Particules ultrafines : Airparif publie les résultats de sa première campagne de mesure
Airparif, l’association agréée pour la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, a publié le 1er février 2022 les résultats de sa première campagne, en Île-de-France, de mesure des particules ultrafines (PUF, comprises entre 1 et 100 nanomètres, ce qui correspond à la taille d’un virus ou d’une molécule d’ADN), soit les PM0,1. Ce polluant dit « émergent » n’est pas réglementé à ce jour, mais fait l’objet d’inquiétudes sanitaires croissantes et de recommandations de renforcement de leur surveillance de la part de l’ANSES(1) en France et de l’OMS à l’international.
Cette première campagne de mesure, qui s’inscrit dans une étude plus large (prévoyant au total trois campagnes de mesure – voir encadré de contexte en fin d’article), a été menée de décembre 2020 à février 2021 en Ile-de-France et avait pour objectif de mieux comprendre la répartition géographique des PUF dans les zones résidentielles urbaines (à proximité des lieux d’habitation et donc de chauffage) et en zone rurale et ce, en mesurant les PUF dans l’air ambiant francilien pendant la période hivernale (en situation de fond). Cette première campagne a été menée sur quatre sites distincts éloignés du trafic (et donc loin de cette source émettrice) : trois en zone urbaine (un site au cœur de l’agglomération parisienne, deux en zone périurbaine) et un en zone rurale.
Résultats : le rôle du transport routier et du chauffage au bois en zone urbaine
Ces premières observations montrent que les PUF sont omniprésentes et que, pendant la campagne de mesure, leurs concentrations ont été en moyenne deux à trois fois plus élevées dans les zones urbaines (jusqu’à 9 300 particules/cm3), du fait d’émissions plus fortes, que dans la zone rurale (2 700 particules/cm3). Des PUF émises par le trafic routier ont été mesurées dans l’air, même à distance des zones de trafic routier. Les niveaux de PUF sont également 1,5 à 2 fois plus élevés lors des épisodes de pollution hivernaux aux particules par rapport à une semaine de faible pollution. En agglomération, bien que les points de mesure soient éloignés du trafic, la contribution de ce dernier à la pollution de PUF est prépondérante, tout comme celle du chauffage au bois, avec des tailles de PUF et des périodes de pic bien distinctes pour ces deux sources.
Les PUF mesurées en hiver en Ile-de-France : résultats de trois mois de mesures en période hivernale 2020-2021
Source : Airparif, 1er février 2022
En effet, une analyse fine des résultats, selon la taille de ces PUF et en fonction des heures de la journée et des jours de la semaine, met clairement en évidence la responsabilité du trafic routier et du chauffage au bois dans ce niveau de concentration de PUF élevé observé dans l’agglomération pendant la période hivernale. La corrélation des niveaux de PUF avec la baisse de la température et la mesure conjointe du carbone suie, marqueur de la combustion de biomasse, confirme la responsabilité du chauffage au bois, notamment lors des épisodes de pollution hivernale aux particules. Les cheminées à foyer ouvert et les équipements de chauffage au bois anciens et peu performants sont beaucoup plus émetteurs de particules que les équipements récents et performants qui répondent à des normes énergétiques environnementales (label Flamme Verte).
Airparif souligne que l’étude a permis de mieux comprendre la taille des particules émises par le chauffage au bois, dont une part importante est suffisamment petite pour faire partie des PUF. Par ailleurs, le diamètre des PUF émis par le trafic routier est inférieur à celui des particules liées au chauffage au bois, et leurs pics ne suivent pas la même temporalité quotidienne et hebdomadaire.
Source : Airparif, 1er février 2022
Prochaines étapes
Les futures campagnes de mesure des PUF évalueront leurs concentrations dans différents environnements : après avoir effectué des mesures loin des sources de pollution, la deuxième campagne de mesure (en cours d’analyse) s’est déroulée aux bords de grands axes de circulation franciliens durant l’été 2021 (lire notre article). Ses résultats seront rendus publics mi-2022. Ces données devraient permettre d’identifier de nouveaux sites de surveillance permanente des PUF en Île-de-France, en complément à la station de référence d’ores et déjà installée à Paris dans le jardin des Halles. Elles fournissent également aux épidémiologistes des données pour poursuivre les travaux d’évaluation de l’impact sur la santé de ces polluants.
En savoir plus
Contexte
En 2018 et 2019, l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait émis des avis(1) sur les enjeux sanitaires de ces PUF, en tant que polluant dit « émergent », et sur la nécessité de mieux les surveiller.
Le 1er décembre 2020, Airparif avait lancé une étude exploratoire comportant une campagne de mesure des PUF en Île-de-France (lire notre brève). L’étude, qui s’étalera sur quatre ans (2020-2024) et qui s’appuiera sur trois campagnes de mesure successives, vise à renforcer la surveillance opérationnelle des PUF, en appui aux évaluations d’impact sanitaire et aux politiques publiques. Ce programme d’étude mené par Airparif est cofinancé par Airparif, la Métropole du Grand Paris, la Ville de Paris, l’ARS (Agence Régionale de Santé), la communauté d’agglomération Paris Saclay, et les Aéroports de Paris.
La première campagne de mesure, qui a duré trois mois (de décembre 2020 à février 2021), avait pour objectif de mesurer les PUF dans l’air ambiant francilien en zones résidentielles urbaines et en zone rurale loin des sources de pollution pendant la période hivernale en situation de fond.
Actuellement, contrairement aux particules de taille plus grossières (PM10) et aux particules fines (PM2.5), les PUF ne font pas l’objet d’une obligation de surveillance réglementaire. A noter que dans l’inventaire national des émissions réalisé par le Citepa, un niveau plus fin, (PM1.0) est estimé.
Les objectifs de cette étude lancée le 1er décembre 2020 étaient principalement :
- d’évaluer la variabilité spatiale et temporelle des PUF (niveaux en nombre [et non en masse comme les autres particules] et classe granulométrique) dans différents environnements : en situation de fond (loin des sources de pollution) ; le long du trafic routier ; et à proximité des aéroports ;
- d’évaluer l’influence des différentes sources de PUF (chauffage au bois, trafic routier, trafic aérien…) sur les profils granulométriques mesurés, en vue d’identifier « l’empreinte » (différences de répartition par taille des particules) en fonction des environnements surveillés (situation de fond, proximité du trafic routier ou proximité du trafic aérien) ;
- d’étudier la composition chimique des particules, en mesurant la composante carbone suie (ou black carbon, composante aussi estimée spécifiquement dans l’inventaire national réalisé par le Citepa), afin de distinguer les particules issues du chauffage au bois et celles issues de la combustion (trafic routier).
Airparif avait annoncé le 7 juillet 2021 le lancement d’une deuxième campagne de mesure des PUF en Île-de-France. Cette deuxième campagne de mesure était destinée à évaluer, pendant l’été cette fois, les concentrations en nombre de PUF à proximité du trafic routier. Dans ce cadre, trois stations de mesure du réseau de surveillance d’Airparif ont été équipées d’un analyseur de comptage et de tri de type SMPS (Scanning Mobility Particle Sizer), appareil permettant de mesurer les particules dans l’air ambiant sur 136 classes granulométriques (sur la gamme 5 – 400 nm). Ces stations reflètent une diversité de conditions de circulation des axes routiers : la première située le long du boulevard périphérique, la deuxième dans Paris intra-muros, et la troisième en grande couronne francilienne, en plus du site urbain de fond de référence Paris Centre Les Halles. Ce sont les résultats de cette 2e campagne qui font l’objet du présent article du Citepa.
(1) avis du 28 juin 2018 (lire notre article) et du 16 juillet 2019 (lire notre article).