Après une forte baisse début 2020 avec la crise du Covid-19, les émissions mondiales de CO2 sont reparties fortement à la hausse (données AIE)
Le 2 mars 2021, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié une note d’analyse sur les tendances en matière d’émissions mondiales de CO2 provenant de la combustion de combustibles fossiles (données 2020). Pour la première fois, l’AIE fournit des données d’émission de CO2 assorties d’une analyse par grand pays émetteur sur une base mensuelle. Cette analyse s’inscrit dans le cadre de son état des lieux annuel des tendances en matière de demande mondiale d’énergie (Global Energy Review), et d’émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie. Que retenir de l’analyse de l’AIE ?
Une diminution historique des émissions de février à avril 2020
En 2020, la pandémie du Covid-19 a conduit à la plus forte baisse annuelle des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie depuis la Seconde Guerre Mondiale en valeur absolue, soit près de -2 Gt CO2 (-5,8%), dont 1 Gt CO2 à la suite d’une plus faible quantité totale de carburant consommée par les transports routier et aérien. Cependant, note l’AIE, cette baisse globale masque d’importants contrastes en fonction de la région et du mois de l’année 2020 (voir analyse mensuelle ci-après).
En effet, la pandémie du Covid-19 et les mesures mises en place pour endiguer sa propagation ont conduit à une forte baisse de la demande mondiale en combustibles fossiles en 2020, notamment en pétrole (-8,6% par rapport à 2019, soit la baisse annuelle la plus importante jamais observée par l’AIE) mais aussi en charbon (-4%).
Un rebond immédiat des émissions … et une accélération en décembre 2020
Selon les dernières données de l’AIE, après avoir atteint leur niveau le plus faible en avril 2020, les émissions mondiales de CO2 ont par la suite connu un rebond important, pour s’élever en décembre 2020 à un niveau supérieur de 2% (soit 60 Mt CO2) à celui de décembre 2019. Les grands pays émetteurs ont été les moteurs de ce rebond en raison de la relance de leurs économies, ce qui a intensifié la demande en énergie et ce, en l’absence de suffisamment de politiques et de mesures en place pour accroître le recours aux énergies faiblement émettrices.
Evolution des émissions mondiales de CO2 par mois en 2020, par rapport à 2019 (en %)
Source : AIE, 02/03/2021
L’évolution en 2020 souligne le défi de réduire les émissions de gaz à effet de serre (dont le CO2), tout en permettant la croissance économique (concept du découplage entre émissions et croissance économique) et la sécurité d’approvisionnement énergétique.
Emissions mondiales de CO2 1990-2020 (en Gt CO2)
Source : AIE, 02/03/2021
Le secteur des transports a connu la plus forte baisse d’émissions de CO2 en 2020
La baisse des activités du transport routier représente 50% de la baisse de la demande mondiale en pétrole et celle des activités aériennes environ 35%.
La baisse des émissions de CO2 dues à la consommation du pétrole dans le secteur des transports représente plus de 50% de la baisse totale des émissions de CO2 au niveau mondial en 2020, les restrictions de mobilité aux niveaux local et international entraînant une baisse de près de 1 100 Mt des émissions de CO2 du secteur, soit une baisse de près de 14% par rapport aux niveaux de 2019 où elles avaient atteint environ 11 400 Mt CO2.
L’aviation international, le secteur le plus durement touché en 2020, a atteint en avril 2020, en termes de vols, un niveau inférieur de 70% à celui du même mois de l’année précédente. Contrairement aux niveaux pré-crise, les émissions de CO2 de l’aviation internationale ont diminué de près de 45%, soit -265 Mt de CO2, sur l’ensemble de l’année 2020, pour atteindre un niveau jamais vu depuis 1999. Cette baisse équivaut à retirer de la circulation environ 100 millions de voitures particulières.
Une accélération de la décarbonation du secteur de la production d’électricité
Le secteur de la production d’électricité a connu une baisse des émissions de CO2 de 3,3% (-450 Mt) en 2020, soit la plus forte baisse jamais observée, tant en valeur absolue que relative. Si la pandémie a réduit la demande mondiale d’électricité en 2020, l’accroissement accéléré de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (EnR) a été le principal facteur de réduction des émissions de CO2 du secteur. La part des EnR dans la production mondiale d’électricité est passée de 27% en 2019 à 29% en 2020, soit la plus forte hausse annuelle jamais enregistrée. Au cours des 10 dernières années, l’essor des EnR dans le secteur de la production d’électricité a eu un impact de plus en plus important sur les émissions de CO2 de ce secteur, les émissions de CO2 évitées augmentant en moyenne de 10% chaque année. Malgré le choc de la pandémie, le recours aux EnR a progressé en 2020, avec une hausse de 50% de leur contribution à la réduction des émissions de CO2 du secteur de l’électricité par rapport à 2019.
Des situations contrastées selon les pays
Les économies avancées (« advanced economies« , terme qui englobe l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, la Corée du Sud, Israël, le Japon, la Turquie)(1) ont vu leurs émissions annuelles de CO2 diminuer le plus fortement en 2020 (-10% en moyenne, par rapport à 2019). Inversement, les émissions de CO2 des pays émergents et les pays en développement ont baissé en moyenne de 4% comparativement à 2019.
Chine
Le premier émetteur mondial de CO2 a été le premier pays à subir les impacts de la pandémie. Ainsi, les émissions de CO2 étaient en février 2020 12% plus faibles qu’en février 2019, à la suite de la mise en place des mesures de confinement et de restriction des activités économiques. Sur toute l’année 2020, les émissions de CO2 liées à l’énergie du premier pays émetteur au monde ont augmenté de 0,8% (soit 75 Mt CO2) par rapport à 2019. La reprise économique au cours de l’année 2020 a été le moteur de cette hausse. La Chine a été le premier grand pays à forte économie à sortir de la pandémie et à assouplir les restrictions de mobilité et d’activités économiques. Ceci a conduit à un rebond de ses activités économiques et de ses émissions de CO2 dès avril 2020, conduisant à une hausse de 7% de celles-ci en décembre 2020 par rapport à décembre 2019. Selon l’AIE, la Chine était le seul pays à forte économie qui a connu une croissance économique et une hausse de ses émissions de CO2 en 2020.
Chine : évolution par mois des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2019 (en %)
Source : AIE, 02/03/2021
Inde
Les émissions de CO2 ont baissé de 7% (-160 Mt CO2) en Inde en 2020, contre une hausse moyenne de ces émissions de 3,3%/an de 2015 à 2019. Suite au confinement strict imposé à sa population de presque 1,4 milliard en avril 2020, les émissions de CO2 ont chuté de 40% ce mois-là, comparativement à avril 2019. Il s’agit de la plus forte baisse mensuelle observée par l’AIE en 2020 parmi les grands pays émetteurs. Les émissions de CO2 de la production d’électricité à base de charbon ont diminué de 5% entre 2019 et 2020 suite à une demande d’électricité plus faible. A partir de septembre 2020, à mesure que les activités économiques ont repris, la demande d’énergie est revenue à son niveau de 2019.
Inde : évolution par mois des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2019 (en %)
Source : AIE, 02/03/2021
Etats-Unis :
Dans le deuxième pays émetteur au monde, les émissions de CO2 ont baissé de plus de 10% (près de -500 Mt CO2) en 2020. Le secteur des transports a connu la baisse annuelle la plus forte (-14%) de tous les secteurs. Par contre, sur une base mensuelle, après avoir atteint leurs niveaux les plus faibles de l’année au printemps 2020, les émissions de CO2 ont connu un rebond et en décembre 2020, elles étaient proches de leurs niveaux observés en décembre 2019. Cette évolution s’explique par la reprise économique, des prix de gaz naturel plus élevés et des conditions météorologiques (un hiver plus rigoureux) ayant conduit à un recours accru au charbon à des fins de chauffage.
Etats-Unis : évolution par mois des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2019 (en %)
Source : AIE, 02/03/2021
Union européenne (UE)
Dans l’ensemble de l’UE-27, les émissions de CO2 ont baissé de 10% entre 2019 et 2020 (baisse de 9% en Allemagne, de 11% en France…). L’UE a vu une diminution de plus de 20% de la production d’électricité à base de charbon en 2020 suite à une plus faible demande d’électricité et à une hausse de la production d’électricité d’origine renouvelable. Par conséquent, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité a atteint un niveau record en 2020 (39%, contre 35% en 2019).
UE : évolution par mois des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2019 (en %)
Source : AIE, 02/03/2021
Et en France ?
Le Citepa établit chaque année les émissions annuelles de gaz à effet de serre et polluants atmosphériques de manière détaillée (voir nos différents formats d’inventaires). Ces inventaires d’émissions nationaux, basés sur les recommandations du GIEC et sur des méthodes sectorielles dédiées, permettent d’avoir la meilleure évaluation possible des émissions mais nécessite d’attendre la publication de statistiques annuelles et impose un décalage de plus d’un an entre l’année en cours de publication et l’année de bilan. Pour répondre au besoin de réactivité lié aux enjeux de l’urgence climatique et de qualité de l’air, en particulier en ce moment avec les mesures sanitaires exceptionnelles, le Citepa propose désormais des estimations mensuelles des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques dans l’année en cours. Ce baromètre mensuel des émissions est calculé en cohérence avec les émissions annuelles. Il permet de suivre l’évolution des émissions au fils des mois de l’année en cours, et de comparer les émissions mois à mois avec l’année précédente. Voir baromètre du Citepa.
Des émissions encore en hausse en 2021 ?
Le rebond rapide de la demande d’énergie et des émissions de CO2 fin 2020 porte l’AIE à croire que en 2021, les émissions de CO2 risquent de connaître une forte hausse.
L’évolution réelle de la demande d’énergie et des émissions de CO2 en 2021, et au-delà, dépendra de l’importance que les gouvernements accorderont à la transition énergétique dans le cadre de leurs plans de relance post-Covid-19. Pour éviter un rebond des émissions de CO2, il faut réaliser des changements structurels rapides dans la production et la consommation d’énergie, changements préconisés par l’AIE depuis plusieurs années déjà.
L’AIE publiera justement son prochain Bilan énergétique mondial 2021 (Global Energy Review 2021) en avril 2021. Il examinera les tendances émergentes en 2021 en matière de demande mondiale d’énergie et d’émissions de CO2.
(1) Il s’agit plus précisément des pays membres de l’OCDE (Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Israël, Italie, Japon, Corée du Sud, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Etats-Unis), ainsi que la Bulgarie, la Croatie, Chypre, Malte et la Roumanie.
Voir communiqué et note d’analyse de l’AIE