La France a accueilli le sommet pour un nouveau pacte financier mondial
A l’initiative du Président de la République et de la Première Ministre de la Barbade, Mia Mottley, s’est tenu les 22-23 juin 2023 à Paris un sommet international « pour un nouveau pacte financier mondial ». Ce sommet s’inscrit dans la lignée de l’initiative Bridgetown (Bridgetown Agenda), portée par Mia Mottley depuis la COP-26 (novembre 2021). Le sommet a eu lieu sur fond de crises environnementales (dérèglement climatique, érosion de la biodiversité,…), énergétique (suite notamment à la guerre en Ukraine) et économique (niveau inédit de la dette publique, surendettement des pays à faible revenu, inflation,…).
Contexte
Le 7 novembre 2022, lors du segment de haut niveau de la COP-27, à Charm el-Cheikh (Egypte), le Président de la République avait annoncé, avec Mia Mottley, la création d’un « groupe des sages de haut niveau » chargé « de faire des recommandations rapidement sur les financements innovants pour le climat ».
A la fin de la COP-27, le 20 novembre 2022, le Président de la République avait annoncé que Paris accueillera un sommet sur le climat en 2023 en partenariat avec Mia Mottley en amont de la COP-28 (déc. 2023). L’objectif du sommet sera de lancer une réforme générale du système financier et de mettre en place un nouveau pacte financier avec les pays vulnérables.
Par ailleurs, la décision 2/CP.27 adoptée par la COP-27 et la décision 2/CMA.4 adoptée par la 4e Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-4) demandent au Secrétaire-général de l’ONU de réunir les directeurs des institutions financières internationales et d’autres entités pertinentes afin d’identifier les modalités les plus efficaces pour financer les pertes et préjudices (paragraphe 11 de la décision 2/CP.27 et paragraphe 11 de la décision 2/CMA.4).
Au travers de ces deux décisions, les institutions financières internationales sont également priées d’examiner, lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), leurs possibilités de contribuer aux modalités de financement des pertes et préjudices, notamment via des approches nouvelles et innovantes (recouvrant peut-être une taxe sur les combustibles fossiles, sur le transport aérien et/ou maritime, ou une taxe sur les superprofits ou sur les transactions financières) (paragraphe 12 de la décision 2/CP.27 et paragraphe 12 de la décision 2/CMA.4).
L’initiative Bridgetown
Cette initiative a été lancée le 23 septembre 2022 lors de l’Assemblée générale de l’ONU par la Première Ministre de la Barbade. Elle propose une réforme de l’architecture financière mondiale pour réorienter les ressources financières vers l’action climat afin d’accroître rapidement les investissements dans la transition énergétique (cf. l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris). Concrètement, elle vise à ce que les pays les plus vulnérables aux changements climatiques aient un accès facilité aux financements internationaux pour leur permettre de mieux répondre aux défis climatiques.
Objectifs et enjeux du sommet
L’objectif affiché du sommet était de jeter les bases d’un nouveau système financier mondial pour relever les défis mondiaux communs, en particulier la lutte contre les inégalités, le changement climatique et la protection de la biodiversité, de définir les principes des réformes à venir et de fixer une trajectoire vers un partenariat financier plus équilibré entre le Sud et le Nord, en renforçant la solidarité financière du Nord avec le Sud.
Le sommet avait ainsi pour ambition de faire converger plusieurs agendas (climat, développement, dette) et de proposer des solutions innovantes pour faire face à ces enjeux. Il s’inscrivait dans une série d’autres événements internationaux qui se tiendront dans l’année (sommet du G20, Sommet des objectifs de développement durable, COP-28, etc.) et visait à impulser l’obtention de résultats concrets à ces événements.
Selon l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), l’enjeu principal du sommet était donc de reconstruire la confiance dans le système international et de déterminer des règles du jeu équitables et plus favorables aux pays en développement pour répondre aux enjeux de développement, de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité. Des discussions sont ainsi nécessaires à la fois sur la réforme, en profondeur et non de façon incrémentale, des institutions issues de Bretton Woods (voir encadré ci-dessous), jugées obsolètes pour répondre à la fois aux besoins de développement et à la transition climatique des pays du Sud. Les réponses apportées aujourd’hui par la communauté internationale sont fragmentées, partielles et insuffisantes.
Les institutions de Bretton Woods
Les accords signés par 44 pays en 1944 à Bretton-Woods (ville de l’état du New Hampshire aux Etats-Unis) visaient à établir nouvelle architecture financière mondiale via la création d’un Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), mieux connue sous le nom de la Banque mondiale, pour favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la deuxième guerre mondiale, notamment en Europe.
Participants
Quarante Chefs d’Etat et de Gouvernement ont participé au sommet, dont seulement quatre des pays industrialisés (France, Allemagne, Slovaquie, Suisse) (voir liste des participants) malgré le fait que l’ensemble des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays du Nord, comme ceux des pays du Sud, aient été invités. Parmi les pays industrialisés n’ayant pas envoyé de dirigeant au sommet figurent les Etats-Unis, le Canada, le Japon, le Royaume-Uni, l’Australie et l’Italie.
Organisation et déroulement du sommet
La préparation du sommet a été assurée par un comité directeur international de haut niveau composé d’États et d’organisations internationales (France, Barbade, Afrique du Sud, Allemagne, Brésil, Chine, Émirats arabes unis (pays hôte de la COP-28), États-Unis, Inde (pays qui détient la Présidence du G20 en 2023), Japon, Royaume-Uni, Sénégal, Commission européenne, Secrétariat général des Nations Unies, Fonds monétaire international, Banque mondiale et OCDE).
Dans le cadre du sommet, des débats ont été menés au plus haut niveau entre Chefs d’Etat et de Gouvernement, responsables d’organisations internationales, représentants de la société civile, des fondations, des fonds et du secteur privé.
Six tables rondes ont été organisées, sur les thèmes suivants :
- faire évoluer le modèle des banques multilatérales de développement pour répondre aux défis du 21e siècle,
- une nouvelle méthode : les partenariats pour une croissance verte,
- dette et affectation de droits de tirage spéciaux : bilan et perspectives,
- créer un environnement propice au secteur privé (infrastructures durables, financement des PME),
- des instruments et des financements innovants face aux nouveaux enjeux de vulnérabilité,
- garantir des informations et des données plus fiables et comparables.
Résultats
Le sommet ne devait pas déboucher sur l’adoption de décisions politiques concrètes, mais, selon l’Iddri, faire la démonstration d’un constat et d’une volonté politique partagés au plus haut niveau de procéder à une révision profonde du système financier international pour le rendre plus réactif, plus juste, et plus solidaire permettant de lutter contre les inégalités, de financer la transition climatique, et de contribuer à l’atteinte des objectifs du développement durable.
Le sommet a débouché sur plusieurs annonces d’engagements et d’accords (par exemple la restructuration de la dette de la Zambie, ainsi que la mise en place d’un partenariat pour une transition énergétique juste [Just Transition Energy Partnership ou JETP] entre le Sénégal et et la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada et l’UE, à l’instar de celui conclu entre l’UE, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud le 2 novembre 2021 lors de la COP-26 à Glasgow).
Par ailleurs, 30 pays et huit banques multilatérales de développement ont entériné une déclaration sur une nouvelle vision des banques multilatérales de développement.
Neuf banques multilatérales de développement ont publié une méthodologie commune sur la mise en conformité avec les objectifs de l’Accord de Paris. Le Groupe de la Banque mondiale a annoncé le lancement d’un processus pour mieux intégrer dans les nouveaux projets les effets du financement de l’action climatique dans les efforts d’adaptation et d’atténuation, et appelé les banques multilatérales de développement et d’autres membres de la coalition « Finance en commun » à lancer des initiatives analogues.
Au terme du sommet, une feuille de route, élaborée sous la responsabilité de la Présidence du sommet, a été adoptée. Elle présente les grandes échéances internationales pour 2023 et 2024, à l’occasion desquelles il serait possible de dresser le bilan des engagements annoncés, de discuter de la mise en œuvre des mesures stratégiques principales présentées lors du sommet, et de réaliser de nouvelles avancées.
Suivi
Un mécanisme de suivi sera mis en place pour assurer le suivi des progrès tous les six mois. Un bilan des progrès accomplis et des objectifs atteints sera organisé en 2025.
En savoir plus
Résumé de la Présidence du sommet
Déclaration pour une vision commune des banques multilatérales de développement
Focus 2030 : « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial : vers plus d’engagements pour l’atteinte de l’Agenda 2030 ? » note d’information publiée le 9 juin 2023
Iddri : Sommet pour un nouveau pacte financier mondial : quelles conditions de succès ? Billet de blog publié le 15 juin 2023