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Emissions de gaz à effet de serre en France : estimations provisoires sur l’ensemble de l’année 2022 avec le baromètre des émissions mensuelles du Citepa

  • Réf. : 2023_04_a03
  • Publié le: 2 mai 2023
  • Date de mise à jour: 2 mai 2023
  • France

En bref

Le Citepa a publié en avril 2023 la mise à jour de son baromètre des émissions mensuelles qui permet d’avoir une première estimation des émissions de gaz à effet de serre [GES] en France en 2022. D’après ces pré-estimations, les émissions de GES ont repris leur trajectoire à la baisse en 2022 après le rebond observé en 2021. Néanmoins, ce résultat global masque des évolutions variables selon les secteurs et selon les mois. Ce bilan sera consolidé par la prochaine publication de l’inventaire national d’émissions de GES du Citepa et notamment la prochaine édition du rapport Secten (attendu pour juin 2023).

 

Qu’est-ce que le baromètre des émissions mensuelles du Citepa ?

En complément de l’inventaire national d’émissions de gaz à effet de serre et polluants atmosphériques, qui fournit chaque année N le bilan des émissions de l’année N-2, le Citepa propose des estimations mensuelles des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques dans l’année en cours. Ce baromètre des émissions mensuelles est calculé en cohérence avec les émissions annuelles. Il permet de suivre l’évolution des émissions au fil des mois de l’année en cours, et de comparer les émissions mois à mois avec l’année précédente. Actuellement, faute d’indicateurs suffisamment fiables, les évolutions des secteurs de l’agriculture, des déchets et du puits de carbone (UTCATF) ne sont pas pré-estimées précisément du fait de manque d’indicateurs mensuels pour ces secteurs. La mise à jour de mars 2023 concerne les 12 mois de l’année 2022. Les chiffres de GES présentés ici sont relatifs à la France périmètre UE (Métropole et territoires d’Outre-mer inclus dans l’UE). Les émissions sont estimées en tonnes équivalent CO2 (CO2e) sur la base des pouvoirs de réchauffements globaux (PRG) issus du 4ème rapport d’évaluation (AR4) du Giec car le baromètre des mois 2022 a été construit sur la base de l’édition 2022 des inventaires de GES.

 

Résultats provisoires pour l’année 2022 : des émissions de nouveau en baisse après le rebond de 2021

En 2020, la combinaison de la crise du Covid-19 et d’un hiver peu rigoureux avaient contribué à une très forte réduction des émissions de GES, de 9,6% par rapport à 2019 au total tout secteur, et de 16,5% pour les transports, ce secteur contribuant ainsi à plus de la moitié de la baisse totale. Les secteurs de la production d’énergie et des bâtiments, favorisés par les températures clémentes, avaient vu leurs émissions baisser de respectivement 11% et 6%. Ainsi, au total, en 2020, le niveau d’émissions en France avait atteint 393 Mt CO2e, hors bilan puits de carbone de l’UTCATF.

En 2021, un rebond des émissions a été observé (+6,4%) car la forte baisse des émissions de GES en 2020 était principalement liée à des causes conjoncturelles temporaires. Le niveau estimé pour 2021 dans l’édition Secten 2022 était de 418 Mt CO2e, ce qui reste inférieur au niveau d’avant crise sanitaire (435 Mt CO2e en 2019).

En 2022, sur la base des dernières pré-estimations du baromètre, on observe un retour à la baisse interannuelle des émissions avec la fin de l’effet rebond post Covid-19. Le niveau pré-estimé sur l’année 2022, qui reste à consolider, s’élève à 408 Mt CO2e, soit une réduction de 2,5% par rapport à 2021 (-6,2% comparé à 2019).

 

Émissions annuelles de GES (en Mt CO2e) hors puits de carbone

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Analyse des dynamiques mensuelles

Si l’on compare les émissions mensuelles de GES d’une année aux émissions du même mois de l’année précédente, on constate que le rebond (en rouge) post-crise Covid se concentre sur la période allant de mars 2021 à février 2022.

Après cette phase de rebond, on constate une deuxième phase, de janvier 2022 à septembre 2022 inclus, où les émissions mensuelles restent proches des émissions des mêmes mois de 2021, avec des écarts de -0,3% en moyenne (les écarts variant entre -3% environ pour les mois de mars, juin et juillet, 0% pour les mois de janvier, avril, mai et août ; et +3% pour les mois de février et septembre).

Enfin, dans une troisième phase, d’octobre à décembre 2022, les émissions mensuelles sont en forte baisse par rapport à celles de 2021 (-9% en octobre, -11% en novembre, -5% en décembre).

 

Comparaison mois à mois entre les émissions de GES de 2021 et de 2022

 

Forte baisse du secteur résidentiel-tertiaire en 2022, très marquée en fin d’année

Les émissions mensuelles du secteur résidentiel-tertiaire de 2022 sont en forte baisse par rapport à celles de 2021 (-15 % en moyenne sur l’année, soit 11 Mt CO2e évités). Cette baisse est particulièrement forte en avril-mai et en octobre-novembre. Cela s’explique notamment par une forte réduction de la consommation d’énergie fossile dans contexte de crise énergétique avec une hausse des prix du gaz et produits pétroliers, des appels à la sobriété énergétique auprès des ménages et des entreprises, un recours accru au bois, et un hiver très doux (indice de rigueur de 0,935 en 2022 contre 0,984 en 2021). Ce secteur contribue le plus fortement à la baisse globale des émissions entre 2021 et 2022 sur la base du baromètre mensuel 2022.

Au global sur l’année 2022, le secteur résidentiel-tertiaire atteint, avec 64 Mt CO2e, le niveau d’émissions de GES le plus bas depuis 1990, et dans la continuité de la diminution des émissions observées depuis 2017, malgré une hausse temporaire observée en 2021. Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 pour la période 2019-2023, de 78 Mt CO2e/an en moyenne, est en voie d’être respecté avec 71 Mt CO2e observé entre 2019 et 2022 (voir graphe ci-dessous). Etant donné qu’une partie des réductions d’émissions en 2022 est liée à des causes conjoncturelles, l’enjeu reste de savoir si cette dynamique continuera de se poursuivre les prochaines années de manière à respecter le prochain budget carbone sur la période 2024-2028, fixé dans la SNBC-2 pour ce secteur à 60 Mt CO2/e an en moyenne.

 

Émissions annuelles de GES (en Mt CO2e) du secteur résidentiel-tertiaire

 

L’industrie aussi en baisse

Le secteur de l’industrie manufacturière participe aussi à la baisse globale des émissions pré-estimée avec le baromètre entre 2021 et 2022, à un niveau moindre que le secteur résidentiel-tertiaire, avec une diminution de 8% (-6 Mt CO2e). Une réduction de la consommation de gaz naturel dans les petites industries, de charbon dans les sites de sidérurgie et de métaux ferreux, et une diminution de la production de certaines branches (chimie inorganique, ciment) expliquent cette baisse, même si des hausses sont observées dans d’autres sous-secteurs. Notons par exemple que le sous-secteur de la construction est en hausse entre 2021 et 2022 (+2,4%), avec une augmentation sur les 1er et 2e trimestres et une baisse sur les 3e et 4e trimestres.

 

Bien qu’au global, le baromètre mensuel 2022 pré-estime une diminution des émissions de GES entre 2021 et 2022, certains secteurs ne participent pas à cette réduction et ont vu au contraire leurs émissions augmenter en 2022 : transports et production d’énergie.

 

Secteurs en hausse en 2022 : Transports, Production d’énergie

La production d’énergie est le secteur qui connaît, en absolu, la plus forte hausse des émissions de GES entre 2021 et 2022 (+3,6 Mt CO2e soit +8%). L’indisponibilité de plusieurs tranches nucléaires a eu un impact sur les émissions de ce secteur. En 2022, une vingtaine de réacteurs étaient en effet à l’arrêt (29 réacteurs à l’arrêt sur 56 en mai 2022 par exemple). Ces arrêts ont généré un recours plus important aux centrales à gaz et un recours temporaire au charbon avec la réouverture, le 28 novembre 2022, de la centrale de Saint-Avold, dans un contexte de hausse des prix du gaz suite à l’invasion russe de l’Ukraine. La consommation d’électricité a néanmoins été amoindrie par les appels à la sobriété énergétique.

Emissions de GES du secteur de la production d’énergie

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La comparaison mois à mois entre 2021 et 2022 pour ce secteur Energie montre que les émissions de 2022 ont été supérieures à celles de 2021 tous les mois, sauf en novembre.

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Si on observe enfin le secteur des transports uniquement, on constate une hausse de 2% (+3 Mt CO2e) entre 2021 et 2022. Le transport routier explique la plus grande partie de cette hausse (+2 Mt CO2e), suivi par les autres secteurs des transports, principalement l’aérien (vols domestiques y compris vers l’Outre-mer). Cependant, cette hausse reflète la poursuite du rebond post-crise Covid, où ce secteur avait connu une baisse très forte en 2020 (-22,4 Mt CO2e entre 2019 et 2020, soit -17%). Malgré le rebond en 2021 (+13 Mt CO2e) et en 2022 tel que pré-estimé dans le baromètre du Citepa (+3 Mt CO2), le niveau reste inférieur au niveau de 2019.

 

Emissions de GES du secteur des transports

 

Vue générale de l’année 2022

Le graphe ci-dessous présente l’évolution de mois à mois, pour chaque secteur, entre les émissions de 2021 et celles de 2022 (par exemple, janvier 2022 comparé à janvier 2021). Les secteurs avec une valeur positive, se situant au-dessus de la ligne 0, sont en hausse entre 2021 et 2022 pour le mois en question. Ceux avec une valeur négative sont en baisse.

Comparaison des émissions de GES mois à mois entre 2021 et 2022 : contribution de chaque secteur

 

 

On constate bien le poids du résidentiel tertiaire (jaune-doré) dans la baisse, et l’effet variable selon les mois du transport (hausse de janvier à mai puis baisse sur le reste de l’année sauf en septembre). Les émissions du secteur de l’énergie sont toujours en hausse sauf novembre. La fin d’année octobre-novembre-décembre voit une baisse marquée de quasi tous les secteurs.

A noter que, comme expliqué plus haut, les évolutions mensuelles des secteurs de l’agriculture et des déchets ne sont pas encore estimées de manière complète dans le baromètre du Citepa, même s’ils sont bien estimés dans l’inventaire des émissions annuelles. C’est pour cette raison que ces deux secteurs n’apparaissent pas dans le graphique ci-dessus. Les émissions annuelles de ces secteurs seront présentées dans le prochain rapport Secten.

 

Qu’en est-il des engagements de réduction de la France ? Le budget carbone de la SNBC-2 est-il respecté ?

La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) de la France fixe les objectifs climat de la France. Pour différentes périodes, les émissions de GES, en moyenne sur la période, ne doivent pas dépasser un budget carbone donné. Le 1er budget carbone (2015-2018) n’avait pas été respecté. Le budget carbone pour la période 2019-2023, fixé en 2020 par la SNBC révisée, s’élève à 422 MtCO2e/an en moyenne. La moyenne des émissions pré-estimées sur la période 2019-2022 s’élève à 413 Mt CO2, sous-réserve de la consolidation des estimations. La tendance indique un probable respect de ce budget carbone, sous-réserve de la valeur de 2023. Par ailleurs, la tranche indicative annuelle de la SNBC-2 pour l’année 2022 s’élève quant à elle à 410 Mt CO2e. Or, les émissions nationales de GES 2022 sont pré-estimées dans le baromètre du Citepa à 408 Mt CO2e, ce qui d’après cette pré-estimation respecterait ce niveau indicatif.

 

Émissions annuelles de GES (en Mt CO2e) hors puits de carbone

 

Si l’on met de côté les années 2020-2021 marquées par la crise sanitaire (baisse exceptionnelle puis rebond) et qu’on observe la tendance linéaire entre 2019 et 2022, on constate une baisse moyenne de 2,1%/an entre 2019 et 2022.

A noter enfin que la SNC-2 avait été conçue en cohérence avec les objectifs de l’UE de l’époque, à savoir une réduction de 40% entre 1990 et 2030. Depuis cet objectif de l’UE a été réhaussé à 55%, et une mise à jour de la SNBC est en cours, dans la cadre de la nouvelle Stratégie Française Energie Climat. Les prochains budgets carbone pourraient donc se voir modifiés.

 

Quand seront publiées données consolidées ?

En juin 2023, le prochain rapport Secten, accompagné de ses fichiers de données d’émissions, présentera de manière détaillée les résultats annuels avec des données consolidées sur la période 1990-2021, et une pré-estimation de l’année 2022.

En mars 2024, une nouvelle mise à jour du baromètre du Citepa fournir une première pré-estimation des émissions de l’année 2023.

En juin 2024, une nouvelle édition du rapport Secten, accompagné de ses fichiers de données d’émissions, présentera de manière détaillée les résultats annuels avec des données consolidées sur la période 1990-2022, et une pré-estimation de l’année 2023.

 

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