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Les stratégies climat de long terme restent vagues et irréalistes sur le concept d’émissions résiduelles

  • Réf. : 2023_07_a06
  • Publié le: 25 juillet 2023
  • Date de mise à jour: 12 septembre 2024
  • International

Le principe des scénarios des Etats visant l’atteinte de la neutralité carbone consiste à réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à maintenir, voire augmenter, les puits de carbone, ces derniers compensant les « émissions résiduelles » c’est-à-dire les émissions considérées comme inévitables ou trop difficile à éliminer, notamment les émissions non-énergétiques.

Le 9 mars 2023, un article publié dans la revue Nature Climate Change, intitulé « Countries’ long-term climate strategies fail to define residual emissions » (les stratégies climat de long terme des pays ne définissent pas bien les émissions résiduelles) s’est intéressé à la manière dont les Etats définissent ces émissions résiduelles et les projettent dans le cadre de leur stratégie de développement à faibles émissions de GES à long terme (voir encadré ci-dessous).

 

Les stratégies de développement à faibles émissions de GES à long terme

Conformément à l’article 4.19 de l’Accord de Paris, les Parties devraient élaborer et communiquer des stratégies nationales de développement à faibles émissions de GES à long terme (horizon 2050), appelés communément en français des stratégies bas-carbone 2050 (ou en anglais long term low emission development strategies, LT-LEDS). La décision qui accompagnait l’Accord de Paris (décision 1/CP.21, paragraphe 35) invite les Parties à communiquer, d’ici 2020, au Secrétariat de la CCNUCC leurs stratégies bas-carbone 2050. A ce jour (7 juillet 2023), 64 Parties ont soumis leur stratégie (voir liste des pays sur le site de la CCNUCC). Voir notre article sur la synthèse des stratégies de développement bas-carbone publiée par le Secrétariat de la CCNUCC en octobre 2022.

 

L’étude s’est appuyée sur 50 stratégies disponibles mi-2022. Les auteurs de cette publication montrent que la plupart des gouvernements ne présentent pas clairement leurs projections menant à ces émissions résiduelles dans leurs stratégies de développement à faibles émissions de GES à long terme. Dans leur état actuel, des émissions résiduelles importantes sont projetées, indiquant un besoin tout aussi important d’absorptions de CO2 en parallèle – or, compter sur une hausse des puits de carbone entraine un risque de compromettre l’atteinte de la neutralité carbone.

Les auteurs n’ont trouvé aucune définition ou utilisation cohérente du concept d’émissions résiduelles dans les 50 stratégies étudiées. La majorité d’entre elles ne mentionnent pas du tout ce concept. Parmi les pays qui ont quantifié ces émissions résiduelles, celles-ci représentent en moyenne 18 % des émissions de 2019. L’agriculture et l’industrie représentent les principales sources d’émissions résiduelles dans les 15 pays qui comprenaient un détail sectoriel.

D’après cet article, alors que certains pays prévoient des absorptions par les puits de carbone du secteur de l’utilisation des terres et de la forêt, les plus grands émetteurs s’attendent à ce que ce puits de carbone soient insuffisants, ce qui indique un besoin important de puits de carbone technologiques additionnels.

 

Emissions résiduelles dans les stratégies à long terme comparées aux émissions réelles en 2019

Source: Buck et al. 2023

 

D’après cet article, les responsables politiques et les chercheurs devraient définir des critères pour définir des émissions résiduelles qui restent raisonnables et ne comptent pas sur des attentes irréalistes en termes de compensation par les puits ; et qui correspondent réellement à des émissions difficiles à éliminer.

 

Les émissions résiduelles en 2050 dans la stratégie de la France

La stratégie à long terme de la France est sa Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC-2 de 2020, dont une mise à jour est attendue pour 2024). Dans la SNBC-2, le scénario d’atténuation atteint la neutralité en 2050, année où les puits de carbone (82 Mt CO2e) compensent les émissions résiduelles (80 Mt CO2e). Ces émissions résiduelles relèvent à plus de moitié du secteur agricole (environ 47 Mt CO2e), le reste étant réparti entre le secteur de l’industrie manufacturière (environ 15 Mt CO2e) et dans une moindre proportion les déchets, les transports, les bâtiments et la production d’énergie. Il s’agit donc principalement d’émissions non-énergétiques (agriculture, déchets, procédés industriels) et de quelques émissions énergétiques (aérien notamment).

La SNBC-2 présente l’effort différencié entre secteurs pour arriver à ces émissions résiduelles en 2050 de cette façon : « ainsi, les secteurs quasi-complètement décarbonés en 2050 dans le scénario AMS [avec mesures supplémentaires] (transports, bâtiment et production d’énergie) présentent les réductions d’émissions les plus élevées (supérieures à -95 % par rapport à 2015 et -89 % par rapport au scénario tendanciel).

Inversement et schématiquement, les secteurs pour lesquels des émissions résiduelles incompressibles ont été considérées en 2050 selon les connaissances actuelles (agriculture/sylviculture, industrie et déchets) présentent des réductions d’émissions plus faibles.

Si le secteur de l’agriculture (…) présente les réductions d’émissions les plus faibles, les efforts envisagés dans le scénario AMS sur ce secteur ne sont pas moins ambitieux que sur les autres secteurs. Les hypothèses prises en compte à l’horizon 2050 marquent en effet une modification très substantielle des pratiques agricoles françaises par rapport à 2015 ». Source : SNBC-2, p.33.

 

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En savoir plus

Buck, H. J., Carton, W., Lund, J. F., & Markusson, N. (2023). Countries’ long-term climate strategies fail to define residual emissions. Nature Climate Change13(4), 317-319. Consulter

 

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