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Comment un mémo de 1977, alertant des conséquences d’un réchauffement climatique futur, a été ignoré

  • Réf. : 2022_06_a08
  • Publié le: 22 juin 2022
  • Date de mise à jour: 22 juin 2022
  • International

Le 14 juin 2021, le quotidien britannique The Guardian a révélé l’existence d’un mémo datant du 7 juillet 1977 remis au Président américain d’alors, Jimmy Carter, par son conseiller scientifique en chef, Frank Press, directeur du Bureau de la politique scientifique et technologique (Office of Science & Technology Policy). Le mémo, qui avait pour objet « Emissions de CO2 et la possibilité d’un changement climatique catastrophique », est marqué du tampon présidentiel partiellement effacé « The President has seen » (vu par le Président).

 

Que contenait ce mémo ?

Frank Press y dressait l’état des connaissances scientifiques de l’époque :

« La combustion de combustibles fossiles a augmenté à un rythme exponentiel au cours des 100 dernières années. En conséquence, la concentration atmosphérique de CO2 est aujourd’hui supérieure de 12% au niveau de la révolution préindustrielle [soit un niveau d’environ 333 ppm en 1977] et pourrait atteindre 1,5 à 2 fois ce niveau d’ici 60 ans [soit 420 à 560 ppm en 2037]. En raison de « l’effet de serre » du CO2 atmosphérique, cette concentration accrue entraînera un réchauffement climatique mondial de 0,5 à 5°C. »

Ces affirmations se sont révélées juste dans la mesure où en avril 2022, les concentrations atmosphériques moyennes mensuelles de CO2 mesurées sur le site de référence Mauna Loa (Hawaii, Etats-Unis) ont atteint 420 ppm (plus précisément 420,33 ppm – lire notre article) (voir liste des mesures moyennes mensuelles à Mauna Loa de mars 1958 à mai 2022). Quant au réchauffement, selon le rapport annuel, Etat du climat mondial 2021, publié le 18 mai 2022 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), il était d’ores et déjà de +1,11°C en 2021.

Le conseiller scientifique en chef de la Maison blanche abordait ensuite les effets potentiels d’un tel réchauffement :

« L’effet potentiel sur l’environnement d’une fluctuation climatique d’une telle rapidité pourrait être catastrophique et nécessite une étude d’impact d’une importance et d’une difficulté sans précédent. Un changement climatique rapide pourrait entraîner des pertes de récoltes à grande échelle à un moment où l’augmentation de la population met l’agriculture à l’épreuve en termes de limites de la productivité. »

Puis il en expliquait la cause et formulait ses projections :

« L’urgence du problème découle de notre incapacité à faire la transition rapide vers des sources de combustibles non-fossiles lorsque les effets climatiques deviendront évidents, peu après l’an 2000. La situation pourrait devenir incontrôlable avant que des sources d’énergie alternatives et d’autres mesures correctives ne soient efficaces. La dissipation naturelle de CO2 ne se produira pas avant un millénaire après que la combustion de combustibles fossiles aura été nettement réduite. »

Frank Press soulignait qu’il ne s’agissait déjà pas, à l’époque, d’une nouvelle problématique :

« Cette question n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c’est le poids croissant des connaissances scientifiques qui fait passer l’impact du CO2 sur le climat de la spéculation à une hypothèse sérieuse qui mérite une réponse ni complaisante ni décidée dans la panique. »

Il proposait la démarche à suivre : 

« L’état actuel des connaissances ne justifie pas une action d’urgence visant à limiter la consommation des combustibles fossiles à court terme. Toutefois, je crois que nous devons tenir compte de ce risque potentiel du CO2 en élaborant notre stratégie énergétique à long terme ».

 

La réponse du Président Carter au mémo

Jim Schlesinger, Secrétaire de l’Energie (l’équivalent d’un Ministre), a répondu, au nom du Président Carter, en disant dans une note :

« Je pense que les conséquences politiques de cette question sont encore trop incertaines pour justifier l’implication et des initiatives politiques du Président. »

 

Malgré la réputation de Jimmy Carter d’avoir été sensible aux questions de l’environnement et d’avoir préconisé le développement des « nouvelles sources d’énergie non conventionnelles » (à savoir les énergies renouvelables) dans son son discours à la nation du 19 avril 1977, il a suivi le conseil de Jim Schlesinger et le mémo a été classé sans suite.

 

En savoir plus

L’article du Guardian

Le mémo de Frank Press au Président Jimmy Carter (texte intégral)

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