Justice climatique : dans un arrêt « historique », la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse pour son action climat insuffisante
Le 9 avril 2024, dans un jugement qualifié d’« historique » par de nombreux observateurs (voir plus loin) pour la justice climatique, la Cour européenne des droits de l’homme ou CEDH (voir encadré ci-dessous) a condamné la Suisse pour son action climat insuffisante suite à une requête introduite par l’association de femmes seniors suisses pour le climat (Verein KlimaSeniorinnen Schweiz) et par quatre femmes suisses à titre individuel. Ainsi, dans cette affaire, la CEDH a statué pour la première fois en matière de changement climatique, en reliant de ce fait le climat aux droits de l’homme. Cet arrêt pourrait constituer un précédent juridique pour de futures requêtes internationales.
Cour européenne des droits de l’homme et Convention européenne des droits de l’homme
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
Instituée en 1959 et basée à Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH ou European Court of Human Rights, ECHR, en anglais) est une juridiction internationale compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme (voir plus loin).
Depuis 1998, la CEDH siège en permanence et peut être saisie directement par les particuliers. Elle a examiné des centaines de milliers de requêtes depuis sa création. Ses arrêts, qui sont contraignantes pour les Etats concernés, conduisent les gouvernements à modifier leur législation et leur pratique administratives dans de nombreux domaines (source : CEDH).
A noter que les arrêts de la CEDH ne permettent ni d’annuler, ni de modifier automatiquement les décisions prises par les juridictions françaises mais ils peuvent entraîner un réexamen des décisions émanant des juridictions nationales (source : vie-publique.fr).
La CEDH est le bras judiciaire du Conseil de l’Europe (principale organisation de défense des droits humains du continent, créé le 5 mai 1949). Ainsi, elle veille au respect des droits de l’homme de 700 millions d’européens dans les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme (source : CEDH).
La Convention européenne des droits de l’homme
La Convention européenne des droits de l’homme est un traité international en vertu duquel les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe garantissent les droits fondamentaux, civils et politiques, non seulement à leurs ressortissants, mais aussi à toutes les personnes relevant de leur juridiction. Adoptée le 4 novembre 1950 à Rome, la Convention est entrée en vigueur en 1953. La Convention garantit notamment :
- le droit à la vie (article 2),
- le droit à un procès équitable (article 6),
- le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8),
- la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 9),
- la liberté d’expression (article 10).
L’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que les arrêts rendus par la CEDH ont une « force contraignante » et doivent donc être exécutés par les Etats qui sont parties : « 1. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties« .
A noter enfin que la Convention n’établit pas de dispositions explicites relatives à l’environnement ou au changement climatique. Cependant, un groupe de travail sur l’environnement, le Comité directeur pour les droits humains (CDDH-ENV), a été mis en place en avril 2021 au sein du Conseil de l’Europe. Il a élaboré une recommandation non-contraignante (réf. recommandation CM/Rec(2022)20) aux États membres sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement. Le Comité des Ministres reconnaît que « les mesures pour faire face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution sont essentielles à une meilleure jouissance des droits de l’homme » et que « la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits de l’homme et un environnement propre, sain et durable pour les générations actuelles et futures ». Des discussions ont été menées de façon informelle sur la question de reconnaître le droit à un environnement sain dans le cadre du Conseil de l’Europe et de ses 46 Etats membres. Elles n’ont, pour l’instant, pas abouti à des propositions concrètes (par exemple via une proposition de protocole à la Convention en ce sens (source : Climate Home News, « Pressure builds on Council of Europe to put right to healthy environment in law », 3 mai 2023).
Bref historique de la requête
Dans cette affaire (réf. n° 53600/20), la première requérante est l’association de droit suisse, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, qui a été créée pour promouvoir et mettre en œuvre des mesures effectives de protection du climat pour le compte de ses membres, à savoir plus de 2 500 femmes âgées de 64 ans et plus. Les autres requérantes sont quatre femmes, toutes adhérentes de l’association et âgées de plus de 80 ans, qui se plaignent de problèmes de santé exacerbés lors des vagues de chaleur, affectant considérablement leur vie, leurs conditions de vie et leur bien-être. La plus âgée des quatre, née en 1931, est décédée au cours de la procédure devant la CEDH. Le premier recours des requérantes (saisine du Conseil fédéral suisse) remonte au 25 novembre 2016.
Premier grief : violation des articles 2 et 8
Les requérantes considèrent que les autorités suisses, malgré les obligations que leur impose la Convention européenne des droits de l’homme (voir encadré ci-dessus), ne prennent pas des mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique. Plus précisément, les requérantes se plaignent de divers manquements des autorités suisses relativement à l’atténuation du changement climatique qui, selon-elles, ont des conséquences négatives sur leur vie, leurs conditions de vie et leur santé. Elles reprochent à la Confédération suisse d’avoir manqué à l’obligation que lui impose la Convention européenne des droits de l’homme de protéger de manière effective la vie (article 2) et d’assurer le respect de leur vie privée et familiale, y compris de leur domicile (article 8). À cet égard, elles prétendent que l’État n’a pas adopté une législation appropriée, ni mis en place des mesures adéquates et suffisantes pour atteindre les objectifs nationaux suisses en matière de lutte contre le changement climatique, comme le prévoient ses engagements internationaux.
Deuxième grief : violation de l’article 6 § 1
Elles affirment en outre n’avoir pas eu accès à un tribunal au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, soutenant que les juridictions suisses n’ont pas répondu de manière adéquate à leurs demandes et ont rendu des décisions arbitraires et attentatoires à leurs droits civils, en ce qui concerne le manquement de l’État à prendre les mesures nécessaires pour faire face aux effets néfastes du changement climatique.
Troisième grief : violation de l’article 13
Enfin, les requérantes se plaignent d’une violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un recours effectif), soutenant qu’elles n’avaient pas disposé d’un recours interne effectif relativement à leurs griefs tirés des articles 2 et 8 de la Convention.
Suite des évènements après la saisine de la CEDH
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 26 novembre 2020. Le 17 mars 2021, elle a été communiquée au gouvernement suisse, assortie de questions posées par la CEDH. Par ailleurs, la chambre a décidé de réserver à cette requête un traitement prioritaire, comme le permet l’article 41 du règlement de la CEDH.
Une audience s’est déroulée en public le 29 mars 2023.
L’arrêt de la CEDH et ses motifs
L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges (dont le Français Mattias Guyomar). Cet arrêt est définitif, c’est-à-dire qu’il n’est pas susceptible d’appel. Dans son arrêt, la CEDH souligne, à la majorité de seize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, et, à l’unanimité, violation de l’article 6 § 1 (accès à un tribunal).
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
Aux termes de l’article 8.1, « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». La CEDH juge indirectement, même si le sujet de l’environnement ou du climat n’est pas explicitement évoqué à l’article 8 de la Convention, que celui-ci consacre un droit à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie. Dans ce contexte, le devoir primordial d’un État qui est partie à la Convention est d’adopter, et d’appliquer concrètement, une réglementation et des mesures aptes à atténuer les effets actuels et futurs, potentiellement irréversibles, du changement climatique. Cette obligation découle du lien de causalité existant entre le changement climatique et la jouissance des droits garantis par la Convention, et du fait que l’objet de la Convention, instrument de protection des droits de l’homme, appelle à interpréter et appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les garanties concrètes et effectives. La CEDH souligne qu’elle n’est compétente que pour interpréter les dispositions de la Convention et de ses Protocoles. Elle note toutefois que, conformément aux engagements internationaux pris par les États membres, spécifiquement au titre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris, et étant donné les informations scientifiques incontestables fournies, en particulier, par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les États doivent mettre en place la réglementation et les mesures nécessaires pour prévenir une augmentation des concentrations de GES dans l’atmosphère et une élévation de la température moyenne de la planète à des niveaux qui pourraient avoir des répercussions graves et irréversibles sur les droits de l’homme protégés par l’article 8. Le respect effectif de ces droits exige des États qu’ils prennent des mesures pour réduire leurs niveaux d’émission de GES afin d’atteindre la neutralité climatique (zéro émission nette), en principe au cours des trois prochaines décennies. À cet égard, il faut que les États mettent en place des objectifs et calendriers pertinents, lesquels doivent faire partie intégrante du cadre réglementaire interne et servir d’assise aux mesures d’atténuation.
La CEDH conclut que la Confédération suisse a manqué aux obligations que la Convention lui imposait, découlant de l’article 8, d’élaborer et d’adopter un cadre réglementaire fixant les objectifs requis en matière de lutte contre le changement climatique. Le processus de mise en place du cadre réglementaire interne pertinent a comporté de graves lacunes, notamment un manquement des autorités suisses à quantifier, au moyen d’un budget carbone ou d’une autre manière, les limites nationales applicables aux émissions de gaz à effet de serre (GES). De plus, la Suisse n’a pas atteint ses objectifs nationaux passés de réduction des émissions de GES. Tout en reconnaissant que les autorités nationales jouissent d’une importante marge d’appréciation quant à l’application d’une législation et de mesures, la CEDH constate que les autorités suisses n’ont pas agi en temps utile et de manière appropriée afin de concevoir, élaborer et mettre en œuvre la législation et les mesures pertinentes.
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme
La CEDH estime dans son arrêt que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique au grief de l’association requérante qui concerne la mise en œuvre effective des mesures d’atténuation prévues par le droit interne en vigueur. Elle constate que les juridictions suisses n’ont pas expliqué de façon convaincante pourquoi elles ont estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondé des griefs de l’association requérante. Selon la CEDH, ces juridictions n’ont pas tenu compte des données scientifiques incontestables concernant le changement climatique et n’ont pas pris au sérieux les griefs formulés.
L’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme
La CEDH estime que les requérants n’ont pas de grief défendable sous l’angle de l’article 13 et que celui qu’elles ont présenté est incompatible avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
L’article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme
Enfin, constatant cependant que les quatre requérantes individuelles ne remplissent pas les critères relatifs à la qualité de victime aux fins de l’article 34 de la Convention, la CEDH déclare leurs griefs irrecevables. Elle considère en revanche que l’association requérante, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, est habilitée à agir en justice face aux menaces liées au changement climatique au sein de l’État défendeur, pour le compte de personnes souhaitant faire valoir de manière défendable que leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie tels que protégés par la Convention se trouvent exposés à des menaces ou conséquences néfastes spécifiques liées au phénomène en question.
Reconnaissance des travaux scientifiques du Giec
Pour parvenir aux conclusions dans son arrêt à l’encontre de la Suisse, la CEDH s’appuie sur des études et rapports établis par des organes internationaux compétents au sujet d’impacts environnementaux sur les individus. Spécifiquement sur la question du changement climatique, la CEDH souligne l’importance particulière des rapports établis par le Giec et la méthodologie exhaustive et rigoureuse utilisée pour les réaliser. En citant les rapports du Giec et la grande qualité de ces travaux, l’arrêt reconnaît à plusieurs endroits la réalité scientifique du risque climatique. Cet arrêt confirme donc l’importance, la pertinence et la portée des rapports d’évaluation du Giec, et par extension, le consensus scientifique sur le changement climatique, ses impacts graves sur la santé humaine et le fait que l’enjeu climatique relève de l’urgence.
Prochaines étapes et mécanisme de suivi
Tout État défendeur reconnu responsable d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme est tenu de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres (l’instance de décision du Conseil de l’Europe), les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à inscrire dans son cadre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la CEDH et de redresser la situation. Dans certaines affaires, la Cour a jugé utile d’indiquer le type de mesures, individuelles et/ou générales, que l’État concerné pourrait prendre pour mettre fin au problème à l’origine du constat de violation.
En l’espèce, étant donné la complexité et la nature des questions en jeu, la CEDH constate qu’elle ne saurait se montrer précise ou prescriptive quant aux mesures à mettre en œuvre pour se conformer de manière effective à son arrêt du 9 avril 2024. Compte tenu de la marge d’appréciation qui est accordée à l’État dans le domaine en question, elle estime que la Confédération suisse, avec l’assistance du Comité des Ministres (voir paragraphe précédent), est mieux placé qu’elle pour déterminer précisément les mesures à prendre. C’est donc au Comité des Ministres qu’il appartient de vérifier, à partir des informations fournies par l’État défendeur, que les mesures visant à assurer que les autorités nationales se conforment aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme, telles que clarifiées dans l’arrêt, ont été adoptées.
Les deux autres affaires sur lesquelles la CEDH a statué le 9 avril 2024
Le 9 avril 2024, la Grande Chambre de la CEDH a également statué sur deux autres affaires, les jugeant irrecevables :
- l’affaire Carême c. France concerne la plainte d’un ancien résidant et maire de la commune de Grande-Synthe (Damien Carême) qui soutient que l’action de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique est insuffisante, dénonçant à cet égard une violation de l’obligation de garantir le droit à la vie et le respect de la vie privée et familiale. La CEDH a déclaré irrecevable la requête en raison du défaut de qualité de victime du requérant selon l’article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme (voir encadré ci-dessous);
- l’affaire Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres Etats concerne les effets actuels et les graves effets futurs du changement climatique, que les requérants attribuent aux États défendeurs, qui, selon eux, ont des effets sur leur vie, leur bien-être, leur santé mentale et les agréments de leur foyer. Quant à la juridiction extraterritoriale des États défendeurs autre que le Portugal, la CEDH a conclu au terme de son examen qu’il n’existait dans la Convention aucun fondement propre à justifier qu’elle étende la juridiction extraterritoriale de la manière demandée par les requérants. Les requérants n’ayant exercé aucune voie de droit disponible au Portugal pour faire valoir leurs griefs, il s’ensuit que le grief dirigé par les requérants contre le Portugal est également irrecevable pour non-épuisement des voies de recours nationaux. La CEDH a donc déclaré irrecevables les requêtes introduites contre le Portugal et les autres États.
Conséquences de cet arrêt en Europe
Voir encadré en fin d’article sur la hausse des contentieux climat dans le monde.
Sur la forme
En droit international, les arrêts de la CEDH ont une valeur contraignante et s’imposent aux Etats concernés qui doivent s’y conformer. C’est l’État en question (la Suisse en l’occurrence ici) qui est responsable de l’exécution des arrêts de la CEDH. L’État doit s’assurer que les violations de la Convention constatées par la CEDH prennent fin et qu’elles ne se reproduiront plus (source : CEDH, Questions-réponses, voir question n°37). L’arrêt du 9 avril 2024 est donc contraignant pour la Suisse.
Ni les arrêts rendus par la Grande Chambre de la CEDH, ni ses décisions d’irrecevabilité (dont celles portant sur les deux autres affaires – voir plus haut), ne peuvent faire l’objet d’appel. Ils sont donc définitifs (source : CEDH, Questions-réponses, voir question n°31).
A noter qu’en cas de non-respect de l’exécution d’un arrêt de la CEDH, aucune sanction ne sera prononcée, ni par la CEDH, ni par le Comité de Ministres du Conseil de l’Europe.
Sur le fond
Avec cet arrêt, la CEDH confirme que la protection du climat constitue un droit humain.
Cet arrêt ne concerne pas uniquement la Suisse : il est de portée universelle. Il pourrait notamment faire jurisprudence dans tous les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont les mêmes obligations en matière de droits de l’homme. L’arrêt pourrait ainsi accentuer la pression sur les Gouvernements des 45 autres Etats membres pour qu’ils renforcent leur action climat nationale. Il pourrait inciter d’autres ONG à saisir la CEDH, en introduisant des requêtes contre l’inaction climatique d’autres Etats qui sont parties à la Convention européenne des droits de l’homme, à l’instar de celle de l’association Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et ce, sur la base des principes énoncés dans l’arrêt du 9 avril 2024. Si l’arrêt renvoie la responsabilité de l’action climat directement au Gouvernement suisse il s’adresse indirectement à tous ces Etats, leur rappelle que le changement climatique menace de fait les droits humains et pas uniquement l’environnement, et leur rappelle leurs responsabilités dans l’action climat, en insistant sur leur rôle incontournable en la matière.
Des organes judiciaires nationaux (cours ou tribunaux) ont déjà relié le climat aux violations des droits de l’homme mais c’est la première fois qu’une cour internationale a statué sur la question de savoir si le manque d’action climat constitue une violation des droits de l’homme. C’est donc la première fois qu’une cour internationale dédiée à la protection des droits de l’homme a directement confirmé le droit à la protection du climat, en établissant un lien direct entre droits de l’homme et protection du climat.
Conséquences de cet arrêt au-delà de l’Europe
L’arrêt de la CEDH pourrait avoir un impact sur l’issue des contentieux climat en cours auprès de trois juridictions internationales :
Cour internationale de Justice
La Cour Internationale de Justice (CIJ) a été saisie par l’Assemblée générale des Nations Unies, AGNU (cf. résolution réf. A/RES/77/276 adoptée lors de sa 77e session le 29 mars 2023) pour donner un avis consultatif sur les obligations des Etats à l’égard du changement climatique.
Concrètement, l’AGNU demande à la CIJ, par rapport notamment à la Convention Climat, à l’Accord de Paris et au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement :
- quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique contre les émissions anthropiques de GES ?
- lorsque les États, par leurs actions ou inaction, ont causé des dommages significatifs au système climatique, quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations à l’égard :
- des États, notamment des petits États insulaires qui, de par leur situation géographique et leur niveau de développement, sont lésés ou particulièrement touchés par les effets néfastes des changements climatiques ou qui sont particulièrement vulnérables à ces effets ?
- des peuples et des individus des générations présentes et futures touchés par les effets néfastes des changements climatiques ?
C’est le Vanuatu, petit Etat insulaire du Pacifique sud, au nord de la Nouvelle Calédonie, qui est à l’origine de cette initiative inédite lancée en 2019.
La CIJ devrait se prononcer sur cette requête courant 2024.
Lire notre article « Justice climatique : l’Assemblée générale de l’ONU demande un avis à la Cour Internationale de Justice sur les obligations des Etats en matière d’action climat », publié le 16 mai 2023.
Cour interaméricaine des droits de l’homme
Les Gouvernements du Chili et de la Colombie ont saisi le 9 janvier 2023 la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Inter-American Court of Human Rights ou I/ACHR) d’une requête d’avis consultatif concernant l’urgence climatique et les droits humains. Concrètement, ces deux Etats ont demandé à l’IACHR de clarifier la portée des obligations des États, à titre individuel et collectif (responsabilités partagées), de répondre à l’urgence climatique dans le cadre du droit international des droits de l’homme.
Tribunal international du droit de la mer
Le 12 décembre 2022, la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, soutenue par Antigua-et-Barbuda et Tuvalu, a sollicité l’avis du Tribunal international du droit de la mer (International Tribunal for the Law of the Sea ou ITLOS) sur une question juridique concernant la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS – voir texte de la Convention), adoptée en 1982, et qui définit un régime de droit mondial pour les océans et les mers de la planète et établit les règles détaillées sur toutes les utilisations des océans et l’accès à leurs ressources. La question juridique posée à l’ITLOS était : Quelles sont les obligations spécifiques des États parties à l’UNCLOS, y compris au titre de la partie XII (protection et préservation du milieu marin) ?
- prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin en ce qui concerne les effets délétères qui résultent ou sont susceptibles de résulter du changement climatique, y compris le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer, ainsi que l’acidification des océans, qui sont induits par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ?
- de protéger et de préserver le milieu marin face aux effets du changement climatique, y compris le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer, ainsi que l’acidification des océans ?
Réactions vis-à-vis de l’arrêt de la CEDH
Citée par Les décideurs juridiques, l’ancienne Ministre de l’Environnement, Corinne Lepage, avocate associée chez Huglo-Lepage (qui représente la commune de Grande-Synthe dans l’affaire contre le Gouvernement français pour insuffisance des mesures de réduction des émissions de GES – lire notre article), souligne l’importance de la décision : « C’est la première fois qu’une juridiction internationale reconnaît que la carence climatique d’un État porte atteinte aux droits humains. Cela avait déjà été consacré par des juridictions nationales, au Montana (Etats-Unis) ou en Allemagne (voir encadré en fin d’article), mais jamais par une juridiction internationale ».
L’arrêt de la CEDH contre la Suisse pourrait ouvrir la porte à la justice climatique, mais elle le fait à des conditions très strictes. Selon Corinne Lepage, « la Cour rappelle les conditions très rigoureuses quant à la particularité du dommage climatique et à la situation du requérant ». Pour pouvoir se prévaloir de la qualité de victime d’un grief climatique, la Cour indique dans sa décision sur la Suisse qu’il faut démontrer qu’on est « personnellement et directement touché par l’action ou l’inaction des pouvoirs publics ». Deux critères rentrent en ligne de compte : « une exposition de manière intense aux effets néfastes du changement climatique” et un “besoin impérieux d’assurer la protection individuelle du requérant ».
Corinne Lepage précise par ailleurs que “la Cour étend un peu sa jurisprudence sur la recevabilité des associations », car même si elle exclut les actions des particuliers, elle juge opportun d’autoriser une association à agir en justice « compte tenu de la nature particulière du changement climatique, sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière, et de la nécessité de favoriser la répartition intergénérationnelle de l’effort » aux termes de l’arrêt.
La CEDH a procédé à un examen extrêmement minutieux de la politique climat menée par la Suisse pour arriver à la conclusion qu’il y avait un manquement à ses obligations en matière de climat. Selon Corinne Lepage, c’est aussi en cela que la décision est historique : la CEDH a reconnu pour la première fois que la carence climatique d’un État portait atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
(Source : Décideurs juridiques, « Justice climatique devant la CEDH : la Suisse condamnée, les requêtes françaises et portugaises rejetées », 10 avril 2024).
Quant à l’avocat spécialisé en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, il qualifie l’arrêt de « révolutionnaire » et « historique », notamment car il fait un pont entre droits de l’homme et changement climatique (source : tweet du 9 avril 2024). L’arrêt étend les droits de l’homme à la protection du climat. « Ce qui est fondamental, c’est que la CEDH étend les droits de l’homme à la question climatique », indique Arnaud Gossement, cité par Le Monde. Un « nouveau droit est clairement défini » : celui des individus à être protégés par les Etats contre les effets néfastes du dérèglement climatique, dont la menace est maintenant reconnue par la CEDH. Ce lien avait déjà été établi par des juridictions nationales, comme aux Pays-Bas ou en Belgique, mais jamais au niveau international (source : Le Monde, « La condamnation suisse par la CEDH, une étape « historique » dans la lutte contre le changement climatique », 11 avril 2024).
La CEDH a considéré, dans l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, que la Suisse doit réduire davantage ses émissions de GES afin de défendre les droits de l’homme. Arnaud Gossement considère fondamental la reconnaissance du droit des individus à une protection effective des Etats contre le changement climatique, au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon lui, « le contentieux climat va s’enrichir d’une nouvelle question : celle du respect de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme mais le niveau d’exigence et de rigueur des requêtes devra être très élevé [pour qu’elles soient jugées recevables par la CEDH] et le juge national devra d’abord être saisi » (source : Arnaud Gossement cité dans actu-environnement du 9 avril 2024).
Arnaud Gossement ajoute qu’en vertu de cet arrêt, la Cour affirme que « tout Etat ne doit pas se limiter à de grands objectifs [en matière de lutte contre le réchauffement climatique et d’adaptation] mais doit se doter d’un droit complet s’agissant des moyens pour les atteindre » (source : tweet du 9 avril 2024).
Enfin, Laurence Burgorgue-Larsen, professeure de droit public à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, citée par Reporterre souligne que « Si elle resserre la notion de victime directe, la Cour reconnaît de l’autre côté la qualité pour agir des associations, le fait qu’elles puissent saisir la CEDH. C’est énorme et c’était loin d’être gagné d’avance. Ça ouvre la porte aux associations pour d’autres contentieux […] ». Sur le fond, donc, la CEDH acte qu’elle est compétente pour juger des enjeux climatiques, et que les responsables du dérèglement du climat, États comme entreprises, pourraient être condamnés au motif de l’atteinte aux droits humains (source : Reporterre, « Climat : pourquoi la condamnation de la Suisse est un « coup de tonnerre », 9 avril 2024).
En savoir plus
Communiqué de la CEDH sur l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz contre Suisse en français et en anglais
Communiqué de la CEDH sur l’affaire Damien Carême contre France en français et en anglais
Communiqué de la CEDH sur l’affaire Duarte Agostinho contre Portugal et 32 autres Etats en français et en anglais
Arrêt de la CEDH en français
Résumé juridique de l’affaire
Questions-réponses sur l’arrêt et les décisions rendus dans les trois affaires concernant le changement climatique
CEDH : La CEDH en 50 questions, 2021
Les enjeux des trois affaires, blog d’Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement, 5 avril 2024 (donc publié avant l’arrêt et les deux décisions)
Forte hausse des contentieux climat dans le monde
Au niveau mondial
Au niveau mondial, le nombre de contentieux climat est en forte hausse ces dernières années. Selon le troisième rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) présentant un état des lieux des contentieux liés au climat dans le monde (Global Climate Litigation Report : 2023 Status Review), publié le 27 juillet 2023, les contentieux liés au climat sont en progression, tant en ce qui concerne le nombre d’actions en justice intentées, que le nombre de pays concernés. Ainsi, le nombre total des contentieux climatiques a plus que doublé depuis la première édition de ce rapport (2017), passant de 884 en 2017 à 1 550 en 2020 pour atteindre 2 180 en 2022.
Les contentieux climat peuvent exercer une pression sur les gouvernements pour qu’ils renforcent leur ambition et action climat. Puisque l’Accord de Paris ne prévoit pas de dispositif de sanctions juridiques à l’encontre des Etats qui ne mettent pas en œuvre leurs contributions nationales (NDC) ou qui ne respectent pas les objectifs de réduction qu’ils se sont fixés (voir p.16 de notre dossier spécial sur la COP-21), de plus en plus, la société civile (les instituts de réflexion, les ONG, les médias, les citoyens en tête) guette, suit de près et évalue en détail les NDC (qui sont en libre accès sur le site de la CCNUCC), les progrès réalisés par les Etats pour atteindre leurs objectifs et demandent des comptes à leurs Gouvernements. La transparence met en jeu la crédibilité et la réputation de chaque Etat vis-à-vis des autres Etats (pression des pairs) et vis-à-vis de l’opinion publique (pression de celle-ci). Ainsi, la pratique de montrer du doigt un pays retardataire (« name and shame« ), voire d’en faire l’objet d’une censure internationale, fait de plus en plus office de « sanction » (à défaut de sanctions juridiques) et devrait encourager les pays à respecter leurs engagements.
Lire notre article « Les contentieux liés au climat ont plus que doublé dans le monde entre 2017 et 2022 : un outil clé contre l’inaction des Etats, des collectivités et des entreprises vers la justice climatique », publié le 21 août 2024.
France
La France connaît surtout deux contentieux climat :
« L’affaire du siècle »
L’affaire du siècle est une action en justice portée aujourd’hui par trois ONG requérantes (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France), mettant l’Etat en cause pour inaction climatique, en particulier concernant le non-respect du premier budget carbone (2015-2018) de la SNBC-1. A cette fin, en mars 2019, elles ont saisi le tribunal administratif de Paris. C’est la première fois que la question de la responsabilité de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique était posée au juge.
Le tribunal administratif de Paris a rendu un premier jugement le 3 février 2021, condamnant ainsi l’Etat à réparer le préjudice moral des associations à hauteur d’un euro symbolique, « compte tenu des carences fautives de l’État à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés » (lire notre article).
Le 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rendu un 2e jugement enjoignant à l’Etat de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. A cette fin, le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018 – valeurs ajustées en 2018), soit 15 Mt CO2e « et sous réserve d’un ajustement au regard des données estimées du Citepa au 31 janvier 2022 », soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard. Il n’assortissait pas, « à ce stade », cette injonction d’une astreinte (lire notre article).
Le 14 juin 2023, les trois organisations requérantes de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France) ont déposé un nouveau mémoire au tribunal administratif de Paris. Ils affirmaient ainsi que l’État n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique et demandaient donc au tribunal d’exiger de l’État qu’il prenne des mesures supplémentaires et de prononcer une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros pour les neuf premiers semestres de retard déjà cumulés (lire notre article).
Le 3 novembre 2023, les trois organisations requérantes ont remis aux juges deux nouveaux rapports visant à démontrer que les baisses d’émissions de GES mises en avant par le Gouvernement sont liées à des facteurs conjoncturels (lire notre article).
Le 22 décembre 2023, par un jugement (réf. n°2321828/4-1), le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d’astreinte présentée par les trois associations requérantes pour assurer l’exécution de son jugement rendu le 14 octobre 2021. Le nouveau jugement précise que si l’Etat n’a pas complètement réparé, à la date du 31 décembre 2022, le préjudice écologique résultant du dépassent du budget carbone pour la période 2015-2018, le rythme de réduction des émissions de GES constaté et le plafond indicatif fixé pour 2023 ne rendent pas nécessaire le prononcé de mesures d’exécution supplémentaires (mesure d’injonction ou d’astreinte).
Le 22 février 2024, s’opposant à ce dernier jugement du tribunal administratif de Paris, les trois organisations requérantes ont annoncé qu’elles allaient se pourvoir en cassation devant la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’Etat.
Grande-Synthe
Fin 2018, la commune de Grande-Synthe (Nord), et son maire de l’époque, Damien Carême, ont saisi le Conseil d’Etat, en déposant une requête contre le Gouvernement au motif de l’insuffisance des mesures de réduction des émissions de GES mises en œuvre pour respecter les objectifs nationaux de la France à l’horizon 2030. Le Conseil d’Etat a rendu une décision inédite le 1erjuillet 2021 (lire notre article | lire également notre dernier article sur ce sujet publié le 11 mai 2023).
Allemagne
Quatre plaintes avaient été déposées par des associations environnementales, au motif que les objectifs de réduction nationaux des émissions de GES fixés (objectif de -55% entre 1990 et 2030 et trajectoire de réduction fixés dans la loi fédérale sur la protection du climat du 12 décembre 2019 (Bundes-Klimaschutzgesetz ou KSG)) ne permettait pas de lutter suffisamment contre le réchauffement climatique, en vertu de la Constitution allemande (Grundgesetz, article 20a). Dans un jugement rendu le 29 avril 2021, la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) a alors partiellement fait aboutir ces plaintes, en rejetant le 29 avril 2021, les objectifs de la loi climat en statuant que cette loi n’était « pas conforme aux droits fondamentaux » des jeunes générations, et qu’elle reportait de trop gros efforts à la période post-2030. Elle a ainsi demandé au Gouvernement de renforcer l’action pré-2030. Six jours plus tard, le 5 mai 2021, le gouvernement allemand, via le Ministre des Finances et la Ministre de l’Environnement, a annoncé, rehausser son objectif 2030 de -55% à -65%, fixer un objectif intermédiaire de -88% pour 2040 et viser la neutralité carbone dès 2045 et non plus en 2050. Un projet de loi modifiant la loi fédérale sur la protection du climat pour fixer formellement ces nouveaux objectifs de réduction (base 1990) a été présenté en Conseil des Ministres le 12 mai 2021 (lire notre article).
Pays-Bas
Un groupe environnemental néerlandais, la Fondation Urgenda, et 900 citoyens néerlandais ont intenté un procès au gouvernement néerlandais pour l’obliger à faire davantage pour prévenir le changement climatique mondial. Le 24 juin 2015, le tribunal de grande instance (District Court en anglais ou Gerechtshof en néerlandais) de La Haye a ordonné à l’État néerlandais de réduire, d’ici à 2020, ses émissions de GES de 25% par rapport au niveau de 1990, estimant que l’objectif de réduction existant du Gouvernement néerlandais (-17%) était insuffisant pour que l’État apporte sa juste contribution à l’objectif mondial de +2°C. Le tribunal a conclu que l’État a le devoir de prendre des mesures de réduction en raison de « la gravité des conséquences du changement climatique et du risque élevé qu’il se produise ». Il s’agit de la première décision au monde d’un tribunal qui ordonne à un État de réduire les émissions de GES pour des raisons autres que des obligations issues d’un acte législatif ou réglementaire. Cette décision a ainsi imposé une obligation juridique au Gouvernement de réduire les émissions du pays.
Le Gouvernement néerlandais a ensuite soumis 29 motifs d’appel, suite à quoi Urgenda a introduit un appel incident.
Le 9 octobre 2018, la Cour d’appel de La Haye a confirmé le jugement du tribunal de grande instance, concluant qu’en ne réduisant pas les émissions de GES d’au moins 25 % d’ici fin 2020, le Gouvernement néerlandais agit illégalement en violation de son devoir de diligence en vertu des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La Cour a reconnu la demande d’Urgenda au titre de l’article 2 de la CEDH, qui protège le droit à la vie, et de l’article 8 de la CEDH, qui protège le droit à la vie privée, à la vie familiale, au domicile et à la correspondance. La Cour a déterminé que le Gouvernement néerlandais a l’obligation, en vertu de la CEDH, de protéger ces droits contre la menace réelle du changement climatique.
Le 12 avril 2019, le Gouvernement néerlandais a fait appel (appel en cassation) de la décision auprès de la Cour suprême (Hoge Raad) des Pays-Bas qui a examiné l’appel le 24 mai 2019. Le 13 septembre 2019, l’avocat et le procureur général (des officiers judiciaires indépendants) ont émis un avis formel recommandant à la Cour suprême de confirmer la décision.
Le 20 décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a confirmé la décision au regard des articles 2 et 8 de la CEDH.
Voir les étapes clés de ce recours en plus grand détail (source : base de données du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment).
Belgique
Le 17 juin 2021, le tribunal de 1ère instance en Belgique a jugé que l’État fédéral belge n’a pas agi de manière suffisamment prudente et diligente concernant la lutte contre le changement climatique et qu’il a dès lors enfreint l’article 1382 du Code civil sur le devoir de diligence responsable (voir jugement). Le tribunal a également considéré que les droits à la vie et à la vie privé des plaignants, protégés par les articles 2 et 8 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), étaient violés. Cependant, et au nom du principe de la séparation de pouvoirs, le tribunal a estimé qu’il n’était pas de sa compétence d’enjoindre au gouvernement d’agir de manière concrète (source : IDDRI, 30 juin 2021).
En savoir plus
- PNUE (2023). Global Climate Litigation Report: 2023 Status Review. 27 juillet 2023. Consulter le communiqué et le rapport
- Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment/Columbia Law School/Centre for Climate Change Economics and Policy (2021). Global Trends in Climate Change Litigation : 2023 snapshot. 29 juin 2023. Consulter le communiqué, les messages clés, le rapport et la présentation(slides)