Sommet G7 : fini le G6 contre 1, la déclaration sur le climat a été avalisée par les Sept
Du 11 au 13 juin 2021, s’est tenu le Sommet des dirigeants du groupe des sept pays les plus industrialisés (G7 : Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à Carbis Bay, Cornouailles (sud-ouest de l’Angleterre), sous Présidence britannique. Quatre autres pays (Afrique du Sud, Australie, Corée du Sud et Inde [mais pas la Chine]) ont également été invités à y participer.
Ce sommet fait suite à la réunion des Ministres de l’Environnement du G7 les 20-21 mai 2021 (lire notre article), puis celle des Ministres des Finances du G7 les 4-5 juin 2021. Le sujet climat a figuré parmi les quatre priorités du sommet, et était à l’ordre du jour pour la journée du 13 juin 2021 dans le cadre de la 6e session de travail consacrée au thème “Climat et nature » (voir programme du G7).
Le retour d’une position commune du G7 sur le climat
Après l’arrivée au pouvoir de l’ancien Président des Etats-Unis, Donald Trump, ouvertement climatosceptique et hostile au multilatéralisme, les sommets G7 de sa présidence (2017, 2018 et 2019, celui de 2020 (initialement prévu du 10 au 12 juin, sous présidence américaine justement, ayant été annulé pour cause du Covid-19) ont été caractérisés par un désaccord sur le dossier climat entre le “G6” (Allemagne, Canada, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) et le “G1” (Etats-Unis), soit une configuration “G6 contre G1“. En 2019, le climat n’était pas du tout évoqué dans la déclaration finale des dirigeants du G7, qui se tenait en une seule page. Par ailleurs, M. Trump n’avait pas assisté à la session sur le climat, préférant envoyer son équipe de collaborateurs participer aux discussions.
Le sommet a débouché sur la publication d’une déclaration finale de 25 pages dont cinq consacrées au sujet « Climat et environnement » (voir paragraphes 37 à 43).
Que retenir du G7 sur le volet climat ?
Objectifs
Les dirigeants du G7 s’engagent :
- à accélérer les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et à faire en sorte que l’objectif de +1,5°C demeure atteignable [c’est la première fois que le G7 avalise explicitement cet objectif plus ambitieux de l’Accord de Paris (cf. article 2), en le citant seul, sans citer l’autre objectif moins ambitieux fixé, de +2°C] ;
- à atteindre la neutralité carbone (zéro émission nette) dès que possible et au plus tard en 2050 [engagement déjà pris précédemment], tout en reconnaissant l’importance d’une action forte au cours de la décennie 2020-2030;
- à soumettre, pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait (jusqu’ici, tous les pays membres du G7 l’ont fait sauf le Canada), leur contribution nationale (NDC) renforcée, requis au titre de l’article 4 de l’Accord de Paris, à la CCNUCC avant la COP-26 ;
- à ce que leurs NDC prises collectivement réduisent de moitié environ leurs émissions collectives de GES sur la période 2010-2030 et de plus de 50% sur la période 2005-2030; [à noter que plusieurs pays membres du G7 se sont déjà fixé des objectifs de réduction 2030 plus ambitieux que -50% : Royaume-Uni -68% (base 1990), Allemagne -65% (base 1990), Etats-Unis : -50 à -52% (base 2005). Même si l’UE en tant qu’organisation régionale d’intégration économique n’est pas membre officiel du G7, elle participe toujours (elle est représentée par la Présidente de la Commission européenne et le Président du Conseil européen). Pour ce qui est de la France, la SNBC-2 prévoit, en 2030 (tranche annuelle indicative), une réduction de 47% des émissions (puits de carbone inclus) en 2030 par rapport à 2005 ; et -44% hors puits de carbone.] ;
- à soumettre, d’ici la COP-26, leur stratégie à long terme (long-term strategy ou LTS), conformément à l’article 4 de l’Accord de Paris (jusqu’ici, tous les pays membres du G7 l’ont fait sauf l’Italie), et à les mettre à jour régulièrement en tant que besoin conformément à l’Accord de Paris afin de refléter les derniers progrès scientifiques et technologiques ;
- à suivre une trajectoire d’émissions de GES vers une économie à zéro émission nette.
Actions par secteur émetteur
Les dirigeants du G7 déclarent qu’ils seront les moteurs d’une transition basée sur les technologies vers une économie à zéro émission nette, soutenue par des politiques pertinentes, et accordant la priorité aux secteurs et activités les plus urgents et les plus émetteurs.
Energie
- au niveau national, ils s’engagent à décarboner le secteur de la production d’électricité dans les années 2030 et à mettre en œuvre des actions pour accélérer la réalisation de cet engagement ;
- au niveau international, ils s’engagent à aligner le financement international officiel avec l’objectif mondial de zéro émission nette d’ici 2050 au plus tard ;
- ils élimineront progressivement le soutien public direct aux énergies fossiles à l’international [sans pour autant fixer d’échéance. Jusqu’au Sommet des dirigeants sur le climat (22-23 avril 2021), trois pays finançaient encore la construction de centrales à charbon à l’étranger (Chine, Japon et Corée du Sud) (source : World Resources Institute). Lors de ce Sommet, la Corée du Sud s’est engagée à y mettre fin. Avec le Sommet G7, le Japon, à son tour, s’engage à en faire de même. Reste donc la Chine, seul pays au monde désormais à financer la construction de centrales à charbon à l’étranger. Cependant, ce nouvel engagement du G7 va sans doute mettre la pression sur le Gouvernement de la Chine pour qu’elle suive l’exemple de la Corée du Sud et du Japon];
- ils soulignent que les investissements internationaux à la construction de centrales thermiques au charbon sans captage et stockage du CO2 (CSC) doivent s’arrêter dès maintenant ;
- ils s’engagent à mettre fin, d’ici fin 2021, au soutien public direct nouveau à la production d’électricité à base de charbon à l’international (y compris l’aide au développement international, le financement d’exportations, les investissements,…), conformément aux préconisations de l’AIE dans son scénario zéro émission nette 2050;
- ils réaffirment leur engagement à éliminer les subventions inefficaces aux combustibles fossiles d’ici 2025 (voir encadré ci-dessous); et appellent les autres pays à les rejoindre dans leur démarche.
G20 : vers l’élimination des subventions aux combustibles fossiles – déclaration de Pittsburgh… en 2009
C’est le G20 qui avait fixé cet objectif (purement indicatif) pour la première fois en 2009 “à moyen terme” lors du sommet de Pittsburgh (Etats-Unis) les 24-25 septembre 2009 (voir déclaration § 24). Cet objectif a ensuite été repris trois fois par le G7 : 2014, 2015 (voir déclaration p.13) et 2016 (voir déclaration p.28), année où c’était la première fois que les dirigeants du G7 ont assorti cet objectif d’une échéance précise, à savoir 2025.
Autres secteurs
- les dirigeants du G7 s’engagent à mettre en œuvre des actions dans d’autres secteurs (transports, industrie, bâtiments, agriculture/forêt,…) mais c’est le secteur de l’énergie où les actions et engagements sont les plus précis.
Financement
- les dirigeants des pays G7 réaffirment l’objectif collectif des pays industrialisés, pris à la COP-21 (Paris, 2015) de mobiliser $ 100 milliard d’ici 2025 de sources publiques et privées pour aider les pays en développement à mettre en œuvre des actions d’atténuation et d’adaptation. [A noter qu’ils n’ont pas apporté de précisions sur la mise en œuvre concrète par les sept pays du G7 en termes de nouvelles contributions concrètes qu’ils comptent fournir, sachant que cet objectif avait été initialement pris il y a presque 12 ans, à Copenhague (2009) et formalisé à Cancún (2010). A la COP-21, les Parties à la CCNUCC se sont mises d’accord pour prolonger cet objectif jusqu’en 2025, data à laquelle un nouvel objectif post-2025 doit être fixé par la Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA) (conformément à la décision 1/CP.21 53)] ;
- à cette fin, les dirigeants du G7 s’engagent chacun à accroître et améliorer leurs contributions globales de financement climat sur cette période et ils appellent d’autres pays développés à renforcer leurs contributions à cet effort collectif ;
- ils appellent les banques multilatérales de développement, les institutions de financement du développement, les fonds multilatéraux et les banques publiques à publier en amont de la COP-26 un plan stratégique assorti d’une échéance à laquelle toutes leurs opérations seront intégralement compatibles avec l’Accord de Paris et notamment avec son article 2.1(c) (voir encadré ci-dessous);
L’objectif 2.1c de l’Accord de Paris
L’article 2.1 de l’Accord de Paris fixe trois objectifs à long terme :
- température : contenir la hausse de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels et en poursuivant l’action menée pour atteindre 1,5°C,
- adaptation: renforcer les capacités d’adaptation et promouvoir la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre,
- financement: rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.
- ils soulignent le besoin de « verdir » le système financier mondial afin que les décisions financières prennent en compte les aspects climat ;
- ils soutiennent l’évolution vers la communication obligatoire d’informations financières liées au climat qui soient cohérentes, utiles pour la prise de décision par les acteurs du marché et basées sur les recommandations du Groupe d’experts international sur les déclarations financières liées au climat (Task Force on Climate-related Financial Disclosures ou TCFD), tout en étant compatibles avec les cadres réglementaires nationaux. La création du TCFD avait été annoncée à la COP-21 le 4 décembre 2015 (voir pp.49-50 de notre dossier de fond sur la COP-21). Le TCFD avait publié ses recommandations le 11 mai 2018 ;
- ils reconnaissent le potentiel de marchés carbone à haute intégrité environnementale et de la tarification carbone pour inciter à des réductions d’émission de GES ayant un bon rapport coût-efficacité ;
- ils soulignent l’importance de la mise en place d’une trajectoire de tarification carbone qui soit équitable et efficace pour accélérer la décarbonation des économies nationales et pour atteindre l’objectif de neutralité carbone [d’ici 2050].
Bilan
Le sommet G7 a constitué une étape clé sur la route vers la COP-26 (1-12 novembre 2021), notamment pour maintenir la nouvelle dynamique politique et diplomatique engagée lors du sommet des dirigeants sur le climat des 22-23 avril 2021.
Grâce à l’arrivée à la Maison Blanche du nouveau Président Joe Biden, qui a adopté une position volontariste en matière de multilatéralisme en général, et spécifiquement en matière de politique et d’action climat nationales et internationales (lire notre article), le G7 connaît un nouvel élan après quatre années difficiles. Ainsi, un « G7 uni » semble bel et bien être de retour sur le front de l’action climat. Selon les reportages de la presse, le Président Biden lui-même, aurait qualifié le sommet « [d’]extraordinairement collaboratif et productif« .
Par contre, sur la question du financement climat, le « nerf de la guerre » des négociations climat au sein de la CCNUCC, seuls trois membres du G7 ont annoncé de nouveaux engagements : le Canada a déclaré qu’il doublerait son financement climat de 2,65 milliards (Md) $ en 2015 pour atteindre 5,3 Md $ au cours des cinq prochaines années ; l’Allemagne a annoncé qu’elle augmenterait sa contribution (4 milliards de €/an en 2020) pour atteindre 6 milliards de €/an au plus tard en 2025 ; et le Japon a annoncé s’être engagé à augmenter sa contribution pour atteindre 6 500 milliards de yen sur la période 2021-2025. Les quatre autres dirigeants n’ont pas annoncé de nouveaux engagements concrets. Des annonces fortes en ce sens de l’ensemble des pays du G7 auraient eu comme effet certain de renforcer la confiance entre pays en développement et pays développés, condition préalable à une COP-26 réussie. En effet, sans progrès tangibles, crédibles et rapides vers la réalisation intégrale de l’objectif des 100 Md$, les négociations à la COP-26 risquent de bloquer.
En savoir plus
La déclaration finale du sommet G7
La déclaration du Président britannique de la COP-26, Alok Sharma, au terme du sommet G7 « La route vers la COP-26 »
Carbon Brief (2021). G7 climate laws ‘cut emissions by 1.3bn tonnes in 2019’, 8 juin 2021 (note d’analyse de l’impact de la législation et de la réglementation « climat » des pays du G7 sur leurs émissions de GES). Consulter