Le Parlement européen adopte formellement la nouvelle directive sur la qualité de l’air
Le 24 avril 2024, le Parlement européen, réuni en séance plénière, a formellement adopté le texte de compromis final issu de l’accord politique provisoire conclu le 20 février 2024 entre les représentants du Parlement européen et le Conseil de l’UE dans le cadre de négociations en trilogue avec les représentants de la Commission, sur la proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air.
Des normes de qualité de l’air renforcées
Les nouvelles règles approuvées par le Parlement européen révisent les normes de qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés : valeurs limites de concentration (le type de norme la plus contraignante), valeurs cibles, objectifs à long terme, etc. (voir tableau ci-dessous). Ces normes sont à respecter au 1er janvier 2030. Ainsi, la nouvelle directive fixe des valeurs limites de concentration plus strictes par rapport à celles fixées par la directive 2008/50/CE, qui sont actuellement en vigueur, pour plusieurs polluants, dont les particules fines (PM2,5, PM10), le NO2 et le SO2. Pour les deux polluants ayant la plus forte incidence sur la santé humaine, les PM2,5 et le NO2, les valeurs limites annuelles doivent être réduites de plus de moitié, passant respectivement de 25 µg/m³ à 10 µg/m³ et de 40 µg/m³ à 20 µg/m³. A noter néanmoins que ces deux nouvelles valeurs limites de concentration européennes sont deux fois plus élevées que les valeurs guides de l’OMS (2021) pour ces deux polluants (respectivement 5 µg/m³ et 20 µg/m³). Si les normes fixées par la nouvelle directive pour les trois métaux lourds (arsenic, cadmium et nickel), ainsi que pour les HAP (BaP), sont les mêmes que celles établies par la directive 2004/107/CE, la nouvelle directive renforce le type de norme qui s’applique à ces quatre polluants : anciennement des valeurs cibles, elles sont devenues des valeurs limites de concentration, c’est-à-dire le type de norme de qualité de l’air la plus contraignante.
La nouvelle directive prévoit également plus de points de prélèvement de la qualité de l’air dans les villes. Les normes de qualité de l’air seront réexaminées d’ici le 31 décembre 2030 et au moins tous les cinq ans par la suite, et plus souvent si de nouvelles évolutions scientifiques, telles que les lignes directrices révisées de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de qualité de l’air, le justifient.
Les nouvelles normes de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine
fixées par la nouvelle directive révisant la directive 2008/50/CE et comparaison avec les valeurs guides de l’OMS (2021)
* valeurs cibles (et non valeurs limites) fixées par la directive 2004/107/CE (toutes les autres normes ayant été fixées par la directive 2008/50/CE)
** à atteindre en 2050 et non 2030.
Sources : texte final de la nouvelle directive tel qu’adopté par le Parlement européen, directives 2008/50/CE (annexe VII [ozone], annexe XI [PM10, NO2, SO2, CO, benzène et plomb] et annexe XIV [PM2,5]) et 2004/107/CE (annexe I) et OMS, 2021.
Flexibilités
La nouvelle directive prévoit un certain nombre de flexibilités : ainsi, les États membres pourront demander le report de l’échéance de 2030 pour atteindre les valeurs limites de qualité de l’air de 10 ans au maximum (soit jusqu’en 2040), si des conditions spécifiques sont remplies, notamment lorsque les réductions nécessaires ne peuvent être réalisées qu’en remplaçant une partie considérable des systèmes de chauffage domestique existants qui sont à l’origine des dépassements de pollution.
Indices de qualité de l’air
La nouvelle directive établit des dispositions pour rendre les indices de qualité de l’air, actuellement fragmentés dans l’ensemble de l’UE, comparables, clairs et accessibles au public. Ces indices fourniront également des informations sur les symptômes associés aux pics de pollution de l’air et sur les risques pour la santé associés à chaque polluant, y compris des renseignements adaptés aux groupes vulnérables.
Plans relatifs à la qualité de l’air et feuilles de route sur la qualité de l’air
Les Etats membres devront établir et mettre à jour des plans relatifs à la qualité de l’air pour les zones dans lesquelles les concentrations dans l’air ambiant des polluants visés dépassent les valeurs limites de concentration et, le cas échéant, les valeurs cibles pour l’ozone. Ces plans relatifs à la qualité de l’air sont obligatoires pour les Etats membres en dépassement.
Par ailleurs, tous les États membres devront élaborer d’ici le 31 décembre 2028 des feuilles de route sur la qualité de l’air qui définissent des mesures à court et à long terme pour se conformer aux nouvelles normes (valeurs limites et le cas échéant les valeurs cibles) pour 2030.
Prochaines étapes
Le texte final doit maintenant être formellement adopté par l’autre co-législateur, le Conseil de l’UE avant d’être publié au JOUE. Il entrera en vigueur 20 jours après la date de publication. Les Etats membres auront alors deux ans pour transposer en droit national les dispositions législatives, réglementaires et administratives de la nouvelle directive.
En savoir plus
Communiqué du Parlement européen
Texte de compromis final sur la proposition de directive tel qu’adopté par le Parlement européen (en français)
Parlement européen : Revision of EU air quality legislation – setting a zero pollution objective for air, Briefing (note d’analyse), avril 2024
La page du site de la DG Environnement dédiée à la problématique « air »
La page du site de la DG Environnement dédiée spécifiquement à la qualité de l’air (qui comporte une section sur la révision de la directive 2008/50/CE).
La proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE
Aujourd’hui, la législation européenne en matière de qualité de l’air est constituée de quatre actes législatifs dont deux directives qui établissent les règles de surveillance, de gestion et d’évaluation de la qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés, y compris les normes de qualité de l’air qui leur sont applicables (valeurs limites de concentration, valeurs cibles, objectifs de qualité,…) :
- directive 2008/50/CE a fixé les normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration) pour huit polluants dits réglementés (SO2, NO2, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone). Ces normes ont été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2002) ;
- directive 2004/107/CE (arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P)).
Ces normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration, VLC), aujourd’hui en vigueur dans l’UE, ont donc été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2004).
La proposition de la Commission du 26 octobre 2022 (lire notre article) (réf. COM(2022) 542 final et étude d’impact) révise et fusionne les deux directives précitées et a pour objectif d’aligner plus étroitement les normes de l’UE en matière de qualité de l’air sur les valeurs-guides (lignes directrices ou guidelines) de l’Organisation mondiale de la santé (lire notre article).
Plus spécifiquement, la proposition visait :
- à fixer des normes de qualité de l’air intermédiaires pour 2030, « mieux alignées avec les valeurs-guides de l’OMS», sans toutefois atteindre leur niveau ;
- à mettre l’UE sur une trajectoire pour atteindre « zéro-pollution » au plus tard en 2050 (lire notre article), en synergie avec la politique climat vers la neutralité carbone à cette même échéance ;
- à effectuer un réexamen régulier des normes de qualité de l’air pour les réévaluer au regard des dernières avancées scientifiques et technologiques ;
- à baisser de plus de moitié la valeur limite annuelle de concentration des particules fines (PM2,5). A titre d’exemple, la Commission proposait que la valeur limite annuelle des PM2,5 passe de 25 µg/m³ [valeur actuelle en vigueur] à 10 µg/m³ en 2030 (soit l’ancienne valeur guide de l’OMS de 2005 et non pas la nouvelle qui est de 5 µg/m³ depuis le 21 septembre 2021) ;
- à ajouter une valeur limite journalière de concentration pour les PM2,5, à savoir 25 µg/m³ à ne pas dépasser plus de 18 fois par an (à noter que la valeur guide de l’OMS de 2021 est de 15 µg/m3) ;
- à ce que les personnes souffrant d’impacts sanitaires de la pollution de l’air puissent avoir droit à une indemnisation, lorsque les règles de qualité de l’air de l’UE ne sont pas respectées ;
- à ce que les recours en justice, les sanctions effectives et l’information publique soient clarifiés ;
- à renforcer le rôle des administrations locales pour le suivi et la modélisation de la qualité de l’air.
La proposition de directive a été soumise aux deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) pour examen et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 289 et 294).
Le Conseil de l’UE est parvenu à une orientation générale (position commune) sur la proposition de directive le 9 novembre 2023.
Les deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) sont parvenus à un accord politique provisoire le 20 février 2024. Le texte de compromis qui en a résulté a été approuvé par le Comité des représentants permanent (Coreper) le 8 mars 2024 et approuvé par la Commission Environnement du Parlement européen le 11 mars 2024.