Emissions des grandes installations de combustion (GIC) : après avoir été annulées via un recours de la Pologne, les conclusions sur les MTD sont finalement reconduites
Suite à un recours de la Pologne, les conclusions sur les meilleures techniques disponibles avaient été annulées car non votées avec l’ancienne règle de majorité qualifiée. Une nouvelle décision, reprenant exactement les mêmes dispositions, a finalement été votée avec cette règle de majorité qualifiée. En résumé : aucun changement sur le fond en termes de contraintes techniques visant les GIC mais simplement une procédure politique lancée par la Pologne sur une question de droit qui n’a pas obtenu l’effet escompté.
La Commission européenne a publié une décision d’exécution (réf. (UE) 2021/2326, JOUE L 469 du 30 décembre 2021) reconduisant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD), au titre de la directive IED (directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles), pour les grandes installations de combustion (GIC) d’une puissance supérieure à 50 MWth. Les conclusions MTD pour les GIC constituent l’élément clé du document de référence MTD (BAT Reference Document ou BREF) pour les GIC.
En adoptant de cette décision, la Commission vise à se conformer à l’arrêt du Tribunal de la Cour de Justice de l’UE (CJUE) du 27 janvier 2021 (voir encadré ci-dessous). Ainsi, en octobre 2021, les Etats membres (via leurs représentants au sein du comité institué par l’article 75.1 de la directive IED) ont adopté les conclusions cette fois selon les règles de majorité qualifiée des Etats membres prévues par le Traité de Nice (majorité à 74%) et non selon les règles de majorité qualifiée prévues par le Traité de Lisbonne (majorité à 55%). Lors de l’adoption initiale de ces conclusions, en 2017, les Etats membres avaient recouru aux règles du Traité de Lisbonne, ce qui avait été contesté par la Pologne qui a introduit, auprès du Tribunal de la Cour de Justice de l’UE, un recours en annulation de la décision finale adoptée débouchant sur l’arrêt du 27 janvier 2021.
Le résultat du deuxième vote d’octobre 2021 était une majorité de près de 77% pour (source : ENDS Europe Daily du 7 janvier 2022), majorité suffisante pour permettre l’adoption des conclusions aux termes des règles du Traité de Nice. Les conclusions ont donc été réadoptées sans modification sur le fond, puis publiées sous forme de décision d’exécution (UE) 2021/2326 avec les conclusions MTD en annexe. Ainsi, cette dernière est identique à celle de la décision (UE) 2017/1442 annulée par le Tribunal de la CJUE. Le recours de la Pologne n’a donc finalement pas abouti à annuler les dispositions sur les MTD, celles-ci ayant été réadoptées.
Contexte
La décision 2017/1442 imposant des niveaux d’émissions associés aux MTD
La décision d’exécution (UE) 2017/1442 de la Commission européenne établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles pour les grandes installations de combustion, adoptée au titre de la directive IED, imposait notamment les niveaux d’émissions associés aux meilleures techniques disponibles (dits NEA-MTD), en ce qui concerne les émissions de très nombreux polluants dont par exemple les oxydes d’azote (NOx), le mercure (Hg) et le chlorure d’hydrogène (HCl) pour les grandes installations de combustion (GIC), c’est-à-dire des installations d’une puissance thermique nominale d’au moins 50 mégawatts (MW) indépendamment du type de combustible utilisé.
La Pologne, soutenue par la Bulgarie et la Hongrie, avait introduit, le 11 octobre 2017, auprès du Tribunal de la CJUE un recours en annulation de la décision (UE) 2017/1442 (affaire T-699/17), demande fondée sur l’article 263 du Traite sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). La Pologne avait attaqué la décision d’exécution (UE) 2017/1442 en invoquant cinq griefs (dont le terme juridique précis est « moyens ») et notamment le premier : violation des dispositions applicables en matière de majorité qualifiée. La Pologne estimait qu’à la suite de sa demande en ce sens le 30 mars 2017 et en application de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du protocole n°36, la décision d’exécution (UE) 2017/1442 aurait dû être adoptée selon les règles de majorité qualifiée prévues par le Traité de Nice (ancienne règle de majorité à 74%) et non selon celles prévues par le Traité de Lisbonne (nouvelle règle de majorité à 55%). En effet, l’ancienne règle aurait donné davantage de poids à la Pologne dans les discussions et le vote définitif. Le 10 avril 2017, la Direction Générale de l’Environnement de la Commission avait refusé cette demande de la Pologne au motif que le vote sur l’avis était prévu pour le 28 avril 2017, soit après le 31 mars 2017, la date limite prévue par le TUE pour l’ancienne règle de majorité. Le vote a donc eu lieu selon les règles prévues par le Traité de Lisbonne (résultat du vote du 28 avril 2017 : une majorité de 71% avait approuvé les conclusions [source : ENDS Europe Daily du 7 janvier 2022], résultat qui permettait leur adoption aux termes des règles prévues par le Traité de Lisbonne, mais qui n’aurait pas permis leur adoption aux termes des règles prévues par le Traité de Nice).
Annulation de la décision par la CJUE, avec un délai maintenant les effets de la décision
Après délibération, le 27 janvier 2021, le Tribunal de la Cour de Justice de l’UE (CJUE) avait accueilli ce premier moyen invoqué par la Pologne et avait rendu un arrêt annulant la décision d’exécution (UE) 2017/1442. Cependant, afin d’éviter une insécurité ou une discontinuité juridique ou une régression dans la mise en œuvre de politiques de l’environnement (cf. article 264 du TFUE) ou de la santé conduites par l’UE, le Tribunal avait décidé de maintenir les effets de la décision attaquée jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai de 12 mois à compter du 27 janvier 2021 (soit le 27 janvier 2022), d’un nouvel acte visant à la remplacer et adopté après avis du comité des représentants des Etats membres institué par l’article 75.1, de la directive 2010/75/UE, émis selon les règles de la majorité qualifiée prévues à l’article 3.3, du protocole no 36 (majorité qualifiée de 74%).
Pourvoi de la Commission auprès de la CJUE
Le 2 avril 2021, la Commission a formé auprès de la CJUE un pourvoi contre l’arrêt rendu par le tribunal de la CJUE (affaire C-207/21 P). Le pourvoi n’ayant pas d’effet suspensif, il était toujours nécessaire d’adopter une nouvelle décision d’exécution afin de se conformer à l’arrêt rendu dans l’affaire T-699/17 et de garantir la mise en œuvre effective et intégrale de la directive 2010/75/UE avant l’adoption de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-207/21 P.
La Commission souligne que maintenir les effets de la décision d’exécution (UE) 2017/1442 signifie également que, dans la définition d’une « installation nouvelle » figurant dans les conclusions sur les MTD, la référence dans la nouvelle décision à « la publication des présentes conclusions sur les MTD » doit être comprise comme la date de publication de la décision d’exécution (UE) 2017/1442, soit le 17 août 2017. En clair, depuis le 17 août 2017, aucune GIC ne peut fonctionner sans autorisation octroyée au titre de la directive IED et basée sur les MTD.
Prochaines étapes
Si la CJUE décide (dans l’affaire C-207/21 P) d’annuler l’arrêt rendu le 27 janvier 2021 par le Tribunal (dans l’affaire T-699/17), la nouvelle décision (UE) 2021/2326 cessera de s’appliquer à la date de l’adoption de l’arrêt et celle-ci et la première décision (UE) 2017/1442 s’appliquera de nouveau.
En savoir plus
Décision d’exécution (UE) 2021/2326
Communiqué de la Commission européenne