions à Bakou.
Article 6
- SBSTA 4 et 6 juin 2024 : atelier sur l’article 6.8 qui se tient parallèlement à la réunion du Comité de Glasgow sur les approches non fondées sur le marché.
Voir programme et note de cadrage (concept note, (non datée).
Outre cet évènement mandaté, les Parties ont repris les négociations sur la finalisation des détails techniques des règles de mise en œuvre de l’article 6.2 et de l’article 6.4, restés en suspens à Dubaï en décembre 2023 faute de consensus entre elles sur plusieurs points cruciaux pour leur bon fonctionnement :
- article 6.2 : intégrité environnementale, protection des droits humains, transparence, etc. ;
- article 6.4 : élaboration et évaluation de méthodologies, activités liées à l’absorption du CO2.
Résultats
Lors des consultations informelles, les co-facilitateurs Maria Al-Jishi (Arabie Saoudite) et Peer Stiansen (Norvège) ont présenté une note informelle rédigée par le Président du SBSTA, Harry Vreuls, en amont de sessions SB-60 (en date du 29 mai 2024). Cette note reflète les différents points de vue exprimés par les Parties dans les négociations du SBSTA-59 à Dubaï sur les sous-volets article 6.2 et article 6.4. Ils ont expliqué que le mandat du groupe était d’élaborer un projet de texte de décision pour chacun de ces deux sous-volets, à soumettre à la CMA-6 à Bakou, et de se concentrer sur les « questions cruciales », y compris les autorisations, les registres et le format électronique.
La Présidence azerbaïdjanaise a indiqué très clairement qu’une des priorités de la COP-29 (et de la CMA-6) serait de régler une fois pour toutes les questions techniques des articles 6.2 et 6.4. Dans son discours sur la vision et la stratégie de la Présidence azerbaïdjanaise de la COP-29 pour Bakou, le négociateur en chef de la COP-29, Yalchin-Rafiyev, s’est fixé comme objectif de la Présidence de rendre l’article 6 pleinement opérationnel à Bakou.
Malgré cette ambition forte, les négociations techniques ont progressé lentement et ont globalement débouché sur peu de résultats concrets. Des avancées significatives ont néanmoins été enregistrées sur deux questions spécifiques :
- les activités qui évitent des émissions: la question est de savoir si de telles activités peuvent compter pour générer des crédits d’émission pour échange au titre de l’article 6.2 et de l’article 6.4 (par exemple, si une entité n’entreprend pas une activité émettrice de GES (telle que l’extraction de combustibles fossiles), elle pourrait se voir octroyer des crédits d’émission. Malgré l’opposition des Philippines, dans leur ensemble, les Parties s’accordent à reconnaître que cette option ne devrait pas être retenue. A Bonn, après des discussions intenses, les Parties se sont mises d’accord sur le fait que ces activités ne doivent pas générer des crédits au titre des articles 6.2 et 6.4. Le SBSTA a décidé de poursuivre l’examen de cette question à sa 68e session (2028). Le SBSTA a noté qu’en l’absence de nouvelles recommandations de la part de la CMA, les recommandations actuelles s’appliquent, sachant que l’option de compter les émissions évitées n’est pas incluse dans les recommandations actuelles (cf. paragraphe 6 du projet de conclusions adopté à Bonn sur ce sous-volet, en date du 13 juin 2024). Par conséquent, cette question a été supprimée de l’ordre du jour en amont de Bakou, renvoyant ainsi un signal clair aux marchés ;
- la question de la confidentialité des informations rapportées par les Parties après les échanges d’ITMO sans qu’il n’y ait besoin pour celles-ci de justifier leur décision. Les négociations à Bonn ont pu avancer sur cette question. Ainsi, le SBSTA a demandé au Secrétariat de la CCNUCC d’élaborer, de publier et de mettre en œuvre les procédures administratives nécessaires, y compris un code de conduite spécifique pour les équipes d’experts techniques de l’article 6, pour le traitement et l’examen des informations identifiées comme confidentielles par les Parties participantes. A noter toutefois que ce code de conduite devra être approuvé par l’ensemble des Parties, ce qui est loin d’être acquis à ce stade.
Prochaines étapes
Si ces avancées ne permettent pas une rapide opérationnalisation de l’article 6, elles contribueront néanmoins à garantir son intégrité environnementale. Elles pourront peut-être aider les Parties à se concentrer sur les questions cruciales, telles que les modalités d’autorisation du transfert des réductions d’émission en vertu de l’article 6.2 ou la question de savoir si les pays qui ne disposent pas de registres nationaux pourront utiliser le registre international pour enregistrer et transférer leurs réductions d’émission.
Les Parties ont également convenu d’organiser un atelier pour faire avancer les travaux techniques sur les Articles 6.2 et 6.4 avant le mois de novembre 2024. Elles devraient ainsi être mieux placées à Bakou pour faire aboutir les négociations à un résultat concret et concluant.
En amont de la CMA-6, des travaux supplémentaires sur l’Article 6.4 seront réalisés. L’organe de supervision de l’article 6.4 (Article 6.4 Supervisory Body), chargé de rendre opérationnel un nouveau marché mondial du carbone dans le cadre de l’Accord de Paris, se réunira deux fois avant les négociations à Bakou, pour finaliser les recommandations sur les méthodologies et les absorptions d’émissions. Les commentaires recueillis auprès des Parties et des parties prenantes lors d’un événement qui s’est tenu le 3 juin 2024 à Bonn seront intégrés à ces recommandations.
Enfin, l’organe de supervision de l’article 6.4 vise également à finaliser un outil de développement durable (Sustainable Development Tool) en amont de la CMA-6, afin d’établir des garanties environnementales et sociales dans le cadre des échanges qui seront effectués sur le marché mondial du carbone.
Voir le projet de conclusions du Président du SBSTA sur l’article 6.2 (en date du 13 juin 2024).
Voir le projet de conclusions du Président du SBSTA sur l’article 6.4 (en date du 13 juin 2024).
Transition juste
- SBI/SBSTA 2-3 juin 2024: 1er dialogue dans le cadre du programme de travail des Emirats arabes unis sur la transition juste (UAE Just Transition Work Programme ou JTWP) (voir encadré ci-dessous).
Voir programme.
Résultats
A Bonn, l’objet de ce 1er dialogue dans le cadre du programme de travail sur la transition juste était de mener des discussions sur la manière d’intégrer les transitions justes dans les NDC, les plans nationaux d’adaptation et les stratégies bas-carbone 2050.
Un groupe de travail restreint (contact group), co-présidé par Marianne Karlsen (Norvège) et Kishan Kumarsingh (Trinité et Tobago), s’est réuni à plusieurs reprises au cours des deux semaines des sessions SB-60.
Les divergences de position sur le focus du JTWP observées lors des sessions SB-58 (juin 2023 à Bonn) et SB-59 (déc. 2023, Dubaï) sont revenues dans les négociations à Bonn lors des sessions SB-60, et notamment la reproche du groupe de négociation G77+Chine, selon laquelle elles sont trop axées sur l’atténuation. Ainsi, lors de l’ouverture du premier dialogue, le Président du SBI, Nabeer Munir (Pakistan), a recadré la vision : « la transition juste ne concerne pas uniquement la réduction des émissions de GES, elle concerne la construction d’un avenir où la justice sociale et la durabilité environnementale vont de pair… » (propos rapportés par Third World Network (TWN), TWN Bonn Climate News Update No. 3, 5 juin 2024).
Un projet de texte a été présenté aux Parties le 5 juin 2024 par la co-Présidente du groupe de travail restreint qui a invité les Parties à exprimer leurs points de vue sur ce document qu’elle a rédigé. Les discussions ont rapidement donné lieu à des divergences d’opinion : d’un côté le groupe G77+Chine, soutenu par le groupe des pays africains et le groupe LMDC, a proposé qu’en plus d’un projet de décision, un plan de travail pour le JTWP soit élaboré ; de l’autre côté, l’UE, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et le Japon se sont opposés à cette proposition, soutenant qu’il était trop tôt, sachant que le réexamen du JTWP interviendra en 2026.
Par ailleurs, les Parties ne sont parvenues à se mettre d’accord sur les modalités (plan global, calendrier, participants) du JTWP. Ces modalités doivent être concrétisées avant que les travaux techniques du JTWP ne puissent démarrer.
A plusieurs reprises à Bonn, les Parties ont rouvert des discussions sur des éléments qui avaient fait l’objet d’un consensus à Dubaï.
Le dernier jour des négociations, les Parties sont parvenues à un consensus sur un projet de conclusions et une note informelle. Celle-ci, rédigée sous la seule responsabilité des deux co-Présidents du groupe de travail restreint, comporte des éléments non consensuels et non exhaustifs qui visent à aider les Parties à faire avancer les discussions sur ce volet. Si le projet de conclusions ne fait aucune mention d’un plan de travail, la note informelle, elle, comporte un espace réservé (« placeholder ») pour le plan de travail.
Voir le projet de conclusions et la note informelle (les deux documents en date du 13 juin 2024).
Autres sujets de discussion
Des discussions ont également été menées sur :
Les océans
- SBSTA 11-12 juin 2024 : dialogue sur les océans et le changement climatique 2024 (évènement mandaté).
Voir programme et note d’information (du 24 mai 2024). Pour le programme, voir pp.13-14 du document.
Voir notre article sur le programme des SB-60, publié le 31 mai 2024.
Pour l’instant, aucune synthèse des discussions n’est disponible.
La transparence/MRV
Plusieurs évènements mandatés ont eu lieu à Bonn sur le sujet de la transparence/MRV.
Voir notre article sur le programme des SB-60, publié le 31 mai 2024.
Par ailleurs, des consultations informelles, coanimées par Daniela Romano (Italie) et Thiago Mendes (Brésil), ont été menées sur les outils de rapportage au titre du cadre de transparence renforcée (Enhanced Transparency Framework ou ETF). Les discussions se sont focalisées sur le document technique du Secrétariat du 6 mai 2024 retraçant l’expérience des Parties avec la version test des outils de rapportage du ETF (FCCC/TP/ 2024/2).
Voir projet de conclusions proposé par le Président du SBSTA (en date du 12 juin 2024).
Bilan
Malgré les négociations intenses, vives et tendues, force est de constater que Bonn 2024 a abouti à peu de progrès concrets sur des sujets clés. Le clivage Nord Sud a été évident, surtout sur le financement climat, la responsabilité historique des émissions de GES, l’atténuation et l’adaptation.
Cette année a vu un nombre record d’évènements mandatés (30 au lieu d’une vingtaine lors des sessions inter-COP de juin 2023), ce qui ajoute des contraintes en termes de temps à consacrer aux différents sujets de négociation. Ainsi, la capacité des Parties à suivre plusieurs axes de négociation simultanées et à répondre à la demande sans cesse croissante de soumissions et de participation aux ateliers inter-COP a été mise à rude épreuve. Cela est tout particulièrement le cas des petites délégations, telles que celles des pays les moins avancés (PMA).
Bonn a pu déboucher sur quelques avancées sur trois sujets clés : transition juste, indicateurs pour l’objectif mondial en matière d’adaptation, et article 6.2 et 6.4. En revanche, les discussions pour concrétiser le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 en matière de financement climat ont débouché sur de maigres résultats, ce qui laisse beaucoup de chemin à parcourir d’ici Bakou (éléments structurels, modalités [dont les pays bénéficiaires, les pays donateurs, le calendrier et la période cible], montant) pour aboutir à un résultat concluant et à la hauteur des enjeux.
De même, sur les sujets du bilan mondial (Global Stocktake) et des plans nationaux d’adaptation, les négociations ont engendré des blocages et les Parties n’ont pas pu parvenir à un consensus sur des points clés. Par ailleurs, il faut constater l’absence de discussions sur la question primordiale de la transition vers la sortie des combustibles fossiles, telle qu’établie au paragraphe 28d de la décision 1.CMA.5 sur le premier GST, et surtout sur la mise en œuvre concrète de cet engagement des Parties pris à Dubaï.
Quant au sujet de l’atténuation (programme de travail MWP), les Parties n’ont même pas pu se mettre d’accord sur un projet de conclusions. Les discussions ont plutôt été caractérisées par une méfiance entre, d’une part, les pays développés et, d’autre part, les groupes de négociation LMDC et pays arabes. En particulier, alors que les sujets du bilan mondial et de l’atténuation constituent les deux principaux volets de négociation où les Parties pourraient décider des actions de réduction des émissions nécessaires pour concrétiser leurs engagements pris au titre de la décision 1.CMA.5 sur le premier GST (et surtout la transition vers la sortie des combustibles fossiles), ces Parties se sont embourbées dans des disputes sur les mandats respectifs de ces deux volets de négociation. Ce sont justement ces deux volets de négociation qui devront éclairer les travaux d’élaboration de la prochaine série des NDC à ambition renforcée, sachant que les Parties devront soumettre leur prochaine NDC au moins neuf à 12 mois en amont de la CMA-7 (le 10 novembre 2025), soit entre le 10 novembre 2024 et le 10 février 2025 (cf. paragraphe 166 de la décision 1/CMA.5 et paragraphe 25 de la décision 1/CP.21). De ce fait, le programme de travail MWP devrait jouer un rôle central dans la réalisation de l’objectif +1,5°C.
Les sessions des SB-60 ont, une fois de plus, fait ressortir les profondes divergences de positions entre, d’une part, les pays industrialisés et, d’autre part, les pays en développement et notamment les grands pays émergents. C’est d’abord et avant tout la question épineuse du financement climat où le clivage entre ces deux catégories est le plus fort. Plusieurs délégués sont partis de Bonn déçus, frustrés, voire en colère, étant donné les maigres résultats obtenus, notamment sur le volet de l’atténuation (programme de travail MWP), fustigeant la tendance observée ces dernières années à repousser les problèmes à régler d’année en année et ce, malgré l’urgence de la crise climatique. Comme l’a souligné le Secrétaire exécutif de la CCNUCC, Simon Stiell, les progrès à Bonn ont été « modestes » et « trop de questions sont restées en suspens. Trop de points sont encore sur la table [de négociation] » (source : discours de clôture de Simon Stiell, 13 juin 2024).
Enfin, la nouvelle gouvernance des deux prochaines COP (COP-29 à Bakou et COP-30 à Belém, Brésil), pour la première fois sous forme de troïka (Présidences de la COP-28 [Emirats arabes unis], de la COP-29 [Azerbaïdjan] et de la COP-30 [Brésil]) s’est montrée très discrète jusque-là. Cependant, à l’approche de Bakou, elle devra donner une nouvelle impulsion aux négociations, en travaillant plus étroitement avec les chefs de délégation pour permettre de faire aboutir la COP-29 à un résultat tangible.
La COP-29 a d’ores et déjà été baptisée la « COP du financement climat » mais à en juger par les maigres résultats obtenus à Bonn 2024 sur le volet nouvel objectif collectif chiffré post-2025 en la matière, on peut légitimement se poser la question de savoir si les pays développés et les pays en développement (les grands pays émergents en tête) vont parvenir à se mettre d’accord à Bakou sur un montant (quantum) du futur objectif et ce, conformément au mandat de la décision 1.CP.21 (paragraphe 53).
Enfin, en amont de Bakou, les enjeux clés de la COP-29 sont nombreux, dont les plus importants :
- définir, pour examen et adoption lors de la CMA-6 à Bakou, une proposition de montant (quantum) de l’objectif collectif chiffré post-2025 pour le financement climat ;
- régler les questions en suspens concernant les modalités de mise en œuvre de cet objectif (qui contribuera ? qui bénéficiera ? quel volet de l’action climat financer ? quelle période cible ? quelle nature du soutien (dons, prêts,..) ?
- concrétiser les suites à donner aux résultats de la phase politique du bilan mondial (Global Stocktake) et la mise en œuvre des nombreux engagements pris au titre de la décision 1/CMA.5 (au premier rang desquels « la transition vers la sortie des combustibles fossiles) ;
- faire déboucher le programme MWP (relatif à l’ambition de l’atténuation et aux mesures de mise en œuvre) sur des résultats concrets de réduction des émissions ;
- renforcer l’ambition, surtout en matière d’atténuation, dans la prochaine série des NDC alignées, dans leur ensemble, sur une trajectoire d’émissions de GES compatible avec l’objectif +1,5°C et s’appuyant sur les enseignements tirés du premier bilan mondial ;
- créer une dynamique politique et diplomatique forte pour inciter les pays développés à accroître le financement climat pour les pays en développement vulnérables ;
- concrétiser les modalités de mise en œuvre du programme de travail EAU-Belém sur les indicateurs dans le cadre de l’objectif mondial en matière d’adaptation (2024-2026).
En savoir plus
Page du site de la CCNUCC consacrée aux sessions SB-60
Communiqué de clôture de la CCNUCC en anglais et en français
Discours du Secrétaire exécutif de la CCNUCC à la clôture des sessions SB-60 en anglais et en français
Communiqué du négociateur en chef de l’Azerbaïdjan sur la vision et la stratégie de la Présidence de la COP-29 pour la Conférence des Nations Unies sur le Climat à Bakou (en date du 10 juin 2024)
Programme global des sessions SB-60 (overview schedule)
Programme complet des réunions lors des SB-60
Programme du jour en détail (le programme de la journée indiquée est mis en ligne la veille au soir, à partir du 3 juin 2024)
Ateliers et réunions parallèles (side events)
Page du site de la CCNUCC consacrée à la session SBSTA-60
Page du site de la CCNUCC consacrée à la session SBI-60
Couverture et analyse des résultats de Bonn par d’autres organismes de référence (centres de réflexion, instituts de recherche, etc.)
– page du site de l’Institut International du Développement Durable (IISD) consacrée aux sessions SB-60 en anglais et en français. Dans un bulletin quotidien, l’IISD revient en détail chaque jour sur les avancées de la veille
– Institut International du Développement Durable (IISD) : Earth Negotiations Bulletin Vol.12 n°853, 17 juin 2024 – Compte rendu détaillé des sessions SB-60 : en anglais et en français
– Carbon Brief (2024). « Bonn climate talks: key outcomes from the June 2024 UN climate conference”, 14 juin 2024. Consulter
[1] En français : « Opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques. » (source : CCNUCC).