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Quelles conséquences à l’évolution méthodologique du calcul de l’empreinte ?

  • Réf. : 2021_11_a28
  • Publié le: 6 janvier 2022
  • Date de mise à jour: 6 janvier 2022
  • France

Le SDES a mis à jour sa méthodologie d’estimation de l’empreinte carbone de la France en octobre 2021. Ce recalcul implique une empreinte significativement plus faible qu’auparavant et peut donner lieu à de nouvelles interprétations sur la conduite des politiques publiques de décarbonation.

 

Contexte

Le Service statistique du Ministère de la Transition Ecologique (SDES) estime l’empreinte carbone de la France, notamment à partir des données d’émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de l’inventaire territorial calculé par le Citepa et des Tableaux Entrées Sorties (TES) de la comptabilité nationale produits par l’Insee. En octobre 2020, le HCC (Haut Conseil sur le Climat) avait publié un rapport sur le sujet, présentant des pistes d’évolution méthodologique du calcul de l’empreinte carbone de la France. Depuis plus d’un an, le SDES anime un groupe de travail consacré aux améliorations du calcul de l’empreinte, auquel le Citepa participe.

 

L’éclairage du Citepa

L’approche empreinte et l’inventaire national : quelles différences ? 

On distingue deux approches pour comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre imputables à un pays : l’inventaire territorial et l’empreinte carbone. Alors que l’approche inventaire prend en compte les émissions ayant lieu sur le territoire national, que le produit fabriqué en France soit consommé ou non en France, l’empreinte carbone, elle, intègre les émissions indirectes telles que celles induites par la consommation  de biens et services fabriqués en France et à l’étranger par les unités économiques résidant en France. L’empreinte nationale de consommation estimée par le SDES est la somme des émissions directes des ménages et des émissions indirectes associées à la production des biens et services qu’ils achètent, en France et à l’étranger. Selon le SDES, « l’empreinte carbone a pour objectif d’apprécier les pressions sur le climat de la demande intérieure française quelle que soit l’origine géographique des produits consommés. ». A noter que l’empreinte ne considère que les trois gaz à effet de serre principaux : CO2, CH4, N2O.

Lire notre analyse sur la comparaison entre les deux approches, leur méthodologie, leur contexte et leur complémentarité. Extrait du Rapport Secten édition 2020.

 

Le SDES avait publié en janvier 2020 une première estimation révisée de l’empreinte climat de la France, ainsi qu’une analyse (lire notre article sur le sujet).

 

Comparaison des émissions prises en compte dans l’inventaire nationale
à celles considérées dans l’Empreinte carbone calculée selon la méthode de janvier 2020.

 

Il en ressortait que l’empreinte carbone de la France était non seulement bien plus élevée que les émissions territoriales rapportées dans l’inventaire national, mais surtout qu’elle était en hausse depuis 1995 (stable de 2005 à 2015 et à la hausse à nouveau depuis 2015), contrairement aux émissions territoriales, en baisse régulière depuis les années 2000. Cet écart, de niveau et de tendance, a notamment servi de base aux débats politiques autour de l’action climat de la France. Un des raisonnements avancés était alors que l’empreinte reflétait un mode de vie des français, incompatible avec les objectifs planétaires du fait des importations croissantes et qu’un inventaire ne représentait qu’une moitié des émissions imputables aux résidents

Le SDES précise à chaque fois qu’il publie une mise à jour de son estimation de l’empreinte, que les années récentes sont des estimations provisoires (les valeurs de l’empreinte pour les années A-1, A-2 et A-3, sont des projections, A étant l’année de publication). Ainsi, dans une note de décembre 2020, le SDES indiquait « pour les années 2017 à 2019 : l’empreinte carbone fait l’objet d’une ‘estimation provisoire’ en raison de l’indisponibilité des tableaux entrées/sorties pour les années récentes. »

 

Premier recalcul (janvier 2021)

Compte tenu de la mise à jour des données sources, ainsi que des travaux d’amélioration méthodologique menés au sein du groupe de travail, cette estimation a depuis été revue en 2021.

 

Impact de la première révision méthodologique sur le calcul de l’empreinte

 

Les valeurs recalculées font apparaître un écart significatif sur les années récentes mais surtout, à partir de 2011, une modification de la tendance. L’empreinte est désormais, comme les émissions issues de l’inventaire national, décroissante.

 

Second recalcul (octobre 2021)

A la suite de la prise en compte de nouvelles améliorations méthodologiques préconisées par le HCC, par le Groupe de Travail sur l’empreinte et par le Citepa, le SDES a publié, le 26 octobre 2021, de nouveaux calculs de l’empreinte carbone de la France. Notamment, l’estimation des émissions associées aux produits des activités extractives a été révisée. Il s’agit des émissions, principalement de méthane (CH4), liées à l’extraction de pétrole brut, gaz et charbon que la France importe. Le SDES explique que « la méthode précédemment utilisée ne permettait pas de corriger de façon satisfaisante la forte volatilité des prix concernant ces produits. L’intensité en CO2 et CH4 des branches activités extractives (NACE B) étrangères est désormais définie en référence aux analyses en cycle de vie et l’évolution de l’intensité est corrigée des variations du cours du prix du pétrole brut. »

Cette modification entraîne une révision à la baisse des émissions importées de CH4 sur l’ensemble de la série temporelle (1995-2017). La proportion de CH4 dans l’empreinte (15 % environ) est ainsi en cohérence avec des références mondiales et européennes. Par ailleurs, la nouvelle estimation de l’empreinte fait aussi apparaître des évolutions annuelles davantage en phase avec les principaux modèles TES simples ou MRIO (modèles multirégionaux entrées-sorties) actuellement disponibles. Il faut noter cependant que la convergence de résultats entre outils TES de même nature ou similaires, n’est pas une preuve en soit de la validité de cette méthode. Elle indique juste que des méthodes similaires appliquées par différents organismes statistiques obtiennent des résultats comparables.

 

L’empreinte carbone des Français réestimée à la baisse

Pour l’année 2018, l’empreinte pré-estimée en janvier 2020 était de 749 Mt CO2e, puis a été réestimée à 651 Mt CO2e, et finalement à 614 Mt CO2e. Les évolutions méthodologiques récentes du calcul de l’empreinte ont donc conduit à une révision à la baisse de 18% (-13% pour le premier correctif et -6% pour le second) du niveau 2018.

De plus, tout comme les émissions territoriales de l’inventaire national, l’empreinte diminue globalement dans le temps et de 15% par rapport à 1995 pour atteindre un niveau pré-estimé à 552 Mt CO2e en 2020. Ramenée à la population, entre 1995 et 2020, l’empreinte (dernière estimation) des unités économiques résidentes a diminué de 25%, passant de 10,9 tCO2e/hab en 1995 à 8,2 tCO2e/hab en 2020.

 

Impact des révisions méthodologiques successives sur le calcul de l’empreinte
et comparaison avec les résultats de l’inventaire national

 

Avec la nouvelle méthode, le SDES note que les émissions de GES associées aux importations représenteraient près de la moitié (49%) de l’empreinte. C’est sur ce volet que les recherches doivent continuer de porter, compte tenu des fortes incertitudes pesant sur le contenu carbone des importations.

 

Comparaison des évolutions des émissions par habitant (tCO2e/hab)
selon les différentes évaluations Empreinte et Inventaire

 

En savoir plus

Nouveaux résultats dans les chiffres-clés du climat 2022 du SDES

Page du SDES consacrée à l’empreinte

Note sur la méthodologie  |  Note sur la révision méthodologique  |  Données

Analyse de Christian de Perthuis

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