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Paquet « Fit for 55 » : accord provisoire sur la proposition de révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED) : l’objectif sur la part d’EnR est rehaussé

  • Réf. : 2023_03_a07
  • Publié le: 6 avril 2023
  • Date de mise à jour: 5 avril 2023
  • UE

Le 30 mars 2023, les représentants du Conseil et du Parlement européen (PE) sont parvenus à un accord provisoire (informel) sur un texte de compromis [élaboré par la Présidence suédoise du Conseil] concernant la proposition de directive révisant la directive (UE) 2018/2001 sur les énergies renouvelables (dite RED [Renewable Energy Directive]-II). Cette proposition de directive avait initialement été présentée par la Commission le 14 juillet 2021 dans le cadre du paquet politique et législatif « Fit for 55 [%] » (lire notre brève). Ce paquet vise à adapter plusieurs actes législatifs de l’UE dans le domaine climat-énergie pour mettre concrètement en œuvre le nouvel objectif de réduction d’au moins 55% des émissions de GES d’ici 2030 (par rapport à 1990) (lire notre article).

Le texte de l’accord provisoire sur la révision de la directive RED II n’est pas encore disponible au public.

 

Position de négociation du Conseil et du Parlement européen en amont de l’accord provisoire

La directive existante (dite RED II) contient un objectif collectif contraignant pour 2030 d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie d’au moins 32%. La proposition de la Commission de juillet 2021 était de faire passer cet objectif à au moins 40%. Lors du Conseil Energie du 27 juin 2022, dans le cadre de leur « orientation générale » (general approach – voir définition) sur cette proposition de révision de la RED, les Ministres de l’Energie avaient avalisé (voir leur orientation générale sur cette proposition) cet objectif d’au moins 40%. Quant à l’autre co-législateur de l’UE, le Parlement européen, réuni en plénière le 14 septembre 2022, il avait finalisé sa position de négociation dans un texte de compromis sur la proposition de directive dans lequel il préconisait une part d’au moins 45% (voir article 2(a) de son texte de compromis), et non de 40%.

Les deux co-législateurs devaient donc parvenir à un accord provisoire sur le texte définitif de la future directive et c’est cet accord provisoire qui est intervenu le 30 mars 2023, avec un compromis entre ces deux préconisations.

 

Contexte

Dans sa proposition de directive révisant la directive RED II, présentée le 14 juillet 2021, la Commission prévoyait notamment de faire passer l’objectif global collectif contraignant pour 2030 d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie d’au moins 32% (fixé par la directive RED II) à au moins 40%.

 

Dans le cadre du plan REPowerEU (réf. COM(2022)230), présenté par la Commission le 18 mai 2022 en guise de réponse aux perturbations du marché mondial de l’énergie provoquées par l’invasion russe de l’Ukraine (lire notre article), elle a proposé de porter de 40% à 45% le nouvel objectif pour 2030 en matière d’énergies renouvelables (part d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie) prévu par la proposition de directive présentée dans le cadre du paquet « Fit for 55[%] ».

Le plan RePowerEU proposait également une série de modifications ciblées supplémentaires à la proposition initiale de révision de la directive RED II.

 

Lors du Conseil Energie du 19 décembre 2022, les Ministres de l’Energie des Vingt-sept ont préféré maintenir l’objectif initial proposé pour 2030 dans le cadre du paquet « Fit for 55[%] », à savoir 40%, tel qu’ils avaient convenu dans leur orientation générale (general approach, c’est-à-dire leur position de négociation) sur la proposition de directive RED III, conclue le 27 juin 2022. Dans le cadre de l’accord final entre les deux co-législateurs (Conseil et Parlement européen) sur le Plan RePowerEU, l’objectif de 40% a bien été maintenu. Le plan a été publié sous la forme du règlement (UE) 2023/435 du Parlement européen et du Conseil du 27 février 2023.

 

Que retenir de l’accord informel ?

Objectif global contraignant et objectif global indicatif

Au titre de l’accord provisoire entre les représentants du PE et du Conseil (conclu conformément à la procédure législative ordinaire), l’objectif global collectif contraignant pour 2030 d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie a été finalement porté à 42,5% pour la période 2021-2030, avec un objectif indicatif supplémentaire de 2,5% qui devrait permettre d’atteindre 45%. Cet objectif de compromis, proposé par la Présidence suédoise et entériné par les Vingt-sept le 30 mars 2023, se situe à mi-chemin entre l’objectif d’au moins 40% soutenu par les Etats membres et celui de 45% prôné par le Parlement européen et la Commission (depuis sa proposition de plan RePowerEU).

Chaque État membre devra contribuer à cet objectif commun contraignant mais aucun objectif national individuel contraignant ne sera assigné aux Etats membres, comme dans le cadre de la directive RED II (directive (UE) 2018/2001 – lire notre article) mais à la différence de la directive RED I (directive 2009/28/CE – lire notre article).

 

Les objectifs et sous-objectifs sectoriels

Les négociateurs du Conseil et du Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur des objectifs sectoriels plus ambitieux dans les secteurs des transports, de l’industrie, des bâtiments et des systèmes de chauffage et de refroidissement urbains. Ces sous-objectifs visent à accélérer l’intégration des énergies renouvelables dans les secteurs où leur utilisation a été plus lente. Décryptage de ces objectifs secteur par secteur.

 

Transports

L’accord provisoire donne aux États membres la possibilité de choisir entre :

  • un objectif contraignant de réduction de 14,5% de l’intensité d’émission de gaz à effet de serre dans les transports grâce à l’utilisation d’énergies renouvelables d’ici 2030, ou
  • un objectif contraignant d’au moins 29% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici 2030.

 

L’accord provisoire fixe un sous-objectif combiné contraignant de 5,5% pour les biocarburants avancés (généralement produits à partir de matières premières non alimentaires) et les carburants renouvelables d’origine non biologique (principalement l’hydrogène renouvelable et les carburants de synthèse à base d’hydrogène) dans la part des énergies renouvelables fournie au secteur des transports. Cet objectif comprend une exigence minimale de 1% de carburants renouvelables d’origine non biologique dans la part des énergies renouvelables fournie au secteur des transports en 2030.

 

Industrie

L’accord provisoire prévoit que l’industrie augmente son utilisation d’énergies renouvelables de 1,6% par an. Il a également été convenu que, d’ici 2030, 42% et, d’ici 2035, 60% de l’hydrogène utilisé dans l’industrie devraient provenir de carburants renouvelables d’origine non biologique.

L’accord provisoire accorde une certaine flexibilité aux Etats membres, en prévoyant la possibilité pour eux de réduire de 20% la contribution des carburants renouvelables d’origine non biologique utilisés dans l’industrie à deux conditions :

  • que la contribution nationale des États membres à l’objectif global contraignant de l’UE atteigne le niveau fixé,
  • que la part d’hydrogène issu de combustibles fossiles (dit hydrogène gris*) consommé dans les États membres ne dépasse pas 23% en 2030 et 20% en 2035 [en d’autres termes, à condition que les États membres puissent produire de l’hydrogène « bas-carbone » à hauteur de 77% sans recours aux combustibles fossiles en 2030 et de 80% en 2035, le recours à l’énergie nucléaire étant autorisé pour atteindre ces parts – voir encadré ci-dessous].

Fortes divergences au sein des Vingt-sept sur la question du nucléaire

Ces dernières semaines, les négociations entre les Vingt-sept conduisant à l’accord provisoire du 30 mars 2023 ont fait ressortir de fortes divergences sur la question de l’énergie nucléaire, et plus précisément sur la prise en compte ou non de cette énergie pour produire de l’hydrogène bas-carbone qui compterait dans la contribution des Etats membres à la réalisation des sous-objectifs pour le secteur de l’industrie (part de 77% l’hydrogène bas-carbone en 2030 et de 80% en 2035) et, pour le secteur des transports, à la réalisation du sous-objectif de 1% de carburants renouvelables d’origine non biologique dans la part des énergies renouvelables fournie au secteur des transports en 2030.

 

D’un côté, sous l’impulsion de la France, une coalition de 11 Etats membres (Bulgarie, Croatie, Finlande, Hongrie, Pologne, Pays-Bas, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) ont ardemment défendu la prise en compte du nucléaire dans le dispositif, et plus largement le rôle du nucléaire dans la production d’hydrogène. Concrètement, ces 11 Etats membres soutiennent le traitement à pied d’égalité entre hydrogène d’origine renouvelable (dit hydrogène vert*) et hydrogène dit « bas carbone » produit avec de l’électricité d’origine nucléaire. Par ailleurs, le 28 mars 2023, à l’occasion du Conseil Energie des Vingt-sept, 10 de ces 11 Etats membres (tous hormis les Pays-Bas qui ont participé à la réunion en tant qu’observateur avec la Belgique et l’Italie) ont publié un communiqué conjoint réaffirmant leur volonté de renforcer la coopération européenne dans le domaine de l’énergie nucléaire. Ils ont notamment insisté sur le fait que l’énergie nucléaire constitue une technologie clé, aux côtés des énergies renouvelables, pour atteindre les objectifs climat et la neutralité climatique à l’horizon 2050. Ils ont pleinement reconnu que le nucléaire est une technologie stratégique pour l’atteinte de la neutralité climatique.

 

De l’autre côté, une autre coalition de six Etats membres menée par l’Allemagne (Autriche, Danemark, Espagne, Luxembourg et Portugal) se sont opposés à cette prise en compte du nucléaire et au recours de l’énergie nucléaire pour produire de l’hydrogène. Un de leurs arguments derrière cette prise de position est que le fait de favoriser le développement de l’énergie nucléaire et des nouveaux projets nucléaires (comme en France les projets des EPR2 et les projets de SMR [Small Modular Reactors]) aurait un impact direct sur les investissements dans la production des énergies renouvelables, investissements qui risqueraient de baisser par voie de conséquence.

 

Ces divergences d’opinion, essentiellement entre la France et l’Allemagne, ne sont pas sans rappeler d’autres divergences majeures récentes entre ces deux premiers Etats membres de l’UE, cette fois sur la question de la fin des véhicules légers à moteur thermique à l’horizon 2035 (lire notre article).

Après d’âpres négociations sur plusieurs semaines, les représentants du Conseil et du Parlement européen, avec des représentants de la Commission, ont fini par parvenir à l’accord provisoire, le 30 mars 2023, lors de la 7e réunion dite en trilogue au bout d’une quinzaine d’heures de négociations ultimes. C’est la Présidence suédoise de l’UE qui a proposé un compromis visant à assouplir les objectifs pour les Etats membres disposant d’une importante production électrique décarbonée. Ainsi, au titre de l’accord provisoire conclu, la contribution des carburants renouvelables d’origine non biologique utilisés dans l’industrie pourra être réduite de 20% pour les États membres où la part d’hydrogène d’origine fossile consommé sera inférieure à 23%.

 

A noter enfin qu’il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas proprement dite une politique commune de l’énergie de l’UE. Chaque État membre conserve son droit « de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique » (cf. article 194, paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l’UE ou TFUE). Cependant, l’article 194 du TFUE fait de certains domaines de la politique de l’énergie une compétence partagée, ce qui constitue une évolution vers une politique commune de l’énergie (source : Parlement européen, la politique de l’énergie [de l’UE] : principes généraux)

 

Bâtiments et systèmes de chauffage et de refroidissement

L’accord provisoire fixe à titre indicatif un objectif d’au moins 49% d’énergies renouvelables dans les bâtiments en 2030.

Il prévoit une augmentation progressive des objectifs en matière d’énergies renouvelables pour les systèmes de chauffage et de refroidissement, avec une augmentation contraignante de 0,8% par an au niveau national jusqu’en 2026 et de 1,1% entre 2026 et 2030. Le taux annuel moyen minimal applicable à tous les États membres est complété par des augmentations indicatives supplémentaires calculées spécifiquement pour chaque État membre.

 

Bioénergie

L’accord provisoire renforce les critères de durabilité de l’utilisation de biomasse pour l’énergie afin de réduire le risque de production de bioénergie non durable.

 

Des octrois de permis plus rapides pour les projets

L’accord provisoire prévoit des procédures d’octroi de permis accélérées pour les projets d’énergies renouvelables. L’objectif est d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables dans le cadre du plan REPowerEU de l’UE  (lire notre article).

Les États membres mettront en place des zones d’accélération des énergies renouvelables, où les projets en faveur des énergies renouvelables feront l’objet d’une procédure d’octroi de permis simplifiée et rapide. En outre, le déploiement des énergies renouvelables sera réputé relever de l' »intérêt public supérieur », ce qui limitera les motifs d’objections juridiques aux nouvelles installations.

 

Les modifications apportées par le plan RePowerEU

Les modifications ciblées supplémentaires proposées par la Commission dans le cadre du plan RePowerEU, et adoptées dans le cadre du règlement (UE) 2023/435 (voir premier encadré ci-dessus), ont été intégrées dans l’accord provisoire conclu le 30 mars 2023.

 

Prochaines étapes

Le texte de l’accord politique provisoire conclu le 30 mars 2023 sera d’abord soumis aux représentants des États membres de l’UE au sein du Comité des représentants permanents (COREPER). Il sera ensuite soumis au Parlement européen et au Conseil pour adoption formelle définitive et ce, conformément à la procédure législative ordinaire. Reste à savoir si le Conseil parviendra à obtenir une majorité qualifiée lors du vote définitif ou si l’adoption de cette directive sera bloquée par l’opposition de certains pays. Aucune date n’est pour l’instant prévue pour ce vote final.

La directive sera ensuite publiée au Journal officiel de l’Union européenne avant d’entrer en vigueur.

 

* pour les définitions des différents types d’hydrogène, voir notre article sur la stratégie européenne sur l’hydrogène, publié le 18 août 2020.

 

En savoir plus

Page de la DG CLIM consacrée au paquet Fit for 55

Page de la DG Energie consacrée aux énergies renouvelables

Page de la DG Energie consacrée à la directive RED II et aux objectifs fixés

 

 

 

 

 

 

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