SEQE : la Commission a publié le nombre total de quotas en surplus en 2020
Le SEQE est le marché européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Il fonctionne selon un principe de plafonnement des émissions (emission cap) de GES, qui décroît au fil du temps pour faire baisser le niveau global des émissions. Dans les limites de ce plafond, les entreprises peuvent recevoir gratuitement des quotas d’émissions (selon les règles établies par les règlements (UE) 2019/331 et 2019/1842) et/ou acheter des quotas d’émissions aux enchères sur le marché, afin de couvrir leurs émissions de CO2 équivalent (CO2e). En effet, les entreprises sont tenues, chaque année, de restituer autant de quotas qu’elles n’ont d’émissions de CO2e. Elles peuvent vendre les quotas dont elles n’auraient pas besoin ou acheter les quotas requis. Chaque quota d’émission équivaut à une tonne de CO2 équivalent (tCO2e).
Sur le principe, l’objectif du SEQE est donc de limiter le nombre de quotas disponibles et donc d’obliger progressivement les entreprises concernées à réduire, collectivement, leurs émissions. Or, pour des raisons historiques et économiques, il y a actuellement un surplus de quotas. Le nombre de quotas dit « en circulation » peut être interprété comme étant le nombre de quotas qui n’ont pas été restitués pour couvrir les émissions vérifiées depuis le début de la phase II (2008-2012), et qui sont donc disponibles sur le marché. C’est ce surplus en circulation qui a été publié, le 17 mai 2021, par la Commission européenne. En 2020, selon cette communication (communication 2021/C 187/02, JOUE C 187) le nombre de quotas en circulation dans le cadre du système d’échange de quotas d’émissions de CO2e en 2020 s’élève à 1,58 milliard de quotas. Ce surplus est en hausse par rapport à 2019 (1,38 milliard, source : Commission européenne, 13/05/2020 – lire notre article). L’une des raisons pouvant expliquer l’augmentation du nombre de quotas en circulation peut être la baisse d’activité au niveau européen due à la pandémie de Covid-19, qui a entraîné une baisse des émissions (-209,9 millions de tonnes de CO2e en 2020 par rapport à 2019) et donc une baisse du nombre de quotas restitués.
Ce chiffre est calculé en soustrayant la demande en quotas et le nombre de quotas placés dans la Réserve de Stabilité du Marché (Market Stability Reserve ou MSR – voir encadré ci-dessous) à l’offre totale de quotas (voir tableau ci-dessous).
Récapitulatif des paramètres pour le calcul du nombre de quotas en circulation en 2020 (en tCO2e)
Source : Communication 2021/C 187/02, JOUE C 187 (p.7).
Ce surplus a tendance à tirer le prix des quotas vers le bas, rendant le mécanisme peu incitatif pour investir dans des solutions de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour atténuer ce problème, la réserve de stabilité du marché (MSR) a été créée (décision (UE) 2015/1814 – lire notre brève sur le sujet) afin de pouvoir contrôler et d’ajuster la quantité de quotas disponibles. En 2020, plus de 1,9 milliard de quotas se trouvent dans cette réserve.
Comment fonctionne la réserve de stabilité du marché ?
La MSR, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019, est un outil qui fonctionne automatiquement lorsque le nombre total de quotas en circulation se situe en dehors d’une fourchette prédéfinie :
Surplus supérieur à 833 millions [cas actuel (voir plus haut)]
Des quotas sont ajoutés à cette réserve si le surplus dépasse le seuil de 833 millions : durant les huit premiers mois de fonctionnement de la MSR [1er jan. au 31 août 2019], 16% de ce surplus sera automatiquement retiré du marché, puis 24% par an jusqu’au 31 déc. 2023 et 12% par an de 2024 à 2030.
Surplus entre 400 et 833 millions
Si le surplus est compris entre 400 et 833 millions et si pendant au moins six mois consécutifs le prix est équivalent à trois fois le prix moyen sur les deux dernières années, 200 millions de quotas par an seront transférés de la MSR vers le marché jusqu’au 31 déc. 2023, puis 100 millions par an de 2024 à 2030.
Surplus inférieur à 400 millions
Les quotas sont prélevés de la réserve si le surplus est inférieur à 400 millions : un maximum de 200 millions de quotas par an seront injectés sur le marché jusqu’au 31 déc. 2023, puis 100 millions par an de 2024 à 2030.
La publication du nombre total de quotas en circulation constitue donc la base du fonctionnement de la MSR.
(Sources : directive 2018/410 (art.2) et décision 2015/1814, art.1er).
La Commission indique dans sa communication que conformément aux règles de fonctionnement de la MSR (voir encadré ci-dessus), sur la période de 12 mois comprise entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2022, un total de 378 905 382 quotas seront retirés du marché et placés dans la MSR.
La prochaine publication interviendra en mai 2022 et déterminera les quotas à placer dans la MSR entre septembre 2022 et août 2023.
Forte augmentation du prix du quota
En 2020, suite à la pandémie du Covid-19, le prix du quota d’émission de CO2e sur le marché carbone de l’UE avait fortement baissé. Ainsi, après le 19 février 2020 (25,66 €/tCO2e), il avait chuté de 41% pour atteindre 15,24 €/tCO2e le 18 mars 2020, niveau le plus faible sur un an. Le prix a par la suite fluctué, entre 30,77 € le 14 septembre 2020 et 23,21 € le 28 octobre 2020. Depuis, le prix du quota est progressivement monté en flèche, dépassant même la barre symbolique des 50 € le 7 mai 2021 (50,45 €). Jamais ce prix n’avait dépassé 30 € pendant les 15 premières années de fonctionnement du SEQE. Le prix maximum (constaté jusqu’au 3 juin 2021) a été atteint le 14 mai 2021, avec 56,65 € par quota (Source : Ember, Carbon price viewer).
Cette forte hausse entre le 28 octobre 2020 et le 7 mai 2021 (plus du double du prix) s’explique en premier lieu par le renforcement de l’objectif de réduction des émissions de GES pour 2030 (-55% au lieu de -30% [par rapport aux niveaux de 1990], objectif approuvé par le Conseil Environnement le 17 décembre 2020) et l’annonce de la Commission européenne de son prochain paquet climat dit « adapté aux 55% » (« fit for 55« ). En effet, la Commission prévoit de présenter, le 14 juillet 2021 (et non, comme elle l’avait initialement prévu, en juin 2021) un « paquet » politique et législatif visant à adapter les différents textes législatifs européens au nouvel objectif plus ambitieux de -55%, afin de concrètement mettre en œuvre ce nouvel objectif. Ce futur paquet sera composé de plusieurs documents politiques et de propositions législatives, et notamment d’une proposition de directive adaptant la directive Quotas (2003/87/CE modifiée en dernier lieu par la directive 2018/410 qui a établi les règles de fonctionnement pour la 4e phase (2021-2030). Dans son étude d’impact initial (inception impact assessment) sur la future proposition de directive, publiée le 29 octobre 2020, la Commission a indiqué qu’elle envisageait d’étendre le périmètre à des secteurs actuellement non couverts (transport routier, bâtiments résidentiels et tertiaires) et qu’elle comptait également passer en revue la réserve de stabilité du marché afin de traiter les quotas d’émissions non utilisés.
Pour les participants au SEQE (exploitants d’installations de production d’électricité, de l’industrie manufacturière et d’avions), ce nouvel objectif de -55%, le nouvel objectif de neutralité climatique (zéro émission nette de GES) d’ici 2050 (approuvé par le Conseil Environnement le 23 octobre 2020) et ces annonces constituent des signaux clairs d’une diminution plus rapide de l’offre de quotas dans le SEQE dans les années à venir. Ainsi, avec les nouvelles règles de fonctionnement du SEQE que va proposer la Commission le 14 juillet 2021 (qui devront néanmoins être avalisées et formellement adoptées sous forme de directive par les deux co-législateurs [Conseil de l’UE et Parlement européen]), le nombre de quotas est amené à diminuer, ce qui, selon la loi de l’offre et de la demande, fera augmenter le prix du quota.
Au 3 juin 2021, le prix du quota dans le SEQE était de 50,24 €.
SEQE : évolution du prix du quota d’émission de GES entre le 03/06/2020 et le 03/06/2021 (en €/tCO2)
Source : Ember, Carbon price viewer, 04/06/2021.
En savoir plus
La communication de la Commission
La page du site de la DG CLIMA consacrée au SEQE
(Rédaction : Etienne Feutren, équipe Quotas + Mark Tuddenham/Colas Robert)