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Paquet « Fit for 55 » : le Conseil a pu adopter la révision du règlement fixant des normes d’émission de CO2 des véhicules légers après l’aval final de l’Allemagne

  • Réf. : 2023_03_a06
  • Publié le: 5 avril 2023
  • Date de mise à jour: 5 avril 2023
  • UE

Le 28 mars 2023, le Conseil de l’UE a formellement adopté – non sans difficulté (voir plus loin) la proposition de règlement révisant les normes d’émission de CO2 des véhicules légers. Cette proposition législative est issue du paquet politique et législatif « Fit for 55 [%] », qui avait été présenté par la Commission le 14 juillet 2021 (lire notre brève). Ce paquet vise à adapter plusieurs actes législatifs de l’UE dans le domaine climat-énergie pour mettre concrètement en œuvre le nouvel objectif de réduction d’au moins 55% des émissions de GES d’ici 2030 (par rapport à 1990) (lire notre article).

 

Objet de la proposition

L’objectif du règlement ainsi adopté le 28 mars 2023 est de réviser et de renforcer le règlement (UE) 2019/631 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières (VP) neuves et pour les véhicules utilitaires légers (VUL, c’est-à-dire les camionnettes) neufs. Il s’agit des émissions spécifiques (unitaires) de CO2 des VP et VUL neufs (mesurées en g/kmCO2), les VP et les VUL étant regroupés sous le terme de véhicules légers (par opposition aux véhicules lourds : camions, bus et autocars). Ainsi, la proposition législative vise à réduire fortement les émissions de CO2 des véhicules routiers légers, en mettant en place un objectif plus ambitieux de fin de mise en vente de véhicules thermiques (essence, diesel) en 2035. Le but est donc de favoriser le déploiement des véhicules dits « zéro émission » et de stimuler les innovations technologiques des constructeurs européens. Lire la proposition.

 

Retour sur le parcours législatif : Conseil et Parlement européen

 

Accord politique informel

Le 27 octobre 2022, les représentants du Parlement européen et du Conseil (les deux co-législateurs) sont parvenus à un accord informel (provisoire) sur un texte de compromis concernant la proposition de règlement. Au titre de cet accord informel, les deux co-législateurs se sont mis d’accord sur :

  • un objectif de réduction des émissions de CO2 de 55% pour les VP neuves et de 50% pour les VUL neufs d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2021,
  • un objectif de réduction des émissions de CO2 de 100% tant pour les VP neuves que pour les VUL neufs d’ici 2035. En d’autres termes, le texte prévoit la fin des VP et VUL à moteur thermique (essence et diesel) à l’horizon 2035 (une interdiction de fait à cette échéance).

 

Selon l’accord provisoire, le mécanisme existant d’incitation réglementaire sera conservé pour les véhicules à zéro émission et les véhicules à faibles émissions jusqu’en 2030. Dans le cadre de ce mécanisme, si un constructeur respecte certaines valeurs de référence pour les ventes de véhicules à zéro émission et à faibles émissions, il peut se voir attribuer des objectifs moins stricts en matière de CO2. Les co-législateurs sont convenus de porter la valeur de référence à 25% pour les VP neuves (cf. annexe 1 partie A.6 du règlement (UE) 2019/631) et à 17% pour les VUL neufs jusqu’en 2030 (cf. annexe 1 partie B.6 dudit règlement).

L’accord informel incluait également une référence aux carburants neutres en CO2 (considérant n°9a). Ainsi, après consultation des parties prenantes, la Commission présentera une proposition concernant l’immatriculation après 2035 des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2, en dehors du champ d’application des normes d’émission de CO2, et conformément à l’objectif de neutralité climatique de l’UE (voir plus loin la position de l’Allemagne sur cette question).

L’accord contenait une clause de réexamen garantissant que, en 2026, la Commission évaluerait de manière approfondie les progrès réalisés pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de 100% et s’il est nécessaire de réexaminer ces objectifs en tenant compte des évolutions technologiques, y compris au regard des technologies hybrides rechargeables et de l’importance d’une transition viable et socialement équitable vers des VP/VUL zéro émission.

En outre, l’accord prévoyait un renforcement d’autres dispositions en vigueur, parmi lesquelles :

  • l’abaissement du plafond des crédits d’émission que les constructeurs peuvent recevoir pour les éco-innovations qui réduisent de manière vérifiable les émissions de CO2 sur la route, jusqu’à 4 g/km par an à partir de 2030 jusqu’en 2034 (fixé actuellement à 7 g/km par an) ;
  • la Commission élaborera, d’ici à 2025, une méthode commune de l’UE pour évaluer les émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie des VP et VUL neufs mis sur le marché de l’UE, ainsi que les carburants et l’énergie consommés par ces véhicules. Sur la base de cette méthode, les constructeurs pourraient, sur une base volontaire, rapporter à la Commission les émissions sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules neufs qu’ils mettent sur le marché.

L’accord maintenait une dérogation pour les petits constructeurs jusqu’à la fin de 2035.

A noter que l’Allemagne avait d’abord hésité à entériner l’accord provisoire car elle ne souhaitait pas que la fin des véhicules légers à moteur thermique prévue en 2035 par l’accord provisoire privilégie le recours aux véhicules électriques, c’est-à-dire une solution technologique en particulier. Après d’intenses négociations, l’Allemagne avait fini par obtenir l’inclusion, dans le texte de compromis, d’une clause ouvrant la possibilité aux Etats membres de recourir aux carburants de synthèse (en anglais : e-fuels). Ainsi, au titre du considérant 9a (du texte de compromis), la Commission présentera une proposition concernant l’immatriculation après 2035 des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2, en dehors du champ d’application des normes d’émission de CO2.

En outre, au titre de l’ajout à l’article 14a du règlement (UE) 2019/631 (article 1 (9)) du texte de compromis), d’ici le 31 décembre 2025 (et tous les deux ans par la suite), la Commission doit établir un rapport sur les progrès réalisés (progress report) vers la mobilité du secteur routier vers zéro émission nette. Ce rapport doit examiner entre autres (i) la contribution potentielle des technologies innovantes et des carburants alternatifs durables, y compromis les carburants de synthèse, à la réalisation de mobilité neutre du point de vue de l’impact sur le climat ».

Ces références aux carburants de synthèse (ici en gras et en italiques) avaient donc été ajoutées suite à la pression de l’Allemagne. Les constructeurs allemands ne souhaitent pas que l’UE privilégie les véhicules électriques, mais laissent les Etats membres explorer la piste d’un moteur à combustion fonctionnant aux carburants de synthèse sous forme liquide et fabriqués à partir d’hydrogène produit à partir d’électricité d’origine renouvelable, et associé au CO2 issu des procédés industriels (capté, stocké et utilisé donc). Cette technologie controversée, toujours en cours de développement, est soutenue par les constructeurs haut de gamme en Allemagne (Porsche), mais aussi en Italie (Ferrari) et permettrait ainsi de prolonger l’utilisation de certains types de véhicules à combustion interne au-delà de 2035.

 

Approbation de l’accord informel par le Parlement européen

Le 14 février 2023, le Parlement européen, réunie en séance plénière, a approuvé le texte de compromis issu de l’accord informel (provisoire) trouvé le 27 octobre 2022. Voir texte approuvé.

 

L’Allemagne remet en cause l’accord provisoire mais finit par rallier la majorité

Le Conseil de l’UE devait initialement avaliser formellement, le 7 mars 2023, le texte de compromis issu de l’accord informel (provisoire) trouvé le 27 octobre 2022 mais début mars 2023, le Ministre allemand des Transports, Volker Wissing, a indiqué que la clause ouvrant la possibilité aux Etats membres de recourir aux carburants de synthèse n’était pas suffisante pour garantir cette possibilité chère aux constructeurs allemands. Chose plutôt très rare dans le processus législatif de l’UE, le Gouvernement allemand est ensuite revenu sur sa parole et a remis en cause l’accord provisoire. Cette volte-face a donc empêché l’adoption formelle le 7 mars 2023 faute de majorité qualifiée pour le vote final. Il a fallu plus de deux semaines pour qu’en marge du Conseil européen (réunissant les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-sept) les 23-24 mars 2023, la Commission européenne et l’Allemagne réussissent à dégager un accord bilatéral permettant de débloquer l’adoption finale du texte de compromis du futur règlement qui constitue un des actes clés du paquet Fit for 55. Le 25 mars 2023, en début de matinée, le vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a annoncé le déblocage du dossier.

Dans le cadre de cet accord bilatéral informel, le texte de compromis convenu le 27 octobre 2022, et notamment l’interdiction théorique des véhicules légers thermiques en 2035, demeure inchangé mais la Commission s’est engagée (via l’annonce de Frans Timmermans) à présenter une proposition législative, avec comme base juridique le considérant 9a (qui est devenu le considérant n°11 du texte de compromis dans sa version finale après les corrections éditoriales [version datée du 22 février 2023]). Cette future proposition législative autoriserait la poursuite de la vente des véhicules légers thermiques après 2035 à condition que ceux-ci fonctionnent uniquement aux carburants de synthèse. Toute proposition future en ce sens devrait toutefois être soumise à une étude d’impact, tant sur le fond que sur la forme (base juridique) et nécessitera l’approbation par les deux co-législateurs (adoption par le Conseil de l’UE et du Parlement européen). A ce stade, il s’agit donc d’une promesse non contraignante. Selon le Ministère allemand de l’Environnement (BMU), la Commission se penchera sur cette question « dans les mois à venir » (source : BMU, communiqué du 28 mars 2023).

 

Conseil Energie du 28 mars 2023

Après avoir réaffirmé son aval de l’accord provisoire du 27 octobre 2023, l’Allemagne a pu permettre au Conseil Energie (les Ministres de l’Energie des Vingt-sept), lors de sa réunion du 28 mars 2023, d’adopter formellement le texte de compromis issu de l’accord provisoire. A noter que la Pologne est le seul Etat membre à avoir voté contre le texte de compromis alors que la Bulgarie, l’Italie et la Roumanie se sont abstenues (voir résultats du vote). Voir le texte définitif du règlement adopté (en français).

La Commission a également publié une déclaration accompagnant le texte définitif du règlement adopté qui réaffirme de façon formelle l’engagement oral de Frans Timmermans le 25 mars 2023 (voir section « L’Allemagne remet en cause l’accord provisoire mais finit par rallier la majorité » plus haut). Ainsi, « La Commission reconnaît et confirme la décision du Parlement européen et du Conseil d’inclure le considérant 11 dans le texte de compromis qui a été convenu dans le cadre de la révision du règlement [(UE) 2019/631]. La Commission prendra ce considérant comme point de départ pour les initiatives législatives à venir…. La Commission travaillera également sans délai à la poursuite de la mise en œuvre du considérant 11. À la suite de la consultation des parties prenantes, la Commission proposera […] à l’automne 2023, un acte délégué précisant comment les véhicules fonctionnant uniquement aux carburants de synthèse contribueraient à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de CO2….[…].

Enfin, trois Etats membres ont publié chacune une déclaration : la Finlande, l’Italie et la Pologne.

 

Prochaines étapes

Il s’agit de la dernière étape de la procédure législative. Ainsi, cette adoption finale par les deux co-législateurs (conformément à la procédure législative ordinaire) signifie qu’après vérification par les juristes-linguistes, le règlement pourra être publié au JOUE avant d’entrer en vigueur.

 

En savoir plus

Page de la DG CLIM consacrée au paquet Fit for 55

Réunion du Conseil Energie du 28 mars 2023

Voir les déclarations de la Commission, de l’Italie, de la Pologne et de la Finlande

Dossier législatif de la proposition de règlement

 

 

 

 

 

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