Reporting ESG des investisseurs : adoption du nouveau décret d’application de l’article 29 de la loi énergie climat
Le 27 mai 2021 a été adopté le décret n°2021-663 (JO du 28 mai 2021), en application de la l’article 29 de la loi énergie climat (loi n°2019-1147 – lire notre brève). Ce décret modifie les obligations de reporting environnemental, social et de gouvernance (ESG) des investisseurs français.
L’article 29 de la Loi énergie-climat
L’article 29-II de la Loi énergie climat indique que « les sociétés de gestion de portefeuille mettent à la disposition de leurs souscripteurs et du public un document retraçant leur politique sur la prise en compte dans leur stratégie d’investissement des critères environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance et des moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique ainsi qu’une stratégie de mise en œuvre de cette politique. Elles y précisent les critères et les méthodologies utilisées ainsi que la façon dont ils sont appliqués. Elles y indiquent comment sont exercés les droits de vote attachés aux instruments financiers résultant de ces choix.
Un décret [c’est le décret en question dans cet article] précise la présentation de cette politique et de sa stratégie de mise en œuvre, les informations à fournir et les modalités de leur actualisation selon que les entités excèdent ou non des seuils définis par ce même décret. Ces informations concernent notamment la lutte contre le changement climatique. Elles portent notamment sur le niveau d’investissements en faveur du climat et la contribution au respect de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l’atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique. Cette contribution est notamment appréciée au regard de cibles indicatives définies, en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement. Le cas échéant, les entités expliquent les raisons pour lesquelles leur contribution est en deçà de ces cibles indicatives.
Si les entités choisissent de ne pas publier certaines informations, elles en justifient les raisons. »
Ces obligations de reporting climat visent à ce que les investisseurs publient, de façon transparente, fiable, précise et comparable, des informations sur leur stratégie de contribution à la transition bas-carbone et sur leur exposition aux risques climatiques. Le nouveau décret renforce ces obligations par rapport au précédent décret d’application de l’art 173-VI de la LTECV de 2015 (voir encadré ci-dessous).
Le reporting ESG dans le cadre de l’art 173-VI de la LTECV de 2015
L’article 173-VI de la LTECV de 2015 indiquait que les entreprises et institutions d’investissement « mentionnent dans leur rapport annuel et mettent à la disposition de leurs souscripteurs une information sur les modalités de prise en compte dans leur politique d’investissement des critères relatifs au respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance et sur les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique […]. La prise en compte de l’exposition aux risques climatiques, notamment la mesure des émissions de gaz à effet de serre associées aux actifs détenus, ainsi que la contribution au respect de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l’atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique, figurent parmi les informations relevant de la prise en compte d’objectifs environnementaux. »
En application de cet article 173-VI, le décret n° 2015-1850 du 29 décembre 2015 (pris en application de l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier) a été adopté. Il demandait un reporting sur les enjeux climatiques aux grands investisseurs (entités dont le bilan consolidé est supérieur à 500 millions d’euros ; et pour les sociétés de gestion de portefeuille, pour chacun des organismes de placement collectif qu’elles gèrent et dont l’encours est supérieur à 500 millions d’euros). Il s’appliquait ainsi à des entreprises d’assurance, des mutuelles, des institutions de prévoyance, des sociétés de gestion de portefeuille, des institutions de retraite complémentaire, l’Ircantec, l’ERAFP, la CNRACL, la Caisse des dépôts et consignations.
Cependant ce décret ne définissait pas de méthodologie précise pour établir cette publication d’information. Dès lors, la qualité, des informations fournies par les investisseurs dans le cadre de ce qui a été appelé le « reporting 173 » a fait l’objet de critiques, surtout sur le manque de comparabilité et de transparence (voir notamment cette analyse d’I4CE de 2018 ; ou ce rapport du DG Trésor de 2019).
Le nouveau décret :
- renforce le cadre méthodologique de rapportage des informations, en tenant compte des avancées sur la question depuis 2015 (notamment dans le cadre du règlement européen dit SFDR (règlement (UE) 2019/2088 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers [en anglais : Sustainable Finance Disclosure Regulation]), entré en application le 10 mars 2021) ;
- ne fixe pas de standardisation stricte, les travaux dans le domaine restant en pleine évolution. A la place, il définit des critères minimaux de qualité des informations fournies, précise les points essentiels à intégrer et pour lesquels plus de transparence est demandée (comme l’analyse de matérialité financière qui identifie les risques climatiques majeurs des investisseurs) ;
- prévoit la publication d’un plan d’amélioration continue dans le cas où certaines informations ne pourraient être publiées ;
- étend le champ d’obligation de ce reporting à d’autres entités (établissements de crédit, entreprises d’investissement pour leurs activités de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, entreprises de conseil en investissement.
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Décret n°2021-663 du 27 mai (JO du 28)