Loi sur l’accélération des renouvelables
Les quatre grands axes de la stratégie énergétique française présentés par Président de la République à Belfort le 10 février 2022 (lire notre article) sont les suivants : sobriété énergétique ; efficacité énergétique ; développement des énergies renouvelables et relance de la filière nucléaire. Sur le volet sobriété, un plan de sobriété s’est décliné en 2022 et 2023 (lire notre article). Sur le volet de la relance du nucléaire, une autre loi vient d’être promulguée le 22 juin 2023 (lire notre article). Sur le volet de développement des EnR, une loi d’accélération a été promulguée le 10 mars 2023 : tour d’horizon des principales mesures.
Publiée au Journal Officiel le 11 mars 2023, la loi dite d’« accélération des renouvelables (loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables), vise à faciliter l’installation d’énergies renouvelables pour permettre de rattraper le retard pris dans ce domaine. En 2020, la France était le seul pays à ne pas avoir atteint le chiffre fixé par l’Union européenne de 23% de part de renouvelables (lire notre article). De nombreux décrets sont attendus en application de cette loi. D’après la ministre de la Transition énergétique, l’objectif est de « diviser par deux le temps de déploiement des projets et revenir dans la moyenne de nos partenaires européens ».
L’ambition de développement des EnR dans le Discours de Belfort
Le 10 février 2022, dans le cadre du plan d’investissement « France 2030 » annoncé en octobre 2021 (lire notre article), le Président de la République a détaillé, lors d’une visite à Belfort, les grandes orientations qu’il souhaitait donner à la politique énergétique de la France. Le Président proposait ainsi :
- le développement massif des énergies renouvelables, en particulier le solaire et l’éolien, via un investissement d’un milliard d’euros dans le cadre de France 2030 pour l’innovation dans ce domaine ;
- le prolongement de la durée de vie de tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être, au-delà de 50 ans si possible, contrairement à la décision annoncée en novembre 2018, lors de la présentation de la PPE, de fermer 14 réacteurs d’ici 2035 pour ramener la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité à cet horizon ;
- le lancement d’un grand programme de nouveaux réacteurs nucléaires : construction de six EPR2 (version optimisée, moins coûteuse qu’un réacteur nucléaire EPR [réacteur pressurisé européen]), avec mise en service du premier autour de 2035 ; et lancement d’études pour la construction de huit autres ;
- la création d’une direction de programme interministérielle dédiée au nouveau nucléaire – sous responsabilité du Premier Ministre.
Sur le volet EnR, l’ambition annoncée était de multiplier par dix la production d’énergie solaire pour dépasser les 100 gigawatts (GW) ; de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW ; et de doubler la production d’éoliennes terrestres pour arriver à 40 GW.
Lire notre article complet sur le discours de Belfort.
Après avoir été présenté en Conseil des ministres le 26 septembre 2022, le projet de loi avait été déposé au parlement à cette même date, examiné puis adopté définitivement le 7 février 2023. Ayant été validée par le Conseil C Constitutionnel le 9 mars 2023, la loi a ainsi été promulguée le 10 mars 2023.
La loi comprend sept grands titres :
Titre Ier : mesures favorisant l’appropriation territoriale des énergies renouvelables et leur bonne insertion paysagère (articles 1 à 3)
Titre II : mesures de simplification et de planification territoriale visant à accélérer et à coordonner les implantations de projets d’énergies renouvelables et les projets industriels nécessaires à la transition énergétique (articles 4 à 33)
Titre III : mesures tendant à l’accélération du développement de l’énergie solaire, thermique, photovoltaïque et agrivoltaïque (articles 34 à 55)
Titre IV : mesures tendant à l’accélération du développement des installations de production d’énergie renouvelable en mer (articles 56 à 66)
Titre V : mesures portant sur d’autres catégories d’énergies renouvelables (articles 67 à 85)
Titre VI : mesures transversales de financement des énergies renouvelables et de récupération
Titre VII : dispositions diverses (articles 104 à 116).
La loi s’articule autour de quatre axes :
- Planifier avec les élus locaux le déploiement des énergies renouvelables dans les territoires
- Simplifier les procédures d’autorisation des projets d’énergies renouvelables
- Mobiliser les espaces déjà artificialisés pour le développement des énergies renouvelables
- Partager la valeur des projets d’énergies renouvelables avec les territoires qui les accueillent
Planification des projets d’énergies renouvelables
La loi instaure un dispositif de planification territoriale des énergies renouvelables pour faciliter l’approbation locale des projets et assurer leur meilleur équilibre dans les territoires, sur la base d’informations mises à disposition de l’Etat concernant le potentiel d’implantation des énergies renouvelables. Le Cerema, a depuis mis en ligne le 6 juin 2023 un portail cartographique sur les potentiels d’énergies renouvelables disponibles au niveau des territoires. Les communes devront ensuite, après concertation du public, identifier des zones d’accélération favorables à l’accueil des installations. Cette cartographie sera validée au niveau départemental par les référents préfectoraux après avis conforme de chaque commune concernée. Dans le cas contraire, les référents préfectoraux devront demander aux communes d’identifier de nouvelles zones. Les communes pourront toujours délimiter des zones d’exclusion dès lors que les objectifs régionaux sont atteints. Ce processus devra être renouvelé tous les cinq ans. À partir du 31 décembre 2027, les zones d’accélération devront contribuer à atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
La loi prévoit aussi un dispositif de planification du déploiement des éoliennes en mer, avec un document établissant, pour les quatre façades maritimes, sur dix ans et à horizon 2050, des zones prioritaires pour les parcs éoliens, au-delà des eaux territoriales à plus de 22 kilomètres des côtes et en dehors des parcs nationaux. Après un dispositif de concertation, le gouvernement arrêtera en 2024 la première cartographie des zones prioritaires pour installer les éoliennes en mer.
Enfin, la loi prévoit la création d’un observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité d’ici 2024.
Simplification des procédures
La loi prévoit plusieurs mesures simplifiant les procédures environnementales et réduisant la durée d’instruction des projets, avec un objectif de division de ce temps par deux. La loi institue, pour certains projets d’EnR, une présomption de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), l’un des trois critères qui permet de déroger à l’obligation de protection des espèces protégées. Un décret en Conseil d’Etat doit encore en définir les conditions.
Des amendements de parlementaires ont ajouté à la loi la création de référents préfectoraux à l’instruction des projets renouvelables, chargés de faciliter les démarches administratives des porteurs de projets. La loi prévoit aussi qu’un médiateur des énergies renouvelables puisse aider à la recherche de solutions amiables aux difficultés. D’autres mesures réduisent les risques de contentieux et évitent l’annulation totale des autorisations environnementales.
Mobilisation du foncier pour le solaire et l’éolien
La loi facilite l’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur des terrains déjà artificialisés ou ne présentant pas d’enjeu environnemental majeur (bordure des routes, autoroutes et voies ferrées, friches…). Les parkings extérieurs existants de plus de 1 500 m2 devront être équipés de panneaux solaires sur au moins la moitié de leur surface (sauf exceptions). Sur les bâtiments non résidentiels neufs ou rénovés (entrepôts, hôpitaux, écoles…), la couverture minimum des toitures solaires augmentera progressivement de 30% en 2023 à 50% en 2027. Cette obligation sera étendue dès 2028 aux bâtiments non résidentiels existants. En outre, les organismes privés d’habitations à loyer modéré (HLM) devront réaliser une étude de faisabilité pour développer de tels équipements sur leurs logements sociaux. Un rapport est demandé au gouvernement sur l’opportunité de recouvrir de peinture blanche les toits de divers bâtiments. À l’initiative des parlementaires, la loi définit et encadre les installations agrivoltaïques sur des bâtiments dont l’usage agricole devra rester l’activité principale, et interdit les ouvrages solaires au sol sur les terres cultivables, sauf sur des terres incultivables ou non exploitées depuis un certain temps. Dans les zones forestières, les installations solaires sont interdites dès lors qu’elles nécessitent d’abattre des arbres.
La loi précise aussi les conditions d’installation de projets éoliens terrestres : les autorisations d’exploiter devront ainsi prendre en compte de nouveaux facteurs dont « les effets de saturation visuelle » dans le paysage.
De plus, les grandes entreprises publiques et les sociétés de plus de 250 salariés, devront mettre en place, d’ici février 2025, un plan de valorisation de leur foncier, pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Plusieurs mesures en faveur de la méthanisation, de l’hydroélectricité, de l’hydrolien fluvial et de la géothermie complètent le texte.
Partage de la valeur
La loi met en place un mécanisme de redistribution de la valeur générée par ces projets auprès des territoires impactés. Ainsi, Les lauréats d’appel d’offres d’énergies renouvelables devront participer au financement des projets « verts » des communes et des intercommunalités d’implantation (rénovation et efficacité énergétiques, mobilités durables …) ou à des projets de protection de la biodiversité de l’Office français de la biodiversité. Les collectivités locales et leurs habitants pourront également prendre des participations aux projets de production d’énergie renouvelable.
En savoir plus
Communiqué du Ministère de la Transition Ecologique
Résumé sur le site vie-publique
Tableau de bord de la production d’électricité – par type de production – RTE