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Mise en œuvre des directives européennes sur la qualité de l’air : nouveau rapport du Parlement européen

  • Réf. : 2021_03_a09
  • Publié le: 31 mars 2021
  • Date de mise à jour: 12 septembre 2024
  • UE

Le 25 mars 2021, après un débat la veille, le Parlement européen (PE), réuni en plénière, a adopté une résolution (non contraignante), sur la base d’un rapport d’initiative [réf. 2020/2091(INI)] sur la mise en œuvre des deux principaux actes législatifs européens relatifs à la qualité de l’air, à savoir les directives 2008/50/CE et 2004/107/CE (voir encadré ci-dessous et lire notre éclairage sur les rapports d’initiative du PE). Le rapport a été approuvé par 425 voix pour, 109 contre et 153 abstentions.

La législation européenne sur la qualité de l’air et les rapports de mise en œuvre précédents établis par le PE

La législation européenne en matière de qualité de l’air est constituée de quatre actes législatifs dont deux directives qui établissent les règles de surveillance, de gestion et d’évaluation de la qualité de l’air pour les 13 polluants réglementés, y compris les normes de qualité de l’air qui leur sont applicables (valeurs limites de concentration, valeurs cibles, objectifs de qualité,…) :

  • directive 2008/50/CE (SO2, NO2 et NOx, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone) qui a remplacé plusieurs anciennes directives en la matière (la directive cadre 96/62/CE et les directives « filles » 1999/30/CE, 2000/69/CE et 2002/3/CE) ;
  • directive 2004/107/CE (arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P)),
  • décision 2011/850/CE (modalités d’application de la directive 2008/50/CE),
  • directive (UE) 2015/1480 (modifiant plusieurs annexes des deux directives de base [méthodes de référence, validation des données, emplacement des points de prélèvement,…]. Voir version consolidée de la directive 2008/50/CE modifiée par la directive (UE) 2015/1480).

 

Ces dernières années, plusieurs rapports sur la mise en œuvre de la législation « air » de l’UE ont été publiés :

  • Parlement européen (2021): rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la politique air de l’UE (en particulier des deux directives 2004/107/CE et 2008/50/CE) et de la directive dite IED (directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles), publié le 18 janvier 2021 par le Service recherche (EPRS) du PE (lire notre article). Ce rapport vise à nourrir la réflexion des eurodéputés dans le cadre des travaux de révision de ces deux directives « air » et des travaux de révision de la directive IED,
  • Parlement européen (2020): rapport, publié en mai 2020, sur la mise en œuvre des directives « qualité de l’air » (Rapport n°2020/2091(INI) de la Commission Environnement du PE).
  • Commission européenne (2020): étude d’impact initiale, publiée en décembre 2020, en amont d’une consultation pour la révision de la législation européenne relative à la qualité de l’air (lire notre article).
  • Commission européenne (2019): évaluation (dite “fitness check“) de l’efficacité de la législation de l’UE sur la qualité de l’air dans le cadre du examen de la politique air de l’UE : en 2005, puis en 2011-2013, et de nouveau en novembre 2019 (lire notre article).
  • Cour des Comptes européenne (2018) : audit approfondi de la politique « qualité de l’air » de l’UE et notamment de la directive 2008/50/CE, publié en septembre 2018 (lire notre article).

A noter enfin que le Sénat a également publié en juillet 2017 un rapport sur la mise en œuvre des directives qualité de l’air de l’UE en France (lire notre article).

 

Exposé des motifs

Le PE part d’un constat qu’au cours de la période 2000-2018, l’UE a connu une réduction générale de ses émissions de polluants atmosphériques grâce aux politiques de l’UE (lire notre article), avec pour conséquence un découplage significatif entre émissions et activité économique.

Lire notre article « Polluants atmosphériques : les objectifs 2020 de la directive NEC en bonne voie d’être atteint », publié le 31 mars 2021

Toutefois, la qualité de l’air ne s’est pas améliorée dans une même mesure, elle a toujours de graves répercussions sur la santé humaine et l’environnement, et des efforts supplémentaires doivent être consentis pour garantir la santé des citoyens et de l’environnement en Europe (lire notre article). Le PE rappelle également que les polluants les plus nocifs pour la santé humaine sont les PM10 et PM2,5, le dioxyde d’azote (NO₂) et l’ozone troposphérique (O3).

Les directives de l’UE sur la qualité de l’air ambiant ont permis d’établir des normes européennes communes en matière de qualité de l’air et de faciliter la collecte et l’échange d’informations sur la qualité de l’air, mais plusieurs États membres ne respectent pas pleinement ces normes en matière de qualité de l’air, ou ils n’ont pas pris suffisamment de mesures pour limiter au minimum les dépassements.

Lire notre article « Dépassement des valeurs limites de PM10 et de NO2 : la Commission renvoie la Slovaquie devant la CJUE et somme la Belgique, la Tchéquie et la Pologne de respecter ces valeurs limites« , publié le 19 février 2021.

Lire notre article « NO2 : la Commission demande formellement à la France d’exécuter l’arrêt de la CJUE sur le non-respect de la directive sur la qualité de l’air dans 12 zones« , publié le 4 décembre 2020

Lire notre article « Après le NO2, les PM10 : la France de nouveau saisie devant la CJUE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air« , publié le 10 novembre 2020

Les directives sur la qualité de l’air ambiant constituent la troisième génération de mesures de l’UE en la matière depuis le début des années 1980, et elles ont hérité de normes qui remontent à 15-20 ans, dont la plupart sont moins strictes que les valeurs guides de l’OMS. C’est le cas des PM2,5 : en 2018, par exemple, 4% de la population urbaine de l’UE a été exposée à des niveaux supérieurs à la valeur limite de concentration annuelle de l’UE (25 µg/m3), mais si l’on se réfère à la guide valeur de l’OMS (10 µg/m3), cette proportion s’élève à 77% (lire notre article).

Normes de qualité de l’air : comparaison des valeurs limites de concentration (VLC) de l’UE
(directive 2008/50/CE) et des valeurs-guides de l’OMS

Légende : a : VLC contraignante (article 13, annexe XI.B). b : VLC contraignante (article 16, annexe XIV.E).c : valeur cible contraignante (article 17, annexe VII.B).

 

Renforcer le réseau de surveillance de la qualité de l’air

L’UE a mis en place un réseau de surveillance de la qualité de l’air comprenant plus de 4 000 stations de surveillance et 16 000 points de prélèvement sur la base des critères définis par les directives sur la qualité de l’air ambiant, mais, selon le PE, les dispositions qui régissent l’emplacement des stations de surveillance permettent un certain degré de flexibilité, ce qui peut avoir une incidence sur les mesures et la pertinence des données fournies. À cet égard, le PE invite la Commission à renforcer les obligations prévues par les directives afin de garantir que les États membres effectuent des mesures de la qualité de l’air à des emplacements appropriés et près des sources d’émission, et que les données collectées fournissent des informations sur les lieux où se produisent les concentrations de polluants atmosphériques les plus élevées.

 

Renforcer les mesures de réduction des émissions visant les principales sources émettrices

Force est de constater que non seulement la plupart des États membres ne respectent pas les normes en matière de qualité de l’air, mais ils ne tiendront pas non plus les engagements de réduction des émissions de polluants établis par la directive NEC 2 relative à la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (directive (UE) 2016/2284) (lire notre dossier de fond sur le bilan provisoire de la mise en œuvre de cette directive). Le PE insiste sur la nécessité de prendre des mesures strictes visant les principales sources émettrices de polluants atmosphériques, en particulier pour les transports (notamment les transports routiers et maritimes, et l’aviation), les installations industrielles, l’agriculture et la production d’énergie.

Lire notre article « Bilan de la qualité de l’air en Europe en 2018 : des valeurs limites toujours dépassées pour les PM10, PM2,5, l’ozone et le NO2« , publié le 3 décembre 2020.

 

Renforcer les plans relatifs à la qualité de l’air

Les plans relatifs à la qualité de l’air sont une exigence essentielle prévue par les directives sur la qualité de l’air ambiant dans le cas où un État membre ne respecte pas les normes en matière de qualité de l’air, mais ces plans ont démontré leur inefficacité pour produire les résultats escomptés dans la plupart des cas. Le PE demande donc à la Commission de prendre des mesures visant à améliorer l’élaboration et la mise en œuvre de ces plans, en établissant un ensemble d’exigences minimales et le partage des meilleures pratiques.

 

Que retenir du rapport ?

Parmi ses recommandations, le PE :

  • insiste sur la nécessité de mettre à jour les normes de l’UE en matière de qualité de l’air dès que les nouvelles valeurs-guides de l’OMS seront disponibles (en cours de révision, leur publication est imminente). Il souhaite la mise en place d’une obligation de réexamen périodique des normes sur la base des données scientifiques et techniques les plus récentes afin de les aligner sur les valeurs-guides de l’OMS régulièrement mises à jour ;
  • invite la Commission à prendre également en considération les seuils critiques les plus récents pour la protection des écosystèmes établis par la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (sous l’égide de la CEE-NU) ;
  • estime que les normes révisées en matière de qualité de l’air et les exigences en matière de surveillance devraient couvrir également d’autres polluants non réglementés ayant des incidences négatives démontrées sur la santé et l’environnement dans l’UE, tels que les particules ultrafines, le carbone suie, le mercure et l’ammoniac ;
  • constate que la grande majorité des procédures d’infraction lancées par la Commission européenne jusqu’à présent concernent des dépassements des VLC, ce qui montre que celles-ci sont l’élément de la directive sur la qualité de l’air ambiant dont l’application est le plus facilement contrôlable [à noter surtout que les VLC pour le SO2 et les PM10 auraient dû être respectées depuis 2005, les VLC pour le NO2 et la valeur cible pour l’O3 depuis 2010, et enfin la VLC pour les PM2,5 depuis 2015 – voir tableau ci-dessus] ;
  • signale qu’en février 2021, 31 procédures d’infraction à l’encontre de 20 États membres étaient toujours en cours concernant la mise en œuvre des directives sur la qualité de l’air ambiant ; constate que certaines de ces procédures sont en cours depuis 2009 (par exemple, celle contre la France pour non-respect des valeurs limites de concentration des PM10) et que, malgré ces procédures, les dépassements des niveaux de concentration de polluants continuent de se produire. Il estime que le non-respect persistant et systémique des normes de qualité de l’air par les États membres témoigne de l’absence d’effet des procédures de contrôle de l’application actuelles ; et presse la Commission de revoir ces procédures pour les directives sur la qualité de l’air ambiant ;
  • invite la Commission à proposer de remplacer les valeurs cibles actuelles (O3, As, Cd, Ni et BaP) par des valeurs limites ;
  • souligne que les normes annuelles peuvent occulter le problème des pics de concentration de certains polluants pour lesquels aucune norme à court terme (journalière ou horaire) n’a été fixée, les PM2,5 en tête (lire notre article) ;
  • demande à la Commission, dans le cadre des propositions pour la révision des directives sur la qualité de l’air ambiant, de réexaminer les règles en matière de localisation des stations de surveillance et des points de prélèvement, et d’en établir de nouvelles règles qui soient obligatoires, telles que la possibilité pour la Commission d’exiger la mise en place de points de surveillance supplémentaires aux endroits nécessaires pour garantir une mesure plus efficace de la pollution atmosphérique, ou encore la fixation d’un nombre minimum de stations de mesure par type de source d’émissions (transport, industrie, agriculture ou résidentiel) ;
  • souligne que les émissions de méthane (CH4) ne sont pas réglementées par la législation de l’UE relative à la pollution atmosphérique et ne sont pas explicitement réglementées par la politique européenne sur le climat ; se félicite de la stratégie de l’UE pour réduire les émissions de CH4 (publiée le 14 octobre 2020) et encourage la Commission à s’attaquer à la réduction des émissions de CH4, notamment celles produites par l’agriculture et les déchets [le CH4 est le 2egaz à effet de serre, après le CO2, en termes d’impact sur le climat, mais il est également un forceur climatique à courte durée de vie (tout comme le carbone suie, l’ozone troposphérique et certaines espèces de HFC), et enfin, un précurseur (polluant primaire) de l’ozone troposphérique (comme les NOx, les COVNM et le CO)] ;
  • relève avec préoccupation que si les émissions de la plupart des polluants atmosphériques maintiennent leur tendance à la baisse dans l’UE, celles d’ammoniac (NH3), notamment celles issues du secteur agricole, continuent d’augmenter, ce qui complique le respect des limites de pollution atmosphérique de l’UE par les États membres. A noter que ce n’est pas le cas en France où les émissions de NH3 sont en baisse (lire notre article). Le PE attire l’attention sur le fait que, dans les zones urbaines, les émissions d’ammoniac sont responsables de près de 50% des répercussions de la pollution de l’air sur la santé, étant donné que l’ammoniac est un précurseur des particules ; il demande à la Commission et aux États membres d’étudier les possibilités d’utiliser la directive relative aux émissions industrielles pour atténuer ces émissions ;
  • est préoccupé par l’absence de contrôle de l’application de la directive NEC 2 ; signale que depuis 2010, aucune procédure d’infraction n’a été ouverte concernant les émissions dépassant les plafonds fixés par cette directive et par la première directive NEC relative aux plafonds d’émission nationaux (directive 2001/81/CE), alors même que trois États membres n’ont jamais déclaré d’émissions de NH3inférieures à leur plafond respectif [la France n’est pas concernée : le plafond 2010 est largement respecté et les émissions 2019 sont inférieures de 3 kt à l’objectif 2020 (lire notre article).

 

Prochaines étapes

Ce nouveau rapport du PE vise à nourrir la réflexion de la Commission dans le cadre de ses travaux de révision de ces deux directives « air ». La Commission prévoit de lancer une consultation publique sur cette révision au 3e trimestre de 2021, puis de présenter une proposition de directive au 3e trimestre 2022. Par ailleurs, la Commission prévoit de publier en mai 2021 un plan d’actions zéro pollution pour les trois compartiments environnementaux de l’air, de l’eau et des sols et ce, dans le cadre du pacte vert pour l’Europe (Green Deal).

 

En savoir plus :

 

Contexte : évaluation des directives « qualité de l’air » 

Les normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration, VLC), aujourd’hui en vigueur dans l’UE, ont été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2002). Dans le cadre du réexamen de la politique « qualité de l’air » de l’UE, elles ont déjà fait l’objet de trois évaluations, en 2005, en 2011-2013 et en 2019 (évaluation de leur efficacité, dite « fitness check » [document de travail de la Commission SWD(2019) 427 final] lire notre article sur le sujet). Ces évaluations, menées sous l’égide de la Commission européenne, n’ont pas mené à une révision de ces normes, malgré le fait que, comme le souligne la dernière évaluation, de 2019, la législation européenne n’a que partiellement atteint l’objectif d’améliorer effectivement la qualité de l’air. Même si les Etats membres ont mis en œuvre des mesures en ce sens, conduisant à réduire le nombre et l’ampleur des dépassements des normes, des dépassements des VLC ont toujours lieu. Ainsi, 20 Etats membres (sur 28) enregistrent des dépassements pour au moins un polluant, et souvent, pour plusieurs (notamment pour les PM10, PM2,5, NO2, ozone et benzo(a)pyrène), dont la France pour le NO2 et les PM10. Selon la Commission, ces dépassements sont notamment dus à l’absence d’actions suffisantes de réduction des émissions au niveau des secteurs émetteurs de polluants (transport, industrie, chauffage, agriculture,…).

Par ailleurs, pointe la Commission dans son évaluation de 2019, les normes européennes de qualité de l’air ne sont pas intégralement alignées sur les recommandations scientifiques internationales bien établies (à savoir les valeurs guides en matière de qualité de l’air de l’OMS, mises à jour en 2005 et en cours de révision) et les normes européennes ne comportent pas de mécanisme explicite pour les ajuster en fonction des progrès techniques et scientifiques.

Le 17 décembre 2020, la Commission européenne a lancé une consultation auprès des parties prenantes (administrations, collectivités, ONG,…) sur la révision de la législation européenne relative à la qualité de l’air (lire notre article) et ce, sur la base d’une étude d’impact initiale, publiée en décembre 2020.

Pour sa part, la Cour des comptes européenne a publié, le 11 septembre 2018, un audit approfondi de la politique “Qualité de l’air” de l’UE, et notamment de la directive 2008/50/CE.

A noter enfin que le 8 janvier 2021, la Commission européenne a publié la 2e édition de son rapport biennal “Perspectives en matière d’air propre” (Clean Air Outlook). Celle-ci évalue les perspectives de réalisation des objectifs de la directive NEC 2 pour 2030 et au-delà, en tenant compte de l’ambition “zéro pollution” prévue par le pacte vert pour l’Europe (Green Deal) et de l’objectif du programme “Air pur pour l’Europe” (2005) de réduire de moitié les incidences de la pollution atmosphérique sur la santé d’ici à 2030 par rapport à 2005.

 

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