Directive MCP (installations de combustion de taille moyenne) : la Commission envoie un avertissement à la France pour transposition incorrecte
Le 23 septembre 2021, la Commission a formellement demandé à la France de transposer correctement en droit national la directive dite MCP relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des installations de combustion de taille moyenne (directive (UE) 2015/2193). Les Etats membres devaient transposer les dispositions législatives de la directive MCP dans leur droit national au plus tard le 19 décembre 2017. La France a partiellement transposé cette directive par le décret et les cinq arrêtés du 3 août 2018 (lire notre brève).
L’objet et les obligations de la directive MCP
La directive MCP, adoptée le 25 novembre 2015, vise à réduire les risques potentiels pour la santé humaine et l’environnement. A cette fin, elle établit les règles visant à contrôler les émissions atmosphériques de dioxyde de soufre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx) et des poussières (particules) en provenance des installations de combustion de taille moyenne (medium combustion plants ou MCP en anglais), ainsi que les règles visant à surveiller les émissions de monoxyde de carbone (CO).
La directive définit une MCP comme étant une installation où sont oxydés des combustibles en vue d’utiliser la chaleur ainsi produite, dont la puissance thermique nominale totale est égale ou supérieure à 1 MW et inférieure à 50 MW, quel que soit le type de combustible utilisé.
Cette législation vise ainsi à combler le vide réglementaire qui subsiste entre les grandes installations de combustion (de plus de 50 MW) couvertes par la directive sur les émissions industrielles (directive 2010/75/UE, dite IED) et les appareils plus petits, comme les chauffages et les chaudières, régis par la directive dite Ecoconception (directive 2009/125/CE).
Les Etats membres de l’UE doivent veiller à ce que :
- toutes les nouvelles installations de combustion de taille moyenne, c’est-à-dire celles mises en service après le 19 décembre 2018 disposent d’une autorisation ou soient enregistrées ;
- d’ici au 1erjanvier 2024, toutes les installations existantes dont la puissance (ou capacité) thermique nominale totale est supérieure à 5 mégawatts (MW) disposent d’une autorisation ou soient enregistrées ;
- d’ici au 1erjanvier 2029, toutes les installations existantes dont la puissance thermique nominale totale est inférieure ou égale à 5 MW disposent d’une autorisation ou soient enregistrées
La législation fixe des valeurs limites d’émission par catégorie de combustible.
Ces valeurs limites sont entrées en vigueur le 20 décembre 2018 pour les installations nouvelles et d’ici 2025 ou 2030 pour les installations existantes, selon leur taille. Les exploitants d’installation doivent surveiller les émissions. Les Etats membres doivent mettre en place un système efficace d’inspection pour vérifier la conformité avec les valeurs limites d’émissions.
La procédure d’infraction
Concrètement, la Commission a décidé de lancer la première étape de la procédure d’infraction (voir encadré ci-dessous). Ainsi, elle s’apprête à adresser une lettre de mise en demeure au Gouvernement français (plus précisément le MTE) au motif que la France n’a pas transposé correctement en droit national français les dispositions législatives de la directive MCP (dont les obligations qui incombent à la France au titre de cette directive).
Qu’est-ce que la procédure d’infraction de l’UE ?
En tant que « gardienne » des Traités de l’UE, la Commission est chargée de veiller, avec la Cour de Justice de l’UE (CJUE), à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans les Etats membres (EM).
En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE, article 258), la Commission peut poursuivre en justice un EM qui manque aux obligations qui lui incombent au titre de la législation de l’UE. Elle engage ainsi une procédure juridique dite procédure d’infraction qui se déroule en quatre étapes :
- la Commission envoie une lettre de mise en demeure [demande d’informations] à l’EM,
- si elle n’est pas satisfaite des informations reçues et conclut que l’EM ne s’acquitte pas de ses obligations juridiques, elle peut ensuite lui envoyer un avis motivé [demande formelle de s’y conformer],
- si l’EM ne s’y conforme toujours pas, la Commission peut alors décider de l’assigner devant la CJUE qui, si elle le juge nécessaire, rend un arrêt contraignant,
- si malgré ce 1er arrêt, l’EM ne remédie toujours pas au problème, la Commission peut saisir une 2e fois la CJUE, en lui demandant d’imposer des sanctions financières [somme forfaitaire et/ou indemnité journalière], via un 2e arrêt [où la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission].
Ces sanctions financières sont calculées en tenant compte :
- de l’importance des règles violées et de l’incidence de l’infraction sur les intérêts généraux et particuliers,
- de la période pendant laquelle le droit de l’UE n’a pas été appliqué,
- de la capacité de paiement de l’Etat membre, garantissant l’effet dissuasif de l’amende.
Dans son 2e arrêt, la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission.
La France n’est pas le seul EM visé par cette action de la Commission, la Commission ayant indiqué qu’elle allait envoyer une lettre de mise en demeure à l’Autriche, à Chypre et à la Grèce pour la même raison.
La France, ainsi que l’Autriche, Chypre et la Grèce, ont deux mois pour rectifier la situation, faute de quoi, la Commission pourrait décider de lancer la 2e phase de la procédure d’infraction (envoi d’un avis motivé).
A noter enfin que :
- la France avait déjà été condamnée le 24 octobre 2019 par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour “dépassement de manière systématique et persistent” des valeurs limites de concentration pour le dioxyde d’azote (NO2) (lire notre article). Le 3 décembre 2020 la Commission a formellement demandé à la France d’exécuter l’arrêt de la CJUE (lire notre article) ;
- le 30 octobre 2020, la Commission avait annoncé qu’elle allait saisir la CJUE d’un nouveau recours contre la France pour non-respect de la directive 2008/50/CE et plus spécifiquement pour dépassement des valeurs limites de concentration pour les PM10 (lire notre article).
En savoir plus
Communiqué de la Commission.
Les pages consacrées à la directive MCP sur le site de la DG Environnement.
Synthèse de la directive MCP (base de données SCAD de l’UE).