Le puits de carbone des océans perturbé par la pêche industrielle
Le 17 mars 2021 est paru un article scientifique dans la revue internationale Nature sur l’impact que pourrait avoir la protection des océans (via la mise en place d’aires marines protégées) sur la biodiversité, sur les rendements de la pêche mais aussi sur les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le rôle des océans dans le changement climatique
Les océans jouent un rôle central dans le système climatique global :
D’une part, ils participent à séquestrer du CO2 hors de l’atmosphère. En effet, ils participent activement au cycle du carbone, et une importante partie des émissions de CO2, des activités humaines vers l’atmosphère, sont ensuite recaptées par les océans, en plus de la biosphère. D’après le rapport spécial du Giec sur les Océans et la cryosphère (2019), les océans ont absorbé plus de 90% de la chaleur excédentaire du système climatique, et ils ont absorbé 20 à 30% des émissions anthropiques de CO2 depuis les années 1980, ce qui a entraîné son acidification.
D’autre part, ils constituent un important stock de carbone. Tout comme les sols et la biomasse terrestre, les fonds marins et la biomasse sous-marine contiennent des quantités de carbone. Les sédiments marins constitueraient même le plus grand réservoir de carbone organique de la planète : lorsqu’ils ne sont pas perturbés, ce carbone peut rester stocké plusieurs milliers d’années.
Les flux de carbone liés à la perturbation des fonds marins par la pêche industrielle
Or, comme le montrent les auteurs de l’étude parue en mars 2021, la perturbation des fonds marins par les engins de pêche industrielle entraîne la reminéralisation de ce carbone, détériore ces stocks et génère donc des flux de carbone, des fonds marins vers l’océan. Les auteurs concluent ainsi qu’entre 2016 et 2019, 1,3% de l’océan (4,9 millions de km²) est perturbé par la pêche au chalut, entraînant des flux estimés à 1,47 Gt (Pg) de CO2 par an – le flux étant le plus forte la première année concernée. Ce flux annuel représenterait entre 15 et 20% du flux de CO2 capté chaque année par les océans. Même si l’incertitude est forte quant à la part de ce flux restant dans l’océan et la part allant dans l’atmosphère, l’effet de cette hausse du carbone dans les océans pourrait aussi affaiblir ce rôle de puits de carbone.
L’éclairage du Citepa
Le carbone bleu, les océans et les émissions liées à la pêche dans l’inventaire national
L’inventaire national d’émissions de GES, mis à jour chaque année par le Citepa pour le Ministère de la Transition écologique comptabilise les émissions et les absorptions anthropiques de GES.
Les émissions et absorptions des terres gérées (forêt, cultures, prairies, zones artificialisées…), liées aux flux de carbone dans les sols et la biomasse, sont comptabilisées dans le secteur de l’Utilisation des Terres, des Changements d’Utilisation des Terres et de la Forêt (UTCATF). En France, tout le territoire terrestre est considéré comme « géré » au sens du Giec, y compris à des fins de conservation. Néanmoins, seules les surfaces terrestres sont concernées. Le « carbone bleu », c’est-à-dire l’ensemble des flux et des stocks de carbone dans les mers et océans (dans l’eau, dans les fonds marins, dans la biomasse marine), n’est pas estimé ni comptabilisé dans l’inventaire national.
Les émissions directes liées à la pêche, comme la combustion de combustibles fossiles des bateaux de pêche, sont quant à elles bien comptabilisées dans l’inventaire national, dans le secteur des Transports.
En savoir plus
Sala, E., Mayorga, J., Bradley, D. et al. Protecting the global ocean for biodiversity, food and climate. Nature (2021). 17 mars 2021. Consulter