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Emissions de polluants atmosphériques en France : les objectifs sont-ils atteints ?

  • Réf. : 2021_10_a04
  • Publié le: 25 octobre 2021
  • Date de mise à jour: 12 septembre 2024
  • France

En juillet 2021, le Citepa a publié l’édition 2021 du rapport Secten et des données associées. Ce rapport présente l’état des lieux des émissions actuelles et passées de gaz à effet de serre (GES) et de polluants atmosphériques en France. Il analyse les tendances d’évolution de ces émissions et analyse en détail les secteurs et sous-secteurs émetteurs, la situation de la France vis-à-vis de ses objectifs… Dans cet article, nous revenons sur les messages clés à retenir de la partie sur les polluants atmosphériques.

Télécharger le rapport Secten éd. 2021

 

Politique et Règlementation

La section Politique et réglementation présente une synthèse complète des grands enjeux de la politique climat internationale, européenne et nationale. En particulier, elle présente l’historique et les derniers éléments concernant :

  • la directive sur les plafonds d’émissions (NEC-2) ;
  • les trois procédures d’infraction contre la France en lien avec la directive Qualité de l’air ;
  • le plan d’action « zéro pollution » du Green Deal européen (Pacte Vert)
  • les PNSE et notamment le PNSE-4 de 2020.

 

Zoom sur deux substances clés : dioxydes d’azote (NOx) et ammoniac (NH3)

NOx (dioxyde d’azote)

Depuis 1966, le principal secteur émetteur de NOx est celui du transport routier. Les émissions qui y sont associées sont en baisse depuis 1993, malgré l’accroissement du parc et de la circulation. Cette réduction globale des émissions du secteur des transports est à mettre en parallèle avec la mise en place, depuis 1970, des normes européennes d’émission. Ces réglementations fixent les limites maximales de rejets polluants pour les véhicules roulants, et intègrent les rejets de NOx pour les véhicules neufs mis en service. Cette baisse est principalement liée au renouvellement du parc de véhicules, à l’équipement progressif des véhicules en pots catalytiques et au développement d’autres technologies de réduction. Ainsi, les progrès réalisés au sein du secteur parviennent à contrebalancer l’intensification du trafic.

 

 

Le plafond fixé pour la France dans le cadre du Protocole de Göteborg est un total d’émissions de 860 Gg (kt) de NOx à atteindre en 2010, or les émissions imputables à la France, jusqu’en 2017, dépassent ce plafond. Ces plafonds ayant été fixés en valeur absolue, il est par conséquent nécessaire de tenir compte de la différence de méthodes d’estimation entre le moment où ce plafond a été fixé et l’estimation d’aujourd’hui. En prenant en compte cette procédure d’ajustement, les émissions de NOx de la France ne respectent pas le plafond fixé pour 2010 dès l’année 2010. Le plafond 2010 du Protocole de Göteborg n’est atteint qu’en 2012 et celui de la NEC qu’en 2014. En 2018, les émissions sans ajustements (812 kt) respectent le plafond du Protocole de Göteborg. C’est le cas en 2019 pour le plafond NEC, avec 774 kt émis. Les procédures d’ajustement ne sont donc plus requises à partir de ces dates.

 

 

La procédure d’ajustement a porté sur le secteur du transport routier. Le plafond d’émissions de NOx a été déterminé sur la base du modèle d’émissions COPERT II alors que l’inventaire actuel utilise la version la plus récente du modèle COPERT qui a fortement révisé à la hausse les facteurs d’émission NOx.

L’ajustement prend aussi désormais en compte aussi le secteur de l’agriculture, car des émissions de NOx de ce secteur, jusqu’ici comptabilisées « hors total », sont désormais incluses dans le secteur agricole, conformément au guide méthodologique Emep.

 

 

NH3 (ammoniac)

La majeure partie des émissions de NH3 provient du secteur de l’agriculture qui représente, en 2019, 94% du total national. Au sein du secteur, en 2019, les principaux postes contribuant aux émissions sont en premier lieu l’apport d’engrais et d’amendements minéraux (28% des émissions du secteur), suivi de la gestion des déjections bovines au bâtiment et au stockage (23% des émissions du secteur), puis de l’apport d’engrais et d’amendements organiques (18% des émissions du secteur) et des animaux à la pâture (16% des émissions du secteur).

 

 

Globalement, les émissions de NH3 ont diminué de 8% entre 1990 et 2006 : elles sont passées d’environ 663 kt NH3 en 1990 à 611 kt NH3 en 2006. Depuis 2006, les émissions de NH3 au niveau national sont assez stables, bien qu’à la baisse depuis 2016. L’année 2019 correspond au niveau le plus bas atteint sur la période, avec 593 kt NH3 La tendance générale est principalement dirigée par les évolutions du cheptel bovin, en particulier les vaches laitières, et par la quantité d’engrais azotés minéraux épandus. Les émissions de NH3 ont diminué de 18% entre 1990 et 2019, soit -24,8 kt, principalement du fait d’une baisse du cheptel bovin.

Le premier objectif de réduction des émissions de NH3 a été fixé par le protocole de Göteborg pour l’année 2010. Ce plafond, fixé à 780 kt NH3, a été largement respecté, les émissions n’ayant jamais atteint ce niveau sur la période inventoriée. Amendé en 2012, le protocole propose de nouveaux objectifs plus ambitieux, avec un engagement de réduction des émissions de NH3 de 4% en 2020 par rapport à 2005, c’est-à-dire un plafond calculé de 596 kt. Cet objectif est repris au niveau européen dans la directive NEC (National Emission Ceilings), dont la révision en 2016 (Directive UE 2016/2284 – lire notre dossier de fond) a ajouté un objectif de réduction d’émissions de NH3 à horizon 2030, fixé à 13% par rapport à 2005 pour la France (soit un plafond calculé de 540 kt). Enfin, cet objectif a été inclus au niveau national dans le Plan national de Réduction des Émissions de Polluants Atmosphériques (PRÉPA) adopté par le gouvernement français en 2017 (lire notre article). Un objectif intermédiaire a été ajouté dans le PRÉPA pour 2025, correspondant à un plafond de 571 kt NH3.

 

Emissions d’ammoniac (NH3, en kt/an) :
la France est-elle en bonne voie pour respecter l’objectif 2020 ?

 

 

En 2019, les émissions nationales de NH3 sont estimées, hors UTCATF, à 593 kt. L’objectif à atteindre en 2020 (-4% par rapport à 2005) correspondant à un niveau d’émission estimé à 596 kt, il est donc en bonne voie d’être respecté, à condition de ne pas dépasser le niveau actuel d’émission. En revanche, des réductions supplémentaires seront nécessaires pour atteindre l’objectif 2030 (540 kt) : il faudra une baisse de 52 kt entre 2019 et 2030, représentant une baisse de 9% entre ces deux années. Les émissions étant très stables sur la période, il est difficile d’anticiper l’atteinte ou non de cet objectif.

Pour réussir à réduire ces émissions, différentes pistes sont identifiées dans le PRÉPA : utilisation d’engrais moins émissifs, utilisation de matériels d’épandage moins émissifs (pendillards, injecteurs, enfouissement post-épandage rapide), contrôle de l’interdiction des épandages aériens, financement de projets pilotes et mobilisation des financements (exemple des projets AGR’AIR). Un accompagnement du secteur agricole est également prévu dans le plan pour la diffusion des bonnes pratiques avec, entre autres, la diffusion en 2019 d’un guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air composé de 14 fiches pratiques à destination des agriculteurs et des conseillers agricoles.

Le 23 septembre 2020, la Cour des Comptes a publié les résultats de son enquête sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air, qui relève que les plafonds 2030 risquent de ne pas être atteints pour trois des cinq polluants visés (NH3, SO2, PM2,5). Selon la Cour des Comptes, la mise en œuvre du PREPA demeure insuffisante, plusieurs mesures ambitieuses ayant d’ores et déjà été abandonnées ou retardées (notamment concernant les pratiques agricoles). Le rapport souligne que le renouvellement du PREPA, à compter de 2022, devra être l’occasion de dépasser ces limites actuelles. Pour le secteur agricole, la Cour des Comptes indique que bien que des solutions existent et sont mises en œuvre depuis de nombreuses années dans plusieurs pays européens, mais que la prise de conscience de l’enjeu lié au NH3 (élevage et fertilisation minérale des cultures) a été trop tardive en France et que et peu de mesures contraignantes sont actuellement mises en œuvre.

Le 31 mars 2021, le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA) a annoncé l’adoption, en janvier 2021, d’un plan d’actions ministériel visant à supprimer l’utilisation des matériels les plus émissifs en 2025 (dit plan matériels d’épandage moins émissifs ou PMEE). Ce nouveau plan vise tout particulièrement à réduire les émissions d’ammoniac (NH3) du secteur de l’agriculture. Ce plan inclut :

  • un diagnostic, dressant un état des lieux du parc matériels d’épandage des effluents et des pratiques associées existant dans les différentes régions françaises et identifiant les matériels agricoles et les pratiques associées réduisant le plus les émissions de NH3 ;
  • une analyse Atouts – Faiblesses – Opportunités – Menaces et une analyse des besoins sur la base du diagnostic ;
  • un plan d’actions pour répondre aux besoins identifiés, sous forme de 10 fiches-actions, couvrant quatre axes de travail (recherche et développement, formation ; volet financier ; volet réglementaire ; amélioration des inventaires).

A noter également la mention de l’importance de réduire les émissions de NH3 au sein du projet de loi Climat et résilience avec l’art. 268, envisageant la mise en place d’une redevance sur l’usage des engrais azotés minéraux, dans le cas où, pendant deux années consécutives, des objectifs de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées à la consommation d’engrais azotés minéraux ne seraient pas atteints. Un rapport parlementaire sur cette question est attendu courant 2022.

 

En savoir plus

Rapport Secten éd. 2021

Données en ligne

Article | France | Connaissances et données / Science | Pollution & Qualité de l’air | Suivi des émissions et des concentrations | Convention de Genève/Protocole de Göteborg | Agriculture et UTCATF | Transport routier