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Contentieux climat : Shell condamné à réduire ses émissions de GES

  • Réf. : 2021_06_b06
  • Publié le: 14 juillet 2021
  • Date de mise à jour: 23 juillet 2021
  • International

Le 26 mai 2021, le juge de première instance du Tribunal néerlandais de La Haye (The Hague District Court – Rechtbank’s-Gravenhage ) a condamné l’entreprise pétrolière Royal Dutch Shell (établie à La Haye) de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) du groupe Shell de 45% en 2030 par rapport à 2019. C’est la première fois qu’un juge enjoint à une société de réduire ses émissions de GES. Cette décision correspond à ce que le juge à statué en réponse à une action de groupe engagée par l’association Milieudefensie (la branche néerlandaise des Amis de la Terre) qui défendait les intérêts individuels des citoyens résidant dans la région de Wadden (Pays-Bas).

Le juge a ainsi reconnu, en première instance, la responsabilité civile de Royal Dutch Shell dans sa contribution au changement climatique et dans des conséquences sur les citoyens. Le juge ne la condamne pas à réparer ces dommages mais à en prévenir de nouveaux. Ce jugement se fonde sur des arguments généraux comme le devoir de diligence (duty of care) de l’entreprise, les droits de l’homme, les principes directeurs des Nations Unies (UN Guiding Principles ou UNGP). Le juge déduit de ces instruments de « soft law » que les entreprises doivent respecter les droits de l’homme ; et que les émissions de GES induites par les activités du groupe Shell contribuent au changement climatique et donc à des conséquences irréversibles sur ces droits de l’homme.

Le 9 juin 2021, Ben van Beurden, Directeur général du groupe Shell, a réagi à cette annonce via un communiqué. Il indiquait compter faire appel mais indiquait avoir déjà mis en place une stratégie pour parvenir à zéro émission nette en 2050, notamment via sa stratégie de transition énergétique publiée en avril 2021. Il soulignait cependant le rôle, au-delà du fournisseur, de la demande en produits pétroliers qui ne s’arrêterait pas si l’entreprise arrêtait d’en vendre immédiatement, car plus de 90% de ses émissions de GES seraient liées à l’usage des produits pétroliers qu’il vend.

Le 20 juillet 2021, le groupe a confirmé faire appel.

 

En savoir plus

Lire la décision (en anglais)

Analyse de la décision par Mathilde Hautereau-Boutonnet, Professeure de droit

 

 

La judiciarisation de l’action climat

Cette décision confirme le tournant judiciaire de l’action climatique depuis quelques années. Dans le monde, et en Europe en particulier, les contentieux climat à l’encontre des Gouvernements se multiplient. D’après un bilan du Grantham Institute publié en juillet 2019, 1 300 cas étaient recensés dans le monde, dont six en France. Par ailleurs, selon un état des lieux en 2020 des contentieux climat dans le monde (Global Climate Litigation Report: 2020 Status Reviewpublié par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) le 26 janvier 2021, le nombre de contentieux a presque doublé ces dernières années : 1 550 contentieux climat en cours dans 38 pays au 1er juillet 2020 (contre 884 en 2017). Citons par exemple, l’affaire portée aux Pays-Bas par l’association Urgenda, dont le jugement de première instance avait été rendu en 2015, mais le 20 décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas, a rejeté l’appel de l’Etat et a confirmé son obligation de réduire de manière urgente et significative les émissions de GES. En France, les deux grands contentieux climat récents sont le contentieux « Grande Synthe » et « l’Affaire du Siècle », portant aussi sur la question de la trajectoire des réductions des émissions de GES à court terme. A ce sujet, le Conseil d’Etat a publié le 7 mai 2021 un décryptage : « Quand la justice administrative rappelle l’État à ses engagements climatiques ».

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