Citepa

Contact
 image

Journal de la COP-26 | Retour sur la deuxième journée

  • Réf. : 2021_11_a03
  • Publié le: 2 novembre 2021
  • Date de mise à jour: 2 novembre 2021
  • International

Pour le déroulement global et les enjeux de la Conférence de Glasgow sur le Climat, lire notre article.

 

1er novembre 2021 : Sommet des dirigeants mondiaux

La première partie du segment de haut niveau (High Level Segment) a eu lieu. Cette séquence a réuni les Chefs d’Etat ou de Gouvernement de 60 pays au total dans un sommet des dirigeants mondiaux. Ces dirigeants ont prononcé des allocutions nationales. A noter que le Président de la République a été le 6e dirigeant mondial à parler à la tribune, le 1er novembre 2021. A noter aussi l’absence de trois Chefs d’Etat de pays grands émetteurs de GES : Xi Jinping, Président de la Chine (qui n’est pas sorti de son pays depuis janvier 2020 en raison de la pandémie), Vladimir Poutine de la Russie et Jair Bolsonaro du Brésil (qui ne se sont pas déplacés à Glasgow pour la même raison).

Quelques temps forts du sommet

La première journée du sommet des dirigeants mondiaux a surtout été marquée par une avancée importante avec l’annonce de nouveaux engagements par l’Inde :

Inde : le Premier Ministre indien, Narendra Modi, a annoncé cinq nouveaux engagements clés de son pays, troisième émetteur de GES au monde après la Chine et les Etats-Unis :

  • un objectif de zéro émission nette d’ici 2070. Certains observateurs soulignent que cette échéance est trop tard, mais étant donné l’échéance fixée par la Chine (2060 – lire notre article) et l’échéance de 2050 fixée par la plupart des économies de l’OCDE, cette échéance de 2070 pour l’Inde peut être considérée comme « équitable». Comme l’a montré Carbon Brief dans une analyse des émissions cumulées de CO2 sur la période 1850-2021 (publiée le 5 octobre 2021), l’Inde est le 7e pays responsable avec une part de 3,4% dans le total (contre 20,4% pour les Etats-Unis, en première position, et la Chine en 2e position avec 11,4%). Selon l’économiste britannique de renommée internationale, Nicolas Stern, « [Cette annonce] a été un moment très important pour le sommet [des dirigeants mondiaux lors de la COP-26]. [Cet objectif] pourrait signifier que les émissions annuelles de gaz à effet de serre de l’Inde pourraient atteindre un pic d’ici 2030. Cela montre une vraie position d’avant-garde de la part d’un pays dont les émissions [de GES] par habitant représentent un tiers de la moyenne mondiale. Les pays du Nord doivent apporter une réponse [et] fournir une forte hausse de financement climat international » (source : The Guardian, blog du 01/11/2021) ;
  • une part de 50% de la production de l’énergie issue des énergies renouvelables d’ici 2050 (contre son objectif actuel, fixé dans la NDC-1 de l’Inde soumise le 1er octobre 2015, de 40% de capacité installée de la production d’électricité à partir d’énergies non fossiles) ;
  • un objectif de 500 GW de capacité installée de production d’énergie à partir d’énergies non fossiles d’ici 2030 ;
  • la réduction de l’intensité carbone (réduction des émissions de CO2 par unité de PIB) de 45% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005 (contre une réduction de -33% à -35% fixée dans la NDC-1 de l’Inde) ;
  • une réduction totale des émissions de CO2 de l’Inde sur la période 2021-2030 de 1 Gt CO2.

Ces cinq engagements annoncés par M. Modi devraient être formalisés dans la NDC nouvelle que devrait soumettre l’Inde prochainement à la CCNUCC. Dans son allocution, M. Modi a indiqué sans ambages que ce relèvement d’ambition de l’Inde devrait s’accompagner par une hausse du financement climat et le transfert de technologies bas-carbone des pays industrialisés vers les pays en développement. M.Modi a également exhorté les pays industrialisés à fournir 1 000 milliards de financement climat le plus rapidement possible pour subvenir aux besoins des pays en développement. Enfin, il a proposé la mise en place d’un système de suivi du financement climat afin de faire pression sur les pays qui n’ont pas respecté leurs engagements en matière de financement climat.

Selon certains observateurs, la balle est désormais clairement dans le camp des pays industrialisés.

Chine : le Président chinois avait au préalable transmis une allocution écrite (uniquement disponible en chinois pour l’instant) qui a été lue aux participants. Dans cette allocution, il demande notamment aux pays développés à « fournir un soutien [en termes de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités] pour aider les pays en développement à faire mieux » dans la lutte contre le changement climatique (source : The Guardian, 01/11/2021).

Etats-Unis : le Président Joe Biden a notamment annoncé que les Etats vont soumettre à la CCNUCC :

Voir allocution du Président Joe Biden   |   Voir le communiqué de la Maison blanche   |   France : voir l’intervention du Président de la République    |   Voir discours du Secrétaire-général de l’ONU, Antonio Guterres

 

 

Négociations au sein du SBSTA et du SBI

Les négociations au sein des deux organes subsidiaires (SBSTA [conseil scientifique et technologique] et SBI [mise en œuvre]) sont entrées dans le vif du sujet avec notamment la reprise des négociations sur la finalisation des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, et plus particulièrement l’article 6 (mécanismes de marché).

 

Quels sont les éléments du manuel d’application (Rulebook) qui restent à finaliser ?

La première priorité de la COP-26 est incontestablement de finaliser les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, plus précisément, les règles sur les trois dossiers restés en suspens à la COP-24, puis à la COP-25 et ce, faute de consensus des Parties :

  • l’article 6 : mécanismes de marché, volet entier non finalisé,
  • l’article 4.10 : les calendriers communs (période de mise en œuvre) des NDC, sous-volet de l’article 4 non finalisé
  • l’article 13 : les tableaux de rapportage des informations et des données (transparence) : cinq sous-volets non encore finalisés.

 

Les trois sous-volets de l’article 6

L’article 6 établit la base juridique d’un nouveau mécanisme de flexibilité pour que les pays qui le souhaitent puissent atteindre une partie de leurs objectifs de réduction en fournissant un soutien financier dans le cadre de projets de réduction d’émissions dans d’autres pays (sur une base volontaire donc) et ce, à l’instar des mécanismes établis par le Protocole de Kyoto (mécanisme pour un développement propre [MDP] et mise en œuvre conjointe [MOC]). Les principes du nouveau « mécanisme pour contribuer à l’atténuation des émissions de GES et promouvoir le développement durable » sont ainsi posés. C’est le seul article de l’Accord de Paris qui fait participer le secteur privé à l’action climat.

Les trois sous-volets de l’article 6 sont :

  • 6.2 : approches coopératives (transferts de réduction entre pays ou ITMO, crédits carbone),
  • 6.4 : mécanisme de développement durable ou MDD (qui prendra le relais du mécanisme pour un développement propre [MDP], établi par l’article 12 du Protocole de Kyoto),
  • 6.8 : approches non fondées sur le marché (pour renforcer les liens et créer des synergies entre atténuation, adaptation, financement, transfert de technologies et renforcement des capacités).

 

Lors de la COP-24, puis de la COP-25, les Parties ne sont pas parvenues à un consensus sur les modalités techniques très complexes de cet article, notamment sur deux questions à forts enjeux politiques et économiques :

  • la méthode de comptabilisation des réductions d’émissions obtenues par la mise en œuvre de projets (crédits d’émissions) dans le cadre du MDD pour éviter que ces réductions ne soient comptées à la fois par le pays qui finance le projet et par le pays bénéficiaire du projet (double-comptage) et ce, pour garantir l’intégrité environnementale du MDD ;
  • la transition du MDP vers le MDD : transfert ou annulation des crédits d’émission issus de la mise en œuvre de projets MDP (pré-2020 donc), dits crédits Kyoto ou unités de réduction certifiée des émissions (URCE) ?

Les deux autres principaux points de blocage étaient les suivants :

  • le respect des droits de l’homme dans le cadre de la mise en œuvre de ces projets ;
  • la part des recettes (share of proceeds) destinées au financement d’actions d’adaptation.

 

Où en est-on dans les négociations depuis la COP-25 ?

En savoir plus sur les avancées des négociations sur l'article 6 depuis la COP-25

COP-25 et CMA-2

Six ans après l’adoption de l’Accord de Paris, il s’agit du dernier volet entier des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris qui n’a toujours pas été finalisé dans le cadre du manuel des règles (Rulebook), adopté à Katowice en 2018 lors de la COP-24, alors que le régime de Paris a formellement démarré le 1er janvier 2021. La finalisation de ces règles sur les modalités pour recourir aux marchés carbone (l’article 6 de l’Accord de Paris) est ainsi restée en suspens à la COP-24 (faute de consensus au sein de la CMA-1 sur les modalités techniques complexes et en raison de l’opposition du Brésil), puis une nouvelle fois à la COP-25 de Madrid (en raison des profondes divergences politiques au sein de la CMA-2 entre les Parties et surtout du blocage du Brésil de nouveau, mais aussi de l’Australie et de l’Arabie saoudite). Les trois projets de décision relatifs aux trois sous-volets de l’article 6 ont été débattus à Madrid dans le cadre de consultations informelles menées par la Présidence chilienne jusqu’aux dernières heures de la Conférence. Les discussions ont donc été reportées aux sessions SB de juin 2021.

Résultats :

 

La session du SBSTA de mai-juin 2021

Les Parties ont repris ces discussions lors de la session du SBSTA de juin 2021 (lire notre article) mais globalement, peu de progrès concrets ont été enregistrés. Sur certains de ces points de divergence, les Parties ont simplement réaffirmé leurs positions existantes. Plusieurs de ces points de divergence étaient considérés par les Parties comme étant plutôt de nature politique et non de nature technique, ce qui nécessiterait l’intervention des Ministres pour donner des consignes et lignes directrices politiques claires à leurs équipes de négociation techniques nationales afin d’aplanir les éléments de divergence restés en suspens.

Résultats : voir note informelle commune pour les trois sous-volets, élaborée par le Président du SBSTA.

 

Réunion ministérielle informelle de la Présidence

Les 25-26 juillet 2021, la Présidence britannique a tenu une réunion ministérielle à Londres sous forme de consultations informelles et ce, pour tenter d’identifier des pistes de convergence des points de vue.

Résultats : un certain nombre de Ministres ont souligné que la finalisation des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris est vitale pour l’intégrité, la crédibilité et l’ambition. Les discussions sur l’article 6 ont fait ressortir une volonté de s’engager dans des positions et des propositions de rapprochement et, dans ce contexte, Grace Fu, Ministre de la Durabilité et de l’Environnement de Singapour, et Sveinung Rotevatn, Ministre du Climat et de l’Environnement de la Norvège, ont convenu de poursuivre leurs consultations ministérielles informelles en amont de Glasgow. Voir résumé de la réunion établie par la Présidence britannique de la COP-26.

 

Pré-COP

Une réunion de haut niveau, dite “Pré-COP“, s’est tenue du 30 septembre au 2 octobre 2021, à Milan pour préparer la COP-26.

Résultats : le Président de la COP-26, Alok Sharma, a demandé à Grace Fu, Ministre de la Durabilité et de l’Environnement de Singapour, et à Sveinung Rotevatn, Ministre du Climat et de l’Environnement de la Norvège, de poursuivre leurs consultations ministérielles bilatérales informelles dans les semaines qui restaient avant Glasgow. Voir annexe du résumé des discussions lors de la pré-COP, établi par Alok Sharma.

 

Note informelle du Président du SBSTA

Le 18 octobre 2021, le Président du SBSTA a publié une note informelle (options paper) qui synthétise les discussions menées à ce jour et recensent les options sur les questions importantes non encore tranchées. Ces options font l’objet d’une adhésion large parmi les Parties et qui pourraient donc constituer la base d’un accord à Glasgow. Cette note vise surtout à aider les Parties à faire avancer rapidement les travaux sur la finalisation des trois sous-volets de l’article 6 pour déboucher sur trois textes de négociation consolidés bien avant la clôture de la session SBSTA (prévue le 6 novembre 2021).

 

Note de réflexion du Président de la COP-26

Enfin, le Président de la COP-26, Alok Sharma, a publié le 28 octobre 2021 une note de réflexion dans laquelle il a présenté les enjeux et ses attendus de la Conférence de Glasgow sur le Climat, y compris sur le sujet de l’article 6 (voir annexe A de la note de réflexion).

 

Démarrage des négociations sur l’article 6 au sein du SBSTA à Glasgow

Le 1er novembre 2021, les négociations ont débuté sur les trois sous-volets de l’article 6 (articles 6.2, 6.4 et 6.8 – voir encadré ci-desssus) dans un groupe de contact. Le Président du SBSTA a attiré l’attention des Parties à sa note informelle sur les options (voir ci-dessus) qui vise à les aider à mieux cerner les questions non encore tranchées. Il a souligné que si un résultat équilibré est à portée de main, il faudra que les Parties fassent preuve de volonté de s’impliquer et d’un esprit de compromis. Il a annoncé de nouvelles versions des projets de décision mardi 2 novembre 2021 et d’autres de nouveau samedi 6 novembre, dernier jour prévu pour les travaux des deux organes subsidiaires (SBSTA et SBI). Les Parties ont exprimé leur soutien à cette annonce du Président du SBSTA.

Plusieurs groupes de négociation ont souligné le besoin d’aborder davantage la question de l’intégrité environnementale au titre de l’article 6.2. Beaucoup de groupes de négociation ont appelé à une certaine parité entre les règles sur l’article 6.2 et celles sur l’article 6.4, y compris à l’égard de l’intégrité environnementale, de l’additionnalité (année de référence) et de la comptabilisation des réductions d’émission de GES obtenues.

De nombreuses Parties (tant les pays développés que les pays en développement) ont préconisé la prise en compte des droits de l’homme et des droits des peuples autochtones dans les projets de décision.

Plusieurs pays en développement ont appelé à la mise en place d’un programme de renforcement des capacités visant à permettre de préparer ces pays à la mise en œuvre opérationnelle de l’article 6.

Enfin, certaines Parties ont souligné le besoin d’un équilibre de traitement des trois sous-volets de l’article 6, pointant le peu d’avancées réalisées sur l’article 6.8 (mécanismes non fondés sur le marché).

Source de ces informations : Bulletin quotidien de l’Institut International du Développement Durable (IISD) qui revient en détail sur les travaux de la 2e journée

 

 

En savoir plus

Sommet des dirigeants mondiaux

La liste des Chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont prononcé une allocution le 1er novembre 2021 (leurs allocutions vont être mises en ligne au même endroit)

Bulletin quotidien de l’Institut International du Développement Durable (IISD) qui revient en détail sur les travaux de la 2e journée

Site web de la COP-26

Programme global provisoire de la Conférence de Glasgow

Organes subsidiaires (SBSTA & SBI)

Bulletin quotidien de l’Institut International du Développement Durable (IISD) qui revient en détail sur les travaux de la 2e journée

Site web de la COP-26

Programme global provisoire de la Conférence de Glasgow

Article | International | Politique, gouvernance, réglementation | Climat et Gaz à effet de serre | CCNUCC/Protocole de Kyoto/Accord de Paris