Pesticides dans l’air ambiant : lancement d’un suivi national annuel
Le 20 juillet 2021, la fédération Atmo France avec les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) et l’Ineris en tant que membre du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA) ont lancé un suivi à vocation pérenne des pesticides dans l’air à l’échelle nationale (Métropole et Outre-mer).
Les concentrations de pesticides dans l’air déjà surveillées par certaines AASQA
Les AASQA surveillent les concentrations de pesticides dans l’air bien qu’elles ne soient pas réglementées ni au niveau national, ni au niveau européen, et certaines d’entre elles assurent un suivi à l’échelle régionale depuis les années 2000. Etant donné les enjeux sanitaires liés à la présence de ces substances dans l’air, elles ont progressivement développé cette thématique en anticipation d’une stratégie nationale de surveillance. Toutes les données de surveillance des pesticides des AASQA sont agrégées dans une base de données ouvertes (open data) baptisée PhytAtmo. Cette dernière compile les mesures en pesticides dans l’air ambiant des AASQA sur la période 2002-2017 avec 321 substances actives recherchées et 6 837 prélèvements effectuées sur 176 sites (source : Atmo France, 2021).
Contexte
Le 25 avril 2018, les Ministères chargés de l’Environnement, de la Santé, de l’Agriculture et de la Recherche avaient conjointement adopté un plan d’actions sur les pesticides (lire notre article). Parmi les quatre priorités, la deuxième (Mieux connaître les impacts pour mieux informer, protéger la population et les professionnels et préserver l’environnement) prévoyait une action sur l’air : mettre en place une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant. Ce plan prévoyait également la mise en œuvre d’une campagne exploratoire en 2018, sur la base des travaux de l’Anses, sur les modalités de mise en œuvre d’une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant. Une convention et un accord-cadre avaient été signés le 28 novembre 2017 (lire notre article) par le Ministère de la Transition écologique, l’Ineris, la Fédération Atmo France [regroupant les Associations agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA)] et l’Anses.
En application de ce plan d’actions, l’Anses, l’Ineris et la Fédération Atmo France avaient ensuite lancé, le 25 juin 2018, la première campagne nationale exploratoire de mesure des résidus de pesticides dans l’air, d’une durée d’un an (lire notre article). Elle visait à améliorer les connaissances sur les pesticides présents dans l’air ambiant et mieux connaître l’exposition de la population sur le territoire national. Cette campagne consistait en l’analyse d’environ 80 substances prioritaires, sur 50 sites de mesure, en France métropolitaine et dans les territoires ultramarins.
Le 14 juin 2018, le LCSQA a établi une liste de substances identifiées comme étant d’intérêt national, dont 75 pesticides.
Le 2 juillet 2020, l’Anses, l’Ineris et Atmo France ont publié les résultats de cette première campagne exploratoire (lire notre article). Le recueil de près de 100 000 données validées et l’analyse de 1 800 échantillons correspondants a conduit à la mise en place d’un socle de données visant à améliorer les connaissances sur les résidus de pesticides présents dans l’air ambiant pour mieux évaluer l’exposition de la population. Les 100 000 données de cette campagne ont été intégrées dans la base nationale des données sur la qualité de l’air Geod’Air.
Leur exploitation a permis d’établir une première photographie annuelle nationale des niveaux de concentration en résidus de pesticides dans l’air ambiant au regard de critères quantitatifs comme leur fréquence de quantification, les ordres de grandeurs des concentrations rencontrées et leurs distributions statistiques.
Sur la base de ce socle de données issues de la première campagne exploratoire, l’Anses a effectué un premier travail d’interprétation sanitaire sur les 70 substances effectivement retrouvées dans l’air extérieur. Ainsi, en particulier, l’Anses a procédé à une priorisation de 32 substances jugées d’intérêt pour une évaluation approfondie sur la base de critères de dangers chroniques (cancérogène chez l’homme ; cancérogène probable chez l’homme ; cancérogène possible chez l’homme ; reprotoxique chez l’homme ; reprotoxique probable chez l’homme ; reprotoxique possible chez l’homme ; perturbateur endocrinien) et de leur fréquence de quantification. L’Anses avait notamment conclu à la nécessité de formuler rapidement une proposition de surveillance nationale pérenne des pesticides dans l’air. C’est ce suivi qui a été lancé le 20 juillet 2021.
Un suivi à vocation pérenne
Une surveillance des pesticides sur tout le territoire français (Métropole et Outre-mer) sera assurée par les AASQA, avec des sites représentatifs de différents profils agricoles (grandes cultures, viticulture, arboriculture et maraîchage) afin d’obtenir une photographie générale.
Quels pesticides sont surveillés ?
Définis par le LCSQA, la liste des pesticides surveillés (mise à jour le 18 mars 2021) comporte 75 molécules fongicides, herbicides ou insecticides et sont les mêmes que ceux suivis durant la première campagne exploratoire, parmi lesquelles :
- le chlordécone connu pour ses interférences avec le fonctionnement du système hormonal. Il s’agit d’un perturbateur endocrinien aujourd’hui interdit mais très résilient dans l’environnement ;
- le folpel, fongicide surtout utilisé en viticulture et en maraîchage, retrouver régulièrement dans les échantillonnages et considéré en 2009 comme cancérogène suspecté par l’Autorité européenne de sécurité des aliments ;
- le lindane, utilisé en agriculture et dans les produits pharmaceutiques pour le traitement de la gale et l’élimination des poux, est une molécule persistante et interdite depuis 1998 et néanmoins retrouvée dans toutes les régions lors de la CNEP ;
- le prosulfocarbe, un herbicide très volatile responsable de contamination de cultures en agriculture biologique.
Certains territoires vont également surveiller le glyphosate caractérisé cancérogène probable pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer.
Quel protocole de mesure est mis en œuvre ?
Chaque région a identifié un site proche d’un bassin de vie (urbain / péri-urbain). Sur chacun de ces sites, 26 mesures de sept jours seront effectuées sur l’année, sauf pour les sites maraîchage qui effectueront 18 mesures par an.
Prochaines étapes
Les résultats de cette surveillance seront intégrés dans Geod’Air et PhytAtmo et les données seront accessibles à l’été 2022. Les données seront également accessibles sur les portails régionaux open data des AASQA. Les analyses de ces dernières seront communiquées dans les rapports d’activités respectifs des AASQA.
L’éclairage du Citepa
Les émissions de pesticides et leur comptabilisation
Les émissions dans l’air de pesticides, ou produits phytopharmaceutiques, ne sont pas encore inventoriées dans l’inventaire national des émissions. Comme il ne s’agit pas d’une obligation règlementaire, la priorité est donnée à l’amélioration de l’estimation des émissions des autres substances, mais il y a une attente importante sur le sujet notamment du côté des préoccupations de santé. Différents travaux sont d’ailleurs en cours pour faire évoluer l’état des connaissances sur les résidus de pesticides dans l’air :
- le projet RePP’air lancé en janvier 2017 porté par la Chambre Régionale d’Agriculture Grand Est, qui réunit 31 acteurs, dont sept AASQA vise à améliorer la compréhension des phénomènes impliqués dans les transferts de produits phytosanitaires dans l’air. Ce projet se déploie sur huit sites d’études (polyculture élevage, viticulture, grandes cultures…), répartis dans sept régions de France. Des campagnes de mesures avec des protocoles uniformes (fréquence de prélèvement à la semaine) entre AASQA sont réalisées. Un des objectifs poursuivis est de mettre en relation les mesures de produits phytosanitaires avec les pratiques des agriculteurs (enquêtes auprès des agriculteurs autour des sites de mesure).
- Deux programmes de recherche « PRIMEQUAL 2016 » en cours s’intéressent au devenir des produits phytosanitaires dans l’atmosphère : TRANSPOPEST (étude du transfert de pesticides des zones de cultures vers les zones habitées pour évaluer l’exposition des populations riveraines à ces substances) et COPP’R (Modélisation de la COntamination de l’air par les Produits Physanitaires à l’échelle Régionale).
En savoir plus
Communiqué d’Atmo France
Communiqué d’Ineris
Liste des pesticides d’intérêt national (à surveiller), établie par le LCSQA (version du 18 mars 2021)
SDES / MTE (2021) : Vers un suivi national des résidus de pesticides dans l’air extérieur – Principaux résultats de la campagne nationale exploratoire, 22 juillet 2021.