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Réduction des émissions de GES : « Ecart énorme en termes de crédibilité, d’actions et d’engagements des Etats » et « objectifs 2030 totalement insuffisants », selon Climate Action Tracker

  • Réf. : 2022_03_a03
  • Publié le: 9 mars 2022
  • Date de mise à jour: 9 mars 2022
  • International

Le 9 novembre 2021, en pleine COP-26, Climate Action Tracker (CAT) (voir encadré en fin d’article) a publié une mise à jour de ses projections de réchauffement climatique et d’émissions de gaz à effet de serre (GES) élaborées sur la base des nouveaux engagements pris ou annoncés lors de la COP-26, notamment lors du segment de haut niveau les 1er et 2 novembre 2021 (lire notre article sur la journée du 1er nov. 2021 et celui sur la journée du 2 nov. 2021). Cette mise à jour se fonde également sur les objectifs inscrits dans les contributions nationales (NDC) nouvelles et/ou mises à jour et soumises à la CCNUCC depuis septembre 2020 par les Parties à l’Accord de Paris (conformément à son article 4). CAT compare les résultats de cette nouvelle mise à jour de leurs projections à ceux publiés le 4 mai 2021 (lire notre article) et à ceux publiés en septembre 2020.

Concrètement, CAT a analysé l’écart entre la science et l’ambition (voir encadré ci-dessous), c’est-à-dire l’impact de la mise en œuvre de l’ensemble des nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030 et 2050 sur le niveau d’émissions de GES projeté à l’horizon 2030 et ce, au regard d’une trajectoire d’émissions de GES compatible en 2030 avec l’objectif de +1,5°C fixé par l’article 2 de l’Accord de Paris. Cette mise à jour a été publiée sous forme de note d’analyse (Briefing).

 

L’écart entre la science et l’ambition 

Le concept d’écart entre la science et l’ambition (dit en anglais « emissions gap« ) est un indicateur mis au point par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en 2010. Il décrit l’écart entre :

  • le niveau de réduction collective des émissions de GES en 2030 nécessaire pour être compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C et,
  • les projections d’émissions mondiales de GES de tous les pays de la planète, basées sur leurs engagements de réduction pour 2030, inscrits dans leurs contributions nationales (NDC), et pour 2050, inscrits dans leurs stratégies de développement à long terme faible en émissions de GES (dites stratégies bas-carbone 2050 ou, en anglais long-term strategies ou LTS). Les pays sont tenus de soumettre leur NDC et leur LTS à la CCNUCC conformément à l’Accord de Paris (article 4). Ces engagements sont inconditionnels [prévus quoi qu’il arrive] et/ou conditionnels [conditionnés à un soutien des pays industrialisés (financement, renforcement des capacités, transfert de technologies)], d’où les fourchettes d’estimation associées aux projections de CAT, plutôt qu’une seule valeur. Dans les deux cas, ces engagements ne sont pas pour autant contraignants (cf. article 4 de l’Accord de Paris).

Chaque année depuis 2010, le PNUE publie son rapport annuel évaluant cet écart. Le 12e rapport a été publié le 26 octobre 2021 (lire notre article).

 

 

Résultats

Impact des objectifs 2030 renforcés sur l’écart entre la science et l’ambition

Selon la mise à jour des estimations de CAT, les nouveaux engagements pris ou annoncés lors de la COP-26 et les NDC nouvelles ou mises à jour soumises entre septembre 2020 et début novembre 2021 permettraient de réduire, dans une fourchette comprise entre 3,3 et 4,7 Gt CO2e (soit de 15 à 17%), l’écart entre le niveau d’émissions de GES projeté à l’horizon 2030 sur la base de ces engagements et les NDC-2, d’une part, et une trajectoire d’émissions de GES compatible en 2030 avec l’objectif de +1,5°C, d’autre part. Cet écart se situerait désormais entre 19 et 23 Gt CO2e selon les dernières projections de CAT. (Voir la liste des NDC-2). Or, si l’analyse de CAT publiée en septembre 2020 avait estimé l’écart à un niveau compris entre 23 et 27 Gt CO2e, l’analyse publiée le 15 septembre 2021 (lire notre article) avait ramené l’écart à un niveau compris entre 20 et 23 Gt CO2e, soit un écart presque identique à celui estimé dans la nouvelle mise à jour.

 

Comparaison de l’écart en matière d’émissions de GES entre la science et l’ambition,
basée sur les projections de CAT en
septembre 2020 et novembre 2021

Source : CAT, 9 nov. 2021

 

Impact sur la hausse des températures moyennes mondiales

 

Projections sur la base des politiques et mesures existantes [scénario Politiques et actions]

Selon la mise à jour des estimations de CAT, les politiques et mesures existantes conduiraient à un réchauffement de +2,7°C d’ici 2100, soit presque le double de l’objectif de +1,5°C fixé par l’Accord de Paris (article 2) et près de +1,0°C de plus que le réchauffement projeté sur la base des engagements fixés et annoncés en 2030 et 2050 dans le cadre du scénario optimiste : +1,8°C (voir plus loin). CAT souligne que cette valeur de +2,7°C n’a baissé que de +0,2°C depuis septembre 2020 (cf. hausse de +2,9°C projetée par CAT dans son analyse publiée le 23 septembre 2020).

 

Projections sur la base des objectifs formellement fixés pour 2030 [scénario Objectifs 2030 uniquement]

Selon la mise à jour des estimations de CAT, la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des objectifs 2030 contraignants inscrits dans les NDC et soumis à la CCNUCC conduirait à un réchauffement de +2,4°C. A noter qu’il n’est pas possible de faire une comparaison avec les éditions précédentes de l’analyse de CAT car ce nouveau scénario a été ajouté pour cette édition du 9 novembre 2021.

 

Projections sur la base de l’ensemble des engagements/objectifs 2030 et 2050 fixés et soumis [scénario Engagements et objectifs]

Si, en plus des objectifs 2030 contraignants inscrits dans les NDC et soumis à la CCNUCC, les engagements contraignants 2050 (objectifs de neutralité climatique ou carbone [zéro émission nette]) inscrits dans les stratégies bas carbone 2050 et soumis à la CCNUCC étaient intégralement mis en œuvre, la hausse des températures moyennes mondiales d’ici 2100 pourrait être ramenée à +2,1°C (contre +2,4°C projetée par CAT dans son analyse publiée le 4 mai 2021lire notre article), soit un réchauffement évité supplémentaire de +0,3°C.

Ce sont trois grands émetteurs qui contribueraient le plus à ce réchauffement évité supplémentaire de +0,3°C : les Etats-Unis, l’UE-27 et la Chine et ce, grâce à l’adoption d’objectifs 2030 et/ou 2050 (UE : objectifs de -55% d’ici 2030 [base 1990] et de neutralité climatique 2050 ; Etats-Unis : objectif de neutralité climatique 2050 ; Chine : objectif de neutralité carbone d’ici 2060). Ces objectifs ont été formellement inscrits dans leurs NDC et LTS respectives qui ont été ensuite soumis à la CCNUCC.

Impact des NDC mises à jour ou nouvelles entre septembre 2020 et novembre 2021 sur la réduction de l’écart, en 2030, entre la science et l’ambition en matière d’émissions de GES (en Gt CO2e)

 

Source : CAT, 9 nov. 2021

 

Projections sur la base de l’ensemble des engagements/objectifs 2030 et 2050 fixés, soumis et/ou annoncés [scénario Optimiste]

Dans l’hypothèse où l’ensemble des objectifs 2030 et 2050 formellement fixés et inscrits dans les NDC et LTS et/ou simplement annoncés par les Gouvernements nationaux seraient intégralement mis en œuvre, le réchauffement pourrait même être ramené à +1,8°C (contre +2,0°C selon les projections de CAT du 4 mai 2021 et +2,1°C selon les projections de CAT du 1er décembre 2020voir encadré dans notre article). Autrement dit, en 12 mois, malgré le grand nombre d’objectifs 2030 et 2050 annoncés depuis décembre 2020, le réchauffement évité supplémentaire ne serait que de +0,3°C (en passant de +2,1°C à +1,8°C).

 

Projections en matière de réchauffement d’ici 2100 selon les quatre scénarios de CAT (mise à jour novembre 2021)

Source : CAT, 9 nov. 2021

 

Selon CAT, si les objectifs et engagements 2050 constituent un signal fort quant à l’ambition des Etats, la qualité de la plupart d’entre eux demeure discutable.

Quoi qu’il en soit, sur la base des nouvelles annonces faites lors de la COP-26 et sous réserve de leur mise en œuvre intégrale, au moins l’objectif du +2°C semblerait atteignable d’après les nouvelles projections de CAT. En revanche, l’objectif plus ambitieux de +1,5°C semble bel et bien hors de portée en l’état actuel des engagements, sachant qu’aujourd’hui le réchauffement s’élève d’ores et déjà à +1,11°C (selon la dernière analyse de l’Organisation Météorologique Mondiale [OMM], dont la version définitive a été publiée le 19 janvier 2022).

 

Cohérence avec les projections de l’AIE 

Les projections du réchauffement de +1,8°C estimée par CAT sur la base de l’ensemble des engagements et objectifs 2030 et 2050 fixés, soumis et/ou annoncés rejoignent les projections de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) publiées le 4 novembre 2021 lors de la COP-26 (lire notre article). Selon celles-ci, l’ensemble des engagements climat annoncés jusqu’à cette date (inscrits dans les NDC et annoncés ailleurs, par exemple l’engagement mondial sur le CH4 (Global Methane Pledge – lire notre article), conduirait à une hausse de +1,8°C.

 

 

Conclusions

Selon les projections de CAT, même avec tous les nouveaux engagements pris ou annoncés lors de la COP-26, les émissions mondiales de GES en 2030 seront à un niveau deux fois plus élevé qu’il ne faut pour rester sur une trajectoire compatible avec l’objectif de +1,5°C. Par conséquent, souligne CAT, tous les Gouvernements devront revoir leurs objectifs nationaux de réduction, et notamment ceux de 2030. Comme CAT a indiqué lors de son analyse publiée le 15 septembre 2021, les objectifs de zéro émission nette fixés ou annoncés pour 2050 ne seront pas atteints sans réductions fortes dès 2030. Il faut donc que les objectifs 2030 soient alignés sur ceux de 2050 et que les Etats fixent des objectifs robustes à court terme (2030) et définissent une trajectoire robuste pour les atteindre (mise en œuvre concrète). A défaut, les objectifs de neutralité carbone ou climatique en 2050 ne seront pas réalisables. Pour terminer, CAT est formel : « il est clair qu’il y a un écart énorme en termes de crédibilité, d’actions et d’engagements des Etats » et que « les objectifs 2030 sont totalement insuffisants » pour respecter l’objectif +1,5°C.

 

L’éclairage du Citepa

Au-delà de l’écart entre science et ambition, il existe un deuxième écart…. 

Enfin et surtout, il faut certes combler l’écart entre l’ambition des Parties et la science, mais il faut également combler l’écart entre l’ambition et l’action : la mise en œuvre concrète des engagements inscrits dans les NDC, sachant que ces objectifs ne sont même pas juridiquement contraignants (cf. article 4 de l’Accord de Paris).

 

La trajectoire climat mondiale se trouve ainsi dans une double incohérence :

  • entre les objectifs de l’Accord de Paris et les engagements des Parties (NDC), mais aussi
  • entre ces mêmes engagements, et les actions mise en œuvre pour les atteindre.

 

Par conséquent, il faut que les engagements à long terme (2050) des Parties se traduisent :

  • dans les engagements et objectifs à moyen terme (2030) via les NDC,
  • dans les politiques et mesures robustes adoptées et mises en œuvre pour atteindre ces objectifs 2030,
  • dans les politiques et mesures à court terme, notamment dans leurs plans de relance post-Covid-19.

 

 

En savoir plus

Communiqué de CAT

La note d’analyse complète

 

Climate Action Tracker (CAT) 

Climate Action Tracker (CAT) est un consortium international indépendant d’analyse scientifique composé de deux instituts de recherche Climate Analytics et New Climate Institute. La mission de CAT est de suivre et d’évaluer l’action climat des pays au regard de leurs objectifs climat nationaux, notamment à l’horizon 2030 et 2050 (fixés conformément à l’article 4 de l’Accord de Paris) et des objectifs mondiaux de +2°C, de +1,5°C d’ici 2100 (fixés par l’article 2 de l’Accord de Paris) et de neutralité climatique à l’horizon 2050 (article 4).

 

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