SEQE : la Commission a publié le nombre total de quotas en surplus en 2022
Le SEQE est le marché européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Il fonctionne selon un principe de plafonnement des émissions (emissions cap) de GES, qui décroît au fil du temps pour faire baisser le niveau global des émissions. Dans les limites de ce plafond, les installations fixes et les exploitants d’aéronefs assujettis peuvent bénéficier de quotas alloués à titre gratuit (selon les règles établies par les règlements (UE) 2019/331 et 2019/1842) et/ou acheter des quotas d’émissions aux enchères sur le marché, afin de couvrir leurs émissions de CO2 équivalent (CO2e). Ils peuvent vendre les quotas dont ils n’auraient pas besoin ou acheter les quotas manquants. Par ailleurs, ils doivent surveiller et déclarer chaque année leurs émissions de GES afin de restituer des quotas en nombre équivalent à leurs émissions vérifiées. Chaque quota d’émission équivaut à une tonne de CO2 équivalent (tCO2e).
Sur le principe, l’objectif du SEQE est de limiter le nombre de quotas disponibles et donc d’obliger progressivement les entreprises concernées à réduire, collectivement, leurs émissions. Or, pour des raisons historiques et économiques, il y a actuellement un surplus de quotas. Le nombre de quotas dit « en circulation » peut être interprété comme étant le nombre de quotas qui n’ont pas été restitués pour couvrir les émissions vérifiées depuis le début de la phase II (2008-2012), et qui sont donc disponibles sur le marché. C’est ce surplus en circulation qui a été publié, le 15 mai 2023, par la Commission européenne. Selon une communication de la Commission (communication 2023/C 172/01, JOUE C 172), le nombre de quotas en circulation dans le cadre du système d’échange de quotas d’émissions de CO2e s’élève à 1,13 milliard de quotas en 2022. Ce surplus est en baisse par rapport à 2021 (1,45 milliard, source : Commission européenne, 13/05/2022 – lire notre article). L’une des raisons pouvant expliquer la baisse du nombre de quotas en circulation peut être la reprise d’activité au niveau européen en 2022 (davantage d’émissions et donc davantage de quotas restitués [consommés]) après une année 2020 marquée par la pandémie de Covid-19, qui avait entraîné une baisse des émissions.
Ce chiffre est calculé en soustrayant la demande en quotas et le nombre de quotas placés dans la Réserve de Stabilité du Marché (Market Stability Reserve ou MSR – voir encadré ci-dessous) à l’offre totale de quotas (voir tableau ci-dessous).
Source : Communication 2023/C 172/01, JOUE C 172 (p.5).
Pour atténuer le problème du surplus de quotas (pouvant avoir pour effet de tirer le prix vers le bas), la réserve de stabilité du marché (MSR) a été créée (décision (UE) 2015/1814 – lire notre brève sur le sujet) afin de pouvoir contrôler et d’ajuster la quantité de quotas disponibles. En 2021, plus de 3 milliards de quotas se trouvaient dans cette réserve.
Comment fonctionne la réserve de stabilité du marché ?
La MSR, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019, est un outil qui fonctionne automatiquement lorsque le nombre total de quotas en circulation se situe en dehors d’une fourchette prédéfinie :
Surplus supérieur à 833 millions [cas actuel (voir plus haut)]
Des quotas sont ajoutés à cette réserve si le surplus dépasse le seuil de 833 millions : durant les huit premiers mois de fonctionnement de la MSR [1er jan. au 31 août 2019], 16% de ce surplus sera automatiquement retiré du marché, puis 24% par an jusqu’au 31 décembre 2023 et 12% par an de 2024 à 2030. C’est la directive (UE) 2018/410 qui avait modifié la décision (UE) 2015/1814, notamment en multipliant par deux le taux de pourcentage à utiliser pour déterminer le nombre de quotas à placer chaque année dans la réserve, de 12% à 24%, jusqu’au 31 décembre 2023.
Surplus entre 400 et 833 millions
Si le surplus est compris entre 400 et 833 millions et si pendant au moins six mois consécutifs le prix est équivalent à trois fois le prix moyen sur les deux dernières années, 200 millions de quotas par an seront transférés de la MSR vers le marché jusqu’au 31 décembre 2023, puis 100 millions par an de 2024 à 2030.
Surplus inférieur à 400 millions
Les quotas sont prélevés de la réserve si le surplus est inférieur à 400 millions : un maximum de 200 millions de quotas par an seront injectés sur le marché jusqu’au 31 décembre 2023, puis 100 millions par an de 2024 à 2030.
La publication du nombre total de quotas en circulation constitue donc la base du fonctionnement de la MSR.
(Sources : directive 2018/410 (art.2) et décision 2015/1814, art.1er).
La révision des règles de la réserve de stabilité du marché
La révision de la directive Quotas, qui vient d’être finalisée (lire notre article) et qui a abouti à la publication de la directive (UE) 2023/959 du 10 mai 2023, prévoit également le renforcement de la MSR, en maintenant au-delà de 2023, et jusqu’en 2030, le taux d’admission de quotas annuel accru. Ainsi, 24% du surplus de quotas en circulation seront automatiquement retirés du marché et placés dans la MSR chaque année de 2024 à 2030 si le surplus dépasse le seuil de 400 millions de quotas et ce, pour faire face aux déséquilibres possibles entre l’offre et la demande de quotas sur le marché en raison de chocs externes, tels que ceux causés par le Covid-19. L’ensemble des nouvelles règles relatives à la MSR, prévues par la révision de la directive Quotas, sont rassemblées dans un instrument juridique à part, une nouvelle décision, qui a été formellement approuvée par le Parlement européen le 14 mars 2023, puis formellement adoptée par le Conseil de l’UE le 28 mars 2023 (lire notre article sur l’adoption formelle du Conseil et notre article sur l’approbation formelle du PE) avant d’être publié au JOUE L110 (décision (UE) 2023/852 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023).
La Commission indique dans sa communication que conformément à la décision (UE) 2015/1814 (article 1er, paragraphe 5bis), un total de 2 515 135 787 quotas ont perdu leur validité au 1er janvier 2023 (c’est-à-dire qu’ils ont été annulés). Ce total est l’équivalent de plus du double des émissions totales de GES en 2022 des installations fixes visées par le SEQE (1 219 515 909 t CO2e) (source : Commission européenne, ETS dataviewer – voir rubrique En savoir plus en fin d’article).
Par ailleurs, conformément aux règles de fonctionnement de la MSR (voir encadré ci-dessus), sur la période de 12 ois comprise entre le 1er septembre 2023 et le 31 août 2024, un total de 272 350 737 quotas seront retirés du marché et placés dans la MSR.
La prochaine publication interviendra en mai 2024 et déterminera les quotas à placer dans la MSR entre septembre 2024 et août 2025.
Forte augmentation du prix du quota
En 2020, suite à la pandémie du Covid-19, le prix du quota d’émission de CO2e sur le marché carbone de l’UE avait fortement baissé, atteignant 15,3 €/tCO2e le 18 mars 2020. Le prix avait ensuite dépassé la barre symbolique des 50 € le 7 mai 2021 (50,45 €), une première dans l’histoire du SEQE-UE. (Source : Ember, Carbon Price Tracker). Le prix a ensuite augmenté jusqu’à la fin du mois de février 2022, atteignant un maximum le 8 février à 96,93 €. Le prix a ensuite chuté jusqu’au 7 mars (58,30 €), probablement en lien avec la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février. Par la suite, le prix est revenu dans une fourchette comprise entre 80 et 90 €. Le 19 août 2022, le prix a atteint 98,01 € avant d’entamer une nouvelle baisse (66,08 € le 9 septembre 2022). Fin octobre 2022, le prix a connu une nouvelle tendance haussière jusqu’à dépasser la barre symbolique des 100 € le 21 février 2023 (100,34 €). De mars à mai 2023, le prix est revenu dans une fourchette comprise entre 85 et 98 €. Le 14 mai 2023, il était de 88,48 €.
Cette forte hausse depuis octobre 2020 s’explique en premier lieu par le renforcement de l’objectif de réduction des émissions de GES pour 2030 (-55% au lieu de -40% [par rapport aux niveaux de 1990], objectif formalisé par le règlement (UE) 2021/1119, dite loi européenne sur le climat – lire notre article) et par le « paquet » climat dit « adapté aux 55% » (« fit for 55 ») présenté le 14 juillet 2021 (lire notre brève). Ce paquet politique et législatif vise à adapter les différents textes législatifs européens au nouvel objectif plus ambitieux de -55%, afin de concrètement mettre en œuvre ce nouvel objectif. Ainsi, pour s’aligner avec l’objectif de réduction de 55% des émissions de GES en 2030 par rapport à 1990 au niveau européen, un objectif de réduction des émissions de 62% en 2030 par rapport à 2005 a été assigné au SEQE (contre -43% auparavant, alors en phase avec l’objectif global européen de -40%). Ce paquet, en grande partie désormais adopté par les deux co-législateurs (Parlement européen et Conseil de l’UE), est composé de plusieurs documents politiques et de textes législatifs, et notamment :
▪ la nouvelle directive (UE) 2023/959 Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive Quotas 2003/87/CE (modifiée) établissant le SEQE, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour SEQE, et le règlement (UE) 2015/757 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de CO2 du secteur du transport maritime. Le texte de compromis concernant la proposition de directive initiale (de la Commission) a été formellement approuvé par le Parlement européen le 18 avril 2023, puis par le Conseil de l’UE le 25 avril 2023 (lire notre article) ;
▪ la nouvelle directive (UE) 2023/958 Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’UE et mettant en œuvre de manière appropriée un mécanisme de marché mondial. Le texte de compromis concernant la proposition de directive initiale (de la Commission) a été formellement approuvé par le Parlement européen le 18 avril 2023, puis par le Conseil de l’UE le 25 avril 2023 (lire notre article) ;
▪ la nouvelle décision (UE) 2023/852 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le SEQE jusqu’en 2030. Le texte de compromis concernant la proposition de décision initiale, formellement approuvée par le Parlement européen le 14 mars 2023, puis formellement adoptée par le Conseil de l’UE le 28 mars 2023 (lire notre article sur l’adoption formelle du Conseil et notre article sur l’approbation formelle du PE).
Pour les participants au SEQE (exploitants d’installations de production d’électricité, de l’industrie manufacturière et d’avions), ce nouvel objectif de -55% au niveau européen (-62% en 2030 par rapport à 2005 pour le SEQE spécifiquement), le nouvel objectif de neutralité climatique (zéro émission nette de GES) d’ici 2050 (formalisé par le règlement 2021/1119 précité) et les trois nouveaux actes législatifs précités constituent des signaux clairs d’une diminution plus rapide de l’offre de quotas dans le SEQE dans les années à venir. Ainsi, avec les nouvelles règles de fonctionnement du SEQE du paquet « Fit for 55 », le plafond d’émissions est amené à diminuer, ce qui devrait faire augmenter le prix du quota.
SEQE : évolution du prix du quota d’émission de GES entre le 04/01/2021 et le 14/05/2023 (en €/tCO2)
Source : Ember, Carbon Price Tracker, 17/05/2023.
En savoir plus
La communication de la Commission
La page du site de la DG CLIMA consacrée au SEQE
L’outil interactif de données du SEQE (dataviewer) géré par l’EEA (European Environment Agency) permet d’accéder facilement aux données relatives à l’échange de quotas d’émission contenues dans le journal des transactions de l’Union européenne (EUTL). L’EUTL est un journal central des transactions, géré par la Commission européenne, qui vérifie et enregistre toutes les transactions effectuées dans le cadre du système d’échange. L’outil interactif de données du SEQE fournit des données agrégées par pays, par secteur d’activité et par année sur les émissions vérifiées, les quotas et les unités restituées de plus de 15 000 installations fixes déclarées dans le cadre du SEQE de l’UE, ainsi que de 1 500 exploitants d’aéronefs.