Conseil Environnement : débat sur la proposition de directive révisant la directive Qualité de l’air (2008/50/CE)
Lors du Conseil Environnement du 20 juin 2023, les Ministres de l’Environnement des Vingt-sept ont tenu un débat d’orientation (policy debate) sur la proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE sur la qualité de l’air ambiant. Cette proposition avait été présentée par la Commission européenne le 26 octobre 2022 (voir encadré contexte en fin d’article).
L’état d’avancement des travaux au sein du Conseil
Selon le Secrétariat général du Conseil, les discussions menées au sein du Conseil Environnement en amont de sa réunion du 20 juin 2023 avaient été positives et constructives, et avaient permis de clarifier de nombreux points de la proposition. Dans l’ensemble, de nombreuses délégations s’étaient montrées favorables à la proposition, mais certaines avaient aussi exprimé des préoccupations quant aux coûts liés à l’adoption de normes de qualité de l’air et d’une gouvernance plus ambitieuses, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres aspects de la proposition, notamment ses liens avec d’autres actes législatifs ayant une incidence dans le domaine de la qualité de l’air et avec les dispositions sur l’accès à la justice, l’indemnisation et les sanctions (source : document d’information du Conseil du 2 juin 2023).
Sujets à examiner, proposés par la Présidence
Afin de fournir des orientations pour la suite des travaux au niveau technique et de structurer le débat, la Présidence suédoise de l’UE a invité le Conseil Environnement à approfondir deux principaux points lors de sa session du 20 juin 2023 :
- niveau général d’ambition en matière de lutte contre la pollution atmosphérique,
- moyens d’action politique pour respecter les normes de qualité de l’air proposées.
Questions à l’intention des Ministres, proposées par la Présidence
Afin d’orienter la suite des travaux sur ce dossier législatif et de structurer le débat, les Ministres ont également été invités à procéder à un échange de points de vue sur la base de deux questions élaborées par la Présidence suédoise :
- le niveau d’ambition des normes de qualité de l’air proposées et de leur entrée en vigueur à partir de 2030 est-il suffisant pour lutter contre la pollution de l’air ambiant ?
- quels sont les facteurs et outils les plus importants permettant de respecter les normes de qualité de l’air et d’atteindre l’objectif « zéro pollution » à long terme ? Pensez-vous que ces questions soient prises en compte de manière satisfaisante dans la proposition de directive ?
Résultats
L’échange de points de vue sur la proposition de directive a fait ressortir des divergences d’opinion, parmi les Ministres des Vingt-sept, sur les nouvelles normes de qualité de l’air proposées. Ainsi, des Ministres d’une douzaine d’Etats membres (dont l’Italie ainsi que sept Etats membres de l’Europe de l’Est : Bulgarie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovénie et Tchéquie) se sont prononcés contre. Le principal argument justifiant cette position était le besoin de trouver un financement pour mettre en place des stations de mesure et traiter les données recueillies afin de se conformer à ces nouvelles normes proposées. Ils ont également demandé davantage de flexibilité pour prendre en compte l’impact de la pollution transfrontalière, les impacts du dérèglement climatique et les spécificités météorologiques.
La Ministre allemande de l’Environnement a indiqué que son gouvernement n’a pas encore pris de position sur la proposition.
Une dizaine d’Etats membres soutiennent les nouvelles normes proposées (Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas), toutefois avec des réserves dans certains cas.
La Ministre espagnole de l’Environnement, Teresa Ribera, a annoncé que la Présidence espagnole de l’UE (2e semestre 2023) accordera la priorité à ce dossier législatif (source de ces trois paragraphes : ENDS Europe Daily du 21 juin 2023).
La position du Parlement européen, l’autre co-législateur
Le 23 février 2023, le rapporteur de la proposition de directive au sein de la Commission Environnement (ENVI) du Parlement européen, l’eurodéputé espagnol Javi López, a publié son projet de rapport sur la proposition de directive. Il prévoit plusieurs amendements à la proposition initiale pour renforcer la protection de la santé publique, en proposant notamment que l’UE s’aligne pleinement d’ici 2030 avec les valeurs-guides de l’OMS de 2021. Les discussions ont été menées au sein de la Commission ENVI sur fond de divergences entre les différents groupes politiques sur la question de savoir s’il fallait établir ou non, dans la directive révisée, une obligation d’alignement des normes européennes avec les valeurs-guides de l’OMS d’ici 2030.
Le 27 juin 2023, le rapport a été adopté par 46 voix pour, 41 voix contre et 1 abstention, moyennant certains amendements. La Commission ENVI affirme que les prochaines révisions de cette directive devront garantir un alignement complet et continu sur les lignes directrices de l’OMS.
Plus de points de prélèvement de la qualité de l’air : la Commission ENVI souligne également la nécessité d’augmenter le nombre de points de prélèvement pour la qualité de l’air. Dans les zones où des concentrations élevées de particules ultrafines (PUF), de carbone suie, de mercure et d’ammoniac (NH3) sont susceptibles de se produire, il devrait y avoir un point de prélèvement pour un million d’habitants, ce qui est plus élevé que la proposition de la Commission d’un pour cinq millions d’habitants relativement aux seules PUF. Dans les zones urbaines, il devrait y avoir au moins un site de surveillance reflétant l’exposition de la population urbaine pour deux millions d’habitants, contre un pour 10 millions d’habitants proposé par la Commission.
Une meilleure information des citoyens : les eurodéputés de la Commission ENVI souhaitent harmoniser les indices de qualité de l’air, actuellement fragmentés et peu intuitifs, couvrant le SO2, le NO2, les particules (PM10 et PM2,5) et l’ozone dans l’ensemble de l’UE. Les indices de pollution devraient selon eux être plus clairs, accessibles au public et actualisés toutes les heures afin que les citoyens puissent se protéger en cas de niveaux élevés de pollution de l’air (et avant que les seuils d’alerte ne soient atteints). Ils devraient être accompagnés d’informations sur les symptômes associés aux pics de pollution atmosphérique, et sur les risques sanitaires associés à chaque polluant, incluant des informations adaptées aux personnes vulnérables.
Plans et feuilles de route pour améliorer la qualité de l’air : la Commission ENVI propose qu’en plus des plans pour la qualité de l’air, qui sont requis lorsque les pays de l’UE dépassent les seuils, tous les États membres créent également des feuilles de route sur la qualité de l’air définissant des mesures à court et à long terme afin de respecter les nouvelles valeurs limites.
Prochaines étapes
Le Parlement européen, dans son ensemble, devrait adopter son mandat de négociation lors d’une prochaine session plénière. Une fois que le Conseil aura adopté sa position (approche générale), les négociations entre les deux co-législateurs sur la version finale du texte de la future directive pourront commencer.
La proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE
La législation européenne en matière de qualité de l’air est constituée de quatre actes législatifs dont deux directives qui établissent les règles de surveillance, de gestion et d’évaluation de la qualité de l’air pour les 13 polluants réglementés, y compris les normes de qualité de l’air qui leur sont applicables (valeurs limites de concentration, valeurs cibles, objectifs de qualité,…) :
- directive 2008/50/CE a fixé les normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration) pour huit polluants dits réglementés (SO2, NO2/NOx, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone). Ces normes ont été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2002) ;
- directive 2004/107/CE (arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P)).
La proposition de la Commission du 26 octobre 2022 révise et fusionne les deux directives précitées et a pour objectif d’aligner plus étroitement les normes de l’UE en matière de qualité de l’air sur les valeurs-guides (lignes directrices ou guidelines) de l’Organisation mondiale de la santé (lire notre article).
Plus spécifiquement, la proposition vise :
- à fixer des normes de qualité de l’air intermédiaires pour 2030, « mieux alignées avec les valeurs-guides de l’OMS», sans toutefois atteindre leur niveau ;
- à mettre l’UE sur une trajectoire pour atteindre « zéro-pollution » au plus tard en 2050 (lire notre article), en synergie avec la politique climat vers la neutralité carbone à cette même échéance ;
- à effectuer un réexamen régulier des normes de qualité de l’air pour les réévaluer au regard des dernières avancées scientifiques et technologiques ;
- à baisser de plus de moitié la valeur limite annuelle de concentration des particules fines (PM2,5). A titre d’exemple, la Commission propose que la valeur limite annuelle des PM2,5 passe de 25 µg/m³ [valeur actuelle en vigueur] à 10 µg/m³ en 2030 (soit l’ancienne valeur guide de l’OMS de 2005 et non pas la nouvelle qui est de 5 µg/m³ depuis le 21 septembre 2021) ;
- à ajouter une valeur limite journalière de concentration pour les PM2,5, à savoir 25 µg/m³ à ne pas dépasser plus de 18 fois par an (à noter que la valeur guide de l’OMS de 2021 est de 15 µg/m3) ;
- à ce que les personnes souffrant d’impacts sanitaires de la pollution de l’air puissent avoir droit à une indemnisation, lorsque les règles de qualité de l’air de l’UE ne sont pas respectées ;
- à ce que les recours en justice, les sanctions effectives et l’information publique soient clarifiés ;
- à renforcer le rôle des administrations locales pour le suivi et la modélisation de la qualité de l’air.
Les nouvelles normes de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine
prévues par la proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE
Sources : Parlement européen, 5 avril 2023, d’après proposition de directive COM(2022) 542 final et étude d’impact (annexe 10).
La proposition de directive a été soumise aux deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) pour examen et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 289 et 294).
En savoir plus
Communiqué du Conseil Environnement
Document d’information de la Présidence (du 2 juin 2023)
Regarder la session publique de la réunion du Conseil Environnement du 20 juin 2023
Page de l’Observatoire législatif du Parlement européen consacrée à la proposition de directive montrant les étapes de la procédure législative et les documents associés
Parlement européen : « Revision of EU air quality legislation – Setting a zero pollution objective for air », note d’analyse (Briefing), 5 avril 2023
Proposition de directive (en français) et ses annexes (en anglais)
Etude d’impact (version intégrale) (en anglais)
Etude d’impact (synthèse en français)