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Les projets actuels de développement de production de fossiles sont incompatibles avec l’objectif de +1,5°C

  • Réf. : 2022_06_b05
  • Publié le: 2 juin 2022
  • Date de mise à jour: 21 juin 2022
  • International

Deux travaux récents permettent d’apporter un éclairage sur l’écart entre les projets actuels de nouvelles infrastructures de production de combustibles fossiles et la réduction de ces investissements pour respecter l’objectif de limitation du réchauffement global à +1,5°C.

 

La nécessité de garder dans le sous-sol une partie des réserves de gaz et pétrole

Une étude de 2015 (McGlade, C., & Ekins, P. (2015). The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 CNature517(7533), 187-190) estimait déjà que pour respecter l’objectif de 2°C, la moitié des réserves connues de pétrole, un tiers de celles de gaz et 80% de celles de charbon ne devaient pas être extraites, et rester dans le sous-sol (concept connu sous le terme anglais de « keep it in the ground »). En mai 2021, le rapport de l’AIE “net zero by 2050” (lire notre article) concluait que pour atteindre zéro émission nette en 2050, il ne devait y avoir aucun nouveau projet de création (ou d’extension) d’exploitations de gisements de gaz, de pétrole, de charbon. Une nouvelle étude publiée en 2021 (Welsby, D., Price, J., Pye, S., & Ekins, P. (2021). Unextractable fossil fuels in a 1.5 C world. Nature, 597(7875), 230-234) réestimait la proportion de fossiles à ne pas extraire : 60% pour le pétrole et le gaz, 90% pour le charbon. En 2021, dans son « Production Gap Report » (lire notre article), le PNUE constatait que la production planifiée de combustibles fossiles « dépassait largement » la limite nécessaire pour respecter l’objectif de +1,5°C.

 

Il s’agit en premier d’une enquête menée par des journalistes du quotidien britannique The Guardian et publiée le 11 mai 2022. Cette enquête repose notamment sur des calculs de l’ONG Urgewald, qui a construit une base de données (Gogel database) utilisant des données non publiques de Rystad Energy, incluant 887 entreprises pétrolières et gazières, et couvrant 97% des projets d’expansions à court terme. L’enquête montre que, d’ici les sept prochaines années, ces différents projets (avec en tête, ceux portés par Qatar Energy, Gazprom [Russie] et Saudi Aramco [Arabie Saoudite]) pourraient in fine fournir 192 milliards de barils, et générer l’équivalent d’une décennie des émissions actuelles de gaz à effet de serre de la Chine. Ces projets incluent 195 « bombes climatiques », des projets de grande ampleur (dont 60% sont déjà en cours) générant à eux seuls 1 Gt CO2 pendant leur durée de vie. Si le Moyen Orient et la Russie concentrent les plus grandes quantités totales, ce sont les Etats-Unis, le Canada et l’Australie qui présentent davantage, en nombre, de projets d’expansion de production de combustibles fossiles.

 

Deuxièmement, un article scientifique publié le 17 mai 2022 dans la revue internationale Environmental Research Letters a estimé que près de la moitié des sites de production actuels de combustibles fossiles devraient être fermés par anticipation pour respecter l’objectif +1,5°C. L’étude ne prend volontairement pas en compte la possibilité de mise en œuvre de technologies de captage artificiel du carbone suffisantes pour absorber les quantités de CO2 additionnelles émises, jugeant cette hypothèse comme un pari trop risqué. L’article a analysé une base de données de plus de 25 000 gisements pétroliers et gaziers, ainsi qu’une base de données complémentaire sur les mines de charbon. Les auteurs estiment que la combustion totale du gaz, pétrole et charbon contenus dans ces gisements et mines, déjà à l’étude, conduirait, en cumulé, à l’émission de 936 Gt CO2, (soit l’équivalent de 25 années d’émission au rythme actuel). Ils estiment que 40% des combustibles fossiles ne doivent pas être extraits pour avoir une chance sur deux de respecter l’objectif de +1,5°C. Ils notent que près de 90% des réserves identifiées ne se trouvent que dans 20 pays, et en particulier en Chine, Russie, Arabie Saoudite, Etats-Unis, Iran, Inde, Indonésie, Australie et Canada.

 

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