Bilan de la qualité de l’air en France en 2022 : trois polluants posent toujours problème (NO2, PM10 et surtout l’ozone)
Le 19 décembre 2023, le Ministère de la Transition Ecologique (MTE) a publié son bilan annuel de la qualité de l’air extérieur en France pour l’année 2022 et les principales tendances observées sur la période 2000-2022 pour les 12 polluants réglementés : dioxyde de soufre (SO2) ; dioxyde d’azote (NO2) ; ozone (O3) ; particules (PM10 et PM2,5) ; monoxyde de carbone (CO) ; benzène (C6H6) ; plomb (Pb), arsenic (As), cadmium (Cd), nickel (Ni), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), principalement le benzo[a]pyrène (B[a]P).
Messages clés du bilan 2022
La qualité de l’air s’est globalement améliorée sur la période 2000-2022
Le MTE souligne que la baisse des émissions de polluants atmosphériques, amorcée il y a plusieurs années à la suite de la mise en place de stratégies et plans d’actions, a permis une amélioration globale de la qualité de l’air. Les concentrations moyennes annuelles de polluants diminuent et les dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air pour la protection de la santé affectent des zones moins étendues et moins nombreuses. La qualité de l’air fluctue également du fait des conditions météorologiques qui peuvent être favorables à la dispersion atmosphérique ou, à l’inverse, engendrer l’accumulation de polluants dans l’air, notamment lors d’épisodes de pollution.
Concentrations des polluants SO2, NO2, PM10 et PM2,5 en fond urbain
Les concentrations moyennes annuelles de fond en SO2 en milieu urbain ont fortement baissé depuis plusieurs années. Des fluctuations peuvent être observées d’une année à l’autre, mais concernent des concentrations très faibles. Les concentrations moyennes annuelles de fond en NO2, PM10 et PM2,5 (sur la période 2009-2022 pour les PM2,5) ont également diminué, bien que plus modérément. Une légère augmentation des concentrations est observée pour les PM10 et les PM2,5 entre 2020 et 2022, mais les niveaux de 2022 restent stables par rapport à 2019.
Les concentrations moyennes annuelles en fond urbain sont de 15 µg/m3 en 2022 pour le NO2, de 16 µg/m3 pour les PM10 et de 10 µg/m3 pour les PM2,5. Concernant le NO2, la baisse des concentrations mesurées en fond urbain s’accentue entre 2019 et 2022. Pour les PM10 et les PM2,5, malgré une tendance globale à la baisse, des variations interannuelles sont enregistrées, leur présence dans l’air étant à la fois liée aux émissions anthropiques et aux émissions naturelles (brumes de sable notamment), à la formation de particules secondaires dues aux émissions de précurseurs gazeux tels que le NH3, aux conditions météorologiques et au transport à longue distance de polluants.
Concentrations d’O3 en fond urbain
Contrairement aux autres polluants, les concentrations moyennes en O3 en fond urbain suivent une tendance à la hausse sur l’ensemble de la période 2000-2022, avec des niveaux particulièrement élevés en 2003, de 2018 à 2020 et en 2022, années marquées par d’importants épisodes de canicule. Les concentrations maximales sont généralement observées en milieu rural, compte tenu des mécanismes de formation de ce polluant secondaire.
Concentrations des polluants SO2, NO2, PM10 et PM2,5 à proximité du trafic routier
Des tendances à la baisse sont constatées à proximité du trafic routier pour le NO2, les PM10 et les PM2,5 et le CO. Il en est de même pour les concentrations annuelles de SO2 à proximité d’industries. Sur l’ensemble des stations du territoire national, les concentrations moyennes annuelles sont deux fois plus élevées à proximité du trafic routier qu’en fond urbain pour le NO2, 1,3 fois pour les PM10 et 1,3 fois pour les PM2,5. Pour le SO2, les valeurs maximales sont mesurées à proximité d’industries et sont en moyenne annuelle 1,4 fois plus élevées que celles mesurées en fond urbain.
Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.15).
Tendances d’évolution des concentrations des polluants réglementés sur la période 2000-2022
Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.7).
Dépassement des normes réglementaires de qualité de l’air : évolution 2000-2022
Malgré l’amélioration globale de la qualité de l’air, des dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air, fixées pour la protection de la santé humaine au niveau européen par l’annexe VII.B (pour l’O3) et par l’annexe XI (pour le SO2, le NO2, le CO, le benzène, le plomb et les PM10) de la directive 2008/50/CE (dont la révision est en cours de finalisation), et transposées en droit français à l’article R. 221-1 du Code de l’Environnement, subsistent à court terme (épisodes de pollution notamment) et à long terme dans certaines zones du territoire.
Le non-respect des normes réglementaires de qualité de l’air concerne principalement le NO2 (valeur limite de concentration), l’O3 (valeur cible) et les PM10 (valeurs limites de concentration) et dans une moindre mesure les PM2,5 (valeur limite de concentration) sur la période 2000-2022. Celles-ci font l’objet d’une préoccupation particulière compte tenu de leurs multiples effets sur la santé qui peuvent intervenir à de faibles niveaux de concentrations.
Les dépassements sont notamment localisés dans les agglomérations, mais sont également fréquents en milieu rural pour l’O3. Depuis 2011, le pourcentage d’agglomérations ne respectant pas les normes réglementaires en NO2 a diminué de façon continue, après avoir connu des fluctuations plus marquées au cours de la décennie précédente (voir graphique 3 ci-dessous). L’année 2020 a connu une baisse importante du pourcentage d’agglomérations avec des dépassements de normes qui résulte des teneurs particulièrement faibles mesurées cette année-là, en lien avec les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En 2022, le pourcentage d’agglomérations concernées par des dépassements est de 2,4%, contre 2,9% en 2021, et reste nettement inférieur à ceux observés dans la décennie 2000 (12 à 26% des agglomérations en dépassement selon les années sur la période 2000-2010). Les grandes agglomérations (plus de 250 000 habitants), et dans une moindre mesure, celles de taille moyenne (50 000 à 250 000 habitants), sont les plus concernées par ces dépassements, le plus souvent sur des stations situées à proximité du trafic routier. L’ampleur de ces dépassements a significativement baissé.
Lire nos articles sur les contentieux national et européen :
Au niveau national
Dépassement des valeurs limites pour le NO2 : le Conseil d’État condamne l’État une nouvelle fois à verser deux astreintes (5 M€ chacune), réduites de moitié cette fois, publié le 24 février 2024,
Dépassement des valeurs limites pour le NO2 : le Conseil d’État condamne l’Etat à verser deux astreintes de 10 M€, publié le 18 oct. 2022,
Dépassement des valeurs limites NO2 et PM10 : le Conseil d’État condamne l’Etat à verser une astreinte de 10 M€, publié le 24 août 2021
NO2 et PM10 : le Conseil d’Etat ordonne au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air d’ici 6 mois sous peine d’une amende de 10 M€, publié le 16 juillet 2020
NO2 et PM10 : le Conseil d’Etat enjoint le Gouvernement de prendre des mesures de réduction, publié le 1er sept. 2017
Au niveau européen
Qualité de l’air : la Commission remet la France en demeure sur les dépassements des valeurs limites de NO2, publié le 13 février 2024
Après le NO2, les PM10 : la France condamnée par la Cour de Justice de l’UE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air, publié le 12 mai 2022
NO2 : la Commission demande formellement à la France d’exécuter l’arrêt de la CJUE sur le non-respect de la directive sur la qualité de l’air dans 12 zones, publié le 4 décembre 2020
Après le NO2, les PM10 : la France de nouveau saisie devant la CJUE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air, publié le 10 novembre 2020
Dépassement des valeurs limites de concentration de NO2 : la France condamnée par l’UE , publié le 25 octobre 2019
En outre, les évaluations réalisées par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) permettent de constater la baisse importante du nombre de personnes exposées à ces dépassements dans les zones qui font l’objet de contentieux aux niveaux européen et national (voir liens ci-dessus). Le pourcentage d’agglomérations ne respectant pas les normes réglementaires fixés pour la protection de la santé pour les PM10 est également en forte diminution depuis 2011, après des fluctuations assez marquées entre 2007 et 2010 (voir graphique 3 ci-dessous) : alors que 19% des agglomérations présentaient des dépassements en 2011, 1,2% sont dans cette situation en 2022. Ce pourcentage était même nul en 2020 avec des teneurs historiquement faibles qui s’expliquent notamment par les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En début de période, les agglomérations de taille moyenne et grande sont les plus touchées par le non-respect de ces normes réglementaires. Depuis 2014, aucune différence notable dans la taille des agglomérations concernées n’est constatée. La majorité des stations de mesure impliquées se situent à proximité du trafic routier ou en fond urbain. En ce qui concerne les PM2,5, aucune agglomération n’a enregistré de dépassement de la norme réglementaire fixée pour la protection de la santé à long terme depuis 2015.
Si les concentrations maximales d’O3 sont souvent observées en milieu rural, des dépassements de la valeur cible pour la protection de la santé touchent également les agglomérations. Sur la période 2000-2022, le pourcentage d’agglomérations avec des dépassements de la valeur cible en moyenne triennale connaît des fluctuations assez marquées, en lien notamment avec les conditions climatiques (voir graphique 3 ci-dessous). Les proportions les plus élevées sont observées dans la première moitié des années 2000 avec 66% des agglomérations concernées par des dépassements. Ce pourcentage se réduit ensuite pour fluctuer entre 14 et 23% en moyenne triennale dans la première moitié de la décennie 2010. Il remonte ensuite significativement en fin de période, tiré par les niveaux élevés de concentrations observés entre 2018 et 2020, années marquées par des épisodes importants de canicule. En 2022, les conditions météorologiques sont également favorables à la formation de ce polluant. Le pourcentage d’agglomérations en dépassement de la valeur cible en moyenne sur 2020-2022 est cependant faible avec 12% des agglomérations concernées. Ce pourcentage est tiré à la baisse par les faibles niveaux d’O3 mesurés en 2021. Contrairement au NO2 et aux PM10, les agglomérations les plus touchées sont celles de moyenne et de petite taille (moins de 50 000 habitants).
Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.16).
Nombre d’agglomérations avec des dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air en 2022
En 2022, parmi les 12 polluants faisant l’objet de normes réglementaires aux niveaux national et européen pour la protection de la santé humaine, quatre présentent des dépassements de ces normes (NO2, O3, PM10 et nickel).
Les agglomérations affectées par des dépassements pour ces polluants se situent dans l’est, le sud et le sud-est de la France métropolitaine, l’Ile-de-France, les Hauts-de-France et Mayotte (voir carte ci-dessous).
Le nombre d’agglomérations ou la norme réglementaire en O3 fixée pour la protection de la sante est dépassée en moyenne triennale est important sur la période 2020-2022 (20 agglomérations). Ces agglomérations se situent dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est. Quelques dépassements sont également mesurés hors agglomération dans ces mêmes zones.
Pour le NO2, le nombre d’agglomérations présentant des dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air en 2022 est le deuxième plus faible jamais mesuré après 2020. Quatre agglomérations sont concernées : Lyon, Paris, Perpignan et Strasbourg.
Pour les PM10, les agglomérations qui ne respectent pas les normes réglementaires fixées pour la protection de la santé sont au nombre de deux en 2022 : Mamoudzou (Mayotte) et Marseille – Aix-en-Provence.
Pour le Ni, la norme réglementaire fixée pour la protection de la sante est dépassée dans l’agglomération de Béthune et est mesurée sous influence industrielle. Cette situation perdure depuis plusieurs années avec une concentration annuelle de 29 ng/m3 en 2016, de 35 ng/m3 en 2017, de 46 ng/m3 en 2018, de 78 ng/m3 en 2019, de 85 ng/m3 en 2020, de 76 ng/m3 en 2021 et de 58 ng/m3 en 2022, alors que la norme réglementaire est fixée à 20 ng/m3 en moyenne annuelle. L’industriel concerné a réalisé des études relatives à la connaissance et la maîtrise des émissions diffuses et canalisées de Ni de son site et met en place un plan d’action visant à réduire ses émissions. La mise à jour du volet sanitaire de l’étude d’impact est en cours d’instruction par les services concernés.
Agglomérations présentant des dépassements de normes réglementaires de qualité de l’air fixés pour la protection de la santé, en 2022 (en moyenne sur la période 2020-2022 pour l’O3)
Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.7).
Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.26).
Dépassement des valeurs guides de l’OMS
Le 22 septembre 2021, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a publié ses nouvelles lignes directrices (appelées également valeurs guides) relatives à la qualité de l’air (air quality guidelines). Il s’agit de la troisième mise à jour des lignes directrices de l’OMS (lire notre article).
Pour les PM2,5, les PM10, le NO2 et l’O3, les valeurs guides 2021 de l’OMS sont dépassées dans de nombreuses agglomérations en France, alors que les dépassements des normes réglementaires de l’UE actuellement en vigueur sont plus limités. Ainsi en 2022, 97% des agglomérations ont dépassé les valeurs guides de l’OMS pour les PM2,5, 95% pour l’O3, 82% pour le NO2 et 72% pour les PM10 (voir schéma 4 ci-dessous). Pour les normes réglementaires européennes, ce pourcentage s’élève respectivement à 0, 12, 2 et 1%. Pour le SO2, la valeur guide de l’OMS est dépassée pour 3% des agglomérations alors que les normes réglementaires de l’UE ne sont pas dépassées. Pour le CO, aucun dépassement n’est constaté, que ce soit pour la valeur guide de l’OMS ou la norme réglementaire européenne.
Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.7).
En savoir plus
Bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2022
Anses (2023). Note d’appui scientifique et technique relative au « bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2022 »