Perspectives énergétiques mondiales 2021 (WEO) : l’AIE constate l’insuffisance de la transition actuelle et propose quatre grandes mesures
Le 13 octobre 2021, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié l’édition 2021 de ses perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook ou WEO). Ce rapport de référence annuel est un recueil de données, de statistiques et d’informations les plus récentes sur les évolutions en matière de politique énergétique aux niveaux mondial, régional et national. Il fournit notamment une mise à jour des projections, avec un focus sur les 10 prochaines années, en matière de demande, de production, de consommation d’énergie et des émissions de CO2 par combustible, par région et par secteur. Cette édition 2021 se présente comme un guide d’aide à la décision pour les négociations de la COP-26.
La transition énergétique mondiale est encore trop lente
- L’AIE observe l’émergence d’une nouvelle économie mondiale de l’énergie, avec une croissance rapide de l’éolien, du solaire, et des ventes de véhicules électriques. Cette émergence est à la fois le produit d’actions politiques et d’innovations technologiques et facilitée par des coûts actuellement bas.
- Néanmoins cette transformation est contrebalancée par le rebond de l’usage du charbon et du pétrole dans le cadre de la reprise économique en 2021, et par des investissements publics – via des plans de relance – qui ne réponde qu’à un tiers à l’investissement requis pour lancer véritablement la transition énergétique selon l’AIE. Or le secteur de l’énergie est au cœur de la transition climatique, étant responsable de près des trois quarts des émissions passées.
- Il n’est pas acquis que les annonces récentes des pays s’engageant vers la neutralité carbone soient effectivement mises en œuvre intégralement. Si elles l’étaient, comme modélisé dans le scénario « Announced Pledges Scenario (APS) » de l’AIE, les émissions mondiales atteindraient un plateau après 2030 puis connaitraient une baisse de -40% environ entre 2030 et 2050. En prenant en compte les mesures déjà en place ou effectivement en développement, comme modélisé dans le scénario « Stated Policies Scenario (STEPS) », l’AIE envisage l’accélération du rythme de la transition énergétique permettant une réduction progressive des émissions liées à l’énergie et ce malgré un quasi doublement de la demande mondiale en électricité d’ici 2050. Néanmoins dans ce scénario, cette réduction d’émission est compensée par une hausse continuelle des émissions dans l’industrie (notamment le ciment et l’acier), les transports de marchandises, principalement dans les marchés émergents et les pays en développement.
Les grands scénarios d’évolution possibles des émissions
d’après les engagements pris depuis l’Accord de Paris
Source : AIE, 2021
Les quatre mesures clés de l’AIE pour s’aligner sur la trajectoire +1,5°C
- Le rapport met en avant quatre mesures clés (dont 40% sont ont un rapport coût-efficacité favorable) qui permettraient de combler l’écart, d’ici à 2030, entre les engagements actuels et une trajectoire compatible avec l’objectif +1,5°C ; et de réaliser des réductions supplémentaires après 2030 :
- Un doublement, par rapport aux engagement actuels, du déploiement du solaire photovoltaïque et de l’éolien comme appui supplémentaire massif à l’électrification propre ; et une expansion forte d’autres moyens de production d’électricité bas-carbone, comme le nucléaire;
- Un effort accru sur l’efficacité énergétique et les changements comportementaux pour modérer la hausse de la demande énergétique. En effet, dans le scénario « net zero emission (NZE) » de l’AIE, l’intensité énergétique de l’économie mondiale décroit de 4% par an entre 2020 et 2030, soit plus du double du rythme observé entre 2010 et 2020 ;
- Une réduction massive des émissions de méthane liées à la production d’énergie fossiles ;
- Un développement fort de l’innovation en matière d’énergie propre. En effet, près de la moitié des réductions d’émissions en 2050 du scénario NZE proviennent de technologies aujourd’hui encore en phase de démonstration ou de prototypes.
En plus de ces quatre mesures, l’AIE souligne aussi :
- que la finance constitue le “chaînon manquant” pour accélérer le déploiement de l’énergie mille 4 000 milliards de $ d’ici 2030 de l’investissement dans les projets et infrastructures associés est nécessaire ;
- que la diminution de la demande charbon, projetée à 10% dans le scénario basé sur les engagements actuels (APS), est de 55% dans le scénario NZE – cet écart pouvant être comblé par la fin progressives des centrales au charbon, passant par l’arrêt de l’approbation de nouvelles constructions de centrales à charbon sans réduction d’émission.
Des marches énergétiques marqués par l’incertitude et la vulnérabilité
- D’une part, les investissements actuels étant insuffisants pour répondre aux futurs demandes et enjeux, dans toutes les régions et tous les secteurs. D’autre part, les incertitudes relatives aux politiques énergétiques et à l’évolution de la demande génèrent un risque très fort de volatilité sur les marchés de l’énergie ;
- Les dépenses consacrées au pétrole et au gaz font partie de très rares exemples où la trajectoire actuelle semble compatible avec le scénario NZE pour 2030 ;
- L’AIE insiste sur l’immensité des coûts de l’inaction et les risques que fait peser cette inaction sur le secteur énergétique lui-même, très vulnérable aux impacts du changement climatique et notamment aux évènements météorologiques extrêmes ;
- La transition énergétique est aussi menacée par des prix plus élevés ou plus volatils de certains minéraux et terres rares (lithium, cobalt, nickel, cuivre, terres rares…)
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