Répartition de l’empreinte carbone des français – nouvelle étude du Citepa et de l’ABC
Le Citepa et l’ABC (Association pour la transition Bas Carbone) ont réalisé avec l’appui financier et la collaboration de l’ADEME, une étude sur la répartition de l’empreinte carbone des Français. Cette étude, qui mobilise l’outil Nos Gestes Climat (NGC) ainsi que des études statistiques, se fonde en grande partie sur une enquête menée entre le 21 avril et le 10 mai 2023 auprès d’un échantillon de 4 096 personnes, représentatif de la population française adulte.
Objectifs de l’étude : évaluer les typologies d’empreinte des Français
L’empreinte carbone mesure les émissions de gaz à effet de serre associées à la production des biens et services qui sont utilisés en France, qu’ils soient fabriqués sur le territoire ou importés. Cette empreinte est estimée ici avec une nouvelle méthode à partir de l’outil NGC proposant un questionnaire sur la consommation et les pratiques des individus. Cette étude comporte plusieurs volets :
- Une évaluation de l’empreinte carbone selon différents critères : profils socio-démographiques, rapport à l’environnement, territoires d’habitation, domaine de pratiques, région, etc.),
- La mesure de l’effet de l’outil de sensibilisation Nos Gestes Climat sur la compréhension des enjeux, la prise de conscience de son empreinte individuelle et l’engagement à changer certaines pratiques,
- L’identification des disparités entre populations pour orienter et suivre les politiques de décarbonation.
Premiers résultats
Ils indiquent que l’empreinte varie peu entre régions administratives mais sensiblement en fonction du revenu, tout en indiquant les principaux secteurs d’émissions carbone :
- Homogénéité régionale : l’empreinte carbone semble assez uniforme au sein des différentes régions administratives de France, avec quelques variations expliquées principalement par les conditions de logement. A l’intérieur d’une région en revanche, l’empreinte carbone peut varier plus nettement selon les conditions de vie et les lieux.
- Influence majeure du revenu : les personnes à revenu plus élevé ont une empreinte carbone supérieure, surtout dans les derniers déciles de revenu. Ainsi, pour les revenus mensuels inférieurs à 750 €, l’empreinte individuelle adulte serait de 7 tonnes par an et pour les revenus supérieurs à 6 500 €, elle serait de 12 tonnes.
- Leviers de décarbonation : les principaux postes de consommation contribuant à l’empreinte carbone sont les transports (25%), l’alimentation (23%), le logement (18%) et les services sociétaux (18%). C’est notamment presque exclusivement sur le transport que les revenus les plus élevés creusent l’écart en matière d’empreinte carbone, ce domaine représentant jusqu’à 39% du total des émissions des personnes dont le revenu du foyer est supérieur ou égal à 6 500€. Pour autant, les transports est le domaine d’action pour lequel les répondants ont le sentiment d’agir le plus aujourd’hui.
Perception de l’empreinte
40% des participants pensaient que leur empreinte était plus basse ; 80 % des sondés disent vouloir faire davantage pour réduire leur empreinte après le test NGC et deux tiers disent vouloir parler de leur résultat et des moyens de réduire l’empreinte avec leurs proches.
Apports de cette étude
La valeur ajoutée de cette étude consiste à montrer quelles sont les variables influant sur le niveau d’empreinte afin de suivre et d’orienter les politiques de décarbonation. Les résultats éclairent les experts et les pouvoirs publics sur les leviers et actions de décarbonation en fonction des différentes typologies de Français.
Limites de cette étude et perspectives
La méthodologie basée sur un questionnaire autoadministré et adressé aux seuls adultes, comporte des biais spécifiques aux déclarations. Des redressements statistiques ont été effectués pour améliorer la précision des données et les compléter avec les personnes de moins de 18 ans. L’estimation du niveau moyen de l’empreinte individuelle annuelle des Français serait d’environ 8 tonnes CO2eq pour l’année 2022[1]. Il est probable que ce résultat minore un peu la réalité compte tenu de la difficulté de prise en compte de certains investissements dans la consommation des ménages. Ainsi, l’empreinte moyenne par personne est évaluée à environ 9 tonnes par le SDES, qui applique les méthodes standard à partir des statistiques publiques officielles[2]. Alors que cette étude se fonde principalement sur une enquête déclarative couplée à des facteurs d’émissions d’analyse de cycle de vie, la statistique publique adopte une approche macro-économique qui permet de répartir la totalité des émissions mondiales et annuelles de GES en fonction du lieu où sont consommés les biens et services. Les résultats sur l’empreinte et sa répartition présentent aussi des écarts significatifs avec d’autres études[3]. Il reste dans tous les cas un long chemin à parcourir pour s’approcher de la neutralité carbone en 2050.
Une seconde vague d’enquête en 2024 pourrait permettre de stabiliser la méthode pour ensuite, par vagues successives, suivre l’évolution des comportements et les impacts des politiques et mesures sur les différentes catégories de Français. A ce stade, les résultats d’empreinte issus des deux approches ne sont pas directement comparables. D’autres réflexions et investigations seront nécessaires pour cerner les complémentarités entre approches, les domaines d’utilisation de ces différentes méthodes et leurs rapprochements possibles.
Conclusion
L’étude met en évidence l’importance de mener des politiques de décarbonation ciblées, compte tenu de la variation des niveaux d’empreinte selon les revenus et les catégories socio-professionnelles, et de l’impact des leviers à la disposition des publics mis en évidence notamment dans l’application Nos Gestes Climat.
Ce travail ouvre également la voie à des études supplémentaires pour affiner ces résultats initiaux, les mettre en regard avec d’autres formes de calculs d’empreinte carbone et contribuer à améliorer les politiques de décarbonation vers toujours plus efficacité et d’équité.
Réaction d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique
« Je remercie le Citepa et l(ABC pour cette étude qui montre que les citoyens souhaitent faire davantage pour réduire leur empreinte carbone lorsqu’ils sont sensibilisés. Je retiens aussi une dichotomie : alors que l’écart d’empreinte carbone entre les plus riches et les plus modestes provient majoritairement de l’usage des transports, c’est sur les transports justement que les répondants ont le sentiment d’agir le plus aujourd’hui. Et toutes les régions sont concernées. Ceci conforte la vision et la stratégie que je porte : d’une part, apporter des solutions concrètes et accessibles aux classes moyennes et modestes, en renforçant l’aide à l’achat des voitures électriques ou en renforçant les transports en commun par exemple ; d’autre part, faire en sorte que les acteurs les plus émetteurs payent progressivement le juste prix du carbone. C’est une question de justice sociale. »
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Notes
[1] Les consommations sont déclarées pour l’année 2022 mis à part quelques cas spécifiques comme pour l’avion dont les usages ont été moyennés sur trois ans compte tenu des impacts de la période Covid.
[2] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2021
[3] Notamment SDES, Eurostat/Figaro, OCDE/Icio.