Production gap report du PNUE édition 2023 : production de combustibles fossiles à ne pas dépasser pour les objectifs +1,5°C et +2°C
Le 8 novembre 2023, Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié son quatrième rapport sur le « Production Gap » (lire notre article sur la dernière édition, 2021), à l’instar de son rapport annuel Emissions Gap. Le rapport a été élaboré par un consortium international de quatre centres de réflexion et d’instituts de recherche spécialisés dans le domaine du climat sous l’égide du PNUE : Stockholm Environment Institute [SEI], Climate Analytics, l’Institut international du développement durable [IISD],ainsi qu’E3G.
Ce rapport propose un indicateur sur la production mondiale de combustibles fossiles pour mesurer l’écart entre, d’une part, les niveaux de production des énergies fossiles prévus par des stratégies nationales et, d’autre part, le niveau de production mondiale compatible avec un réchauffement à +2°C et +1,5°C (via la combustion de ces combustibles fossiles).
Cette nouvelle édition du rapport, la première depuis 2021, comporte une actualisation complète de l’analyse de cet écart, la première depuis la première édition en 2019.
Principales conclusions de l’édition 2023 du rapport
L’écart de production, tous combustibles fossiles confondus
Le PNUE souligne qu’alors que les États s’engagent à atteindre la neutralité carbone et rehaussent leurs ambitions climatiques conformément à l’Accord de Paris, ils n’ont pas reconnu explicitement la nécessité de réduire la production d’énergies fossiles, ni établi de plans à cette fin comme l’exigeraient ces engagements. Au lieu de cela, les Gouvernements prévoient toujours de produire, en 2030, deux fois plus de combustibles fossiles que ce qu’il ne faudrait pour limiter le réchauffement à +1,5°C. Cet écart est resté largement inchangé depuis leur première analyse en 2019.
Malgré les engagements de nombreux États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de neutralité carbone, aucun plan n’a encore été établi à l’échelle internationale pour sortir des combustibles fossiles, qui sont à l’origine de la majeure partie des émissions.
L’écart de production d’ici 2040 (tous combustibles fossiles confondus) (en GtCO2/an)
L’écart en matière de production d’énergies fossiles est la différence entre le niveau de production d’énergies fossiles prévu par les gouvernements (ligne rouge) et le niveau de production compatible avec une limitation du réchauffement climatique à moins de +1,5°C et +2°C (lignes bleue et verte). Cette différence est exprimée en émissions de CO2 provenant de la combustion des combustibles extraits.
Source : PNUE, 8 novembre 2023.
Comme l’illustre le graphique ci-dessus, selon l’évaluation, réalisée par le consortium international, des prévisions et plans nationaux récents en matière d’énergie, la production de combustibles fossiles prévue en 2030 par les Gouvernements dans leur ensemble excède de 110% le niveau compatible avec l’objectif de limitation du réchauffement à +1,5°C, et de 45% l’objectif de +2°C. À l’horizon 2040, cet excès de production croît encore, passant respectivement à 190% et 89%. Globalement, les Gouvernements planifient et anticipent des niveaux de production plus élevés que ceux qu’impliquent leurs objectifs de réduction des émissions de GES inscrits dans leurs contributions déterminées au niveau national (NDC).
Ecart de production par combustible fossile
Ainsi, la production mondiale d’énergies fossiles doit commencer à diminuer immédiatement et fortement pour pouvoir être compatible avec une limitation du réchauffement climatique à +1,5°C ou à +2°C sur le long terme. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, la production mondiale de combustibles fossiles est prévue en hausse. Qu’en est-il si l’on regarde séparément chaque type de combustible ? Comme le montre le graphique ci-dessous, les Gouvernements dans leur ensemble prévoient d’augmenter la production mondiale de pétrole et de gaz, et de ne réduire que faiblement la production de charbon au cours des deux prochaines décennies. De ce fait, les niveaux de production future pour chaque type de combustible dépassent largement ceux qui seraient compatibles avec une limitation du réchauffement climatique à +1,5°C ou à +2°C.
L’écart de production d’ici 2040 par combustible fossile (en exajoules, EJ, soit 1018J)
Source : PNUE, 8 novembre 2023
En 2030, l’écart le plus grand concernera le charbon : les plans et prévisions de production des Gouvernements conduiraient à une production de charbon, de pétrole et de gaz dépassant respectivement de 240%, 57%, et 71% les niveaux compatibles avec un réchauffement climatique inférieur à +1,5°C. Pour l’objectif +2°C, ces chiffres passent à 120% pour le charbon, 14% pour le pétrole et 15% pour le gaz en 2030. Ces écarts, tous combustibles confondus, augmentent considérablement d’ici 2040 pour les deux objectifs en matière de température. Pourtant, une attention politique particulière avait été portée ces dernières années à la sortie prioritaire du charbon.
Profils nationaux des 15 principaux États producteurs : plans, stratégies et aides ciblant la production d’énergies fossiles
L’édition 2023 du rapport décrit en détail les plans, stratégies et aides dédiés à la production d’énergies fossiles mis en place par les Gouvernements des 15 principaux États producteurs de combustibles fossiles (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Brésil, Canada, Chine, Émirats arabes unis, États-Unis, Inde, Indonésie, Mexique, Norvège, Royaume-Uni et Russie). La plupart de ces pays producteurs de pétrole et de gaz prévoient d’augmenter leur production d’ici à 2030 ou au-delà, et plusieurs des principaux pays producteurs de charbon prévoient de maintenir ou d’accroître leur production. Le rapport résume les ambitions climatiques nationales formulées par chaque pays, les positions, prévisions et aides propres à chaque Gouvernement concernant la production d’énergies fossiles, et les politiques et discussions qui émergent au sujet d’une sortie équitable et organisée des énergies fossiles.
Ces États ont annoncé leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans leurs NDC et, dans certains cas, se sont engagés à la neutralité carbone. Toutefois, peu d’entre eux ont évalué, du moins publiquement, si leur niveau de production d’énergies fossiles prévu était compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. La focalisation de ces pays sur les seules émissions fait fi de leurs rôles et responsabilités dans la production de la principale source de ces émissions.
En outre, le rapport montre que la plupart de ces Gouvernements continuent de soutenir largement la production d’énergies fossiles, par l’intermédiaire, entre autres, d’allégements fiscaux, de financements, d’investissements directs dans les infrastructures et de dérogations aux exigences environnementales. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, la plupart des pays producteurs de pétrole et de gaz prévoient d’augmenter leur production. En ce qui concerne le charbon, certains pays prévoient de réduire leur production, tandis que d’autres comptent encore la maintenir, voire l’augmenter. Même si certains États commencent à envisager et instaurer des politiques visant une sortie progressive, juste et équitable de la production d’énergies fossiles, ces premiers efforts n’ont pas encore eu de répercussions sur les plans et stratégies des principaux pays producteurs.
Evolutions prévues de la production nationale de combustible fossiles des 15 premiers pays producteurs en 2030 (par rapport à 2019)
Source : PNUE, 8 novembre 2023
En savoir plus
Page du site du PNUE consacrée au rapport 2023
Communiqué du PNUE
Synthèse en français et en anglais
Rapport intégral en anglais uniquement