Qualité de l’air en Europe en 2019 (PM10, PM2,5, ozone et NO2) : les valeurs limites toujours dépassées et les valeurs guides de l’OMS très largement dépassées
Le 7 décembre 2021, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a publié son 11e rapport annuel présentant le bilan de la qualité de l’air en Europe. Le rapport couvre les polluants suivants : particules (PM10 et PM2,5), ozone, NO2, benzo(a)pyrène (BaP), SO2, CO, métaux lourds et benzène. La nouvelle analyse de l’AEE repose sur les dernières données officielles sur la qualité de l’air, provenant de plus de 4 000 stations de surveillance en Europe en 2019 et en 2020. A noter que les données 2020 ne sont pas encore consolidées et demeurent à ce stade provisoires. Les données définitives pour 2020 seront publiées dans le cadre du bilan 2022 portant sur l’année 2020.
Le rapport est composé de trois chapitres sous forme de note d’analyse (Briefing) :
- l’état de la qualité de l’air en Europe en 2019 et 2020,
- les impacts sanitaires de la pollution de l’air en Europe en 2019,
- les sources d’émission et les émissions de polluants atmosphériques en Europe sur la période 2005-2019.
L’état de la qualité de l’air en Europe
Le premier chapitre fournit une mise à jour des informations et des données sur les concentrations et les dépassements des normes de qualité de l’air pour l’année 2019 (données définitives) et 2020 (données provisoires). Ainsi, les concentrations des polluants sont présentées au regard des normes de qualité de l’air (valeurs limites de concentration (VLC), valeurs cibles, objectifs de qualité, …) fixées par :
- la directive 2008/50/CE : SO2, NO2 et NOx, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone ;
- la directive 2004/107/CE : arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P).
Ces concentrations sont également présentées au regard des nouvelles valeurs guides de concentrations pour la qualité de l’air (Air Quality Guidelines ou AQG) fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, mise à jour en septembre 2021 – lire notre article), qui, elles, sont plus strictes que les VLC de l’UE. A noter que ces valeurs guides ne revêtent pas de caractère contraignant – elles sont uniquement indicatives.
Pourcentage de la population urbaine exposée aux concentrations supérieures aux normes de l’UE et de l’OMS
L’AEE a notamment estimé le pourcentage de la population urbaine de l’UE exposée, en 2019, aux concentrations de six polluants (dont les PM10, les PM2,5, l’O3 et le NO2) supérieures aux normes fixées par la directive 2008/50/CE et aux nouvelles valeurs guides de l’OMS. Les données pour ces quatre polluants figurent dans le tableau suivant :
Légende : a : VLC contraignante (article 13, annexe XI.B de la directive 2008/50/CE). b : VLC contraignante (article 16, annexe XIV.E).c : valeur cible contraignante (article 17, annexe VII.B). d : VLC contraignante (article 13, annexe XI.B). Source : AEE, 7 déc. 2021).
Ainsi, sur la base des VLC de l’UE, 15% de la population urbaine de l’UE habite dans des zones où la VLC journalière pour les PM10 a été dépassée en 2019. Sur la base des nouvelles valeurs guides de l’OMS, ce pourcentage est plus de cinq fois plus élevé (81%).
Quant aux PM2,5, si seulement 4% de la population urbaine de l’UE habite dans des zones où la VLC annuelle a été dépassée en 2019, la quasi-totalité de cette population est concernée (97%) sur la base de la nouvelle valeur guide de l’OMS.
Etat des lieux des concentrations en 2019 : PM10, PM2,5, ozone et NO2
Particules PM10 et PM2,5
En 2019, dans une grande partie de l’UE et des autres pays européens couverts, les concentrations de PM10 et PM2,5 continuent de dépasser, d’une part, les VLC fixées par les deux directives précitées et, d’autre part, les valeurs guides pour la qualité de l’air fixées par l’OMS.
PM10
Bien que les dépassements de la VLC journalière de l’UE soient répandus sur tout le continent, les concentrations les plus élevées ont été relevées dans certains pays d’Europe centrale et orientale et dans le nord de l’Italie. Dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, les combustibles solides, tels que le charbon, sont largement utilisés pour le chauffage des ménages et dans certaines installations industrielles et centrales électriques. La plaine du Pô, dans le nord de l’Italie, est une zone densément peuplée et industrialisée dont les conditions météorologiques spécifiques favorisent l’accumulation de polluants atmosphériques.
VLC journalière (50 µg/m3) : sur les 37 pays qui ont communiqué leurs données, 21 (parmi lesquels 16 Etats membres, dont la France) ont relevé des dépassements en 2019. Au total, 14% des stations de mesure ont enregistré des dépassements en 2019. 87% de ces stations étaient de type urbain et 10% de type périurbain.
Valeur guide annuelle de l’OMS (15 µg/m3) : plus stricte que la VLC annuelle de l’UE, cette valeur guide a été dépassée en 2019 dans tous les pays ayant communiqué leurs données. 76% des stations de mesure ont enregistré des dépassements en 2019.
PM2,5
Les concentrations les plus élevées ont été relevées en Europe centrale et orientale et en Italie du Nord. Comme pour les PM10, l’utilisation de combustibles solides est la principale raison de la situation en Europe centrale et orientale, associée à un parc automobile plus ancien (et donc plus émetteur). Dans le nord de l’Italie, les concentrations élevées sont dues à la combinaison d’une forte densité d’émissions anthropiques et de conditions météorologiques qui favorisent l’accumulation des polluants atmosphériques dans l’atmosphère.
VLC annuelle (25 µg/m3) : sur les 35 pays qui ont communiqué leurs données, sept, dont quatre Etats membres (Croatie, Italie, République tchèque, Pologne), ont relevé des dépassements en 2019. Au total, 2% des stations de mesure ont enregistré des dépassements en 2019. 77% de ces stations étaient de type urbain et 13% de type périurbain.
A noter que la directive 2008/50/CE ne fixe pas de VLC journalière pour les PM2,5. Ces dernières années, plusieurs voix se sont élevées aux niveaux européen (par exemple, la Cour des Comptes de l’UE) et national (l’Anses en France) pour souligner le besoin d’établir une VLC à court terme pour les PM2,5, surtout pour mieux protéger la santé humaine. La directive est en cours de révision et la Commission européenne prévoit de présenter au 3e trimestre 2022 une proposition de nouvelle directive (lire notre brève sur la consultation publique et notre brève sur le programme de travail de la Commission pour 2022).
Valeur guide annuelle de l’OMS (5 µg/m3) : plus stricte que la VLC annuelle de l’UE, cette valeur guide a été dépassée en 2019 dans 34 des 35 pays ayant communiqué leurs données (sauf l’Estonie).
Ozone (O3)
En 2019, les plus fortes concentrations d’O3 ont été observées dans les zones du sud de l’Europe pendant le printemps et l’été, période où les conditions météorologiques favorisent la formation d’O3 troposphérique.
Valeur cible pour la protection de la santé (120 µg/m3 [maximum journalier de la moyenne sur 8h, à ne pas dépasser plus de 25 jours/an, moyenné sur trois ans]) : sur les 37 pays qui ont communiqué leurs données, 24 (dont 19 Etats membres [y compris la France]) ont relevé des dépassements en 2019. Au total, 29% des stations de mesure ont enregistré des dépassements en 2019.
Objectif à long terme pour la protection de la santé (120 µg/m3 [maximum journalier de la moyenne sur 8h par an]) : tous les 37 pays ayant communiqué leurs données ont enregistré des dépassements de cet objectif en 2019. Seulement 12% des stations de mesure l’ont respecté.
Valeur guide de l’OMS pour la protection de la santé (100 µg/m3 [maximum journalier de la moyenne sur 8h]) : plus stricte que la valeur cible de l’UE, cette valeur guide a été dépassé dans 97% des stations en 2019. Autrement dit, seuls 3% de l’ensemble des stations de mesure ont enregistré des valeurs inférieures à cette valeur guide en 2019.
NO2
Les plus fortes concentrations de NO2 ont été observées dans les grandes métropoles d’Europe avec une forte densité de trafic routier.
VLC annuelle (40 µg/m3) : en 2019, 6% des stations de mesure (dont 87% étaient des stations à proximité du trafic routier) ont observé des dépassements de cette VLC dans 22 pays dont 18 Etats membres (y compris la France).
Valeur guide de l’OMS pour la protection de la santé (10 µg/m3 [moyenne sur 8h]) : elle a été dépassée dans tous les 38 pays ayant communiqué leurs données en 2019 (79% des stations).
Impacts sanitaires de la pollution en Europe (2021)
Ce chapitre estime les bénéfices sanitaires potentiels du respect des normes européennes de qualité de l’air et des valeurs guides de l’OMS pour les PM2,5. Il évalue également les progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif sanitaire du plan d’actions « Pollution zéro » de l’UE (lire notre article). Enfin, il présente les dernières estimations des effets sur la santé de l’exposition aux PM2,5, au NO2 et à l’O3.
En 2019, la pollution de l’air a continué à être responsable d’une part importante de la mortalité et de la morbidité prématurées dans l’UE-27 (sans le Royaume-Uni donc) : selon l’AEE, 300 000 décès prématurés ont été attribués à l’exposition chronique aux PM2,5, 40 400 décès prématurés à l’exposition chronique au NO2 et 16 800 à l’O3.
Le respect de la VLC annuelle de l’UE pour les PM2,5 (25 µg/m3) n’aurait pas fait baisser le nombre de décès prématurés en 2019. En revanche, la nouvelle valeur guide de l’OMS de 2021 pour les PM2,5 (5 µg/m3) aurait réduit les décès prématurés associés d’au moins 58%.
L’objectif du plan d’actions « zéro pollution » est de réduire de 55% d’ici 2030 (par rapport à 2005) le nombre de décès prématurés causés par la pollution atmosphérique (et surtout des PM2,5). Sur la base de l’estimation de l’AEE de 456 000 décès prématurés attribuables aux PM2,5 dans l’UE en 2005, l’objectif chiffré serait de réduire le nombre de décès prématurés dans l’UE de 250 800 en 2030.
L’AEE souligne que par rapport à 2005, le nombre de décès prématurés attribuables à l’exposition aux PM2,5 a baissé de 33% dans l’UE-27. Si ce rythme de réduction se maintient dans les années qui viennent, l’UE devrait respecter son objectif de -55% à l’horizon 2030.
Si la nouvelle valeur guide de l’OMS pour les PM2,5 (5 µg/m3) avait été respectée dans l’ensemble de l’UE-27 en 2019, cela aurait permis une réduction d’au moins 72% des décès prématurés par rapport aux niveaux de 2005.
Sources d’émission et émissions de polluants atmosphériques en Europe
Le 3e chapitre fournit une mise à jour pour l’année 2019 des informations et des données sur les émissions des polluants réglementés, ainsi qu’une évaluation des tendances en matière de concentrations des polluants couverts sur la période 2009-2019. Par ailleurs, les réductions d’émissions au cours de la période 2005-2019 sont mises en regard de l’évolution du produit intérieur brut (PIB). Enfin, le chapitre comprend une évaluation de la relation entre les émissions des principaux polluants atmosphériques et leurs concentrations dans l’air ambiant.
En 2019, les émissions de tous les principaux polluants atmosphériques dans l’UE-27 ont continué à baisser, confirmant la tendance globale observée depuis 2005 et ce, malgré une augmentation de la production intérieure brute (PIB) sur la même période.
Focus sur les liens entre émissions et concentrations des principaux polluants atmosphériques
L’évaluation des liens entre les émissions estimées des principaux polluants et leurs concentrations relevées par les stations de mesure couvre l’UE-27, ainsi que l’Islande, la Macédoine du Nord (ex-Macédoine), la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni. Ces deux dernières décennies, une amélioration importante de la qualité de l’air a été observée en Europe. Sur la période 2005-2019, les concentrations moyennes des principaux polluants dans les zones urbaines ont baissé :
- de 27% pour le NO2 sur la période 2005-2019,
- de 61% pour le SO2 sur la période 2005-2019,
- de 37% pour les PM10 sur la période 2005-2019,
- de 38% pour les PM2,5 sur la période 2008-2017.
Les concentrations d’O3 sont mesurées à la fois en termes de concentrations à long terme et de pics de concentration à court terme. Contrairement à la tendance observée pour d’autres polluants clés, les concentrations moyennes à long terme d’O3 dans les zones urbaines ont augmenté de 9% au cours de la période 2005-2019 (les plus fortes hausses ayant été enregistrées aux stations à proximité du trafic routier dans les zones urbaines), alors que les concentrations de pointe ont diminué de 3%. En comparant les tendances en matière d’émissions de polluants avec les tendances en matière de concentrations de ceux-ci, l’AEE observe des différences :
En ce qui concerne les particules, au cours de la période 2008-2019, les concentrations moyennes annuelles de PM2,5 ont diminué de 30 à 40%, selon le type de station de mesure. Au cours de la même période, les émissions primaires de PM2,5 ont baissé de 29%. Une tendance à la baisse similaire a été observée pour les concentrations moyennes annuelles de PM10 sur la période 2005-2019, tandis que les émissions de PM10 primaires ont diminué de 27%. Ainsi, les concentrations de particules ont diminué à un rythme légèrement plus rapide que les émissions anthropiques de particules. Cela peut s’expliquer par la baisse des concentrations de gaz précurseurs qui entraînent la formation de particules secondaires, à savoir les SOx, NOx et NH3.
Pour le NO2, entre 2005 et 2019, les concentrations moyennes annuelles aux stations de fond ont diminué de 30%, tandis que les émissions de NOx (un mélange de NO2 et de monoxyde d’azote (NO)) ont diminué de manière plus significative (-45%). Cette différence peut être liée à des incertitudes dans les estimations des émissions communiquées par les pays, ainsi qu’à d’éventuelles augmentations relatives de la quantité de NO2 formée à la suite de la réaction entre le composant NO des NOx et l’O3 – une augmentation qui peut être induite par l’évolution dans le temps des proportions de polluants précurseurs dans les émissions de certaines sources.
Pour la période 2005-2019, l’AEE constate que les pics de concentration d’O3 ont diminué de 2 à 5% sur les sites de fond. Dans les zones rurales, où les concentrations d’O3 sont généralement les plus élevées, une diminution des pics de concentration a été observée. Les pics de concentration d’O3 varient considérablement d’une année à l’autre, les plus élevés étant dus à des conditions météorologiques chaudes, comme cela a été le cas en 2003, 2015 et 2018.
En savoir plus
Communique de l’AEE
Les trois chapitres du rapport (à noter que pour la première fois, l’AEE n’a pas publié un document PDF du rapport intégral 2021)
Voir aussi : ETC/ATNI Report 7/2021: Status report of air quality in Europe for year 2019, using validated data, publié le 31 août 2021 (rapport réalisé par le Centre thématique européen sur la pollution de l’air, le transport, le bruit et la pollution industrielle – ETC/ATNI).