SEQE : l’année 2020 a vu la plus forte baisse des émissions de GES depuis 2005 (Covid oblige), selon l’AEE
L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a publié le 12 janvier 2022 une note d’analyse (Briefing) sur les tendances et projections, pour l’année 2021, concernant le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES) de l’UE.
Contexte
Le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) d’émissions de gaz à effet de serre (GES) est un volet majeur de la politique climat de l’UE. Il repose sur le principe d’une quantité limitée d’émissions possibles, pour les secteurs visés (industrie, énergie, aviation domestique…). Les exploitants ont droit gratuitement d’émettre une certaine quantité, mais le reste doit être acheté aux enchères, incitant les exploitants ainsi à moins émettre pour revendre ces quotas ou moins avoir à en acheter.
Le SEQE-UE a été établi par la directive 2003/87/CE modifiée notamment par la directive 2009/29/CE qui a fixé les règles de fonctionnement de la 3e période (2013-2020) et par la directive (UE) 2018/410 qui a fixé celles de la phase 4 (2021-2030) qui comporte deux périodes (2021-2025 et 2026-2030).
Aujourd’hui, le SEQE-UE couvre environ 36% des émissions totales de GES de l’UE.
Que retenir de la note d’analyse ?
Emissions historiques : une baisse historique des émissions en 2020 du fait de la crise du Covid-19
Installations fixes
Les émissions totales de GES des installations fixes relevant du SEQE (secteurs de la production d’énergie et de l’industrie manufacturière) ont diminué de 11,4% entre 2019 et 2020 (en passant de 1 530 Mt CO2e en 2019 à 1 355 Mt CO2e en 2020), soit la plus forte baisse annuelle depuis le début du SEQE en 2005. Cette baisse, qui est comparable uniquement à la baisse observée en 2009 au plus fort de la crise financière, s’explique en grande partie par la diminution de la demande d’électricité et de l’activité industrielle dues à la pandémie de Covid-19, s’ajoutant aux précédentes tendances à la décarbonation (baisse de 9% des émissions de GES des installations fixes entre 2018 et 2019 du fait de la substitution du charbon par des combustibles à plus faible teneur en carbone, tendance elle-même liée aux prix faibles du gaz et au recours accru aux énergies renouvelables. Sur la période 2005-2020, les émissions de GES des installations fixes ont diminué de 43%.
Les installations de combustion (principalement les installations de production d’électricité) sont responsables de 60% des émissions de GES du SEQE en 2020. Cette source est le principal moteur de la baisse des émissions de GES observée depuis le début du SEQE. Entre 2019 et 2020, les émissions de GES des installations de combustion ont diminué de 13,9% et sur la période 2013-2020 (soit l’ensemble de la troisième période d’échange), elles ont diminué de 38%.
Les émissions de GES des installations fixes du secteur de l’industrie manufacturière visées par le SEQE ont connu une baisse non négligeable entre 2019 et 2020 (-7,3%), baisse qui a concerné l’ensemble des sous-secteurs de l’industrie manufacturière. Cependant, l’évolution des émissions de GES varie considérablement d’une activité à l’autre, reflétant principalement les différentes tendances (production, efficacité énergétique, utilisation de la biomasse et des déchets comme source d’énergie, etc.). La sidérurgie et les raffineries ont enregistré les plus fortes réductions d’émissions (-11,5 % et -8 %, respectivement), tandis que le secteur chimique a connu la plus faible réduction (-1,9 %).
Aviation
Entre 2019 et 2020, les émissions de GES des exploitants d’aéronefs visés par le SEQE ont baissé de 63,5% (en passant de 68 Mt CO2e à 25 Mt CO2e), les voyages aériens ayant été quasiment interrompus pendant la pandémie. Cette baisse très importante contraste avec la tendance à la hausse dans ce secteur depuis son intégration dans le SEQE en 2012. Les huit premières compagnies aériennes sont responsables de 51% des émissions totales du secteur de l’aviation de l’UE.
Projections: un rebond possible des émissions ?
L’AEE souligne qu’à court terme, les Etats membres devront prendre des mesures pour éviter un rebond des émissions de GES liées à la reprise des activités post-Covid-19. Elles devront être étayées par des mesures à moyen et à long terme afin de contribuer à réaliser le nouvel objectif global de réduction des émissions de GES de l’UE (visant l’ensemble des secteurs, d’au moins-55% d’ici 2030 (base 1990), contre au moins -40% auparavant (lire notre article).
Selon les récentes projections nationales d’émissions de GES soumises par les Etats membres à l’AEE, la majorité de ceux-ci projettent une diminution de leurs émissions de GES des secteurs couverts par le SEQE entre 2020 et 2030. Cette diminution est principalement due au recours accru aux énergies renouvelables et à l’élimination progressive des capacités de production d’électricité à forte intensité de carbone.
Toutefois, six Etats membres (Belgique, Estonie, Irlande, Islande, Malte et Pologne) projettent une augmentation de leurs émissions de GES des secteurs couverts par le SEQE. C’est le résultat de la sortie progressive prévue de la production d’électricité d’origine nucléaire, dont les capacités de production sont remplacées par des capacités de production d’électricité d’origine thermique, ou d’une augmentation de la production d’énergie à forte intensité de carbone ou d’autres processus.
Une autre raison de la hausse potentielle des émissions de GES des secteurs visés par le SEQE est l’augmentation prévue de la demande d’électricité en raison de l’électrification des secteurs des transports et des bâtiments. Si cette demande supplémentaire, qui réduit les émissions de GES conformément au règlement sur la répartition de l’effort (règlement (UE) 2018/841 – lire notre brève), n’est pas soutenue par une croissance similaire de la production d’électricité d’origine renouvelable, cela pourrait entraîner une augmentation des émissions des secteurs visés par le SEQE.
Evolution des émissions historiques de GES des secteurs couverts par le SEQE (2005-2020)
et projections en 2030 par rapport à 2020 avec mesures existantes (WEM) et avec mesures supplémentaires (WAM) (en %) – UE-27 + Islande, Liechtenstein et Norvège
Source : AEE, 12 janvier 2022 (p.7).
NB. Les émissions historiques sont basées sur les émissions déclarées et vérifiées.
Le nombre de quotas en circulation : l’offre est plus fort que la demande
Pour la première fois depuis 2013, le nombre total de quotas alloués aux installations fixes en 2020 a été supérieur à la demande. A cela deux raisons :
- une baisse de la demande d’électricité et d’activités industrielles a eu pour conséquence de réduire la demande de quotas,
- le nombre de quotas en circulation en 2020 a progressé de 6% (+1,4 milliard) par rapport à 2019.
L’augmentation de 1,4 milliard de quotas comprend l’allocation gratuite, les quotas mis aux enchères et l’échange de crédits internationaux. L’offre de quotas alloués à titre gratuit a été inférieure de 4,3% à celle de 2019, car l’allocation gratuite aux installations existantes est réduite chaque année. En revanche, le nombre de quotas mis aux enchères en 2020 a été sensiblement plus élevé que pendant l’année précédente. La principale raison de cette raison de cette hausse est le volume supplémentaire mis aux enchères par le Royaume-Uni, après avoir retenu des quotas en 2019 en raison des négociations du Brexit.
Dans le cas de l’aviation, la différence entre l’offre et la demande était encore plus marquée. Les années précédentes, l’offre totale de quotas de l’UE pour l’aviation, comprenant à la fois les quantités allouées à titre gratuit et mises aux enchères, ne couvrait qu’environ la moitié de la demande. Les opérateurs ont donc été contraints d’acheter l’autre moitié sur le marché du SEQE. En 2020, alors que la demande s’effondrait, les quotas alloués gratuitement étaient suffisants pour couvrir la totalité de la demande de l’aviation.
Emissions de GES (en Mt CO2e), le nombre de quotas en circulation, le surplus et le prix du quota dans le SEQE (2005-2020)
Légende
Emissions de GES en MtCO2e.
Nombre de quotas et surplus en millions (NB. 1 quota = 1 tCO2e)
Prix du quota en €
Source : AEE, 12 janvier 2022 (p.7).
Lire notre article « SEQE : la Commission a publié le nombre total de quotas en surplus en 2020»,
publié le 7 juin 2021
La Commission a publié son 8e rapport annuel sur le fonctionnement du SEQE
La Commission européenne a publié, le 26 octobre 2021, son huitième rapport annuel sur le fonctionnement du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES) de l’UE.
Depuis 2012, la Commission a publié son bilan huit fois à l’attention du Parlement européen et du Conseil et ce, en application des dispositions de l’article 10, paragraphe 5, et de l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE (voir version consolidée de la directive). L’objectif de ce rapport de la Commission est de faire le point chaque année sur l’évolution du marché européen du carbone, comme le prévoit la directive de la directive 2003/87/CE modifiée. Le septième rapport annuel avait été publié le 18 novembre 2020 (lire notre brève).
En savoir plus
Page de la DG CLIM consacrée au SEQE