UNEA-6 : pas de consensus sur la création d’un groupe d’experts sur la modification du rayonnement solaire (SRM)
Après un appel par de nombreux scientifiques à travers le monde à un accord sur la non-utilisation de la modification du rayonnement solaire (SRM), technologie de géo-ingénierie controversée, les 193 Etats membres du PNUE, réunis pour leur 6e Assemblée générale, ne sont pas parvenus à un consensus pour mettre en place un groupe d’experts chargé d’examiner les risques, les impacts et le potentiel de la SRM. Quoi qu’il en soit, un moratoire de facto sur les activités de géo-ingénierie (dont la SRM) est en place depuis 2010 dans le cadre de la Convention sur la biodiversité. Il avait été décidé lors de la 10e réunion de ses Parties (COP-10).
Lors de la 6e Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA-6), qui s’est tenue à Nairobi (Kenya) du 26 février au 1er mars 2024, une proposition de résolution sur la modification du rayonnement solaire (SRM) soumise par la Suisse et soutenue par Monaco et la Guinée, a fait l’objet de discussions.
L’UNEA
L’UNEA est la plate-forme de haut niveau des Nations Unies pour la prise de décision dans le domaine de l’environnement. Elle réunit l’ensemble des 193 pays membres du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE ou UNEP en anglais). L’UNEA est issue des travaux réalisés à la Conférence Rio+20 (20-22 juin 2012 – voir CDL n°159 p.4). La première Assemblée a eu lieu du 23 au 27 juin 2014 (lire notre article).
Contexte : la SRM en bref
La SRM est une technologie de géo-ingénierie à forts enjeux qui n’est pas encore prouvée, ni commercialisable. Elle figure parmi les technologies de géo-ingénierie les plus controversées, étant surtout entourée de très grandes incertitudes et de lacunes en termes de connaissances scientifiques et d’impacts sur le système climatique mondial et soulevant également des questions éthiques. Aucun traité ou accord juridique international n’existe pour encadrer la géo-ingénierie et donc aucune règle internationale n’a été fixée pour encadrer ce que les Etats ou les acteurs non-étatiques peuvent ou ne peuvent pas faire.
Les méthodes de modification du rayonnement solaire
Source : Climate Overshoot Commission, rapport final, 14 septembre 2023 (p.89).
Un moratoire de facto sur la géo-ingénierie est en place depuis….2010
Le 29 octobre 2010, au terme de la 10e Conférence des Parties à la Convention sur la biodiversité (COP-10, 18-29 octobre 2010 à Nagoya, Japon), les Parties avaient adopté la décision X/33 qui établit implicitement un moratoire sur la géo-ingénierie (dont la SRM), à l’exception d’études de recherche scientifique à petite échelle, cf. décision X/33, paragraphe (w), voir p.294). Même si ce paragraphe (w) ne comporte pas explicitement le mot « moratoire », celui-ci est clairement impliqué :
« S’assurer […] en l’absence de mécanismes réglementaires, de contrôle pour la géo-ingénierie qui soient efficaces, transparents, à l’échelle planétaire et fondés sur la science, et conformément à l’approche du principe de précaution […], qu’aucune activité de géo-ingénierie liée aux changements climatiques n’est entreprise, qui pourrait avoir un impact sur la diversité biologique, tant qu’il n’existe pas de base scientifique adéquate permettant de justifier de telles activités et d’examen approprié des risques associés pour l’environnement et la diversité biologique, ainsi que des impacts sociaux, économiques et culturels associés, à l’exception des études de recherches scientifiques à petit échelle qui pourraient être menées dans un environnement contrôlé […], et seulement si elles sont justifiées par le besoin de rassembler des données scientifiques et sont sujettes à une évaluation préalable approfondie des impacts potentiels sur l’environnement »
En clair, via la décision X/33 de la COP-10 de la Convention sur la biodiversité, ses Parties ont invoqué le principe de précaution pour interdire les activités de géo-ingénierie au moins jusqu’à ce qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Ainsi, l’interdiction s’applique :
(1) tant qu’il n’existe pas de mécanismes réglementaires, de contrôle pour la géo-ingénierie qui soient efficaces, transparents, à l’échelle planétaire et fondés sur la science ;
(2) conformément à l’approche du principe de précaution ;
(3) tant qu’il n’existe pas de base scientifique adéquate pour justifier la géo-ingénierie ; et
(4) tant qu’il n’y a pas de prise en compte appropriée des risques pour l’environnement et la biodiversité, ainsi que des impacts sociaux, économiques et culturels.
Les seules exceptions spécifiquement prévues sont des études de recherche scientifique à petite échelle qui répondraient à quatre conditions spécifiques :
- des études qui pourraient être menées dans un environnement maîtrisé ;
- des études exercées dans les limites de leur juridiction nationale ou sous leur contrôle (conformément à l’article 3 de la Convention sur la biodiversité) ;
- seulement si elles sont justifiées par le besoin de recueillir des données scientifiques ;
- seulement si elles sont soumises à une évaluation approfondie préalable des impacts potentiels sur l’environnement.
Selon certains observateurs, cette décision aurait indirectement affirmé le rôle de chef de file des Nations Unies pour aborder et débattre de cette problématique.
Appel à un accord sur la non-utilisation de la SRM
Le 17 janvier 2022, plus de 60 climatologues et universitaires spécialisés en matière de gouvernance à travers le monde ont lancé une initiative mondiale via une lettre ouverte appelant à un accord sur la non-utilisation de la SRM et ce, dans une démarche basée sur le principe de précaution. Aujourd’hui, la lettre a été signée par plus de 500 scientifiques et universitaires, dont Jean Jouzel et Hervé Le Treut en France.
Dans cette lettre, les signataires ont appelé les gouvernements, les Nations Unies, et l’ensemble des acteurs à agir contre la normalisation de la géo-ingénierie solaire comme instrument des politiques climatiques. Les gouvernements et les Nations Unies doivent assurer un contrôle politique effectif des technologies de géo-ingénierie solaire et restreindre leur développement à l’échelle planétaire. Plus précisément, ils ont appelé à l’adoption d’un accord international de non-utilisation de la géo-ingénierie solaire.
Les signataires de la lettre soulignent que la géo-ingénierie solaire est un sujet qui gagne de l’importance dans les débats sur la politique climatique au niveau international. Plusieurs scientifiques ont lancé des projets de recherche sur la géo-ingénierie solaire. Parmi ces scientifiques, certains considèrent que le recours à ces technologies pourrait faire partie des solutions politiques pour lutter contre le dérèglement climatique. Pour les signataires de la lettre, ces appels à la recherche et au développement de la géo-ingénierie solaire sont alarmants, notamment pour trois raisons majeures :
- premièrement, les risques de la géo-ingénierie solaire sont encore peu étudiés et compris et ne pourront être entièrement connus. Les impacts pourraient varier d’une région à l’autre et les effets de ces technologies sur les conditions météorologiques, l’agriculture et la fourniture des besoins essentiels en nourriture et en eau sont jusqu’à présent extrêmement incertains ;
- deuxièmement, les espoirs – spéculatifs au demeurant – que suscitent le développement des technologies de géo-ingénierie solaire menacent les engagements en matière d’atténuation des parties prenantes aux négociations climatiques et peuvent dissuader les gouvernements, les entreprises et l’ensemble de nos sociétés de faire tout leur possible pour parvenir à la décarbonation ou à la neutralité carbone le plus rapidement possible. L’éventuelle mise en place des technologies de géo-ingénierie solaire à grande échelle dans un futur proche risque de fournir un argument de poids aux lobbyistes, aux négationnistes du climat et à certains gouvernements pour remettre à plus tard la mise en œuvre de politiques de décarbonation ambitieuses ;
- troisièmement, le système de gouvernance mondiale n’est actuellement pas en mesure de développer et de mettre en œuvre un accord politique d’une portée et d’une ambition suffisantes pour contrôler le déploiement de la géo-ingénierie solaire de manière équitable, inclusive et efficace. L’Assemblée générale des Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour l’environnement ou la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques n’ont ni le mandat ni les moyens d’assurer un contrôle multilatéral équitable et efficace du déploiement des technologies de géo-ingénierie solaire à l’échelle planétaire.
Enfin, les signataires soulignent que les gouvernements et les Nations Unies devraient contrôler et restreindre le développement des technologies de géo-ingénierie solaire avant qu’il ne soit trop tard. Ils plaident pour l’adoption d’un accord international de non-utilisation de la géo-ingénierie solaire destiné particulièrement à lutter contre le développement et le déploiement de ces technologies à l’échelle globale. En revanche, ils ne souhaitent pas interdire la recherche sur l’atmosphère ou le climat en tant que telle, ni de restreindre la liberté académique. Cet accord se concentrerait plutôt exclusivement sur un ensemble spécifique de mesures visant à restreindre le développement des technologies de géo-ingénierie solaire sous la juridiction des parties à l’accord.
La proposition de résolution de la Suisse
Dans sa proposition de résolution (réf. UNEP/OECPR.6/L.14 [voir document PNUE du 24 février 2024, section VI, p.4], non accessible au public), tout en reconnaissant les risques potentiels et les impacts néfastes à l’échelle planétaire, la Suisse avait proposé la mise en place d’un groupe d’experts ayant justement pour mission d’examiner les risques, les effets transfrontaliers, ainsi que le potentiel de la SRM. Ce groupe d’experts serait composé de 25 spécialistes en la matière nommés par les Etats membres du PNUE et de représentants d’organismes et organisations scientifiques internationaux. Il aurait pour première mission d’établir un rapport scientifique complet sur la SRM. L’objectif principal de cette initiative serait de créer un espace de discussion éclairée sur la recherche relative au recours potentiel à la SRM et de fournir la possibilité d’adopter de futures décisions sur les modalités de gouvernance en la matière. Si cette proposition était approuvée par l’UNEA-6, le groupe d’experts se démarquerait de tout autre groupe précédent (notamment la Commission « overshoot » – voir l’avant-dernier encadré de notre présent article), car il serait investi d’un mandat clair de la part de l’ensemble des Etats membres du PNUE (source des informations contenues dans ce paragraphe : Climate Home News, 15 février 2024 d’après une note technique accompagnant la proposition suisse, non disponible au public). La proposition suisse a été formellement soutenue par Monaco, la Guinée, la Géorgie et le Sénégal.
Etat des lieux de la recherche scientifique sur la SRM : rapport du PNUE
Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié le 28 février 2023 un rapport présentant les résultats d’une expertise indépendante visant à dresser un état des lieux de la recherche scientifique sur la SRM. L’annexe I du rapport présente les principales technologies de SRM (voir pp.32-33).
Le groupe d’experts conclut dans son rapport :
- que la SRM ne doit pas se substituer à l’atténuation, laquelle doit rester la première priorité mondiale ;
- que la SRM n’est pas encore prêt pour un déploiement à grande échelle ;
- que le déploiement opérationnel de la SRM introduirait de nouveaux risques et de nouveaux impacts du changement climatique pour l’humanité et les écosystèmes. Il pourrait également avoir un impact nocif sur la couche d’ozone ;
- qu’étant donné ces risques, il est nécessaire d’établir un processus d’évaluation scientifique internationale pour identifier les incertitudes et les manques de connaissances sur sur la SRM et ses conséquences ;
- qu’avant d’envisager son éventuel déploiement, la SRM doit faire l’objet de recherches approfondies sur ses risques et bénéfices.
Voir rapport | communiqué | fiche questions/réponses
Le résultat à l’UNEA-6
Lors de l’UNEA-6, les délégués nationaux se sont montrés réticents à mener des discussions sur cette proposition, notamment en séance plénière. Beaucoup d’entre eux ont soulevé le manque de connaissances scientifiques et technologiques sur la SRM, ainsi que l’écart entre les pays industrialisés et les pays en développement en matière de ces connaissances. Certains délégués nationaux n’ont pas souhaité faire dupliquer le travail déjà en cours au sein du Giec sur ce sujet. Enfin, pour beaucoup d’entre eux, si cette résolution venait à être adoptée, elle pourrait envoyer un signal selon lequel ces technologies se seraient normalisées. Ainsi, elles seraient devenues une pratique acceptable (source : IISD, 4 mars 2024).
Dans ce contexte, des discussions sur le sujet de la proposition suisse ont été menées au sein des sous-groupes informels, lesquelles ont fait ressortir de profondes divergences d’opinion entre les différents Etats membres du PNUE. Ainsi, les pays africains se sont fermement opposés à toute possibilité de favoriser la SRM, soutenant plutôt une démarche basée sur la non-utilisation. En effet, le Président du groupe de négociation des pays africains, Alick Muvundika, avait écrit une lettre, en amont de l’UNEA-6, à son Président, proposant un mécanisme de gouvernance mondiale pour empêcher le recours à la SRM, c’est-à-dire pour garantir sa non-utilisation. Il a justifié cette position en soulignant que les risques environnementaux sont trop importants et que l’option de la SRM compromettrait les vraies solutions pour le climat (c’est-à-dire l’atténuation). Selon Climate Home News, cette position des pays africains a été soutenue par plusieurs pays (Colombie, Iles Fidji, Mexique, Vanuatu,…).
Plusieurs pays en développement ont également exprimé leur inquiétude quant à l’idée d’institutionnaliser les travaux sur le sujet au sein du PNUE, craignant que cela n’aboutisse au déploiement de technologies non éprouvées.
De l’autre côté, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et le Japon ont soutenu un amendement à la proposition de résolution portée par la Suisse pour reconnaître un axe de recherche pluridisciplinaire (Lighthouse activity) dans le cadre du Programme de recherche sur le climat mondial (World Climate Research Programme ou WCRP) portant sur l’intervention climatique (Research on Climate Intervention), dont la SRM.
Par ailleurs, le représentant du gouvernent mexicain a soulevé le fait que la proposition suisse ne prenait pas en compte la question des droits humains et n’était pas basée sur le principe de précaution.
En outre, le groupe des pays africains a appelé à la mise en place d’une base centrale de données (« repository ») rassemblant des informations relatives à la recherche scientifique existante sur la SRM, mais cette demande a été rejetée par l’Inde et les Etats-Unis, ce qui n’a donc pas permis de dégager le consensus nécessaire à la mise en place de cet outil.
Face à toutes ces divergences entre Etats, la Suisse a décidé dans la soirée du 28 février 2024 de retirer sa proposition de résolution. Par conséquent, devant l’incapacité des Etats à parvenir à un consensus sur ce sujet hautement controversée, le statu quo va continuer pour l’instant. Il n’y aura pas de mise en place d’un groupe d’experts, ni d’accord sur la non-utilisation de la SRM.
Selon certains observateurs, même si le résultat final est peu concluant sur un sujet aussi important, les discussions ont été éclairantes et utiles et ont ainsi lancé un débat mondial sur la SRM dans une enceinte multilatérale (source : Climate Home News du 29 février 2024).
A noter enfin que ce n’est pas la première fois que la Suisse ait soumis une proposition de résolution sur la SRM à l’UNEA. Le 25 février 2019, elle avait soumis une proposition de résolution à l’UNEA-4 visant à créer un cadre de gouvernance sur la géo-ingénierie, et plus particulièrement sur la SRM. Cette proposition était soutenue par 10 autres Etats (Burkina Faso, Corée du Sud, Géorgie, Liechtenstein, Mali, Mexique, Etats fédérés de Micronésie, Monténégro, Niger, Sénégal). Face à l’opposition de deux pays (Etats-Unis, sous l’ancien Président Donald Trump, et Arabie saoudite) qui étaient fermement contre toute restriction sur la SRM, cette première tentative de la Suisse a échoué (source : Climate Home News du 26 février 2019).
Rapport de la Commission mondiale sur la réduction des risques liés au dépassement : cinq recommandations sur la SRM
Dans son rapport final publié le 14 septembre 2023 (lire notre article), la Commission mondiale sur la réduction des risques liés au dépassement [de l’objectif de +1,5°C] (en anglais : Climate Overshoot Commission – lire notre article) a formulé 22 recommandations politiques regroupées dans quatre volets thématiques, dont la SRM. Les cinq recommandations sur le volet SRM sont les suivantes :
- sans attendre un traité international formel juridiquement contraignant (dont l’élaboration pourrait prendre plusieurs années), les Etats devraient d’ores et déjà adopter un moratoire sur le déploiement de la SRM et des expériences et essais à l’extérieur à grande échelle (concept non défini dans le rapport). Le moratoire devrait s’appliquer à tout projet comportant un risque de dommages transfrontaliers importants, quelle que soit la zone d’expérimentation, quel que soit le porteur ou l’opérateur du projet, quelle que soit la forme du projet ou quel que soit l’objectif du projet ;
- il faut renforcer la gouvernance de la recherche en matière de SRM ;
- parallèlement au renforcement de la gouvernance, il faut renforcer la recherche scientifique, par exemple via des projets de recherche conjoints Nord-Sud ;
- il faut effectuer et mettre à jour régulièrement une évaluation scientifique indépendante internationale des meilleures connaissances disponibles sur la SRM. Ces mises à jour devraient intégrer les résultats de nouvelles recherches et examiner les lacunes et limites en matière de connaissances scientifiques identifiées dans les évaluations précédentes. Le Giec, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) ou le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) pourraient figurer parmi les éventuels organismes en mesure de réaliser ces évaluations ;
- puisque le recours potentiel au SRM soulève de multiples questions et préoccupations (dont des problèmes de gouvernance inédits), il faut mener des dialogues et consultations larges sur le plan international sur la question de savoir comment gérer la SRM de façon efficace, prudente et équitable.
Messages clés sur la SRM
- les méthodes de SRM pourraient réduire le réchauffement climatique mais elles sont controversées et elles pourraient poser d’importants risques nouveaux ;
- la recherche scientifique est à un stade balbutiant et elle est encore loin de soutenir la prise de décision politique éclairée sur l’utilisation de la SRM ou sa non-utilisation. Il faut renforcer la recherche, y compris dans les pays en développement, pour aider à déterminer s’il faut poursuivre cette démarche technologique et si oui, comment ;
- les discussions sur la gouvernance sur la SRM sont également à un stade balbutiant. Il faut lancer dès que possible des dialogues internationaux inclusifs ;
- le manque actuel de gouvernance entraîne aussi des risques, y compris la possibilité de déploiement prématuré de certaines méthodes.
En savoir plus
Site du PNUE consacrée à l’UNEA-6
IISD, Earth Negotiations Bulletin vol. 16 n°176, synthèse des résultats de l’UNEA-6, publiée le 4 mars 2024
Climate Home News “Nations fail to agree on solar geoengineering regulations”, publié le 29 février 2024
Climate Home News “Switzerland proposes first UN expert group on solar geoengineering”, publié le 15 février 2024
Climate Home News “Switzerland puts geoengineering governance on UN environment agenda”, publié le 26 février 2019
Quelle complémentarité avec le Giec ?
Le Giec, dans ses derniers rapports d’évaluation, évoque clairement ces mesures de géo-ingénierie.
Dans le vol. 3 du 5e rapport d’évaluation (AR5), le Giec évoquait indirectement et avec une très grande précaution l’idée de recourir à diverses techniques de retrait du CO2 de l’atmosphère regroupées sous le terme général de CDR [carbon dioxide removal technology – voir note en bas de page p.10]. Mais ce n’était que dans le glossaire du vol.3 (en annexe I, pp.1254-1255) que le Giec mentionne, dans la définition des CDR, la géo-ingénierie. (lire notre dossier de fond du résumé pour décideurs du vol. 3 de l’AR5).
Dans le vol. 1 de l’AR6, les chapitres 4 et 5 évaluent les réponses du système climatique à différentes méthodes de Modification du Rayonnement Solaire (Solar Radiation Modification ou SRM – pour la définition, voir le glossaire du vol.3, p.43) et de CDR (voir le résumé pour décideurs et notre dossier de fond).
Dans le vol. 2 de l’AR6 (rapport complet), le Giec aborde de front les risques liés à la géo ingénierie solaire (section A5.4 du résumé pour décideurs). Il y rappelle les « grandes incertitudes et lacunes » associées et que « la modification du rayonnement solaire n’empêcherait pas l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère » (lire notre dossier de fond sur le vol. 2 de l’AR6). Un groupe de travail transversal du 2e groupe de travail du Giec (WGII) était dédié au SRM (voir le rapport complet du vol. 2, chapitre 16) et a fourni un bref résumé des méthodes de SRM, et une analyse des risques, bénéfices, questions éthiques et de gouvernance associés. Dans le résumé technique du vol.2 (TS.C. 13.4, p. 43), le Giec indique que développer de front la gouvernance et la recherche sur les techniques de SRM permettrait de les développer via une participation plus large du public et une plus forte légitimité politique, limitant ainsi les risques associés.
Dans le vol. 3 de l’AR6, le Giec récapitule, dans une section (14.4.5, rapport complet page 2416) son traitement de la question de la gouvernance internationale des solutions de SRM (Modification du Rayonnement Solaire) et d’élimination du CO2 (CDR, Carbon Dioxide Removal, par les puits naturels ou artificiels). Le Giec annonce d’abord qu’il préfère désormais utiliser ces deux termes précis plutôt que le terme de « géo-ingénierie » (geoengineering), terme utilisé dans des rapports précédents du Giec et dans la littérature. Cette section traite de la gouvernance internationale de ces deux volets, même si, en termes d’option d’atténuation, seul le volet CDR (élimination du CO2) est retenu dans ce rapport du Giec (lire notre dossier de fond du résumé pour décideurs du vol. 3 de l’AR6).
La nouvelle Commission mondiale sur le dépassement vient donc apporter une approche complémentaire, en s’inscrivant, à première vue, dans la continuité des conclusions du vol. 2 sur la nécessité d’un développement de la gouvernance associée en particulier aux questions des techniques de SRM.