Journal de la COP-26 | Retour sur la deuxième journée
Pour le déroulement global et les enjeux de la Conférence de Glasgow sur le Climat, lire notre article.
1er novembre 2021 : Sommet des dirigeants mondiaux
La première partie du segment de haut niveau (High Level Segment) a eu lieu. Cette séquence a réuni les Chefs d’Etat ou de Gouvernement de 60 pays au total dans un sommet des dirigeants mondiaux. Ces dirigeants ont prononcé des allocutions nationales. A noter que le Président de la République a été le 6e dirigeant mondial à parler à la tribune, le 1er novembre 2021. A noter aussi l’absence de trois Chefs d’Etat de pays grands émetteurs de GES : Xi Jinping, Président de la Chine (qui n’est pas sorti de son pays depuis janvier 2020 en raison de la pandémie), Vladimir Poutine de la Russie et Jair Bolsonaro du Brésil (qui ne se sont pas déplacés à Glasgow pour la même raison).
Quelques temps forts du sommet
La première journée du sommet des dirigeants mondiaux a surtout été marquée par une avancée importante avec l’annonce de nouveaux engagements par l’Inde :
Inde : le Premier Ministre indien, Narendra Modi, a annoncé cinq nouveaux engagements clés de son pays, troisième émetteur de GES au monde après la Chine et les Etats-Unis :
- un objectif de zéro émission nette d’ici 2070. Certains observateurs soulignent que cette échéance est trop tard, mais étant donné l’échéance fixée par la Chine (2060 – lire notre article) et l’échéance de 2050 fixée par la plupart des économies de l’OCDE, cette échéance de 2070 pour l’Inde peut être considérée comme « équitable». Comme l’a montré Carbon Brief dans une analyse des émissions cumulées de CO2 sur la période 1850-2021 (publiée le 5 octobre 2021), l’Inde est le 7e pays responsable avec une part de 3,4% dans le total (contre 20,4% pour les Etats-Unis, en première position, et la Chine en 2e position avec 11,4%). Selon l’économiste britannique de renommée internationale, Nicolas Stern, « [Cette annonce] a été un moment très important pour le sommet [des dirigeants mondiaux lors de la COP-26]. [Cet objectif] pourrait signifier que les émissions annuelles de gaz à effet de serre de l’Inde pourraient atteindre un pic d’ici 2030. Cela montre une vraie position d’avant-garde de la part d’un pays dont les émissions [de GES] par habitant représentent un tiers de la moyenne mondiale. Les pays du Nord doivent apporter une réponse [et] fournir une forte hausse de financement climat international » (source : The Guardian, blog du 01/11/2021) ;
- une part de 50% de la production de l’énergie issue des énergies renouvelables d’ici 2050 (contre son objectif actuel, fixé dans la NDC-1 de l’Inde soumise le 1er octobre 2015, de 40% de capacité installée de la production d’électricité à partir d’énergies non fossiles) ;
- un objectif de 500 GW de capacité installée de production d’énergie à partir d’énergies non fossiles d’ici 2030 ;
- la réduction de l’intensité carbone (réduction des émissions de CO2 par unité de PIB) de 45% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005 (contre une réduction de -33% à -35% fixée dans la NDC-1 de l’Inde) ;
- une réduction totale des émissions de CO2 de l’Inde sur la période 2021-2030 de 1 Gt CO2.
Ces cinq engagements annoncés par M. Modi devraient être formalisés dans la NDC nouvelle que devrait soumettre l’Inde prochainement à la CCNUCC. Dans son allocution, M. Modi a indiqué sans ambages que ce relèvement d’ambition de l’Inde devrait s’accompagner par une hausse du financement climat et le transfert de technologies bas-carbone des pays industrialisés vers les pays en développement. M.Modi a également exhorté les pays industrialisés à fournir 1 000 milliards de financement climat le plus rapidement possible pour subvenir aux besoins des pays en développement. Enfin, il a proposé la mise en place d’un système de suivi du financement climat afin de faire pression sur les pays qui n’ont pas respecté leurs engagements en matière de financement climat.
Selon certains observateurs, la balle est désormais clairement dans le camp des pays industrialisés.
Chine : le Président chinois avait au préalable transmis une allocution écrite (uniquement disponible en chinois pour l’instant) qui a été lue aux participants. Dans cette allocution, il demande notamment aux pays développés à « fournir un soutien [en termes de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités] pour aider les pays en développement à faire mieux » dans la lutte contre le changement climatique (source : The Guardian, 01/11/2021).
Etats-Unis : le Président Joe Biden a notamment annoncé que les Etats vont soumettre à la CCNUCC :
- leur première communication sur l’adaptation (au titre de l’article 7.10 de l’Accord de Paris),
- leur 7e communication nationale (au titre de la Convention Climat), et leurs troisième et quatrième rapports biennaux (au titre de décision 1/CP.16, adoptée à Cancún (COP-16) en 2010),
- leur stratégie nationale à long terme définissant des trajectoires vers l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 (au titre de l’article 4 de l’Accord de Paris et du paragraphe 35 de la décision 1/CP.21 qui accompagnait l’Accord de Paris). Les Etats-Unis avaient déjà soumis le 16 novembre 2016 leur première stratégie nationale à long terme pour une décarbonisation profonde sous l’administration Obama. La nouvelle stratégie pose les jalons pour atteindre l’objectif de zéro émission nette fixé par l’administration Biden dans le décret présidentiel (executive order) du 20 janvier 2021 (lire notre article).
Voir allocution du Président Joe Biden | Voir le communiqué de la Maison blanche | France : voir l’intervention du Président de la République | Voir discours du Secrétaire-général de l’ONU, Antonio Guterres
Négociations au sein du SBSTA et du SBI
Les négociations au sein des deux organes subsidiaires (SBSTA [conseil scientifique et technologique] et SBI [mise en œuvre]) sont entrées dans le vif du sujet avec notamment la reprise des négociations sur la finalisation des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, et plus particulièrement l’article 6 (mécanismes de marché).
Quels sont les éléments du manuel d’application (Rulebook) qui restent à finaliser ?
La première priorité de la COP-26 est incontestablement de finaliser les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, plus précisément, les règles sur les trois dossiers restés en suspens à la COP-24, puis à la COP-25 et ce, faute de consensus des Parties :
- l’article 6 : mécanismes de marché, volet entier non finalisé,
- l’article 4.10 : les calendriers communs (période de mise en œuvre) des NDC, sous-volet de l’article 4 non finalisé
- l’article 13 : les tableaux de rapportage des informations et des données (transparence) : cinq sous-volets non encore finalisés.
Les trois sous-volets de l’article 6
L’article 6 établit la base juridique d’un nouveau mécanisme de flexibilité pour que les pays qui le souhaitent puissent atteindre une partie de leurs objectifs de réduction en fournissant un soutien financier dans le cadre de projets de réduction d’émissions dans d’autres pays (sur une base volontaire donc) et ce, à l’instar des mécanismes établis par le Protocole de Kyoto (mécanisme pour un développement propre [MDP] et mise en œuvre conjointe [MOC]). Les principes du nouveau « mécanisme pour contribuer à l’atténuation des émissions de GES et promouvoir le développement durable » sont ainsi posés. C’est le seul article de l’Accord de Paris qui fait participer le secteur privé à l’action climat.
Les trois sous-volets de l’article 6 sont :
- 6.2 : approches coopératives (transferts de réduction entre pays ou ITMO, crédits carbone),
- 6.4 : mécanisme de développement durable ou MDD (qui prendra le relais du mécanisme pour un développement propre [MDP], établi par l’article 12 du Protocole de Kyoto),
- 6.8 : approches non fondées sur le marché (pour renforcer les liens et créer des synergies entre atténuation, adaptation, financement, transfert de technologies et renforcement des capacités).
Lors de la COP-24, puis de la COP-25, les Parties ne sont pas parvenues à un consensus sur les modalités techniques très complexes de cet article, notamment sur deux questions à forts enjeux politiques et économiques :
- la méthode de comptabilisation des réductions d’émissions obtenues par la mise en œuvre de projets (crédits d’émissions) dans le cadre du MDD pour éviter que ces réductions ne soient comptées à la fois par le pays qui finance le projet et par le pays bénéficiaire du projet (double-comptage) et ce, pour garantir l’intégrité environnementale du MDD ;
- la transition du MDP vers le MDD : transfert ou annulation des crédits d’émission issus de la mise en œuvre de projets MDP (pré-2020 donc), dits crédits Kyoto ou unités de réduction certifiée des émissions (URCE) ?
Les deux autres principaux points de blocage étaient les suivants :
- le respect des droits de l’homme dans le cadre de la mise en œuvre de ces projets ;
- la part des recettes (share of proceeds) destinées au financement d’actions d’adaptation.
Où en est-on dans les négociations depuis la COP-25 ?
Démarrage des négociations sur l’article 6 au sein du SBSTA à Glasgow
Le 1er novembre 2021, les négociations ont débuté sur les trois sous-volets de l’article 6 (articles 6.2, 6.4 et 6.8 – voir encadré ci-desssus) dans un groupe de contact. Le Président du SBSTA a attiré l’attention des Parties à sa note informelle sur les options (voir ci-dessus) qui vise à les aider à mieux cerner les questions non encore tranchées. Il a souligné que si un résultat équilibré est à portée de main, il faudra que les Parties fassent preuve de volonté de s’impliquer et d’un esprit de compromis. Il a annoncé de nouvelles versions des projets de décision mardi 2 novembre 2021 et d’autres de nouveau samedi 6 novembre, dernier jour prévu pour les travaux des deux organes subsidiaires (SBSTA et SBI). Les Parties ont exprimé leur soutien à cette annonce du Président du SBSTA.
Plusieurs groupes de négociation ont souligné le besoin d’aborder davantage la question de l’intégrité environnementale au titre de l’article 6.2. Beaucoup de groupes de négociation ont appelé à une certaine parité entre les règles sur l’article 6.2 et celles sur l’article 6.4, y compris à l’égard de l’intégrité environnementale, de l’additionnalité (année de référence) et de la comptabilisation des réductions d’émission de GES obtenues.
De nombreuses Parties (tant les pays développés que les pays en développement) ont préconisé la prise en compte des droits de l’homme et des droits des peuples autochtones dans les projets de décision.
Plusieurs pays en développement ont appelé à la mise en place d’un programme de renforcement des capacités visant à permettre de préparer ces pays à la mise en œuvre opérationnelle de l’article 6.
Enfin, certaines Parties ont souligné le besoin d’un équilibre de traitement des trois sous-volets de l’article 6, pointant le peu d’avancées réalisées sur l’article 6.8 (mécanismes non fondés sur le marché).
Source de ces informations : Bulletin quotidien de l’Institut International du Développement Durable (IISD) qui revient en détail sur les travaux de la 2e journée
En savoir plus
Sommet des dirigeants mondiaux
La liste des Chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont prononcé une allocution le 1er novembre 2021 (leurs allocutions vont être mises en ligne au même endroit)
Programme global provisoire de la Conférence de Glasgow
Organes subsidiaires (SBSTA & SBI)
Programme global provisoire de la Conférence de Glasgow