Loi climat et résilience : un décret et un arrêté viennent fixer les modalités de mise en œuvre de l’obligation de compensation des émissions des vols infranationaux
En application de l’article 147 de la loi climat et résilience (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets), le 27 avril 2022, ont été publiés au JO le décret n° 2022-667 et un arrêté du 26 avril 2022 fixant les modalités de mises en œuvre des principes de compensation des émissions de gaz à effet de serre, en particulier pour les vols nationaux.
Proposition initiale de la Convention Citoyenne pour le Climat
L’article 147 de la loi climat et résilience repart d’une des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (lire notre article), au sein de l’objectif général « limiter les effets néfastes du transport aérien », à savoir : « garantir que l’ensemble des émissions qui ne pourraient être éliminées soient intégralement compensées par des puits de carbone. […] nous proposons de rendre obligatoire (et non volontaire) la compensation intégrale des émissions de CO2 de l’ensemble des vols intérieurs, quels qu’ils soient, dès 2021 ».
L’article 147 de la loi climat
L’article 147 de la loi climat et résilience ajoute, dans le Code de l’environnement, deux dispositions :
- une disposition générale précisant les principes à respecter pour toute opération de compensation carbone : « Les réductions et séquestrations d’émissions issues des projets permettant de compenser les émissions de gaz à effet de serre répondent aux principes suivants : elles sont mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles» ;
- une disposition plus spécifique imposant aux compagnies aériennes (« exploitants d’aéronefs ») soumises au SEQE de compenser, en fin de chaque année, les émissions des vols effectués à l’intérieur du territoire national. Ces émissions compensées doivent être déclarées, vérifiées et validées dans des conditions fixées par décret, sous peine des sanctions (100€/t de CO2e non compensée). Les compagnies doivent compenser 50% de ces émissions pour l’année 2022 (à compter du 1er janvier) ; 70% pour l’année 2023, et 100% dès l’année 2024. Les crédits carbone utilisés à cet effet ne peuvent pas être utilisés pour d’autres dispositifs de compensation obligatoire.
L’éclairage du Citepa
Quelles émissions sont concernées ?
Les émissions de gaz à effet de serre liées aux vols dits domestiques, ayant lieu au sein du territoire, se sont élevées à 5,4 Mt CO2e en 2019 (environ 2% du total national, hors puits de carbone) et à 3,2 Mt CO2e en 2020 (année marquée par une forte baisse des vols). Ces chiffres comprennent bien les territoires d’Outre-mer inclus dans l’UE et donc les vols entre la métropole et ces territoires. Si l’on se concentre sur le territoire métropolitain uniquement, ces émissions s’élèvent à 4,0 Mt CO2e en 2019 et à 1,8 Mt CO2e en 2020. A noter cependant que cette valeur pour 2020 est une valeur provisoire, qui avait été pré-estimée en 2021 : elle sera mise à jour dans le prochain rapport Secten attendu courant mai 2022. Source : rapport Secten éd. 2021.
Le décret sur la compensation
Après un projet de décret mis en consultation publique, le décret final (n° 2022-667) a été publié au JO le 27 avril 2022. Il est entré en vigueur le lendemain de sa publication.
Aspect général principes de la compensation (article R. 229-102-1 du Code de l’environnement).
Le décret définit les modalités d’application des principes de la compensation carbone énoncés dans l’article 147 de la loi climat et résilience (caractère mesurable, vérifiable, permanent, additionnel et transparent). Il précise notamment les conditions d’éligibilité de ces programmes et d’utilisation des crédits carbone, les éléments d’information devant être fournis par les exploitants et leurs délais de transmission, ainsi que les modalités de vérification par l’autorité administrative du respect des obligations de compensation.
En termes de transparence, le décret précise que des informations sur les caractéristiques du projet de compensation (méthodologie, modalités de comptabilisation des émissions réduites et des absorptions, prix des crédits carbone, garantie de permanence…) devront être publiquement accessibles.
Aspects spécifiques à l’obligation de compensation pour les compagnies aériennes
Le décret fixe également les conditions et modalités d’application de l’obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols nationaux, et notamment :
- les acteurs visés (avec une exemption pour les exploitants générant moins de 1 000 t CO2/an) ;
- les éléments d’information devant être fournis par les exploitants d’aéronefs et leurs délais de transmission ;
- les modalités de vérification par l’autorité ;
- les critères d’éligibilité des projets (dates, emplacement, co-bénéfices…)
- le processus d’achat et d’annulation des crédits carbone.
Il précise aussi que les réductions et séquestrations d’émissions reconnues en application du label bas-carbone (lire notre brève) ainsi que mises en œuvre dans le cadre de CORSIA (régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale) sont éligibles.
Les projets qui apportent des améliorations significatives en matière de préservation et de restauration des écosystèmes naturels et de leurs fonctionnalités peuvent bénéficier d’une majoration du montant des crédits carbone pris en compte (majoration plafonnée à 15% par exploitant et par an).
Arrêtés d’application prévus
Le décret prévoyait aussi un arrêté d’application, qui a été publié au JO le 27 avril 2022 lui aussi. Il fixe, entre autres, le pourcentage minimum des réductions d’émissions générés par des projets sur le territoire de l’Union européenne pour respecter ces obligations de compensation. Ce pourcentage augmente progressivement entre 2022 et 2025. A compter de 2025, il doit être d’au moins 50 %. Le respect de ce pourcentage est apprécié annuellement et pour chaque exploitant d’aéronefs soumis à l’obligation de compensation. Il fixe également un prix plafond du crédit carbone au-delà duquel les exploitants sont dispensés de l’application de ce taux, s’ils ne sont plus en mesure de trouver des projets situés dans l’Union européenne dont le prix du crédit carbone est inférieur à ce plafond.
Le décret prévoit en outre un autre arrêté (non encore publié à ce jour) précisant certaines modalités énoncées ci-dessus, et notamment celles tendant à garantir le caractère permanent et additionnel des actions de compensation.