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Les NDC mèneraient à une légère baisse de -0,3% des émissions de GES entre 2019 et 2030, très loin des -43% nécessaires pour l’objectif de +1,5°C

  • Réf. : 2023_05_a03
  • Publié le: 15 mai 2023
  • Date de mise à jour: 15 mai 2023
  • International

Le 17 avril 2023, le Secrétariat de la Convention Climat (CCNUCC) a publié un rapport de synthèse des contributions nationales (NDC) mises à jour et/ou renforcées ayant été soumises par les Parties à l’Accord de Paris avant le 23 septembre 2022. L’enjeu de renforcer l’ambition de ces nouvelles NDC est fort car les premières NDC étaient insuffisantes pour parvenir aux objectifs de +2°C et de +1,5°C (voir encadré ci-dessous). Ces NDC fixent notamment les engagements de réduction des Parties pour 2030 et ont été soumises au titre de l’Accord de Paris (article 4). Ces engagements sont inconditionnels (prévus quoi qu’il arrive) et/ou, dans le cas de nombreux pays en développement, conditionnels (c’est-à-dire conditionnés à un soutien des pays industrialisés sous forme de financement, de renforcement des capacités et/ou de transfert de technologies), sans pour autant être contraignants (cf. article 4 de l’Accord de Paris).

Cette nouvelle synthèse a été réalisée dans le contexte de l’évaluation technique du bilan mondial (Global Stocktake [GST]), prévu par l’article 14 de l’Accord de Paris et dont le volet politique va se dérouler lors de la COP-28 (30 nov. – 12 déc. 2023, à Abu Dhabi, Emirats arabes unis) (pour plus de précisions sur le GST, lire la section « En savoir plus sur le Bilan mondial (Global Stocktake) » de notre article). La synthèse vise notamment à alimenter le 3e dialogue technique dans le cadre du GST qui se tiendra à Bonn lors des 58èmes sessions des deux organes subsidiaires de la CCNUCC, le SBSTA (conseil scientifique et technologique) et le SBI (mise en œuvre) (5-15 juin 2023).

 

Contexte

Les contributions nationales (dites NDC), prévues par l’article 4 de l’Accord de Paris et précisées par la décision 1/CP.21 qui accompagnait celui-ci, sont à la base du régime multilatéral climat post-2020 établi par l’Accord de Paris.

Les premières NDC étaient insuffisantes pour respecter les objectifs +2°C et +1,5°C. Selon le dernier Emissions Gap Report, publié le 27 octobre 2022, l’écart en 2030 entre l’ambition des NDC et le niveau de réduction collective nécessaire pour une trajectoire d’émissions de GES compatible avec l’objectif de +2°C est de 12 à 15 Gt CO2e ; pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +1,5°C, l’écart serait de 19 à 22 Gt CO2e. La mise en œuvre des NDC entraînerait un réchauffement à l’horizon 2100 compris entre +2,4°C et +2,6°C, à supposer que les engagements actuels soient intégralement respectés, ce qui est loin d’être acquis à ce stade. L’effort collectif mondial consenti à ce jour est donc largement insuffisant.

Compte tenu de l’insuffisance des premières NDC, le renforcement de l’ambition des Etats au travers la soumission de leur 2e NDC est ainsi un enjeu crucial. Le renforcement de l’ambition climat des 197 Parties à la CCNUCC – et surtout les 193 Parties à l’Accord de Paris – est un des principaux enjeux des dernières COP.

La décision 19/CMA.1 (adoptée à Katowice [Pologne] en 2018 lors de la première réunion des Parties à l’Accord de Paris [CMA-1]) a demandé au Secrétariat de la CCNUCC d’élaborer un rapport de synthèse pour alimenter l’évaluation technique du bilan global (Global Stocktake, GST), prévu par l’article 14 de l’Accord de Paris. C’est ce rapport de synthèse qui fait l’objet du présent article. Il complète et met à jour un premier rapport de synthèse des NDC-2 soumises avant le 31 décembre 2022 (publié le 30 mars 2022 par le Secrétariat de la CCNUCC).

 

 

Méthodologie

La synthèse a été élaborée sur la base de l’ensemble des 166 NDC disponibles dans le registre des NDC, et soumises par l’ensemble des 193 Parties(1) à l’Accord de Paris représentant 95% des émissions mondiales de GES :

  • 142 NDC nouvelles ou mises à jour (couvrant 169 Parties),
  • 24 NDC-1 (de Parties qui n’ont pas soumis une NDC nouvelle ou mise à jour).

(1)193 Parties couvrant 166 NDC puisque l’UE a soumis une NDC unique pour ses 27 Etats membres

 

A noter que le rapport de synthèse ne cite aucune Partie, préférant rester très général (« la plupart des Parties », « beaucoup de Parties », etc.). Les chiffres cités ci-dessous sont tous exprimés hors UTCATF.

 

Que retenir de ce nouveau rapport de synthèse ?

 

Projections

Le niveau d’émissions totales de GES en 2030 qui résulterait de la mise en œuvre des objectifs de réduction communiqués dans les 166 NDC évaluées serait de 52,4 Gt CO2e. Plus précisément, le rapport de synthèse donne une fourchette de projection entre 49,1 Gt CO2e et 55,7 Gt CO2e en 2030, le chiffre inférieur correspondant à la mise en œuvre des objectifs inconditionnels et conditionnels des NDC) et le chiffre supérieur correspondant à la mise en œuvre des objectifs inconditionnels uniquement). Pour rappel, de nombreux pays en développement ont fixé des objectifs conditionnels dans leur NDC, c’est-à-dire des objectifs conditionnés à un soutien international de la part des pays industrialisés, que ce soit sous forme de financement, de transfert de technologies ou de renforcement des capacités.

Ce niveau d’émissions projeté en 2030 est :

  • 50,8% de plus par rapport au niveau de 1990,
  • +38,7% par rapport à 2000,
  • +10,6% par rapport à 2010, et
  • -0,3% par rapport à 2019.

 

Or, selon le rapport de synthèse du 6e rapport d’évaluation du Giec publié le 20 mars 2023 :

  • pour respecter l’objectif de +1,5°C, les émissions de GES doivent être réduites, non pas de -0,3%, mais de 43% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019,
  • pour respecter l’objectif de +2°C, les émissions de GES doivent être réduites, non pas de -0,3%, mais de 21% d’ici 2030 (par rapport à 2019).

 

Pic des émissions

Selon le Giec (3e volume de l’AR6, SPM, § C.1), les émissions mondiales de GES doivent atteindre un pic entre 2020 et 2025 pour limiter le réchauffement à +1,5°C.

 

Sur la base de la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des 166 NDC (objectifs inconditionnels et conditionnels), la CCNUCC estime qu’il serait possible d’atteindre un pic des émissions mondiales de GES avant 2030 (soit 10 après l’échéance de 2020 préconisée par le Giec dans son 4e rapport d’évaluation publié en 2007), voire dès 2025. Toutefois, pour atteindre le pic, souligne le rapport, il faut impérativement mettre en œuvre les objectifs conditionnels des NDC. La CCNUCC rappelle que la mise en œuvre des objectifs conditionnels est tributaire essentiellement de l’accès des pays en développement à un soutien international accru (financement, transfert de technologies, coopération technique, renforcement des capacités), ainsi que de la disponibilité des mécanismes fondés sur le marché et de la capacité d’absorption des forêts et d’autres écosystèmes.

 

Emissions historiques de GES et projections 2030 avec la mise en œuvre des NDC

La partie gauche du graphique correspond aux émissions historiques et la partie droite aux projections d’émissions en 2030. Celle-ci montre, à gauche, les projections basées sur la mise en œuvre des objectifs inconditionnels uniquement avec la possibilité d’atteindre une stabilisation des émissions autour de 2025, et à droite les projections basées sur la mise en œuvre des objectifs inconditionnels et conditionnels, avec la possibilité d’atteindre un pic autour de 2025.

Source : CCNUCC, 17 avril 2023

 

 

Budget carbone déjà consommé et budget carbone restant

Passé : selon le 1er volume du 6e rapport d’évaluation du Giec (publié le 9 août 2021), au cours de la période 1850-2019, un total de 2 400 Gt de CO2 d’origine anthropique a été émis au niveau mondial, dont 42% entre 1990 et 2019 (1 000 Gt CO2). Le réchauffement directement attribuable aux activités humaines est déjà de +1,07°C (en 2019).

 

Or, pour avoir une chance sur deux de limiter le réchauffement à +1,5°C d’ici 2100, le budget carbone restant depuis 2020 est estimé à 500 Gt CO2. De même, pour limiter (avec une probabilité de 67%) le réchauffement à +2°C d’ici 2100, le budget carbone restant depuis 2020 est estimé à 1 100 Gt CO2.

 

Futur : selon les projections de la CCNUCC basées sur les 166 NDC analysées, les émissions cumulées de CO2 sur la période 2020-2030 sont estimées à 430 Gt CO2 :

  • soit 86% du budget carbone restant qui soit compatible avec un réchauffement limité à +1,5°C (500 Gt CO2). Cela laisserait un budget carbone post-2030 d’environ 70 Gt CO2, soit l’équivalent de deux ans d’émissions de CO2, selon le niveau projeté pour 2030 ;
  • soit 37% du budget carbone restant qui soit compatible avec un réchauffement limité à +2°C (1 100 Gt CO2). Cela laisserait un budget carbone post-2030 d’environ 720 Gt CO2, soit l’équivalent de 20 ans d’émissions de CO2, selon le niveau projeté pour 2030.

 

Budgets carbone

Le schéma de gauche montre le budget carbone post-2030 restant pour respecter l’objectif de +1,5°C et celui de droite le budget carbone post-2030 restant pour respecter l’objectif de +2°C.

Source : CCNUCC, 17 avril 2023

 

 

Conclusions

La synthèse ne formule pas de conclusions mais il est possible de tirer ses propres conclusions après lecture du rapport :

  • les projections de réduction d’émissions de GES estimées pour 2030 sur la base des 166 NDC analysées sont donc très loin du niveau de réduction nécessaire pour être compatible avec les objectifs de +1,5°C et de 2°C ;
  • cela montre clairement que les Parties doivent renforcer davantage leurs objectifs et engagements de réduction au titre de l’Accord de Paris et surtout les mettre en œuvre concrètement.

 

 

Prochaines étapes

Conformément à un mandat différent (décision 1/CMA.3 [paragraphe 30], adoptée lors de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris, Glasgow, 31 oct. – 13 nov. 2021), le Secrétariat de la CCNUCC est chargé de mettre à jour chaque année le rapport de synthèse sur les NDC et de le lui présenter à chacune de ses sessions. Le dernier rapport de synthèse publié au titre de ce mandat a été publié le 26 octobre 2022 (lire notre brève). La publication du prochain est prévue en amont de la COP-28 (30 nov. – 12 déc. 2023).

 

L’éclairage du Citepa

Il n’y a pas qu’un écart, mais plusieurs…. 

L’écart entre la réduction nécessaire et la réduction envisagée

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), dans la 13e édition de son rapport annuel (Emissions Gap Report) qui fait référence en la matière (publié le 27 octobre 2022), a estimé l’écart entre la science et l’ambition, c’est-à-dire l’écart entre, d’une part, le niveau de réduction collective des émissions de GES en 2030 nécessaire pour suivre une trajectoire compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C et, d’autre part, les projections d’émissions mondiales de GES de tous les pays de la planète, basées sur leurs engagements de réduction pour 2025-2030, inscrits dans leurs NDC. Ainsi, selon les dernières estimations du PNUE, l’écart entre l’ambition des NDC et le niveau de réduction collective nécessaire pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +2°C serait de 12 à 15 Gt CO2e ; pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +1,5°C, l’écart serait de 19 à 22 Gt CO2e.

 

L’écart entre la réduction envisagée à moyen terme et à long terme

Par ailleurs, le PNUE relève un autre écart, cette fois non pas entre la science et l’ambition, mais entre l’ambition 2030 et l’ambition 2050. Le PNUE pointe l’important écart entre le niveau d’ambition des objectifs de neutralité carbone en 2050 fixés par de nombreux pays du monde et le niveau d’ambition insuffisant des NDC actuelles pour l’horizon 2030. Pour accomplir des progrès considérables, d’ici 2030, vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, deux actions doivent d’urgence être mises en œuvre, selon le PNUE : d’une part, davantage de pays doivent élaborer et soumettre des stratégies bas-carbone 2050 qui soient compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris, et d’autre part, des NDC nouvelles ou des NDC mises à jour qui soient compatibles avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 doivent être élaborées et soumises à la CCNUCC.

 

L’écart entre la réduction envisagée et les réductions effectuées

L’effort collectif mondial consenti à ce jour est donc largement insuffisant : la mise en œuvre des NDC actuelles entraînerait une hausse des températures moyennes mondiales à l’horizon 2100 comprise entre +2,4°C et +2,6°C (source : Emissions Gap Report 2022), à supposer que les engagements actuels – qui sont non contraignants – soient intégralement respectés, ce qui est loin d’être acquis à ce stade. Il faut certes combler l’écart entre l’ambition des Parties et la science, mais il faut également avant et surtout combler l’écart entre l’ambition et l’action (la mise en œuvre concrète des engagements inscrits dans les NDC).

 

La trajectoire climat mondiale se trouve ainsi dans une double incohérence :

– entre les objectifs de l’Accord de Paris et les engagements des Parties (NDC), mais aussi

– entre ces mêmes engagements, et les actions mise en œuvre pour les atteindre.

 

Par conséquent, il faut que les engagements à long terme (2050) des Parties se traduisent :

– dans les engagements à moyen terme (2030) via les NDC,

– dans les politiques et mesures à prévoir pour réaliser ces engagements 2030,

– dans les politiques et mesures à court terme, notamment dans leurs plans de relance post-Covid-19.

 

 

En savoir plus

Rapport de synthèse de la CCNUCC

Registre des NDC

Plusieurs outils sont disponibles pour suivre la remise des NDC-2 et leur contenu :

 

 

 

 

 

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