Journal de la COP-28 | Jour 12 – 12 décembre
Voir la page du site de la COP-28 consacrée aux consultations de la Présidence.
Programme de la douzième journée
Aujourd’hui, le 12 décembre 2023, est la dernière journée prévue de la Conférence de Dubaï et bien que le Président de la COP-28 ait exprimé son souhait, le 6 décembre 2023 lors d’une plénière informelle, que les décisions finales de la COP-28, de la CMA-5 et de la CMP-18 soient toutes adoptées d’ici mardi 12 décembre 2023 à 11h, tout le monde sait que les COP dépassent toujours – et parfois de loin – l’heure de clôture officielle (normalement 18h le vendredi de la 2e semaine), la COP-25 ayant battu tous les records de dépassement des 27 COP jusque-là (44h au-delà de l’heure de clôture officielle) et la COP-27 étant la 2e COP la plus longue (39,5h au-delà de l’heure de clôture officielle (sources : Carbon Brief, Citepa/Journal de la COP-27 | Jour 15 et Carbon Reporter, 14 nov. 2021).
Source : tweet de Carbon Brief du 11 déc. 2023.
C’est dans cette dernière ligne droite des négociations, pendant ces dernières heures de la Conférence que les dernières questions sont tranchées, que les compromis sont dégagés, les Ministres opérant des derniers arbitrages politiques afin d’aboutir à un accord global sur l’ensemble de décisions à adopter par la COP-28, la CMA-5 et la CMP-18.
Les consultations ministérielles vont se poursuivre jusqu’à ce que les Parties parviennent à un consensus sur les projets de texte en suspens, au premier rang desquels celui sur le bilan mondial (Global Stocktake) et l’objectif mondial sur l’adaptation.
Le Président pourrait convoquera une plénière informelle pour faire le point dans la journée mais étant donné qu’il ne l’a pas fait hier (lundi 11 déc.), rien n’est moins sûr.
Sous réserve que les négociations politiques soient bouclées, la Présidence émiratie de la Conférence convoquera ensuite la deuxième partie des plénières de clôture, d’abord de la COP-28, puis de la CMP-18 (une fois la plénière de la COP-28 terminée), et de la CMA-5 (une fois celle de la CMP-18 terminée) pour poursuivre l’adoption formelle de l’ensemble des décisions.
Une fois la plénière de la CMA-5 terminée, le Président de la Conférence convoquera la session de clôture.
Réactions à la nouvelle version du projet de texte sur le bilan mondial (version du 11/12/2023 @ 16h30, 21 pages) élaborée par le Président de la COP-28
Cette 3e version du projet de texte sur le bilan mondial (Global Stocktake), élaborée par le Président de la COP-28, est destinée à devenir LE résultat principal, la pièce maîtresse, de la COP-28 dans une version finale encore à venir. Pour rappel, les deux versions précédentes du projet de texte avaient été élaborées par les co-Présidents du groupe de contact conjoint SBSTA/SBI (version du 8 déc. @15h30 et version du 5 déc. @05h00). Hier le 11 décembre dans l’après-midi et dans la soirée, cette 3e version a déclenché un déferlement rapide de critiques de la part de plusieurs pays, d’ONG, d’experts, de scientifiques et de la société civile. En particulier, ils reprochent au Président de la COP-28 de ne pas avoir pris en compte leurs exigences en matière d’ambition, surtout à l’égard de la sortie des énergies fossiles et du financement climat. Cette nouvelle version du projet de texte a été vivement critiquée notamment par l’UE, l’Allemagne, l’Espagne, les Etats-Unis, le Président de la COP-26 (Alok Sharma), l’alliance des petits Etats insulaires, les pays les moins avancés, ainsi que par le groupe de négociation « Ombrelle » (Umbrella Group qui compte parmi ses membres l’Australie, le Japon, le Canada et la Norvège). Quoi qu’il en soit, il était hors de question pour une majorité de Parties que les négociations reprennent sur la base de cette 3e version du projet de texte. Au petit matin du 12 décembre, les chefs de délégation se sont réunies. Une 4e version devrait tomber dans la journée, la pression sur le Président de la COP-28 étant très forte : sa réputation et celle des Emirats arabes unis sont directement en jeu. La Présidence émiratie de la COP-28 travaille en ce moment à une nouvelle version sur la base des lignes rouges exprimées hier (lundi 11 déc. 2023) par les Parties ayant rejeté la 3e version. Selon l’Energy and Climate Intelligence Unit (ECIU), si la 4e version ressemble à la 3e, il faut s’attendre à « un feu d’artifice, voire un effondrement des négociations à la Conférence, si le résultat proposé ne se rapprochait toujours pas de la science démontrée par l’ONU, l’AIE , le Giec et d’autres » (source : ECIU, COP28 Daily update du 12 déc. 2023).
L’UE et les petits Etats insulaires ont déclaré qu’ils ne partiraient pas de Dubaï tant que la Conférence ne déboucherait pas sur un résultat compatible avec l’objectif de +1,5°C. Plusieurs pays africains et d’Amérique latine les soutiennent. La Chine et les Etats-Unis peuvent jouer un rôle crucial, en établissant des passerelles entre les deux camps, l’autre camp étant composé des pays fermement contre l’inclusion d’une référence à l’élimination des combustibles fossiles dans le projet de texte, au premier rang desquels l’Arabie saoudite et l’Iraq, et dans une moindre mesure la Russie.
Parmi les vives critiques de la 3e version du projet de texte, citons les suivantes :
Le nouveau Commissaire européen à l’action climat, le néerlandais Wopke Hoekstra, a déclaré : « le texte, en l’état actuel, est décevant. Il manque d’ambition et ne suffit pas pour lutte contre le problème qu’on essaie de résoudre ici. La science est on ne peut plus claire : nous devons éliminer progressivement les combustibles fossiles » (source : tweet de Wopke Hoekstra du 11 déc. 2023). Par ailleurs, il a souligné : « il existe un grand groupe de pays, une large majorité, voire une super-majorité de pays qui veulent bel et bien davantage d’ambition en matière d’atténuation, adaptation et financement […] pour garder l’objectif +1,5°C ‘à portée de main’ » (source : tweet de Wopke Hoekstra du 11 déc. 2023).
La Présidente en exercice du Conseil de l’UE, la Ministre espagnole de la Transition écologique et ancienne directrice de l’Iddri à Paris, Teresa Ribera, qui représente les Gouvernements des Vingt-sept dans les négociations, a déclaré à des journalistes que le projet de texte comporte des éléments que l’UE ne peut pas accepter : “Nous pensons qu’il y a des éléments dans le texte qui sont totalement inacceptables,” a-t-elle dit (source : ENDS Europe Daily du 11 déc. 2023).
Alok Sharma, le Président britannique de la COP-26 (Glasgow, nov. 2021), a déclaré qu’il est « difficile de voir comment ce texte aidera à réaliser les réductions fortes et rapides d’émissions dont nous avons besoin d’ici 2030 pour garder l’objectif de +1,5°C ‘à portée de main‘ « . “Comme il y a tant de pays qui se sont prononcés en faveur d’une formulation de texte claire sur l’élimination progressive des combustibles fossiles, à qui ce texte sert-il en fait ? » (source : ENDS Europe Daily du 11 déc. 2023).
Cedric Schuster (Samoa), Président en exercice de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), a fait part de sa colère :
« – Notre ligne rouge est un engagement fort en faveur du maintien de la limite de +1,5°C pour le réchauffement. Tout texte qui compromettrait cette limite sera rejeté.
– Si nous n’obtenons pas de résultats solides en matière d’atténuation lors de cette COP, on se souviendra de cette conférence comme de la COP où la limite de +1,5°C est morte. Cela ne doit pas être l’héritage de cette COP des Emirats arabes unis.
– Le paragraphe 39 du projet de texte du GST comprend un langage faible sur les combustibles fossiles, ce qui est totalement insuffisant. Il ne fait aucunement référence à une élimination progressive. Il présente un menu d’options que les États « POURRAIENT » prendre. L’expression « pourraient » est inacceptable. Les États DOIVENT prendre des mesures pour éliminer progressivement les combustibles fossiles.
– Nous ne signerons pas notre acte de décès. Nous ne pouvons pas signer un texte qui ne contienne pas d’engagements forts sur l’élimination progressive des combustibles fossiles.
– Tout au long de ce processus, on nous a demandé ce qui était en jeu si ces négociations n’aboutissaient pas à un résultat fort qui maintiendrait +1,5°C en vie. Comment ne pas comprendre que c’est notre survie même qui est en jeu ?
– C’est pourquoi, dans chaque salle, nos négociateurs ont insisté sans relâche pour que soient prises des décisions qui permettent de rester en deçà d’un réchauffement de +1,5°C. C’est pourquoi, si les Parties continuent de s’opposer à l’élimination progressive des combustibles fossiles et des subventions qui leur sont accordées, elles doivent s’arrêter et remettre en question leur propre engagement dans ce processus ».
Source : communiqué d’AOSIS du 11 déc. 2023.
L’envoyé spécial des Etats-Unis pour le climat, John Kerry a souligné : « la section sur l’atténuation, y compris la question des combustibles fossiles, doit être sensiblement renforcée sur le fond et la section sur le financement comporte des inexactitudes qui doivent être rectifiées » (source : tweet de John Kerry du 11 déc. 2023).
Quant à Al Gore, ancien vice-Président des Etats-Unis et très engagé dans la lutte contre le changement climatique, il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : « La COP-28 est maintenant sur le point d’échouer complètement. Le monde a désespérément besoin d’éliminer les combustibles fossiles le plus rapidement possible, mais ce projet de texte obséquieux donne l’impression d’avoir été dicté mot pour mot par l’OPEP. Il est même pire que ce que beaucoup craignaient. Il s’agit d’un document « des pétro-Etats, par les pétro-Etats et pour les pétro-Etats ». Il est profondément choquant pour tous ceux qui ont pris ce processus au sérieux » (source : tweet d’Al Gore du 11 déc. 2023).
Face à ce recul d’ambition, les observateurs ont maintenu la pression dans la soirée. Ils ont formé une chaîne humaine pour mettre les Ministres qui se dirigeaient vers des consultations de fin de soirée face à leur responsabilité et aux vies et moyens de subsistance qui sont en jeu.
Enfin, l’Alliance « Au-delà du pétrole et du gaz » (Beyond Oil and Gas Alliance ou BOGA), lancée lors de la COP-26 le 11 novembre 2021 sous l’impulsion de la Présidence britannique et sous le pilotage du Costa Rica et du Danemark (lire notre article), a publié hier le 11 décembre un appel à l’action pour la COP-28 : « En tant que membres et amis de l’Alliance BOGA, nous sommes unis dans notre engagement à aligner la production de pétrole et de gaz sur les objectifs de l’Accord de Paris, y compris la limitation de la hausse des températures à +1,5°C. Nous sommes ici avec un mandat clair : obtenir un accord pour l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles lors de la COP28. […] Nous devons être réalistes. Le secteur des combustibles fossiles ne se résorbera pas de lui-même, et il ne le peut pas, de manière isolée. Nous devons planifier une transition juste et ordonnée, alignée sur +1,5 °C, plutôt que de risquer la fermeture brutale de la production de pétrole et de gaz non rentable. Les producteurs et les consommateurs, ainsi que le système multilatéral, doivent travailler ensemble pour éviter la volatilité des prix et soutenir l’investissement dans la transition, en particulier pour les populations et communautés les plus exposées. L’élimination progressive des combustibles fossiles à l’échelle mondiale doit également s’accompagner d’une réforme en profondeur du système financier et du déploiement de technologies innovantes, efficaces et accessibles pour soutenir les économies vulnérables et en développement dans leur transition ».
Cette déclaration a été signée par 14 pays (dont la Colombie, l’Espagne, la France et la Suède), une province canadienne (le Québec) et une nation du Royaume-Uni (Pays de Galles). Les 13 membres de l’alliance BOGA s’engagent à soutenir une transition mondiale socialement juste et équitable pour aligner la production de pétrole et de gaz sur les objectifs de l’Accord de Paris. A noter toutefois l’absence, dans cette coalition, de plusieurs pays grands acteurs du secteur pétrolier et gazier (Arabie saoudite, Etats-Unis, Russie,…).
L’habileté de la Présidence de la COP-28 à piloter cette dernière ligne droite des négociations est mise à l’épreuve sur le dossier du bilan mondial. Reste à voir si elle sera capable de rapprocher les positions très divergentes entre les très nombreuses Parties « à haute ambition » et les quelques Parties réfractaires à toute mention de la sortie progressive des combustibles fossiles dans la décision finale de la CMA-5 et ce, via une formulation de texte qui fasse consensus entre les 195 Parties.
Retour sur la douzième journée
En bref
Aucune session de négociation n’a été inscrite au programme de la journée de mardi 12 décembre 2023. Plusieurs conférences de presse ont été annulées. Les délégués ont passé toute la journée à attendre des nouvelles versions des projets de texte sur les principaux sujets en suspens. Les bouleversements provoqués par la 3e version du projet de texte de la veille sur le bilan mondial étaient dans tous les esprits, laissant beaucoup de personnes mal à l’aise face à l’absence de consensus sur plusieurs autres projets de décision, y compris :
- l’objectif mondial en matière d’adaptation
le programme de travail pour renforcer le niveau d’ambition en matière d’atténuation et la mise en œuvre de mesures correspondantes ; et
le programme de travail sur la transition juste.
Tout au long de la journée, les militants de la société civile ont maintenu la pression, exhortant les Parties à se prononcer pour l’élimination progressive des combustibles fossiles.
Peu après 18 heures – l’heure officielle prévue de la clôture de la COP-28 – plusieurs projets de décision en suspens sur des questions financières ont été affichés (voir début de cet article).
Peu avant 21h00, les premières négociations ont été programmés : les groupes de contact sur les trois sous-volets de l’article 6. Lors de ces négociations, alors que les Parties sont parvenues à un consensus sur le projet de texte de décision sur les approches non fondées sur le marché (article 6.8), elles n’ont pas pu trouver de consensus sur l’article 6.2 (approches coopératives) et l’article 6.4 (mécanisme de développement durable). Selon Carbon Pulse, il s’agit d’un recul majeur et cette situation, si elle n’est pas débloquée avant la fin de la COP-28, pourrait remettre en question l’avenir des mécanismes de marché comme solution de réduction des émissions de GES dans le cadre de l’Accord de Paris (sources : tweet de Carbon Pulse du 12 déc. 2023 et brève de Carbon Pulse du 12 déc. 2023). Les co-Présidents des groupes de contact respectifs ont indiqué qu’ils en informeraient la Présidence.
La Présidence de la COP-27 a indiqué qu’elle poursuivrait les consultations jusqu’au mercredi 13 décembre à 3 heures du matin, après quoi elle allait réfléchir aux points de vue exprimés.
(Source : IISD, 13 déc. 2023).
En savoir plus
CCNUCC
Voir tous les documents adoptés par le SBI-59
Voir tous les documents adoptés par le SBSTA-59
Page du site de la CCNUCC consacrée à la COP-28
Programme global de la Conférence (overview schedule) (état au 23 nov. 2023)
Programme détaillé pour la douzième journée (12 déc.)
Programme jour par jour en détail (le programme de la journée indiquée est mis en ligne la veille au soir)
Programme des évènements et ateliers parallèles (side events)
Communiqué de la CCNUCC pour l’ouverture en français et en anglais
Sites spécialisés (centres de réflexion/instituts de recherche)
Voir outil de suivi interactif des avancées ou absence d’avancées des différents volets de négociations mis en ligne le 1er décembre 2023 par Carbon Brief, site britannique spécialisé en matière de climat. Il montre le sujet, la nature du texte, la date et l’heure de sa publication, le nombre de pages, le nombre d’options et de crochets (ceux-ci indiquant des éléments de texte non encore tranchés et que donc il n’y a pas encore consensus sur le choix des options ou la formulation de texte), s’il y a consensus ou accord intégral (en vert) ou absence de consensus (en rouge).
Présidence émiratie
Site officiel de la Présidence émiratie de la COP-28
Programme thématique de la Présidence égyptienne