Le principe pollueur-payeur est-il bien appliqué dans les politiques en matière de protection de l’environnement (air et climat) ? La Commission lance une consultation
Le 12 mai 2023, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur l’application du principe pollueur-payeur (voir encadré ci-dessous) dans l’UE, et plus précisément dans les politiques concernant de près ou de loin la protection de l’environnement, dont entre autres les politiques climat et air, ainsi que la responsabilité environnementale.
Le principe pollueur-payeur
Le principe du pollueur-payeur a été initialement établi au début des années 1970, lorsque des réglementations environnementales strictes ont été introduites dans les pays industrialisés. Selon l’OCDE, le « principe du pollueur-payeur » (PPP), qui est essentiellement un principe de politique économique plutôt qu’un principe juridique, stipule que le pollueur doit supporter les dépenses liées à la mise en œuvre de mesures de prévention de la pollution ou au paiement des dommages causés par la pollution. Ainsi, d’après les principes directeurs de l’OCDE de 1972 sur les Aspects économiques internationaux des politiques de l’environnement, « le principe à appliquer pour répartir les coûts de la prévention et de la lutte contre la pollution, pour encourager l’utilisation rationnelle des ressources limitées de l’environnement et pour éviter les distorsions dans les échanges et les investissements internationaux est le principe dit du « pollueur-payeur ». Ce principe signifie que le pollueur doit supporter les dépenses liées à la mise en œuvre des mesures précitées décidées par les pouvoirs publics pour garantir que l’environnement se trouve dans un état acceptable. En d’autres termes, les coûts de ces mesures devraient être répercutés sur le coût des biens et services qui induisent la pollution dans la production et/ou la consommation. Ces mesures ne doivent pas être accompagnées de subventions qui créeraient des distorsions importantes dans le commerce international et l’investissement » (source : OCDE, Environmental principles and concepts, 1995, p.12).
Au niveau mondial, la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, adoptée au premier Sommet de la Terre en 1992, fait référence au PPP dans son principe n°16 : « Les autorités nationales devraient s’efforcer de promouvoir l’internalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation d’instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c’est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de l’intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international et de l’investissement ».
Au niveau européen, le PPP est un principe clé qui sous-tend la législation et les politiques de l’UE en matière d’environnement. Il est consacré dans l’article 191, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’article 11 du TFUE fait également référence à l’environnement et dispose qu’un niveau élevé de protection de l’environnement doit être intégré dans les politiques de l’UE et assuré conformément au principe du développement durable.
Justification et objectif de la démarche
Cette nouvelle consultation publique s’inscrit dans le cadre des processus de réexamen (fitness checks) des politiques et actes juridiques de l’UE que conduit régulièrement la Commission européenne afin de déterminer s’ils doivent demeurer dans l’état ou être modifiés pour qu’ils soient toujours « fit for purpose », c’est-à-dire qu’ils soient toujours adaptés aux objectifs poursuivis. Ces réexamens consistent en général en une analyse approfondie de la performance de la législation existante et des programmes de dépenses pour vérifier qu’ils sont efficaces, pertinents et cohérents, et que l’intervention au niveau de l’UE apporte réellement une valeur ajoutée.
Dans le cas précis du PPP, le réexamen mené par la Commission vise à examiner si les politiques nationales et de l’UE font supporter par les pollueurs le coût des mesures de prévention, de réduction et de traitement de de la pollution. Il couvre des aspects tels que le recours par l’UE et par les pays de l’UE à des instruments fondés sur le marché et aux paiements indirects au pollueur via des subventions préjudiciables à l’environnement, et également la non-application du principe du pollueur-payeur dans le cadre des fonds de l’UE, la manière dont la responsabilité environnementale est traitée et le recours à la tarification dans les politiques (par exemple, la tarification du carbone).
La Commission avait annoncé dans son plan d’actions zéro pollution, publié le 12 mai 2021, que l’attribution d’un prix juste à la pollution et la création d’incitations à l’adoption de solutions de remplacement, comme l’exige le principe du pollueur-payeur, constituent un moteur essentiel pour stimuler la production et la consommation plus propres. Aujourd’hui, la pollution est encore principalement traitée par la réglementation ; ses coûts externes ne sont pas entièrement internalisés. La Commission avait également souligné qu’il était possible de recourir davantage à la tarification (instruments économiques et/ou fiscaux). Pour soutenir ce processus, elle avait donc indiqué qu’elle adopterait une recommandation pour mieux appliquer le principe du pollueur-payeur et supprimer progressivement la « pollution gratuite » sur la base d’un réexamen (fitness check) en 2024.
Les conclusions du rapport de la Cour des comptes européenne, publié le 5 juillet 2021 (rapport spécial n°12/2021), constituent le point de départ de l’évaluation de l’application du PPP par la Commission.
En bref : les conclusions du rapport de la Cour des comptes européenne sur le PPP
Dans l’ensemble, la Cour des comptes européenne (CCE) a constaté que le PPP était pris en compte et appliqué à des degrés divers dans les différentes politiques environnementales de l’UE et que sa couverture et son application restaient incomplètes. Le budget de l’UE est parfois utilisé pour financer des actions de dépollution dont les coûts auraient dû, en vertu du PPP, être supportés par les pollueurs. La CCE recommande donc d’intégrer davantage le PPP dans la législation environnementale, de renforcer le régime de responsabilité environnementale au niveau de l’UE et de mieux protéger les fonds de l’UE en veillant à ce qu’ils ne soient pas utilisés pour financer des projets qui devraient être à la charge du pollueur (source : CCE, Rapport spécial 12/2021, Principe du pollueur-payeur : une application incohérente dans les différentes politiques et actions environnementales de l’UE).
Méthodologie
La Commission vise, via la consultation publique, à recueillir des informations, des données et des avis de la part des parties prenantes et du grand public.
Le réexamen analysera dans quelle mesure le PPP est bien appliqué. Il s’agira de passer en revue les activités et politiques liées à l’environnement au regard de leurs objectifs principaux (tels que le changement climatique, la politique de l’eau, la politique de l’air, la politique en matière de déchets ou les exigences en matière de responsabilité environnementale), ainsi que des politiques sectorielles dans d’autres domaines qui intègrent des considérations environnementales, telles que les activités et les politiques en faveur de l’industrie et de l’économie circulaire, de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie et des transports. L’évaluation déterminera également les acteurs qui sont responsables de l’application du principe du pollueur-payeur (y compris la répartition des responsabilités de cette application entre l’UE et ses Etats membres).
Date de clôture de la consultation
Les avis des parties prenantes et du grand public doivent être soumis au plus tard le 4 août 2023.
Prochaines étapes
Sur la base des conclusions du réexamen, la Commission élaborera en 2024 des recommandations (non contraignantes) sur la manière de mieux appliquer le PPP dans l’UE.
En savoir plus
Page du site de la Commission européenne consacrée au réexamen