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Installations de production d’électricité : le Gouvernement relève pour la troisième fois le plafond d’émission de GES des deux dernières centrales à charbon

  • Réf. : 2023_09_a01
  • Publié le: 6 septembre 2023
  • Date de mise à jour: 6 septembre 2023
  • France

Par le décret n°2023-817 du 23 août 2023 (JO du 24), le Gouvernement a relevé pour la troisième fois le plafond d’émissions de gaz à effet de serre (GES) applicable aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles (en l’occurrence les centrales thermiques au charbon) et ce, sous réserve d’une obligation de compensation des émissions qui en résulteront (voir plus loin). Cette mesure concerne, d’une part, la dernière centrale à charbon encore en fonctionnement en France aujourd’hui : les deux tranches de 600 MW chacune de Cordemais (Loire-Atlantique). Elle concerne d’autre part la dernière tranche (n°6) de 600 MW de Saint-Avold (Moselle), initialement fermée le 31 mars 2022 mais qui a redémarré de façon temporaire pendant l’hiver 2022-2023, compte tenu de la crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine. Ces deux centrales sont soumises au système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de GES de l’UE : elles doivent restituer des quotas pour chaque tonne de CO2 qu’elles émettent.

Le projet de décret avait été soumis à une consultation publique du 3 au 25 juillet 2023.

 

Contexte

Dans le cadre de la sortie du charbon prévue par le Plan climat du 6 juillet 2017 (lire notre article), l’article 12 de la loi énergie-climat (loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019) a établi l’obligation pour l’autorité administrative de définir un plafond annuel d’émissions de GES applicable à compter du 1er janvier 2022 aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental et émettant plus de 0,55 tonnes de CO2e/MWh. Les modalités de calcul des émissions pour l’atteinte du seuil de 0,55 t CO2e/MWh, notamment la nature des combustibles comptabilisés, ainsi que le plafond d’émissions lui-même, devaient être fixés par décret.

En application de l’article 12 précité, le décret n°2019-1467 du 26 décembre 2019 a fixé un plafond d’émissions de GES. Pour les installations situées en métropole continentale, produisant de l’électricité à partir de combustibles fossiles et émettant plus de 0,55 t CO2e/MWh d’électricité produite, le plafond annuel d’émissions de GES a été fixé à 0,7 kilotonne (soit 700 t) CO2e/MW de puissance électrique installée et ce, depuis le 1er janvier 2022. Ce seuil correspond à environ 700 heures de fonctionnement annuel pour une centrale à charbon (source : MTE, 30 décembre 2021). Le décret a également établi les modalités de calcul des émissions pour l’atteinte du seuil de 0,55 t CO2e/MWh et du plafond d’émissions. Ces dispositions réglementaires ont ensuite été codifiées dans le Code de l’Energie (cf. article D.311-7-2).

En limitant fortement leurs perspectives de rentabilité, la mise en place du décret n°2019-1467 a déjà permis la mise à l’arrêt de deux des quatre dernières centrales thermiques utilisant du charbon en France métropolitaine (Gardanne [Bouches-du-Rhône] et le Havre [Seine-Maritime]) (voir détails sur le site du MTE). Toutefois, RTE [Réseau de transport d’électricité, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité haute tension en France métropolitaine] a placé sous vigilance renforcée l’hiver 2021-2022 du fait d’une faible disponibilité du parc nucléaire suite à des problèmes techniques de corrosion sous contrainte et du retard enregistré dans la mise en œuvre du programme de contrôle de maintenance en raison de la crise sanitaire du Covid-19.

Pour pallier cette situation exceptionnelle, et afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement prévue à l’article L100-1 du Code de l’Energie (alinéa 2), le décret n°2022-123 du 5 février 2022 a prévu une dérogation exceptionnelle du respect du plafond annuel d’émissions de 0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée. Cette dérogation vise les deux tranches de 600 MW de Cordemais (Loire-Atlantique) et la dernière tranche (n°6) de 600 MW de Saint-Avold (Moselle). Le Gouvernement a ainsi fixé de nouveaux plafonds dégressifs, rehaussant le plafond dans un premier temps pour le baisser ensuite selon le calendrier suivant :

  • du 1er janvier au 28 février 2022: un nouveau plafond de 1 kt CO2e/MW de puissance électrique installée applicable pendant ces deux mois caractérisant la pointe de consommation hivernale. Cela correspond à environ 1 000 heures de fonctionnement durant cette période,
  • du 1er mars au 31 décembre 2022 : ce plafond a été abaissé à 0,6 kt CO2e/MW de puissance électrique installée,
  • à compter du 1er janvier 2023, le plafond revient à son niveau, fixé par le décret n°2019-1467, de 0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée.

 

L’article D.311-7-2 du Code de l’Energie a été modifié par les dispositions du décret n°2022-123.

 

Ensuite, le Gouvernement a relevé pour la deuxième fois le plafond d’émissions de GES pour les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles et ce, en vertu du décret n°2022-1233 du 14 septembre 2022 (lire notre article). Ainsi, le décret précité prolongeait la dérogation au plafond initial (0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée) applicable aux centrales à charbon qui émettent plus de 0,55 tCO2e/MWh, établie par le décret-n°2022-123 du 5 février 2022. Il modifiait de façon temporaire et dégressive ce plafond d’émissions, dans un premier temps en le rehaussant une deuxième fois, puis en le rebaissant jusqu’à son niveau initial, selon le calendrier suivant :

  • du 1er mars 2022 au 31 mars 2023: un nouveau plafond de 3,1 kt CO2e/MW de puissance électrique installée, soit une hausse d’un facteur 3 du plafond précédent de 1 kt CO2e/MW. Cela correspond à environ 3 100 heures de fonctionnement durant cette période. Selon le MTE, ce rehaussement du plafond d’émissions devait donc conduire, sur la période entre le 1er octobre 2022 et le 31 mars 2023, à l’émission de 2,5 kt CO2e/MW de plus que le plafond en vigueur avant le décret n°2022-1233 (0,6 kt CO2e/MW). Cela a permis de disposer des 1,8 GW correspondant aux centrales thermiques au charbon de Cordemais et St Avold pendant environ 2 500 h supplémentaires sur cette période qui risquait d’être tendue du point de vue de l’approvisionnement en électricité (source : MTE, 30 juin 2022). Ce rehaussement correspondrait à l’émission de 4,5 Mt CO2 supplémentaires ;
  • du 1er avril au 31 décembre 2023 : durant cette période, ce plafond sera abaissé à 0,6 kt CO2e/MW de puissance électrique installée (soit le même plafond que celui initialement fixé pour la période du 1er mars au 31 décembre 2022 par le décret n°2022-123 du 5 février 2022) ;
  • à compter du 1er janvier 2024, le plafond revient à son niveau, fixé par le décret n°2019-1467, de 0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée.

 

L’article 1er du décret n°2022-1233 a également créé l’article D. 311-7-3 du Code de l’Energie, qui prévoit une obligation de compensation portant sur les émissions de GES résultant de l’activité des deux centrales thermiques visées, au-delà des plafonds en vigueur jusque-là, soit 0,6 kt CO2e/MW de puissance électrique installée entre le 1er mars et le 31 décembre 2022 et 0,7 kt CO2e/MW entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2023. Ces projets de compensation peuvent être des projets de réduction des émissions de GES ou d’accroissement de l’absorption de CO2 situés sur le territoire français et favorisant notamment le renouvellement forestier, le boisement, l’agroforesterie, l’agro-sylvo-pastoralisme ou l’adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de GES ou de toute pratique favorisant le stockage naturel de carbone. Le décret fixe ainsi les modalités de compensation pour les projets concernés, notamment au travers d’un versement d’un montant libératoire fixé à 40 euros la tonne de CO2 émise (cf. article 2 du décret n°2022-1233).

 

 

Justification des nouvelles mesures

Pris pour l’application de l’article 36 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, le nouveau décret n°2023-817 relève, une troisième fois, le plafond d’émissions de GES des centrales à charbon afin d’assurer les objectifs de sécurité d’approvisionnement et de réduction de la dépendance aux importations fixés à l’article L. 100-1 du Code de l’Energie (alinéa 2) pendant la période d’automne-hiver 2023-2024. Il répond à un besoin exceptionnel lié à un contexte non prévisible (la crise énergétique engendrée par la guerre menée par la Russie en Ukraine) et vise à faire face à des difficultés d’approvisionnement en énergie résultant de cette guerre et susceptibles d’affecter la vie socio-économique de la France.

Dans ces conditions, souligne le MTE, faire fonctionner les centrales à charbon au-dessus du plafond en vigueur avant ce nouveau décret (0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée) permettrait ainsi d’assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité pendant l’hiver 2023-2024 au regard de la situation exceptionnelle à laquelle fait face la France (et les autres pays d’Europe d’ailleurs). A noter toutefois que suite à la mobilisation des Français en faveur de la sobriété énergétique (-7 % de consommation d’électricité en juin 2023 par rapport à 2018-2019 corrigée de l’aléa climatique), du déploiement des énergies renouvelables (+15 % de production d’électricité d’origine renouvelable au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2022) et d’une meilleure disponibilité nucléaire anticipée par EDF au cours de l’hiver 2023-2024, le niveau de tension sur le système électrique est actuellement moindre qu’en 2022 à la même période. La France est d’ailleurs exportatrice d’électricité depuis le début d’année 2023, à des niveaux proches de 2021 (source : MTE, 3 juillet 2023).

Selon le MTE, si les analyses effectuées par RTE (gestionnaire du réseau de transport d’électricité français) montrent que le niveau de tension sur le système électrique français pour l’hiver 2023-2024 sera moindre que l’hiver précédent, il convient toutefois, par précaution, de prendre toutes les mesures pour pallier tout scénario et être en mesure de répondre aux besoins des Français (poursuite de la guerre en Ukraine, hiver très rude,…), tout en tenant compte de cette situation plus favorable.

Le MTE souligne enfin que l’objectif final est toujours la mise à l’arrêt définitive des centrales à charbon en France métropolitaine et la décarbonation du mix électrique.

 

Les nouvelles mesures établies par le décret n°2023-817

Le nouveau plafond d’émissions dégressif (article 1er du décret n°2023-817)

Le nouveau décret, qui modifie l’article D. 311-7-2 du Code de l’Energie, prolonge la dérogation au plafond initial (0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée) applicable aux centrales à charbon qui émettent plus de 0,55 t CO2e/MWh. Cette dérogation a été initialement établie par le décret-n°2022-123 du 5 février 2022 et a été prolongée par le décret n°2022-1233 (voir encadré ci-dessus). Ainsi, il modifie de façon temporaire et dégressive ce plafond d’émissions, dans un premier temps en le rehaussant une troisième fois, puis en le rebaissant jusqu’à son niveau initial, selon le calendrier suivant :

  • du 1er avril 2023 au 31 décembre 2024: un nouveau plafond de 1,8 kt CO2e/MW de puissance électrique installée, soit une réduction de 42% du plafond précédent de 3,1 kt CO2e/MW du 1er mars 2022 au 31 mars 2023 (fixé par le décret n°2022-1233 – voir encadré ci-dessus). Ce nouveau plafond permettra aux centrales de fonctionner durant 500 h supplémentaires par rapport aux 1 300 heures existantes (600 sur l’année 2023 et 700 sur l’année 2024) au cours de l’hiver 2023-2024 (source : MTE, 3 juillet 2023) ;
  • à compter du 1er janvier 2025, le plafond reviendra de nouveau à son niveau initialement prévu pour l’année 2023, fixé par le décret n°2019-1467, de 0,7 kt CO2e/MW de puissance électrique installée, et ensuite prévu pour l’année 2024 par le décret n°2022-1233.

 

L’obligation de compensation, le fonds de compensation et le montant à verser (articles 1er et 2)

Le nouveau décret maintient également l’obligation de compensation en vigueur et prévue par l’article D 311-7-3 du Code de l’Energie (créé par l’article 1er du décret n°2022-1233 – voir encadré plus haut) mais augmente à 50 €/t CO2e émise la valeur de la compensation demandée, dite montant libératoire (contre la valeur précédente de 40 €/t CO2e émise, fixée par l’article 2 du décret n°2022-1233). Cette compensation est obligatoire pour les exploitants des deux centrales sur leurs émissions de GES résultant de l’activité de leurs installations :

  • au-delà de 0,6 kt CO2e/MW de puissance électrique installée entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2022 ;
  • au-delà de 0,7 kt CO2e/MW entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2023 ;
  • au-delà de 0,7 kt CO2e/MW entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2024.

 

Cette obligation de compensation vient en plus des obligations de restitution de quotas au titre du marché carbone européen.

 

Ainsi, pour remplir cette obligation de compensation, les exploitants sont tenus de verser dans un fonds visant à financer des projets de réduction ou de séquestration de gaz à effet de serre sur le territoire français :

  • avant le 30 juin 2024, un montant libératoire de 40 €/t CO2e émise et déclarée entre le 1er avril 2023 et le 31 décembre 2023, en décomptant le seuil de 0,7 kt CO2e des émissions à compenser sur l’année 2023, ainsi qu’un montant libératoire de 50 €/t CO2e émise et déclarée entre le 1er janvier 2024 et le 31 mars 2024, en décomptant le seuil de 0,7 kt CO2e des émissions à compenser sur cette même période ;
  • avant le 31 mai 2025, un montant libératoire de 50 €/t CO2e émise et déclarée entre le 1er avril 2024 et le 31 décembre 2024, en décomptant le seuil de 0,7 kt CO2e des émissions à compenser sur l’année 2024.

 

Déclaration d’émissions (article 2)

Les exploitants sont toujours tenus de transmettre au Ministre chargé de l’Energie les certificats de paiement correspondant aux montants dus au titre de la déclaration de leurs émissions de GES (cf. article 2 du décret n°2022-1233).

Les exploitants des deux centrales sont tenus de transmettre au Ministre chargé de l’Energie :

  • avant le 31 mai 2024, une déclaration portant sur les émissions résultant de l’activité de leurs installations entre le 1er avril 2023 et le 31 décembre 2023, et sur celles produites entre le 1er janvier 2024 et le 31 mars 2024 ;
  • avant le 30 mars 2025, une déclaration portant sur les émissions résultant de l’activité de leurs installations entre le 1er avril 2024 et le 31 décembre 2024.

 

Modalités de contrôle et amendes (article 2)

Au 1er juillet 2024, si l’exploitant n’a pas justifié du respect de ses obligations de compensation des émissions produites entre le 1er avril 2023 et le 30 mars 2024, le Ministre chargé de l’Energie le met en demeure d’y satisfaire dans un délai de deux mois.

Au 1er juin 2025, si l’exploitant n’a pas justifié du respect de ses obligations de compensation des émissions produites entre le 1er avril 2024 et le 31 décembre 2024, le Ministre chargé de l’Energie le met en demeure d’y satisfaire dans un délai de deux mois.

A l’issue de ces délais, qui peuvent être prolongés d’un mois chacun, le Ministre chargé de l’Energie peut :

  • soit notifier à l’exploitant de l’installation qu’il a rempli son obligation de compensation,
  • soit prononcer une amende relative aux émissions non compensées de 100 €/t de GES émise pour laquelle l’exploitant n’a pas satisfait à son obligation de compensation. Le paiement de l’amende ne dispense pas l’exploitant de l’obligation de compenser ses émissions.

 

 

En savoir plus

Le décret n°2023-817

 

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