2e période de reconstitution du Fonds vert pour le climat : moins de ressources et moins de pays donateurs que pour la première période
La conférence du Fonds vert pour le climat (GCF) pour acter formellement les engagements des Etats (Pledging Conference ou conférence des donateurs) en matière de leurs contributions pour la 2e période de reconstitution 2024-2027 (dite GCF-2) s’est tenue à Bonn le 5 octobre 2023.
Pour les éléments de contexte, lire notre article « Fonds vert pour le climat : conférence pour formaliser les engagements des Etats pour la 2e période de reconstitution (2024-2027) », publié le 4 octobre 2023.
Contributions au Fonds vert pour le climat (2024-2027) annoncées par les Etats en amont de la conférence du 5 octobre 2023
Avant la conférence des donateurs, le 5 octobre 2023, 14 Etats avaient annoncé de nouveaux engagements en termes de contributions au Fonds vert pour le climat pour sa 2e période de reconstitution (voir détails dans notre article précité) et ce, pour un total de 7,2 Md$.
Résultats de la conférence des donateurs du 5 octobre 2023
Au total, 25 pays se sont engagés à fournir un total de 9,3 Md$ pour reconstituer le GCF sur la 2e période de reconstitution (2024-2027) (voir liste des Etats donateurs et de leurs contributions respectives). Ce montant total promis est en dessous des 9,9 Md$ promis, les 24-25 octobre 2019, à la première conférence de reconstitution du GCF pour sa première période de reconstitution (2020-2023) (lire notre article). Il est identique aux 9,3 Md$ promis à la première conférence de mobilisation des ressources pour le GCF en novembre 2014.
Source : GCF, 5 octobre 2023
Les trois premiers pays donateurs sont donc l’Allemagne (23% du total), le Royaume-Uni (22%) et la France (19%) qui totalisent, à eux seuls, 64% du total des engagements. Les seuls pays grands donateurs à annoncer de nouvelles contributions au GCF à Bonn étaient le Japon et la Norvège (par rapport aux Etats qui avaient fait des annonces en amont de la conférence).
A noter que lors de la conférence à Bonn, d’autres Etats (Italie, Suède et Suisse) ont indiqué leur intention de prendre des engagements dans les semaines qui viennent, n’ayant pu s’engager à cette conférence pour des raisons budgétaires internes. Quant à l’Australie, elle a annoncé à Bonn qu’elle fournirait une contribution « modeste », dont le montant exact devrait être annoncé d’ici la fin de l’année (source : Climate Home News, 5 octobre 2023). L’Australie avait fourni 187,3 M$ (dollars US) au GCF sur la période 2015-2018 sous le Premier Ministre de l’époque, Tony Abbott (source : GCF, tableau de bord des engagements au 31 août 2023). Son successeur, Scott Morrison, avait annoncé le 8 octobre 2018 qu’il arrêterait la contribution du pays au GCF en 2019.
Depuis la mise en place du GCF, le nombre de pays donateurs a considérablement baissé : 45 pour la période de mobilisation initiale de ressources (2015-2019), 32 pour la première période de reconstitution (2020-2023) et 25 pour la 2e période de reconstitution (2024-2027).
Cette 2e conférence de reconstitution montre également une tendance à la stabilisation des contributions de plusieurs pays donateurs traditionnels (Japon et Royaume-Uni en tête) : la progression des engagements a été plus forte en 2019 (par rapport à 2014) qu’en 2023 (par rapport à 2019). En ce qui concerne la France, elle s’est engagée à hauteur de 1,61 Md€ au GCF-2, soit une hausse de 4% par rapport à sa contribution de 1,55 Md€ pour la première reconstitution. Cependant, en raison des fluctuations du taux d’échange entre le dollar et l’euro, la contribution de la France pour la 2e reconstitution des ressources du GCF est moins importante que la précédente en dollars, en passant de 1,79 Md$ en 2019 à 1,74 Md$ en 2023 (source : outil de suivi du GCF [GCF Pledge Tracker] du centre de réflexion américaine Natural Resources Defense Council (NRDC). En revanche, la contribution de l’Allemagne a progressé de 28% en $ US en 2023 (2 160,9 M$) par rapport à celle de 2019 (1 689,3 M$ – source : GCF, tableau de bord des engagements au 31 août 2023).
Evolution des engagements des six premiers pays donateurs en 2023 par rapport aux deux conférences des donateurs précédents en 2014 et en 2019 (en Md$, $B en anglais)
Source : Climate Home News, 5 octobre 2023.
Financement climat : le grand écart entre les promesses et les besoins réels
Selon le centre de réflexion international World Resources Institute (WRI), « les pays développés sont encore très loin de fournir le montant de financement climat dont les pays en développement ont besoin pour faire face à la crise climatique » (source : WRI, communiqué du 5 octobre 2023) (voir encadré ci-dessous).
Une stagnation du montant total des contributions pour la 2e période de reconstitution (2024-2027) pourrait obliger le GCF à réduire le nombre et/ou l’ampleur des projets à soutenir sur cette période.
Le manque d’engagements supplémentaires de la part des pays industrialisés pourrait également compromettre la nouvelle vision pour le GCF définie par sa nouvelle directrice générale, Mafalda Duarte lors du sommet sur l’ambition climat à New York, le 20 septembre 2023 (lire notre article). Cette nouvelle vision, dite « 50 by 30 », vise à atteindre un capital de 50 Md$ d’ici 2030 (par rapport à 17 Md$ aujourd’hui). Un axe clé de cette vision est d’attirer des contributions du secteur privé (lire la section sur la vision dans notre article sur les annonces en amont de la conférence de Bonn). Selon Mafalda Duarte, les contributions du secteur public ne suffiront pas, elles devraient stimuler de plus grands flux de financement, notamment du secteur privé.
Certains pays industriels grands donateurs (l’Allemagne notamment) insistent sur la nécessité d’élargir la base des donateurs au-delà des Etats définis, depuis l’adoption de la CCNUCC en 1992, comme pays industrialisés (ou Parties à l’annexe I [de la CCNUCC]), à d’autres pays grands émetteurs. Ainsi, d’autres pays, tels les pays du Golfe et la Chine, devraient également « faire leur part » en apportant une contribution au GCF.
Financement climat pour les pays en développement : quels sont les besoins réels ?
Deux rapports de référence quantifiant des estimations concernant les besoins en termes de financement climat des pays en développement ont été publiés lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh (Egypte) fin 2022 :
Rapport commandé par les Présidences de la COP-26 et de la COP-27 : 1 000 Md $ par an en 2030
Le 8 novembre 2022, un rapport intitulé « Finance for Climate Action : Scaling up investment for climate and development » [Financement pour l’action climat : accélérer et accroître l’investissement en faveur du climat et du développement] a été publié par le Groupe d’experts indépendants de haut niveau sur le financement climat, (Independent High-Level Expert Group on Climate Finance). Ce groupe a été lancé en juillet 2022 par les Présidences de la COP-26 (Royaume-Uni) et de la COP-27 (Egypte) et il est co-présidé par l’économiste britannique Nicolas Stern. Ce rapport a été établi à la suite de la demande conjointe des deux Présidences (voir lettre du 19/07/2022).
Le rapport, qui vise à fournir un cadre pour le financement de l’action climat, conclut notamment :
- que l’action actuelle est trop lente et trop faible et retarder l’action est dangereux,
- que le monde a besoin d’une nouvelle feuille de route sur le financement climat qui soit en mesure de mobiliser les 1 000 Md$/an nécessaires en 2030 pour aider les pays en développement et émergents (hors la Chine qui n’est pas prise en compte dans cette analyse),
- que les politiques publiques et les mesures gouvernementales ont un rôle important à jouer pour stimuler les investissements,
- que le secteur privé, les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales ont également un rôle complémentaire à jouer,
- qu’à la différence du chiffre des 100 Md$/an, qui a été négocié lors de la COP-15 à Copenhague et qui ne se basait pas sur des analyses du montant réellement nécessaire, le chiffre de 1 000 Md$/an est le montant nécessaire pour permettre aux pays en développement de s’adapter au changement climatique et de faire face à ses impacts irréversibles (pertes et préjudices), montant basé sur une analyse des investissements et actions climat nécessaires et sur le financement national potentiellement disponible.
Rapport du PNUE : Estimation des coûts annuels de l’adaptation d’ici 2030 – entre 160 et 340 Md$
Le 1er novembre 2022, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié son rapport annuel Adaptation Gap Report (à l’instar de son rapport annuel sur les émissions de GES, Emissions Gap Report). Ce rapport évalue, entre autres, l’écart entre, d’un côté, les flux de financement fournis par les pays industrialisés aux pays en développement pour l’adaptation et, de l’autre, les besoins réels des pays en développement en la matière. Parmi ses conclusions :
- les flux internationaux de financement de l’adaptation vers les pays en développement augmentent lentement,
- ils ont atteint 29 milliards (Md) $US en 2020 (estimation qui diffère de celle de l’OCDE dans son évaluation définitive du financement climat sur la période 2013-2020), soit une hausse de 4% par rapport à 2019,
- ce total de 29 Md$ représente 34% du total des financements climat en 2020,
- il faut accélérer et amplifier fortement ces flux pour respecter l’objectif fixé en novembre 2021 de doubler les flux financiers de 2019 d’ici 2025 (dans le cadre du Pacte de Glasgow pour le climat, adopté lors de la CMA-3, décision 1/CMA.3, §18),
- les flux financiers internationaux destinés à l’adaptation des pays en développement sont 5 à 10 fois inférieurs aux besoins estimés et l’écart se creuse,
- les besoins annuels en matière de financement de l’adaptation sont estimés à 160-340 Md$ d’ici 2030 et à 315-565 Md$ d’ici 2050.
Voir rapport intégral, synthèse et messages clés.
Un mauvais signal à huit semaines de la COP-28
A huit semaines, jour pour jour, de l’ouverture de la COP-28, le 30 novembre 2023, à Dubaï (Emirats arabes unis), le résultat mitigé de la 2e conférence de reconstitution du GCF à Bonn n’est pas vraiment de bon augure pour restaurer la confiance entre pays du Sud et pays du Nord et pour construire un consensus autour des différents éléments à négocier, puis à adopter à Dubaï.
Le financement des actions climat des pays en développement par les pays industrialisés constitue le « nerf de la guerre » des négociations au sein de la CCNUCC et surtout une source de tensions vives, voire de blocages lors des négociations depuis de très nombreuses années. Il y a de fortes chances que, lors de la COP-28, les pays du Sud ne vont pas manquer de critiquer vivement le manque d’ambition des pays donateurs au GCF. Un renforcement du financement climat est jugé indispensable pour rétablir cette confiance.
De même, la non-atteinte de l’objectif des 100 Md$ par an en 2020, qui n’était toujours pas atteint en 2022 (83,3 Md$, soit un écart de 16,7 Md$ au regard du montant visé – lire notre article) va donner du grain à moudre aux pays en développement et aux pays émergents, sachant surtout que cette somme des 100 Md$ ne représente qu’un dixième de la somme qui sera nécessaire en 2030 (1 000 Md$ par an), d’après le rapport réalisé pour les Présidences de la COP-26 (Royaume-Uni) et de la COP-27 (Egypte) (voir encadré ci-dessus). Une part importante du financement fourni dans le cadre de cet objectif doit passer par le Fonds vert pour le Climat (GCF).
Enfin, même si, selon les deux Ministres de l’Environnement (de l’Allemagne et du Canada) chargés de suivre le plan de mise en œuvre (delivery plan) établi le 25 octobre 2021 par la Présidence britannique de la COP-26 pour s’assurer de l’atteinte de l’objectif des 100 Md$, celui-ci devrait être atteint en 2023, les chiffres définitifs pour 2023 ne seront connus qu’en 2025. Autrement dit, il faudra attendre encore deux ans avant de pouvoir déterminer si l’objectif des 100 Md$ a effectivement été atteint. Ce délai supplémentaire va compromettre la confiance déjà tenue des pays en développement vis-à-vis des pays développés. Toutefois en amont de la COP-28, l’OCDE publiera un bilan du financement climat fourni et mobilisé en 2021, ce qui indiquera si l’objectif est en bonne voie d’être atteint ou non.
En savoir plus
Liste des pays donateurs et de leurs contributions respectives au 5 oct. 2023
Communiqué du centre de réflexion international World Resources Institute (WRI)