SEQE : baisse de 13,3% des émissions de GES en 2020, Covid-19 oblige (données provisoires)
La Commission européenne a rendu publiques, le 15 avril 2021, les données vérifiées provisoires d’émissions de gaz à effet de serre (GES) déclarées pour 2020 des quelque 11 000 installations fixes, ainsi que des 500 compagnies aériennes assurant des vols à destination et au départ des aéroports situés dans l’UE, relevant du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES) dans l’UE-27 (+ Royaume-Uni [voir encadré ci-dessous], Norvège, Liechtenstein et Islande). A ce stade, il s’agit de données vérifiées mais qui restent brutes, incomplètes et donc préliminaires.
Le SEQE et le Royaume-Uni
Conformément à l’article 96 de l’accord de retrait entre l’UE et le Royaume-Uni (conclu le 17 octobre 2019), celui-ci a continué de participer au SEQE-UE en 2020, et les entreprises opérant une activité économique assujettie au SEQE-UE en lien avec le Royaume-Uni doivent remplir leurs obligations de conformité au titre de leurs émissions pour l’année 2020, à savoir vis-à-vis des autorités britanniques :
– la soumission du Rapport annuel d’émissions vérifiées (échéance 31 mars 2021)
– la restitution de quotas correspondant (échéance 30 avril 2021).
L’accès au registre SEQE britannique est possible pour les comptes des assujettis au SEQE-UE jusqu’au 30 avril 2021, mais son accès après cette date n’est pas garanti. Pour les autres comptes (traders, personnes…), l’accès au registre britannique n’est plus possible depuis le 1er janvier 2021. Depuis cette date, le Royaume-Uni ne met plus de quotas aux enchères au titre du SEQE-UE.
Le Royaume-Uni a lancé son propre SEQE (UK ETS) le 1er janvier 2021 pour remplacer sa participation au SEQE-UE, aligné avec l’objectif britannique de zéro émission nette en 2050. Le SEQE britannique fonctionne comme le SEQE-UE, avec l’allocation de quotas gratuits pour prévenir le risque de fuite de carbone, basée sur des référentiels, un plafond à respecter et la mise en place d’un système de MRV (suivi, rapportage et vérification), avec vérification indépendante.
L’accord de coopération UE-Royaume-Uni, conclu le 24 décembre 2020, prévoit que ces deux Parties coopèrent en matière de tarification du carbone. A l’instar de l’accord UE-Suisse du 10 novembre 2017 visant à relier leurs SEQE respectifs (lire notre article), l’UE et le Royaume-Uni ont convenu « d’examiner sérieusement » la possibilité de relier leurs SEQE respectifs (voir article 7.3) d’une manière qui préserve l’intégrité de ces systèmes et prévoit la possibilité d’accroître leur efficacité, par exemple en ajoutant des secteurs supplémentaires, tels que les bâtiments (option d’ores et déjà envisagée par l’UE). Ce point doit faire l’objet d’un accord qui sera négocié de manière distincte à l’avenir.
Enfin, le 14 avril 2021, plus de 40 fédérations industrielles britanniques et européennes ont adressé une lettre à la Présidente de la Commission européenne (voir lettre) et au Premier Ministre britannique (voir lettre), les exhortant à relier les deux SEQE « dès que ce sera praticable« . Selon les auteurs des lettres, un accord pour relier les deux SEQE en amont de la reprise des négociations de la CCNUCC à la COP-26 montrerait notamment l’engagement de l’UE et du Royaume-Uni vis-à-vis de l’article 6 de l’Accord de Paris (mécanismes de marché), dont la finalisation des règles de mise en œuvre est toujours en suspens depuis la COP-25 faute de consensus parmi les Parties.
Pour en savoir plus sur les aspects concernant l’air et le climat de l’accord de coopération UE-Royaume-Uni du 24 décembre 2020, lire notre article : « Accord de coopération UE-UK post-Brexit : quelles conséquences pour les politiques air et climat ? » publié le 18 février 2021.
En 2020, les émissions vérifiées de GES provenant des installations fixes relevant du SEQE (installations de production d’électricité et industrie manufacturière, hors aviation donc) ont enregistré une baisse de 11,2% pour atteindre 1 331 Mt CO2e par rapport à 2019. Les installations de production d’électricité ont vu leurs émissions de GES baisser de 14,9%, du fait notamment d’une réduction de consommation d’électricité en raison de la pandémie de Covid-19, mais aussi suite aux mesures de réduction mises en œuvre dans ce secteur ces dernières années (substitution du charbon par le gaz naturel et/ou les énergies renouvelables). Il convient de rappeler que ce secteur avait enregistré une baisse semblable (-15%) en 2019 par rapport à 2018. Les émissions de GES du secteur de l’industrie manufacturière ont quant à elles diminué de 7% en moyenne. C’est le secteur de la sidérurgie qui a enregistré la plus forte baisse (-11,7%), suivi des raffineries (-8,1%), de la production de ciment (-5,1%) et des produits chimiques (-4%). La Commission souligne néanmoins qu’à ce stade, sur la base des données d’émission actuelles, il n’est pas possible de déterminer la part de ces réductions qui peut être attribuée à des gains obtenus par des techniques de réduction.
En raison notamment des restrictions de mobilité mises en place par les pays européens pour endiguer la propagation du Covid-19, les émissions vérifiées de GES du secteur de l’aviation ont connu une très forte baisse, -64,1%, pour s’élever à 24,5 Mt CO2e en 2020 (contre 68,2 Mt CO2e en 2019). La Commission insiste de nouveau sur le fait qu’à ce stade, sur la base des données d’émission actuelles, il n’est pas possible de déterminer la part de cette réduction qui peut être attribuée à des gains obtenus par des techniques de réduction.
Tous opérateurs relevant du SEQE confondus (installations fixes et aviation), une baisse globale de 13,3% des émissions de GES est observée en 2020 (contre une baisse globale de 8,7% en 2019).
Les données brutes d’émission de GES des installations du SEQE ont été mises en ligne le 1er avril 2021 sur le site du registre de transactions de l’UE (EUTL) de la DG CLIMA.
La Commission publiera d’ici le 15 mai 2021 les données définitives relatives à 2020.
Bilan 2020 du SEQE : publication d’un rapport réalisé par plusieurs centres de réflexion
Le 14 avril 2021, un bilan du fonctionnement du SEQE en 2020 a été conjointement publié par plusieurs centres de réflexion européens : Table ronde sur le changement climatique et une transition durable (European Roundtable on Climate Change and Sustainable Transition ou ERCST), EcoAct, le Centre Wegener pour le climat et la transition mondiale (Wegener Center für Klima und Globalen Wandel, Université de Graz, Autriche) et Bloomberg NEF. Il s’agit du 6e rapport annuel à l’intention des décideurs et des parties prenantes qui fait état de la situation de l’année précédente (avril 2020-avril 2021).
Que retenir du nouveau rapport ?
Efficacité environnementale du SEQE :
- les émissions de CO2 des installations relevant du SEQE ont baissé de 10,6% en 2020 (par rapport à 2019) contre 9,6% en 2019. Plus précisément, elles ont diminué de 13,9% dans le secteur de la production d’électricité et de 7,3% dans l’industrie manufacturière en 2020,
- en 2020, les émissions de CO2 ont diminué près de 4,2 fois plus vite que ce que la législation exigeait pour le respect du plafond d’émissions, ce qui représente la baisse la plus importante depuis 2013,
- les secteurs pour lesquels des données d’émission sont disponibles ont montré des améliorations annuelles de l’intensité en carbone limitées, comme les secteurs du verre, des métaux, du raffinage et du papier avec une tendance au cours de la phase 3 (2013-2020) largement stable,
- le SEQE a atteint son objectif de réduction d’émissions de la phase 3 (-21% d’émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2005) dès 2014. Au total, les émissions du SEQE ont diminué de -42,2 % entre 2005 et 2020,
- au-delà de 2020, l’objectif de réduction du SEQE fixé à – 43 % d’émissions de CO2 pour 2030 (base 2005) ne sera pas suffisant pour que l’UE atteigne son ambition climatique à long terme de neutralité carbone d’ici 2050.
Fonctionnement du SEQE en 2020 :
- en 2020, malgré la forte baisse des émissions vérifiées, l’offre est restée inférieure à la demande en raison du retrait de 354 millions de quotas (EUA) par la MSR (Réserve de Stabilité de Marché), conduisant à un montant de quotas en circulation de 1 266 millions,
- avec un prix du CO2 évoluant dans une fourchette de 16 €/t CO2 à 35 €/t CO2, le SEQE a révélé en 2020 un niveau de prix du carbone jamais observé depuis près d’une décennie. L’année 2021 a même débuté avec un prix du carbone supérieur à 40 €/t CO2,
- en 2020, les volumes de transactions de quotas CO2 ont augmenté de 22% par rapport à 2019. Les volumes échangés ont atteint 2,74 milliards au 4e trimestre de 2020, le deuxième plus élevé depuis 2011,
- il y a un fort consensus parmi les analystes de marché qui ont révisé leurs prévisions de prix pour la période 2021-2030 à la hausse, en estimant un niveau entre 70 €/t CO2 et 105 €/t CO2 en 2030.
(Source : EcoAct, 15 avril 2021).
A noter enfin que cette publication ne constitue pas le rapport officiel sur le fonctionnement du SEQE. Depuis 2012, la Commission a publié son propre bilan sept fois à l’attention du Parlement européen et du Conseil et ce, en application des dispositions de l’article 10, paragraphe 5, et de l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE modifiée établissant le SEQE (voir version consolidée). L’objectif de ce rapport de la Commission est de faire le point chaque année sur l’évolution du marché européen du carbone, comme le prévoit la directive de la directive 2003/87/CE modifiée. Le 7e et dernier rapport a été publié le 18 novembre 2020. Voir tous les rapports de la Commission (rubrique Carbon market reports).
En savoir plus
Voir la page du site de la DG CLIM (rubrique Reports, vers le bas de la page) où est téléchargeable le fichier Excel avec les émissions vérifiées de GES des installations du SEQE en 2020 (données brutes)
Voir le communiqué de la Commission
Voir la page de la DG CLIMA consacrée au SEQE