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TGAP : après une remise en cause par des industriels, le Conseil constitutionnel déclare conforme la liste des émissions de polluants visés, dont les poussières

  • Réf. : 2023_04_a01
  • Publié le: 17 avril 2023
  • Date de mise à jour: 17 avril 2023
  • France

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) s’applique entre autres aux poussières totales en suspension émises par les industriels. En février dernier, cette disposition avait été remise en cause par un industriel. Finalement, dans une décision arrêtée le 13 avril 2023 (réf. décision n°2023-1043), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la liste des polluants atmosphériques soumis à la TGAP (dont les poussières totales en suspension), liste établie par l’article 266 septies, alinéa 2 du Code des douanes.

Depuis le 1er janvier 2013, toute installation industrielle qui émet plus de 5 tonnes par an de poussières totales en suspension (TSP) est assujettie à la TGAP Air au titre de l’article 266 nonies, alinéa 8, du Code des douanes (source : Enviroveille, CCI France), contre 50 t entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012. Ce seuil d’assujettissement est applicable à tous les types d’établissements susceptibles d’émettre ce type de poussières. La TGAP Air s’appliquant aux TSP est basée sur le poids (en tonnes) des TSP émises dans l’atmosphère : pour l’année 2023, le taux est de 282,77 € la tonne de TSP émise pour les installations émettant plus de 5 t par an.

 

 

Retour sur les faits

 

Remise en cause de la TGAP Air sur les poussières : question prioritaire de constitutionnalité

Le 16 février 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 255 du 15 février 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC voir premier encadré ci-dessous) portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 266 septies, alinéa 2 du Code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 (articles 18 et 20). Cette question a été posée par la société Établissements Bocahut (exploitation de gravières et sablières, extraction d’argiles et de kaolin, basée à Haut-Lieu, 59) via leurs avocats. La société Etablissements Bocahut, soutenue dans sa démarche par l’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem), remettait en cause ces dispositions législatives visant les TSP.

 

Question prioritaire de constitutionnalité

Lors d’un procès devant une juridiction judiciaire ou administrative, il est possible de contester la loi qui est appliquée si l’on estime qu’elle est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il est ainsi possible de poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avant que l’affaire ne soit jugée. Si toutes les conditions sont réunies, c’est le Conseil constitutionnel qui va examiner la loi contestée et décider si elle ne doit plus être appliquée (source : service-public.fr).

 

Motif de la remise en cause de la TGAP Air sur les poussières 

La circulaire n° 12-013 du 27 mars 2012 définit ainsi les TSP :

« Il s’agit des particules émises dans l’air, de taille et de forme variables. Ces particules recouvrent les poussières totales (particules de taille supérieure à 10 microns), ainsi que les PM10 et les PM2,5 qui sont les particules les plus fines et les plus nocives pour la santé humaine.

  • les PM10 (particules dont le diamètre est inférieur à 10 microns) : particules essentiellement composés de matériaux terrigènes (oxydes d’aluminium, silice), de carbone, de sulfates, de nitrates et d’ammonium, d’éléments issus de l’érosion (fer, embruns, HCI),
  • les PM2,5 (particules les plus fines de taille inférieures à 2,5 microns) : particules composées essentiellement de carbone mais aussi de nitrates, sulfates et de composés organiques comme les HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques), qui sont des substances mutagènes et cancérigènes. Elles sont dites insédimentables car elles ne se déposent pas sur le sol. Elles proviennent essentiellement des moteurs diesel, installations de combustion et des procédés industriels tels que cimenteries, fonderies, verreries.

Ces particules sont rejetées dans l’air par des sources très diverses telles que les processus de combustion du charbon, ou l’incinération de déchets. La majorité des émissions de particules proviennent de l’industrie (sidérurgie, cimenterie, incinération). Leur degré de toxicité dépend de leur taille, les plus fines étant les plus nocives, ainsi que de leur composition (substances toxiques allergènes, mutagènes ou cancérigènes). »

A titre d’information, cette définition ne mentionne pas explicitement les particules ultrafines (PUF, comprises entre 1 et 100 nanomètres, ce qui correspond à la taille d’un virus ou d’une molécule d’ADN), soit les PM0,1. Ce polluant dit « émergent » n’est pas réglementé à ce jour, mais fait l’objet d’inquiétudes sanitaires croissantes et de recommandations de renforcement de leur surveillance de la part de l’Anses(1) en France et de l’OMS à l’international. Cependant, les PUF sont comprises dans les PM2,5 qui par définition implicite rassemblent les PM d’une taille inférieure à 2,5 microns.

A noter que dans ses travaux, le Citepa applique la définition suivante : « les particules totales en suspension sont constituées d’un mélange de différents composés chimiques et regroupent toutes les particules, quelles que soient leurs tailles et leurs sources » (source : Citepa, rapport d’inventaire Secten, éd. 2022, chapitre Polluants atmosphériques, p.285).

 

La société requérante (Établissements Bocahut), rejointe donc par la fédération professionnelle Unicem, dont elle relève de par ses activités, reproche à ces dispositions de ne pas définir avec une précision suffisante la notion de « poussières totales en suspension » dont le poids sert à déterminer l’assiette de la TGAP.

 

Ce faisant, selon la société requérante, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa propre compétence dans des conditions affectant le droit de propriété, le droit à un recours juridictionnel effectif et le principe d’égalité devant les charges publiques. Par conséquent, la QPC porte sur la notion de « poussières totales en suspension » figurant au 2 de l’article 266 septies du code des douanes.

 

Analyse du Conseil constitutionnel

Selon le Conseil constitutionnel, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Or, aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures… ». Le Conseil constitutionnel souligne que la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans la détermination de l’assiette ou du taux d’une imposition n’affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit.

Par conséquent, le grief de la société Etablissements Bocahut selon lequel le législateur n’aurait pas suffisamment défini les « poussières totales en suspension », dont le poids entre dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, est écarté.

Le Conseil constitutionnel estime que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarées conformes à la Constitution.

 

Conclusions formelles du Constitutionnel

Après examen des faits et délibération, le Conseil constitutionnel conclut que les mots « poussières totales en suspension » figurant au 2 de l’article 266 septies du code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, sont conformes à la Constitution de la Vème République.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel du 14 avril 2023. Le Citepa l’a recensée dans la rubrique Fil réglementaire de son site (section : installations classées).

 

Contexte

La TGAP Air, introduite le 1er janvier 1999 (au titre de la loi de Finances 1999, n°98-1266 du 30 déc. 1998), s’applique aux émissions de polluants atmosphériques des industriels. Elle est donc fondée sur le principe pollueur-payeur et a pour finalité de contribuer au financement de la surveillance de la qualité de l’air. L’assiette de la TGAP Air est le poids des substances émises dans l’atmosphère par les installations classées soumises à autorisation ou à enregistrement (seuils fixés par le décret n°99-508 du 17 juin 1999 modifié pour les polluants gazeux et la circulaire n° 12-013 du 27 mars 2012 pour les TSP).

La loi de finances pour 2009 a étendu le champ d’application de la TGAP Air aux poussières totales en suspension et ce, à compter du 1er janvier 2009. Le seuil d’assujettissement pour les installations soumises à la TGAP Air visant les TSP a été fixé à 50 t d’émissions de TSP par an entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012. Depuis le 1er janvier 2013, ce seuil a été ramené à un niveau égal ou supérieur à 5 tonnes par an (au titre de la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 (articles 18, 19 et 20), codifié dans l’article 266 nonies, alinéa 8 du Code des douanes.

Le décret n°2020-442 du 16 avril 2020 (JO du 18 avril 2020) est venu modifier les modalités d’acquittement de la TGAP. En particulier, il diminue le nombre des acomptes dus par les redevables pour l’ensemble des composantes de la TGAP (dont la composante “émissions polluantes”) à compter du 1er janvier 2020 (voir chapitre III).

Le 7 décembre 2022, les taux de la TGAP applicables en 2023 ont été publiés dans le Bulletin officiel des Finances Publiques-Impôts (réf. BOI-BAREME-000039) (lire notre article). Au titre de la composante de la TGAP sur les émissions polluantes (« TGAP-Air »), 18 polluants sont visés. Les taux 2023 de tous ces polluants sont légèrement supérieurs à ceux de 2022 (lire notre article), les plus fortes hausses concernant le mercure dont le taux 2023 s’établit à 1 088,1 €/kg (contre 1 070,96 €/kg en 2022), le cadmium dont le taux 2023 s’élève à 533,92 €/kg (contre 525,51 €/kg en 2022), l’arsenic et le sélénium (taux 2023 de chacun : 544,06 €/kg, contre 535,49 €/kg en 2022). Le taux de la TGAP pour les poussières totales en suspension pour 2023 est de 282,77 € la tonne (contre 278,32 € en 2022).

Les redevables de la TGAP sur les émissions polluantes doivent la télédéclarer et la télérégler avant le 31 mai 2023 via la téléprocédure disponible en ligne.

 

(1)avis du 28 juin 2018 (lire notre article) et du 16 juillet 2019 (lire notre article).

 

En savoir plus

La décision du Conseil constitutionnel du 13 avril 2023

Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (taux 2023)

Page du site des Douanes consacrée à la TGAP

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